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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a7 - Le péché est une action (au sens large) séparée de son ordre propre ET dans le domaine naturel ET dans le domaine artistique ET dans le domaine moral

  • Ce dés-ordre est une dette

Le péché n’est rien d’autre, dit

  • ou dans les choses naturelles,
  • ou dans les choses artificielles,
  • ou dans les choses volontaires,

que

  • le défaut
  • ou le dés-ordre

de l’action propre, quand quelque chose est fait (agitur) non selon ce qui est dû (debitum), ainsi qu’on le voit clairement au deuxième livre de la Physique. 

(DeVer.q24a7)

Nihil enim est aliud peccatum,

  • sive in rebus naturalibus
  • sive artificialibus
  • sive voluntariis dicatur,

quam

  • defectus
  • vel inordinatio

propriae actionis, cum aliquid agitur non secundum quod debitum est agi, ut patet II Phys. [l. 14 (199 a 33)]. 

 


Où l'ont voit bien ici que le sens du mot péché est plus large pour Thomas que dans notre acception actuelle seulement limitée au domaine moral. Pour Thomas, le péché est simplement, d'une manière ou d'une autre, une chose qui fait défaut à son ordre propre. Pour rendre  une partie de la signification de ce mot telle qu'elle est pensée par Thomas, on pourrait traduire par "défaillance", "défectuosité", ce qui serait particulièrement adapté aux "réalités artificielles" dont parle Thomas, une mécanique construite par l'homme peut défaillir. En suivant Thomas, on peut dire qu'un moulin dont la mécanique défaille est un moulin qui pêche. Le péché est vu ici dans un sens large comme un bug.

Sur le mot debitum, il est significatif que le péché soit vu comme une soustraction à ce qui est, le monde créé est débiteur d'un ordre qui lui est intrinsèque. Mais on pourrait dire la même chose de Dieu, il est lui aussi, en quelque sorte, débiteur de ce qu'il est, Dieu est dépendant de sa propre nature. La différence réside dans le fait que le monde créé peut faillir alors que Dieu agit à l'égard de lui-même de manière nécessairement ordonnée.

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a4 - EN COURS - Différence entre l'agere et le facere ; l'agir et le faire ; l'art et la prudence

Où sont trouvées diverses raisons de vertus, là il faut distinguer les vertus. Mais il a été dit plus haut que

  • un certain habitus a raison de vertu à partir de cela seul qu'il fait la faculté pour des oeuvres bonnes ;
  • mais qu'un certain [autre a raison de vertu] à partir de cela que non seulement il fait la faculté 
    • pour des oeuvres bonnes,
    • mais aussi l'usage [bon].
  • Mais l'art fait seulement la faculté pour des oeuvres bonnes, parce que qu'il ne regarde pas l'appétit.
  • Mais la prudence ne fait pas seulement la faculté pour des oeuvres bonnes, mais aussi l'usage, qui regarde l'appétit, en tant qu'elle présuppose la rectitude de l'appétit.

La raison de cette différence, c'est que

  • l'art est la règle droite dans les choses qu'on peut fabriquer (factibilium),
  • tandis que la prudence est la droite règle dans les actions qu'on peut poser (agibilium).

Faire et agir diffère parce que (comme il est dit au chap. IX des Métaphysiques)

  • faire est un acte qui fait aller dans une matière extérieure,
    • comme édifier, tailler, etc.
  • mais agir est un acte qui demeure (permanens) dans l'agent même,
    • comme voir, vouloir, etc.

Ainsi donc,

  • sur ce mode la prudence se rapporte aux actes humains de ce genre
    • ([c'est à dire ces actes humains] que sont l'usage des puissances et des habitus),
  • comme l'art se rapporte aux fabrications extérieures ;

parce que chacune d'elles est la raison parfaite au regard de ces [choses] auxquelles elle est appliquée (comparatur, trad. difficile).

