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Thomas d'Aquin - Dans la passion plaisir, un certain mouvement survit à la possession de la fin - I-II.q31a1ad2)

Dans l'animal on peut considérer un double mouvement :

  • l'un concerne l'intention de la fin et appartient à l'appétit ;
  • l'autre, regarde l'exécution et se rapporte à l'opération extérieure.

Donc, bien que chez celui qui a déjà obtenu le bien dans lequel il se délecte,

  • cesse le mouvement d'exécution par lequel il tend vers  la fin ;
  • le mouvement de la partie appétitive, lui, ne cesse pas pour autant.
  • Elle désirait (desiderabat) auparavant le bien qu'elle n'avait pas ;
  • elle s'en délecte maintenant qu'elle le possède.
  • Assurément la délectation est une sorte de repos de l'appétit, si l'on considère la présence du bien agréable qui le satisfait ;
  • cependant le changement intérieur (immutatio) de l'appétit sous l'action de l'appétible demeure, raison pour laquelle la délectation est un certain mouvement.

(Somme, Ia-IIae, q31.a1.ad2)

In animali duplex motus considerari potest,

  • unus secundum intentionem finis, qui pertinet ad appetitum,
  • alius secundum executionem, qui pertinet ad exteriorem operationem

licet ergo

  • in eo qui iam consecutus est bonum in quo delectatur, cesset motus executionis, quo tenditur ad finem;
  • non tamen cessat motus appetitivae partis, quae, sicut
  • prius desiderabat non habitum,
  • ita postea delectatur in habito.
  • Licet enim delectatio sit quies quaedam appetitus, considerata praesentia boni delectantis, quod appetitui satisfacit;
  • tamen adhuc remanet immutatio appetitus ab appetibili, ratione cuius delectatio motus quidam est.

Commentaire : 

1. La réponse se place sur plan de la partie animale, on parle donc ici du plaisir sensible sans dire si ce qu'on dit ici pour l'être à propos de la joie qui est un plaisir spirituel.

2. Deux mouvements, 

  • du côté de la fin : celui de l'appétit qui se produit à l'intérieur de l'animal, il y a en lui une "tension vers" (en fait, une double "tension vers", la naturelle, et celle amenée par la connaissance d'un bien concret - de la même manière il y a une double intention, celle inscrite dans la nature de l'animal et celle de l'objet à l'état de réalité intentionnelle amenée par la connaissance du dit objet) ;
  • du côté de l'exécution : il faut bien se mouvoir vers le chocolat pour qu'il devienne nôtre.

3. Lorsque le bien est possédé, la fin est atteinte, l'objet n'est plus intentionnel mais bien réel. L'appétit ne se nourrit plus de l'objet intentionnel mais de l'objet réel, c'est toujours l'objet, il est toujours là, sa possession amène l'appétit à une certaine perfection, mais une perfection qui dure dans le temps, tant qu'on qu'on savoure le chocolat. D'où la question suivante que posera Thomas pour préciser le rapport plaisir / temps.

4. Il est très intéressant de voir que dans le domaine passionnel la fin possédée réclame néanmoins de rester dans le temps, un écoulement, une succession... En sera-t-il de même dans le domaine de l'amour spirituel ?

5. Immutatio, même mot employé en q26.a2 : "Le premier changement intérieur de l’appétit par l'appétible est appelée amour, ce qui n’est rien d’autre que la complaisance dans l'appétible."

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a13 - Le libre arbitre n'a pas un pouvoir moteur - Juger n'est pas agir

Bien lire la note postérieure.

Quand il est dit : « Celui‑ci peut persévérer jusqu’à la fin de sa vie dans l’abstention du péché »,

  • la puissance est portée sur quelque chose d’affirmatif,
  • c’est‑à‑dire que quelqu’un se met en un état tel que le péché ne puisse être (esse) en lui ;

car l’homme ne pourrait, par un acte du libre arbitre, se rendre persévérant, que s’il se rendait impeccable. Or cela ne tombe pas sous le pouvoir du libre arbitre, car la vertu motrice exécutante (exequens) ne s’y étend pas.

