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Thomas d'Aquin - °°° L'union affective se fait formellement et l'union effective se fait réellement - I-II.q28a1

Double est l'union de l'aimant à ce qui est aimé.

  • La première se fait dans la réalité, lorsque ce qui est aimé est présent à l'aimant.
  • L'autre est une union affective, qui doit être considérée à partir d'une appréhension qui a précédé, car tout mouvement de l'appétit fait suite à une appréhension. 

Les deux amours, celui de concupiscence et celui d'amitié, procèdent l'un et l'autre d'une certaine appréhension de l'unité entre l'aimant et l'aimé.

  • En effet, lorsque quelqu'un aime quelque chose comme objet de concupiscence, il l'appréhende comme tendant (pertinens) à son propre bien être.
  • Et de même, lorsque quelqu'un aime quelqu'un d'un amour d'amitié, il veut pour lui le bien comme il le veut pour soi ; c'est donc qu'il l'appréhende comme un autre soi-même, en tant qu'il veut pour lui le bien comme pour soi. C'est pourquoi on appelle l'ami "un autre soi-même". Et S. Augustin écrit : "Il a bien parlé de son ami, celui qui l'a appelé la moitié de son âme." 

 

  • La première union, l'amour la fait effective, car il meut à désirer et à rechercher la présence de l'aimé comme lui convenant et tendant à lui (ad se pertinentis).
  • La seconde union l'amour la fait formellement, car l'amour lui-même est 
    • une telle union
    • ou un [tel] lien.

Ce qui fait dire à S. Augustin que l'amour est 

    1. "comme une sorte de vie joignant deux êtres
    2. ou tendant à les joindre : l'aimant et celui qui est aimé".
    1. Le mot "joignant" se réfère à l'union affective, sans laquelle il n'est point d'amour,
    2. et ces mots : "cherchant à les joindre" visent (pertinet) l'union réelle.

(Somme, I-II.q28a1)

Duplex est unio amantis ad amatum.

  • Una quidem secundum rem, puta cum amatum praesentialiter adest amanti.
  • Alia vero secundum affectum. Quae quidem unio consideranda est ex apprehensione praecedente, nam motus appetitivus sequitur apprehensionem.

Cum autem sit duplex amor, scilicet concupiscentiae et amicitiae, uterque procedit ex quadam apprehensione unitatis amati ad amantem.

  • Cum enim aliquis amat aliquid quasi concupiscens illud, apprehendit illud quasi pertinens ad suum bene esse.
  • Similiter cum aliquis amat aliquem amore amicitiae, vult ei bonum sicut et sibi vult bonum, unde apprehendit eum ut alterum se, inquantum scilicet vult ei bonum sicut et sibi ipsi. Et inde est quod amicus dicitur esse alter ipse, et Augustinus dicit, in IV Confess., bene quidam dixit de amico suo, dimidium animae suae.

 

  • Primam ergo unionem amor facit effective, quia movet ad desiderandum et quaerendum praesentiam amati, quasi sibi convenientis et ad se pertinentis.
  • Secundam autem unionem facit formaliter, quia ipse amor est talis unio vel nexus.

Unde Augustinus dicit, in VIII de Trin., quod amor est

    1. quasi vita quaedam duo aliqua copulans,
    2. vel copulare appetens, amantem scilicet et quod amatur.
    1. Quod enim dicit copulans, refertur ad unionem affectus, sine qua non est amor,
    2. quod vero dicit copulare intendens, pertinet ad unionem realem.

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1. "vult ei bonum" : non pas il lui veut du bien, il lui veut le bien. Faire du bien et vouloir le bien pour quuelqu'un diffèrent.

2. Pertinere : le fait de tendre vers quelque chose jusqu'à sa possession.

3. Nexus : lien, noeud, étreinte, entrelacement.

4. "amor facit effective" : l'amour rend effectif ; trad. 1984 : "La première espèce d'union, l'amour la produit par manière de cause efficiente"...

°°° Commentaire : il y a quelque chose de remarquable à noter, l'amour est à la fois cause de l'union et est lui-même "une telle union ou un nexus". Si on suit bien le propos l'amour serait tout simplement cause de lui-même. Comment ? L'amour naît lorsque l'appétit et le bien sont présentés l'un à l'autre, il y a convenance mutuelle, connaturralité, les deux s'entendent, entrent en consonnance. L'amour actue  l'appétit et immédiatement se fait désir et cherche la présence réelle du bien.