[A propos de la raison droite, analogie domaine pratique / domaine spéculatif]

Or

  • la perfection et rectitude de la raison dans les choses spéculatives
    • dépend des principes à partir desquels la raison syllogise [= atteint des conclusions par raisonnement] ;
  • comme il a été dit que la science
    • dépend de l'intellect
      • qu'est l'habitus des principes,
      • et le présuppose.

Mais dans les actes humains les fins se prennent comme les principes dans les choses spéculatives, comme il est dit dans l'Ethique [à Nicomaque].

Et c'est pourquoi pour la prudence, qui est la droite règle des actions qu'on peut poser, il est requis que l'homme soi bien disposé à propos des fins, ce qui se fait par un appétit rendu droit.

Et c'est pourquoi pour la prudence est requise la vertu morale, par laquelle l'appétit devient (fit) droit.

(...)

(Somme, I-II.q57a4)

Ubi invenitur diversa ratio virtutis, ibi oportet virtutes distingui. Dictum est autem supra quod

  • aliquis habitus habet rationem virtutis ex hoc solum quod facit facultatem boni operis, 
  • aliquis autem ex hoc quod facit non solum facultatem 
    • boni operis,
    • sed etiam usum.
  • Ars autem facit solum facultatem boni operis, quia non respicit appetitum.
  • Prudentia autem non solum facit boni operis facultatem, sed etiam usum, respicit enim appetitum, tanquam praesupponens rectitudinem appetitus.

Cuius differentiae ratio est, quia

  • ars est recta ratio factibilium;
  • prudentia vero est recta ratio agibilium.

Differt autem facere et agere quia, ut dicitur in IX Metaphys.,

  • factio est actus transiens in exteriorem materiam, sicut aedificare, secare, et huiusmodi;
  • agere autem est actus permanens in ipso agente, sicut videre, velle, et huiusmodi.

Sic igitur

  • hoc modo se habet prudentia ad huiusmodi actus humanos, 
    • qui sunt usus potentiarum et habituum,
  • sicut se habet ars ad exteriores factiones,

quia utraque est perfecta ratio respectu illorum ad quae comparatur.

[ ]

  • Perfectio autem et rectitudo rationis in speculativis,
    • dependet ex principiis, ex quibus ratio syllogizat,
  • sicut dictum est quod scientia
    • dependet ab intellectu,
      • qui est habitus principiorum,
      • et praesupponit ipsum.

In humanis autem actibus se habent fines sicut principia in speculativis, ut dicitur in VII Ethic.

Et ideo ad prudentiam, quae est recta ratio agibilium, requiritur quod homo sit bene dispositus circa fines, quod quidem est per appetitum rectum.

Et ideo ad prudentiam requiritur moralis virtus, per quam fit appetitus rectus.

 (...)


1. -- transiens : trans-ire, aller d'un point à un autre

2. -- "comme voir, vouloir, etc." : intéressant de voir combien l'agere pris au sens basic n'est pas nécessairement un acte moral, puisque "voir" est un exemple que TH. donne, alors que l'exempel suivant "vouloir" lui est bien du domaine moral.

 

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a4ad2 - EN COURS - La proximité de l'art avec la prudence sous un certain angle et avec l'habitus spéculatif sous un autre

[Du point de vue du siège, l'art est proche de la prudence]

La prudence s'accorde plus (magis convenit) avec l'art qu'avec les habitus spéculatifs quant

  • au sujet
  • et à la matière,

chacun d'eux en effet 

  • est dans la partie opinative de l'âme, [= le sujet]
  • et atteint les choses qui peuvent être autrement [qu'elles ne sont]. [= la matière]

[Du point de vue de la vertu, l'art est proche de l'habitus spéculatif]

Mais l'art s'accorde plus avec les habitus spéculatifs dans la raison de vertu [= en tant que vertu] qu'avec la prudence, comme cela est patent à partir ce qu'on a dit [dans le corps de l'article].

