Thomas d'Aquin - La peur provoque une dépression de l'âme
La crainte ajoute à la fuite (...) une certaine dépression de l'âme à cause d'un mal difficile [à repousser]. (Somme, Ia-IIae, q. 25, a. 1, c.) |
Timor addit supra fugam (...), quandam depressionem animi, propter difficultatem mali. |
Chez Thomas le mal suscite en nous une passion de haine (ne pas aimer), nous n'aimons pas le mal. En conséquence nous fuyons le mal (la fuite étant une autre passion). Si le mal ne peut être évité, nous le subissons et en ressentons douleur ou tristesse.
Qu'en est-il de la peur ? La peur se greffe sur la fuite du mal lorsque cette fuite se révèle difficile et qu'elle pourrait ne pas aboutir de sorte que le mal finisse par nous atteindre. L'effet de la peur, ici, est de ralentir la fuite, voire même de la rendre impossible tant le mal nous paraît grand, indiscernable, difficile à éviter.
Au contraire, elle peut aussi nous amener à être happé dans la fuite, dans un mouvement irrépressible.
C'est ainsi que Thomas utilise le mot dépression qui signifie en latin un mouvement de pression du haut vers le bas, le fait de rabaisser quelqu'un et, plus généralement, tout mouvement d'abaissement. On retrouve aujourd'hui encore cet usage lorsqu'on parle de la dépression d'un terrain pour désigner un endroit enfoncé. De même en météorologie.
L'image fonctionne alors ainsi : ou bien nous restons piégés dans cet enfoncement, ou bien nous dévalons la pente d'autant plus vite que la pente est raide.
Nous sommes sans doute ici face à l'un des premiers usages du mot pour qualifier la vie sensible de l'âme, lorsqu'elle est prise par un mouvement de descente face à un mal.
Autre part, Thomas parle d'angoisse, évoquant alors le sentiment de rétrécissement.
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