Et c'est pourquoi l’homme ne peut être pour lui‑même une cause de persévérance, mais il est dans la nécessité de demander à Dieu la persévérance.

(DeVer.q24a13)

Cum dicitur : iste potest perseverare usque ad finem vitae in abstinentia peccati ;

  • potentia fertur ad aliquid affirmativum,
  • ut scilicet aliquis ponat se in tali statu quod peccatum in eo esse non possit :

aliter enim homo per actum liberi arbitrii non posset se facere perseverare, nisi se impeccabilem faceret. Hoc autem non cadit sub potestate liberi arbitrii, quia virtus motiva exequens ad hoc non se extendit.

Et ideo homo causa perseverantiae sibi esse non potest, sed necesse habet perseverantiam a Deo petere.


1. -- Dans le De Veritate, comme dans la plupart de ses oeuvres, Thomas parle en théologien mais passe souvent par des affirmations que le philosophe soutient lui aussi. Ici, si le propos est tenu sous l'angle avant tout théologique, il contient une affirmation également très juste au point de vue philosophique. Le libre arbitre ne peut pas à lui seul passer à l'action. Juger librement d'une chose, n'est pas agir. On juge d'abord, on agit ensuite. Ce sont deux actes distincts. La partie efficiente de l'activité humaine éthique est un acte qui suit l'acte du jugement. A noter que la partie efficiente se distingue elle-même en deux actes distincts, le commandement puis l'application (aussi dit "exécution", ou "usage").

2. -- "exequens" : participe présent actif du verbe exequor, exequi, exsecutus sum qui signifie suivre, poursuivre, exécuter, accomplir. Par exemple : Exequens imperatoris mandata : Suivant les ordres de l’empereur. Exequens legem : Exécutant la loi. (Source : ChatGPT)

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a1ad19 - Le libre arbitre, le conditionnement et les différentes causes efficientes et matérielles (les corps extérieurs, le corps, l'habitus acquis, l'habitus infus)

[Ce que l'on ne tient pas de notre naissance]

Les hommes ne tiennent de leur naissance aucune disposition immédiatement dans l’âme intellective, par laquelle ils sont de nécessité inclinés à élire une certaine fin : [aliquem => une fin seconde, un moyen, par laquelle on atteint la fin ultime]

  • ni du corps céleste,
  • ni d’aucune autre chose ;

si ce n’est que de leur nature même (ex ipsa sui natura) ils ont en eux un appétit nécessaire de la fin ultime, c’est‑à‑dire de la béatitude, 

  • ce qui n’empêche pas la liberté de l’arbitre,
  • puisque diverses voies demeurent éligibles pour suivre cette fin ;

et ce, parce que les corps célestes ne laissent pas une impression immédiate dans l’âme raisonnable.

[Ce que l'on tient de notre naissance]

[Le corps apporte en nous un certain conditionnement... ]

Mais de la naissance résulte une disposition dans le corps du nouveau-né,

  • tant par la puissance des corps célestes [= conditionnement naturel extérieur à nous]
  • que par les causes inférieures, que sont
    • la semence
    • et la matière du fœtus, [= conditionnement naturel intérieur à nous]
    • par quoi l'âme est en quelque manière penchée de manière efficiente (efficitur) [donc pas par une cause finale] à une certaine élection,
    • selon laquelle l'élection de l'âme rationnelle est inclinée à partir des passions,
      • qui sont dans l'appétit sensible,
      • qui est une puissance du corps qui suit les dispositions corporelles.

[... mais qui ne supprime pas le libre arbitre pour autant]

Mais de cela nulle nécessité n'est induite en lui quant à l’élection, puisqu’il est au pouvoir de l’âme raisonnable

  • de recevoir,
  • ou de repousser les passions naissantes.

Par la suite, l’homme devient de manière efficiente (efficitur) tel ou tel

  • par un habitus acquis,
    • dont nous sommes la cause,
  • ou par un habitus infus,
    • qui n’est pas donné sans notre consentement, quoique nous n’en soyons pas la cause.