  • Il y a un premier moment de l'amour, celui qui aime porte le bien aimé en soi suite à une certaine connaissance qu'il en a d'abord eu ; il s'agit d'un amour bien réel de ce qui est aimé, mais à travers une forme : je porte en moi ce que j'aime, je suis touché, je suis affecté, il s'agit d'un amour affectif ;  
  • puis, l'amour meut en tant qu'il ne peut rester seulement selon la forme, il se fait désir, et, en tant que désir, il devient cause de l'union ; tout en restant un amour affectif, il devient aussi effectif, réel, grâce à la présence ou possession de ce qui est aimé. Je continue d'être touché par l'autre, mais l'être aimé que je porte en moi "fusionne" avec l'être aimé présent, le bien touché à travers la forme laisse palce au bien touché dans sa présence. °°°
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Thomas d'Aquin - L'amour unit plus que la connaissance - I-II.q28a1ad3

La connaissance est perfectionnée (perficitur) par ce qui est connu uni à celui qui connaît selon sa similitude. Mais l'amour fait que la chose aimée elle-même (ipsa res) est unie en quelque manière à celui qui aime. D'où l'amour est plus unifiant que la connaissance. (Somme, I-II.q28a1ad3)

Cognitio perficitur per hoc quod cognitum unitur cognoscenti secundum suam similitudinem. Sed amor facit quod ipsa res quae amatur, amanti aliquo modo uniatur, ut dictum est. Unde amor est magis unitivus quam cognitio.

Commentaire : La connaissance s’achève (perficitur) lorsque la réalité connue est unie à celui qui la connaît par similitude ; alors que l’amour s’achève lorsque la réalité aimée elle-même est unie à celui qui l’aime (28/1/3). L’amour unit plus que la connaissance.

Distinction

  • union substantielle (avec soi-même) /
  • union affective (assimilée à l’union substantielle en tant qu’on considère la personne aimée comme un autre soi-même) /
  • union effective ou réelle (vie en commun, conversation, activités communes).

L’amour n’est pas seulement intentionnel, il donne naissance à un mouvement (le désir) qui tend à rejoindre la réalité aimée (on aime pas le chocolat seulement intentionnellement), l’amour est alors perfectionné lorsque l’aimé et l’aimant son unis réellement.

[A MEDITER POUR PRECISER :] Remarque à propos de la connaissance par similitude. Thomas répond ici d'abord à une objection concernant la connaissance sensible. Lorsque l'animal connaît une réalité, il reçoit par ses sens une similitude du réel, cette réception est une union. L'animal connaissant est uni à la similitude de la chose, pas à la chose elle-même. 

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Thomas d'Aquin - Le culte extérieur est relatif au culte intérieur de l'intellect et du cœur - I-II.101a2

Les préceptes cérémoniels sont dit de ce qui est ordonné au culte de Dieu.

Or ce culte revêt une double forme :

  • culte intérieur
  • et culte extérieur.

L'homme étant composé d'une âme et d'un corps, il convient que l'un et l'autre s'appliquent au culte divin,

  • l'âme au culte intérieur,
  • le corps au culte extérieur,

d'où il est dit dans le Psaume (84, 3): "Mon coeur et ma chair ont exulté dans le Dieu vivant." 

Comme le corps est ordonné à Dieu par l'âme, de même le culte extérieur est ordonné au culte intérieur.

Le culte intérieur consiste dans le fait que l'âme est unie (conjugatur) à Dieu par l'intellect et par le coeur (affectum).

(Somme, I-II.101a2)

Praecepta caeremonialia dicuntur quae ordinantur ad cultum Dei.

Est autem duplex cultus Dei,

  • interior,
  • et exterior.

Cum enim homo sit compositus ex anima et corpore, utrumque debet applicari ad colendum Deum, ut scilicet

  • anima colat interiori cultu,
  • et corpus exteriori,

unde dicitur in Psalmo LXXXIII, cor meum et caro mea exultaverunt in Deum vivum. 

Sicut corpus ordinatur in Deum per animam, ita cultus exterior ordinatur ad interiorem cultum.

Consistit autem interior cultus in hoc quod anima coniungatur Deo per intellectum et affectum.

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Encore une traduction problématique puisque il a fallu corriger : 

Le culte intérieur consiste pour l'âme à s'unir à Dieu...

par 

Le culte intérieur consiste dans le fait que l'âme est unie à Dieu...

Conjungatur est au passif ! Ce n'est pas en premier lieu l'âme qui s'unit à Dieu, mais Dieu qui unit l'âme. 

Même problème ici.

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