Les effets des passions de l’âme sont parfois nommées métaphoriquement, selon une similitude avec les corps sensibles, en cela que les mouvements de l’appétit animal sont similaires (similes) aux inclinations de l’appétit naturel [= celui existant même dans les objets physiques].
Et sur ce mode
- la ferveur (fervor) est attribuée à l’amour,
- la dilatation (dilatatio) au plaisir,
- et l’appesentissement (aggravatio) à la tristesse.
On dit en effet qu’un homme est appesanti (aggravari) lorsqu’un poids empêche son mouvement propre.
[Avec le poids croissant de la tristesse, augmente l'impossibilité d'échapper à l'inertie]
Or il est manifeste, d’après ce qui a été dit précédement, que la tristesse arrive à partir d’un mal présent. Celui-ci, de ce fait même qu’il répugne au mouvement de la volonté, appesentit l'âme (aggravat animum), en tant qu'il l'empêche d'avoir la fruition (fruatur)[= jouir] de ce qu’elle veut.
S'il n'y a pas une telle force (vis) de tristesse qu'elle ôte l'espoir d'échapper (spem evadendi),
- bien que l’âme soit appesentie par cela que, présentement, elle ne peut obtenir (potitur) ce qu’elle veut ;
- il reste cependant un mouvement pour repousser la [chose] nocive qui l’attriste.
Mais si la force (vis) du mal super-accroît (superexcrescat) à un point tel qu'il exclut l'espoir d’y échapper (spem evasionis excludat),
- alors, même le mouvement intérieur (interior motus) de l’âme angoissée (animi angustiati, litt. : rétrécie) est absolument empêché (simpliciter impeditur),
- ainsi il ne peut se détourner ni d'un côté ni de l'autre.
Et parfois est empêché le mouvement extérieur du corps (exterior motus corporis), de telle sorte que l'homme reste figé en lui-même (stupidus in seipso).
(Somme, I-II.q37a2)
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Effectus passionum animae quandoque metaphorice nominantur, secundum similitudinem sensibilium corporum, eo quod motus appetitus animalis sunt similes inclinationibus appetitus naturalis.
Et per hunc modum
- fervor attribuitur amori,
- dilatatio delectationi,
- et aggravatio tristitiae.
Dicitur enim homo aggravari, ex eo quod aliquo pondere impeditur a proprio motu.
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Manifestum est autem ex praedictis quod tristitia contingit ex aliquo malo praesenti. Quod quidem, ex hoc ipso quod repugnat motui voluntatis, aggravat animum, inquantum impedit ipsum ne fruatur eo quod vult.
Et si quidem non sit tanta vis mali contristantis ut auferat spem evadendi,
- licet animus aggravetur quantum ad hoc, quod in praesenti non potitur eo quod vult;
- remanet tamen motus ad repellendum nocivum contristans.
Si vero superexcrescat vis mali intantum ut spem evasionis excludat,
- tunc simpliciter impeditur etiam interior motus animi angustiati,
- ut neque hac neque illac divertere valeat.
Et quandoque etiam impeditur exterior motus corporis, ita quod remaneat homo stupidus in seipso.
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