[Le bien de l'art]
Le bien de l'art n'est pas considéré
- dans l'artisan, [= celui qui possède un art]
- mais plutôt dans l'oeuvre d'art (artificiato),
puisque l'art est la droite règle (ratio recta) des [choses] qu'on peut fabriquer. En effet la fabrication, qui se réalise (transiens) dans une matière extérieure,
- n'est pas la perfection de celui qui fait
- mais de ce qui est fait,
comme le mouvement est l'acte du mobile ;
en effet, l'art regarde les [choses] qu'on peut fabriquer.
[Le bien de la prudence]
Mais le bien de la prudence est
- celui qui est atteint en celui qui agit
- et dont la perfection est son agir même,
en effet, la prudence est la droite règle au sujet des actions posables, comme on l'a dit.
[L'artisan n'a pas besoin d'être bon moralement pour être un bon artiste]
- C'est pourquoi, pour l'art, il n'est pas requis que l'ouvrier opère bien [= agisse bien], mais qu'il fasse une oeuvre bonne.
- Il serait plutôt requis que l'oeuvre d'art elle-même opère bien,
- comme le couteau coupe bien
- ou à la scie scie bien, s'il leur appartenait en propre d'agir et non plutôt d'être "agis", du fait qu'ils n'ont pas la maîtrise (dominium) de leurs actes.
[Son art n'apporte spécifiquement rien à l'artisan à propos de son bene vivere]
Voilà pourquoi
- l'art n'est pas nécessaire à l'artisan lui-même pour bien vivre,
- mais seulement pour faire une oeuvre bonne et pour la conserver [= intéressant, il faut maintenir la bonté de oeuvre par l'entretien ; // avec la vertu ??].
Mais la prudence est nécessaire à l'homme
- pour bien vivre
- et pas seulement pour devenir bon. [Dans l'agir, le bien n'est pas un produit, mais un acte de celui qui agit. L'artisan peut mourrir, l'oeuvre d'art bonne reste.]
(Somme, I-II.q57a5)
|
[Bonum artis]
Bonum artis consideratur
- non in ipso artifice,
- sed magis in ipso artificiato,
cum ars sit ratio recta factibilium, factio enim, in exteriorem materiam transiens,
- non est perfectio facientis,
- sed facti,
sicut motus est actus mobilis;
ars autem circa factibilia est.
[Prudentiae bonum]
Sed prudentiae bonum
- attenditur in ipso agente,
- cuius perfectio est ipsum agere,
est enim prudentia recta ratio agibilium, ut dictum est.
[ ]
Et ideo ad artem
- non requiritur quod artifex bene operetur, sed quod bonum opus faciat.
- Requireretur autem magis quod ipsum artificiatum bene operaretur,
- sicut quod cultellus bene incideret,
- vel serra bene secaret;
si proprie horum esset agere, et non magis agi, quia non habent dominium sui actus.
[ ]
Et ideo
- ars non est necessaria ad bene vivendum ipsi artificis;
- sed solum ad faciendum artificiatum bonum, et ad conservandum ipsum.
Prudentia autem est necessaria homini
- ad bene vivendum,
- non solum ad hoc quod fiat bonus.
|