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Thomas d'Aquin - I.q59a1ad1 (extrait) - L'intellect connaît simplement, la raison par discursion, ainsi l'intellect surpasse la raison

  • Autrement la raison transcende [= surpasse] le sens,
  • et autrement l'intellect la raisona. (...)

Mais l'intellect et la raison diffèrent seulement par leur mode de connaissance ;

  • l'intellect connaît par simple intuition (simplici intuiti) ; [= ATTENTION à bien comprendre ce mot chez TH.]
  • la raison connaît par discursion d'une chose à l'autre (discurrendo de uno in aliud).

Ce qui n'empêche pas la raison de parvenir à connaître par la discursion, ce que l'intellect connaît sans la discursion, à savoir l'universel [--> par l'appréhension].

(Somme,I.q59a1ad1)

  • Aliter ratio transcendit sensum,
  • et aliter intellectus rationem. (...)

Sed intellectus et ratio differunt quantum ad modum cognoscendi,

  • quia scilicet intellectus cognoscit simplici intuitu,
  • ratio vero discurrendo de uno in aliud.

Sed tamen ratio per discursum pervenit ad cognoscendum illud, quod intellectus sine discursu cognoscit, scilicet universale. 


a. Au lieu de "Ce n'est pas de la même manière que la raison est supérieure au sens, et l'intelligence à la raison."

1. -- "simplici intuiti" : attention, le mot intuiti (participe parfait passif, masculin) désigne
- ou un acte dans lequel l'image d'une réalité est réfléchie par un miroir (Gaffiot)
- ou un acte de considération attentive (Gaffiot, Deferrari), possiblement accompagnée d'étonnement ou d'admiration (Cassel's) .
Ces deux dimensions sont à reprendre dans ce qui se passe dans l'appréhension, où l'intellect produit un concept universel abstrait à partir de l'image de la réalité laissée dans l'imagination. Il ne s'agit en aucun cas de comprendre ce mot comme nous comprenons l'intuition artistique aujourd'hui.

2. -- A l'appréhension suit le jugement. Ce qui a été appréhendé est ensuite jugé dans la réalité. On abstrait le concept arbre à partir des expérience de tel et tel arbre, puis, on retourne au réel (en vérifiant alors que l'abstraction s'est bien faite) en jugeant : "ceci est un arbre", "ceci est bien un arbre".

3. -- Le raisonnement se terminera lui aussi dans un jugement, mais de manière médiate, à travers la discursion.

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Thomas d'Aquin - I.q59a3ad1 - Chez l'ange, l'élection se fait sans la délibération du conseil, contrairement à l'homme

Comme l'estimation de l'homme dans les choses spéculatives differt en cela de l'estimation des anges,

  • ([c'est à dire] que l'un se passe de recherche,
  • [tandis que] l'autre passe par une recherche) ;

Il en est de même dans le domaine de l’opération [= l'action].

De sorte que, chez les anges, il y a élection ;

  • non cependant avec une recherche délibérative du conseil ;
  • mais par une directe (subitam) saisie de la vérité.

(Somme,I.q59a3ad1)

Sicut autem aestimatio hominis in speculativis differt ab aestimatione angeli in hoc,

  • quod una est absque inquisitione,
  • alia vero per inquisitionem;

ita et in operativis.

Unde in Angelis est electio;

  • non tamen cum inquisitiva deliberatione consilii,
  • sed per subitam acceptionem veritatis.

 


1. -- "sed per subitam acceptionem veritatis" : accipio peut autant se traduire activement que passivement (prendre, recevoir). La traduction originale fait pencher du côté de la dimension active ("la saisie immédiate de la vérité lui suffit"), ce qui n'est pas faux du fait de l'intellect agent, on peut aussi traduire du côté passif du fait de l'intellect patient et du fait la chose à connaître vient de l'extérieur ("une directe réception de la vérité"). Dans ce cas, comme Thomas évoque le fait de procéder à une recherche, on peut penser qu'il faut laisser le côté actif primer.

2. -- Comme dans le domaine de l'acquisition de la vérité qui se passe du raisonnement chez l'ange, ainsi dans le domaine pratique qui, chez, lui se passe de délibération.

3. -- On pourrait ajouter que puisque la délibération pour Thomas a pour objet le moyen en vue de la fin, la délibération est d'autant inutile chez l'ange ; car a-t-il besoin d'un moyen pour orienter son être à Dieu, ou l'est-il directement ?

 

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Thomas d'Aquin - I.q79a10ad3 - Intelligence | Intention | Raisonnement-Découverte | Jugement | Sagesse | Parole intérieure | Parole extérieure

Tous ces actes que le Damascène énumère sont une seule puissance, c'est à dire la [puissance] intellectuelle.

  1. Premièrement elle appréhende simplement quelque chose, et cet acte est dit intelligence.
  2. Deuxièmement, ce qu’elle a appréhendé, elle l'ordonne à quelque chose d'autre à connaître ou à opérer [= agir], et cela est appelé intention.
  3. Alors qu'elle persiste à chercher ce vers quoi elle tend, cela est appelé découverte par la réflexion.
  4. Alors qu'elle examine ce qui a été découvert par la réflexion pour [parvenir] à quelque chose de certain, cela est dit connaître ou faire oeuvre de sagesse (scire ver sapere) ; ce qu'est la phronèsis ou la sagesse, car "la sagesse c'est juger ", comme il est dit en Métaphysique I.
  5. Alors qu'elle tient quelque chose pour certain, comme quelque chose qui a été examiné, elle pense à comment manifester [= communiquer] cela aux autres, et cela est la disposition de la parole intérieure (intrioris sermonis) ;
  6. de quoi procède la parole extérieure (exterior locutio).

Et en effet toute différence dans les actes ne se diversifie pas en puissances ; mais celle-là seulement qui ne peut être réduite au même principe, comme il a été dit plus haut.

(Somme, I.q79a10ad3)

 

Omnes illi actus quos Damascenus enumerat, sunt unius potentiae, scilicet intellectivae.

  1. Quae primo quidem simpliciter aliquid apprehendit, et hic actus dicitur intelligentia.
  2. Secundo vero, id quod apprehendit, ordinat ad aliquid aliud cognoscendum vel operandum, et hic vocatur intentio.
  3. Dum vero persistit in inquisitione illius quod intendit, vocatur excogitatio.
  4. Dum vero id quod est excogitatum examinat ad aliqua certa, dicitur scire vel sapere; quod est phronesis, vel sapientiae, nam sapientiae est iudicare, ut dicitur in I Metaphys.
  5. Ex quo autem habet aliquid pro certo, quasi examinatum, cogitat quomodo possit illud aliis manifestare, et haec est dispositio interioris sermonis;
  6. ex qua procedit exterior locutio.

Non enim omnis differentia actuum potentias diversificat; sed solum illa quae non potest reduci in idem principium, ut supra dictum est.

  

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1. -- Excogitatio : Ch. V. Héris : réflexion ; F.-X. Putallaz : invention.

2. -- Appréhension --> Intention --> Réflexion --> Jugement (oeuvre de sagesse) --> Parole intérieure --> Parole extérieure

3. -- On notera que l'appréhension est ici appelée intelligence, c'est à dire acte de l'intellect. Mais l'appréhension n'est pas le seul acte de l'intellect, celui-ci peut aussi juger, (même si, pour se faire, il est souvent besoin de faire appel aux raisonnements de la raison). Voir DeVer.q15a1ad4.

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