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Com. Romains 147 (Chap.I,Leç.8) - Dans certain cas, la passion peut être dite péché

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II dit donc d’abord : C’est pourquoi, c’est-à-dire parce qu'ils ont changé la vérité de Dieu en mensonge, Dieu les a livrés,

  • non pas en les poussant au mal,
  • mais en les abandonnant eux-mêmes "à des passions d’ignominie," 

c’est-à-dire à des péchés contre nature, qui sont dits passions, selon que la passion est proprement dîte du fait que quelque chose est tirée en dehors de l'ordre de sa nature, par exemple

  • avec l'eau chauffée et 
  • avec l'homme affaibli.

D'où, parce que par des péchés de cette sorte l'homme s'écarte de l'ordre naturel, ils sont convenablement dits "passions" ; ainsi plus bas en Rom. VII, 5 : "Les passions des péchés [(...) opéraient dans nos membres]".

Ils sont dits des passions "d’ignominie," parce qu’elles ne sont pas dignes d'avoir un nom, selon ce passage de l’Ép. Aux Éphésiens (V, 12) : "Ce que ces hommes font dans le secret est honteux à dire." 

  • Si en effet les péchés de la chair sont ordinairement blâmable parce que par eux l’homme est abaissé à ce qui en lui est animal,
  • combien plus à propos du péché contre nature, par lequel l’homme déchoît en plus de la nature animale.

Osée, IV, 7 : "Je changerai leur gloire en ignominie." 

Dicit ergo primo propterea, scilicet quia Dei veritatem in mendacium mutaverunt, tradidit illos Deus,

  • non quidem impellendo in malum
  • sed deserendo, in passiones ignominiae,

id est peccata contra naturam, quae dicuntur passiones, secundum quod proprie passio dicitur ex eo quod aliquid trahitur extra ordinem suae naturae, puta

  • cum aqua calefit aut
  • cum homo infirmatur.

Unde quia per huiusmodi peccata homo recedit ab ordine naturali, convenienter dicuntur passiones, infra VII, 5: passiones peccatorum.

Dicuntur autem passiones ignominiae quia non sunt nomine digna, secundum illud Eph. c. V, 15: quae aguntur in occulto ab eis turpe est dicere. Si enim peccata carnis 

  • communiter exprobrabilia sunt quia per ea homo deducitur ad id quod est bestiale in homine,
  • multo magis peccatum contra naturam, per quod etiam homo a natura bestiali decidit. 

Os. IV, 7: gloriam eorum in ignominiam commutabo.

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1. "La passion est proprement dîte du fait que quelque chose est tirée en dehors de l'ordre de sa nature" : Thomas est fidèle à sa compréhension de  la passion comme quelque chose de neutre moralement. Ici, le péché tire l'homme de son ordre naturel au bien, en cela il se laisse modifier par une chose dont il ne devrait pas accepter l'attraction.

  • En cela qu'il est atteint, l'homme est affecté d'une passion,
  • en cela qu'il se laisse atteindre par quelque chose dont il devrait s'écarter, l'homme pêche.

C'est pourquoi Thomas précise : "parce que telle chose, alors il convient, dans ce cas, que le péché soit dit passion" (nous paraphrasons).

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a7 - Le péché est une action (au sens large) séparée de son ordre propre ET dans le domaine naturel ET dans le domaine artistique ET dans le domaine moral

  • Ce dés-ordre est une dette

Le péché n’est rien d’autre, dit

  • ou dans les choses naturelles,
  • ou dans les choses artificielles,
  • ou dans les choses volontaires,

que

  • le défaut
  • ou le dés-ordre

de l’action propre, quand quelque chose est fait (agitur) non selon ce qui est dû (debitum), ainsi qu’on le voit clairement au deuxième livre de la Physique. 

(DeVer.q24a7)

Nihil enim est aliud peccatum,

  • sive in rebus naturalibus
  • sive artificialibus
  • sive voluntariis dicatur,

quam

  • defectus
  • vel inordinatio

propriae actionis, cum aliquid agitur non secundum quod debitum est agi, ut patet II Phys. [l. 14 (199 a 33)]. 

 


Où l'ont voit bien ici que le sens du mot péché est plus large pour Thomas que dans notre acception actuelle seulement limitée au domaine moral. Pour Thomas, le péché est simplement, d'une manière ou d'une autre, une chose qui fait défaut à son ordre propre. Pour rendre  une partie de la signification de ce mot telle qu'elle est pensée par Thomas, on pourrait traduire par "défaillance", "défectuosité", ce qui serait particulièrement adapté aux "réalités artificielles" dont parle Thomas, une mécanique construite par l'homme peut défaillir. En suivant Thomas, on peut dire qu'un moulin dont la mécanique défaille est un moulin qui pêche. Le péché est vu ici dans un sens large comme un bug.

Sur le mot debitum, il est significatif que le péché soit vu comme une soustraction à ce qui est, le monde créé est débiteur d'un ordre qui lui est intrinsèque. Mais on pourrait dire la même chose de Dieu, il est lui aussi, en quelque sorte, débiteur de ce qu'il est, Dieu est dépendant de sa propre nature. La différence réside dans le fait que le monde créé peut faillir alors que Dieu agit à l'égard de lui-même de manière nécessairement ordonnée.

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