(Somme, I-II.q57a4ad2)

[ ]

Prudentia magis convenit cum arte quam habitus speculativi, quantum ad

  • subiectum
  • et materiam,

utrumque enim 

est in opinativa parte animae,

et circa contingens aliter se habere.

[ ]

Sed ars magis convenit cum habitibus speculativis in ratione virtutis, quam cum prudentia, ut ex dictis patet.

 


 1. -- La dernière phrase demande à être commentée.

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a4ad3 - EN COURS - La prudence dans les arts est une prudence au sens restreint

La prudence est bonne conseillère pour ces [choses] qui s'adressent

  • à la totalité de la conduite
  • et à la fin ultime de la vie humaine.

Mais dans les arts certains offre conseil dans ces [choses] àenvers les fins propres de ces arts.

De là vient que certains, en tant qu'ils sont bons conseillers dans les affaires de la guerre ou de la navigation, sont dits de prudents chefs ou de prudents navigateurs,

  • non pas cependant des prudents [purement et] simplement ; 
  • mais [sont dit prudents simpliciter] ceux-là seulement qui conseillent bien dans ces [choses] qui confèrent à [= concernent] toute la vie.

(Somme, I-II.q57a4ad3)

Prudentia est bene consiliativa de his quae pertinent

  • ad totam vitam hominis,
  • et ad ultimum finem vitae humanae.

Sed in artibus aliquibus est consilium de his quae pertinent ad fines proprios illarum artium.

Unde aliqui, inquantum sunt bene consiliativi in rebus bellicis vel nauticis, dicuntur prudentes duces vel gubernatores,

  • non autem prudentes simpliciter,
  • sed illi solum qui bene consiliantur de his quae conferunt ad totam vitam.

 


 

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a5ad1 - EN COURS - Quel est le bien en art ? Quel est le bien en éthique ?

!!! Dernier commentaire intra texte à finaliser.

[Le bien de l'art]

Le bien de l'art n'est pas considéré

  • dans l'artisan, [= celui qui possède un art]
  • mais plutôt dans l'oeuvre d'art (artificiato),

puisque l'art est la droite règle (ratio recta) des [choses] qu'on peut fabriquer. En effet la fabrication, qui se réalise (transiens) dans une matière extérieure,

  • n'est pas la perfection de celui qui fait
  • mais de ce qui est fait,

comme le mouvement est l'acte du mobile ; 

en effet, l'art regarde les [choses] qu'on peut fabriquer.

[Le bien de la prudence]

Mais le bien de la prudence est

  • celui qui est atteint en celui qui agit
  • et dont la perfection est son agir même,

en effet, la prudence est la droite règle au sujet des actions posables, comme on l'a dit.

 

[L'artisan n'a pas besoin d'être bon moralement pour être un bon artiste]

  • C'est pourquoi, pour l'art, il n'est pas requis que l'ouvrier opère bien [= agisse bien], mais qu'il fasse une oeuvre bonne.
  • Il serait plutôt requis que l'oeuvre d'art elle-même opère bien, 
    • comme le couteau coupe bien 
    • ou à la scie scie bien, s'il leur appartenait en propre d'agir et non plutôt d'être "agis", du fait qu'ils n'ont pas la maîtrise  (dominium) de leurs actes.

 

[Son art n'apporte spécifiquement rien à l'artisan à propos de son bene vivere]

Voilà pourquoi

  • l'art n'est pas nécessaire à l'artisan lui-même pour bien vivre,
  • mais seulement pour faire une oeuvre bonne et pour la conserver [= intéressant, il faut maintenir la bonté de oeuvre par l'entretien ; // avec la vertu ??].

Mais la prudence est nécessaire à l'homme

  • pour bien vivre
  • et pas seulement pour devenir bon. [Dans l'agir, le bien n'est pas un produit, mais un acte de celui qui agit. L'artisan peut mourrir, l'oeuvre d'art bonne reste.]

