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Thomas d'Aquin - DePerf.11 - L'amour divin sort celui qui l'aime de son propre être pour être celui qu'il aime

Pour atteindre la perfection de la charité, il n’est pas seulement nécessaire

  • que l’homme écarte les réalités extérieures,
  • mais aussi que, en quelque manière, il s’abandonne complètement lui-même.

Denys dit en effet dans Les noms divins,chap. IV, que l’amour divin produite l’extase (extasim faciens), c’est-à-dire qu’il met l’homme à l'extérieur de lui-même, en ne laissant pas l’homme être lui-même, mais celui qui est aimé.

Paul en lui-même en a montré l'exemple, lorsqu'il dit, en Ga 2, 20 : "Je vis, mais ce n’est pas moi qui vis : c’est plutôt le Christ qui vit en moi", comme s’il estimait que ce n’était pas sa [propre] vie, mais celle du Christ, car, en méprisant ce qui était proprement sien, il était fixé (inhaerebat) totalement dans le Christ.

(DePerf.chap. 11)

Non solum autem necessarium est ad perfectionem caritatis consequendam quod

  • homo exteriora abiciat,
  • sed etiam quodammodo se ipsum derelinquat. 

Dicit enim Dionysius, 4 cap. De divinis nominibus, quod divinus amor est extasim faciens, id est hominem extra se ipsum ponens, non sinens hominem sui ipsius esse, sed eius quod amatur.

Cuius rei exemplum in se ipso demonstravit Apostolus dicens ad Gal. II, 20 Vivo ego, iam non ego, vivit vero in me Christus, quasi suam vitam non suam aestimans, sed Christi; quia quod proprium sibi erat contemnens, totus Christo inhaerebat.

 


"inhaerebat" : haereo signifie déjà "être attaché à", "adhérer à" ; le préfixe "in" ajoute une indication sur la manière dont se fait cet attachement, il se fait à l'intérieur. Dans la Somme, Thomas emprunte à Denys l'un des effets de l'amour qui est l'inhésion en la personne aimée. Lorsqu'on l'aime, on existe en ce qu'on aime, cf. I.q28a2. 

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Thomas d'Aquin - Le plaisir, par soi, n'est pas dans le temps

  • Être un homme, par exemple, n'implique essentiellement rien de successif, car ce n'est pas un mouvement, mais le terme d'un mouvement, ou d'un changement, qui est la génération de cet homme ;
  • cependant, parce que l'être humain est soumis à des causes qui le font changer, on dit encore que le fait d'être homme est dans le temps. 

Nous dirons ainsi que

  • la délectation, par soi, n'est pas dans le temps ; car elle existe dans le bien possédé, qui est comme le terme du mouvement.
  • Mais si ce bien possédé est soumis au changement, la délectation sera dans le temps par accident.
  • En revanche, si le bien est absolument immuable, le plaisir ne sera dans le temps ni par soi ni par accident.

(Somme, Ia-IIae, q31.a1.ad2)

  • Sicut esse hominem de sui ratione non habet successionem, non enim est motus, sed terminus motus vel mutationis, scilicet generationis ipsius,
  • sed quia humanum esse subiacet causis transmutabilibus, secundum hoc esse hominem est in tempore.

Sic igitur dicendum est quod

  • delectatio secundum se quidem non est in tempore, est enim delectatio in bono iam adepto, quod est quasi terminus motus.
  • Sed si illud bonum adeptum transmutationi subiaceat, erit delectatio per accidens in tempore.
  • Si autem sit omnino intransmutabile, delectatio non erit in tempore nec per se, nec per accidens.

Commentaire : 

1. Esse hominem : Être homme n'est pas être un homme, gros problème de traduction. D'un côté c'est ce qu'est l'homme, de l'autre on inclut son existence réelle.

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