(Somme, I-II.q57a5)

[Bonum artis]

Bonum artis consideratur

  • non in ipso artifice,
  • sed magis in ipso artificiato,

cum ars sit ratio recta factibilium, factio enim, in exteriorem materiam transiens,

  • non est perfectio facientis,
  • sed facti,

sicut motus est actus mobilis;

ars autem circa factibilia est.

[Prudentiae bonum]

Sed prudentiae bonum

  • attenditur in ipso agente,
  • cuius perfectio est ipsum agere,

est enim prudentia recta ratio agibilium, ut dictum est.

[ ] 

Et ideo ad artem 

  • non requiritur quod artifex bene operetur, sed quod bonum opus faciat.
  • Requireretur autem magis quod ipsum artificiatum bene operaretur,
    • sicut quod cultellus bene incideret,
    • vel serra bene secaret;

si proprie horum esset agere, et non magis agi, quia non habent dominium sui actus.

[ ]

Et ideo

  • ars non est necessaria ad bene vivendum ipsi artificis;
  • sed solum ad faciendum artificiatum bonum, et ad conservandum ipsum.

Prudentia autem est necessaria homini

  • ad bene vivendum,
  • non solum ad hoc quod fiat bonus. 

 


1. -- " la fabrication, qui se réalise dans une matière extérieure, n'est pas la perfection du fabricant mais de l'objet fabriqué" : on peut néanmoins dire qu'en perfectionnant l'oeuvre, l'artiste se perfectionne lui-même.

2. -- Son art n'apporte spécifiquement rien à l'artisan/artiste à propos de son bene vivere, c'est à dire dans les actions qu'il pose dans le domaine moral et non dans son domaine propre d'artisan/artiste. Cependant si, en tant qu'artiste, l'artiste travaille mal et produit de mauvaises oeuvres, cela atténuera son bonheur d'homme moral puisqu'il ne parvient pas à s'accomplir en tant qu'artisan/artiste. TH. distingue bien les différents domaines dans l'analyse mais, concrètement, c'est un homme tout un qui existe, c'est le même homme qui est à la fois moral et artiste, et donc ce qui touche un plan a une influence sur l'autre. Bien distinguer l'analyse qui saucissone et la réalité qui est une.

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a5ad3 - Le vrai de l'intellect pratique (conformité du contingent avec l'appétit droit)

Le vrai de l'intellect spéculatif (...).

Mais le vrai de l'intellect pratique se prend par conformité à l'appétit rendu droit.

  • [De sorte] qu'une telle conformité dans les [choses] nécessaires n'a pas lieu ici,
    • [une conformité à ces choses nécessaires] que la volonté humaine ne fait pas,
  • mais [elle a lieu] seulement dans les [choses] contingentes
    • qui peuvent être faites par nous [= que la volonté humaine peut faire]
      • ou qu'elles soient des actions intérieures (agibilia interiora)
      • ou qu'elles soient des choses fabricables extérieures (factibilia exteriora).

Et c'est pourquoi à propos des seules [choses] contingentes est posée une vertu de l'intellect pratique,

  • à propos des [choses] fabricables, l'art ; [dans le domaine du faire]
  • à propos des actions, la prudence. [dans le domaine éthique de l'agir]

(Somme, I-II.q57a5ad3)

Nam verum intellectus speculativi (...).

Verum autem intellectus practici accipitur per conformitatem ad appetitum rectum.

  • Quae quidem conformitas in necessariis locum non habet,
    • quae voluntate humana non fiunt,
  • sed solum in contingentibus
    • quae possunt a nobis fieri,
      • sive sint agibilia interiora, 
      • sive factibilia exteriora.

Et ideo circa sola contingentia ponitur virtus intellectus practici,

  • circa factibilia quidem, ars;
  • circa agibilia vero prudentia.

 


1. -- agibilia interiora : seule occurence de cette expresson chez TH., le mot interiora qualifie l'action de l'homme sur le plan éthique. Sur ce plan, la fin est le bien agir, et l'action n'est pas séparée de celui qui la pose (elle reste en ce sens intérieure) ; contrairement à l'oeuvre d'art, fin séparée de l'artiste qui la produit (l'oeuvre est alors manifestement extérieure). Le mot "intérieures" ne désigne pas ici l'intériorité spirituelle de l'homme. Voir I-II.q57a4 où cela est clairement dit.

2. -- appetitum rectum : rectum = participe passé passif, qui a été rectifié, rendu droit, "droitifié"

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a1ad3 - En éthique, ne pas passer à la mise en oeuvre concrète est ce qu'il y a de pire, car on manque la fin

  • Où Thomas montre qu'il est tout sauf un intellectualiste de salon, c'est un homme fermement enraciné dans la réalité pratique de la vie

Ce passage est éblouissant de réalisme.

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Une prudence digne d'éloge ne consiste pas

  • dans la simple considération, 
  • mais dans l'application à l'oeuvre, ce qui est la fin de la raison pratique.

Et c'est pourquoi si en cela il y a défaut, c'est au plus haut point contraire à la prudence, 

parce que,

  • de même que la fin est ce qu'il y a de plus puissant (potissimus) dans quel que domaine que ce soit,
  • ainsi le défaut qui concerne la fin est le pire.

D'où la remarque complémentaire du Philosophe au même endroit, selon laquelle la prudence "n'est pas seulement avec la raison", comme [dans] l'art ; elle comporte en effet, comme on l'a dit, l'application à l'oeuvre, ce qui se fait par la volonté.

(Somme, II-II.q47a1ad3)

Laus prudentiae non consistit

  • in sola consideratione,
  • sed in applicatione ad opus, quod est finis practicae rationis.

Et ideo si in hoc defectus accidat, maxime est contrarium prudentiae, quia

  • sicut finis est potissimus in unoquoque,
  • ita et defectus qui est circa finem est pessimus.

Unde ibidem philosophus subdit quod prudentia non est solum cum ratione, sicut ars, habet enim, ut dictum est, applicationem ad opus, quod fit per voluntatem.

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 1. Limpide. La recherche du bonheur ne peut être simplement théorique, elle passe par la mise en oeuvre pratique. Sans quoi l'erreur serait ici maximale.

2. Bien noter la référence à l'art, domaine loin d'être étranger à la réflexion de TH.

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a2ad3 - La prudence n'est pas spéculative ...

  • ... car elle regarde ce dont le chemin n'est pas déterminé d'avance
  • Toute application de la raison droite à quelque chose qu'on peut fabriquer relève de l'art. 
  • Mais de la prudence ne relève rien si ce n'est l'application de la raison droite aux [choses] dont il y a conseil.

Et les [choses] de ce genre sont dans les [choses] pour lesquelles ne sont pas des voies atteignant à la fin de manière déterminée ; comme il est dit dans l'Ethique à Nicomaque.

Donc, puisque la raison spéculative produit certains effets, comme le syllogisme, la proposition, etc., où l'on procède selon des voies fixes et déterminées,

  • la raison d'art est sauve par rapport à cela,
  • mais non pas la raison de prudence.

Et c'est pourquoi on peut trouver

  • quelque art spéculatif,
  • mais pas de prudence [spéculative].

(Somme, II-II.q47a2ad3)

  • Omnis applicatio rationis rectae ad aliquid factibile pertinet ad artem.
  • Sed ad prudentiam non pertinet nisi applicatio rationis rectae ad ea de quibus est consilium.

Et huiusmodi sunt in quibus non sunt viae determinatae perveniendi ad finem; ut dicitur in III Ethic.

Quia igitur ratio speculativa quaedam facit, puta syllogismum, propositionem et alia huiusmodi, in quibus proceditur secundum certas et determinatas vias;

  • inde est quod respectu horum potest salvari ratio artis,
  • non autem ratio prudentiae.

Et ideo invenitur

  • aliqua ars speculativa,
  • non autem aliqua prudentia.

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