Et cet habitus a pour effet (efficitur) que l’homme désire (appetat) efficacement la fin en consonnance avec cet habitus. Et un tel habitus

  • n’induit pas de nécessité,
  • ni ne lève la liberté de l’élection.

(DeVer.q24a1ad19)

[ ]

Homines ex nativitate non consequuntur aliquam dispositionem immediate in anima intellectiva, per quam de necessitate inclinentur ad aliquem finem eligendum,

  • nec a corpore caelesti,
  • nec ab aliquo alio ;

nisi quod ex ipsa sui natura inest eis necessarius appetitus ultimi finis, scilicet beatitudinis,

  • quod non impedit arbitrii libertatem,
  • cum diversae viae remaneant eligibiles ad consecutionem illius finis.

Et hoc ideo quia corpora caelestia non habent immediatam impressionem in animam rationalem.

[ ]

[ ]

Ex nativitate autem consequitur in corpore nati aliqua dispositio

  • tum ex virtute corporum caelestium,
  • tum ex causis inferioribus, quae sunt
    • semen
    • et materia concepti,

per quam anima quodammodo ad aliquid eligendum prona efficitur,

secundum quod electio animae rationalis inclinatur ex passionibus, quae sunt in appetitu sensitivo, qui est potentia corporalis consequens corporis dispositiones.

[ ]

Sed ex hoc nulla necessitas inducitur ei ad eligendum ; cum in potestate animae rationalis sit

  • accipere,
  • vel etiam refutare passiones subortas.

Postmodum vero homo efficitur aliqualis

  • per aliquem habitum acquisitum
    • cuius nos causa sumus,
  • vel infusum,
    • qui sine nostro consensu non datur, quamvis eius causa non simus.

Et ex hoc habitu efficitur quod homo efficaciter appetat finem consonum illi habitui. Et tamen ille habitus

  • necessitatem non inducit,
  • nec libertatem electionis tollit.

1. -- consonum : cf. la haine qui exprime une relation de dissonance entre un sujet et un objet qui ne lui convient pas (voir traité des passions).

2. -- efficaciter appetat finem : formule concise qui résume tout : il y a le désir naturel de la fin, et il y a le fait de se diriger vers elle de manière efficiente à travers des moyens, c'est à dire par une opération, une action concrète. Dans le domaine moral, ces actions seront déterminées par la prudence (habitus acquis) ou par un don gratuit de Dieu (habitus infus).

3. -- Nécessité de prendre le contrôle de la partie efficiente, sans quoi on la laisse au conditionnement.

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Thomas d'Aquin - I-II.q19a10 - La volonté humaine est conformée à la volonté de Dieu sous trois aspects - Y REVENIR - DIFFICILE A ASSIMILER DANS LE DETAIL

  • Materialiter (par efficience de l'inclination naturelle), formaliter (par la fin commune et universelle qu'est Dieu lui-même) et formaliter encore (par ??? charité)

Ne pas oublier qu'aliquid est un terme qui n'est pas anodin, le mot a une signification bien précise et importante. Il est l'un des transcendentaux. Voir notamment, au début du De Veritate.

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Dixièmement, [on se demande] s'il est nécessaire que la volonté humaine soit conforme à la volonté divine, pour qu'elle soit bonne.

Decimo, utrum necesse sit voluntatem humanam conformari divinae voluntati in volito, ad hoc quod sit bona.

[On appréhende d'abord par la raison ce vers quoi on tend ensuite, et on l'appréhende sous deux angles différents]

On a vu précédemment que la volonté est portée vers l'objet tel qu'il lui est présenté par la raison. Or la raison peut considérer un même être sous divers modes,

  • en sorte que sous une ratio, il soit bon,
  • et selon une autre ratio, il ne soit pas bon.

C'est pourquoi

  • une certaine (alicuius) volonté,
    • si elle veut qu'une chose soit,
      • selon qu'elle a raison de bien,
        • est bonne,
  • et une autre volonté,
    • si elle veut que cette même chose ne soit pas,
      • selon qu'elle a raison de mal,
        • cette volonté sera également bonne.

[ ]

Sicut ex praedictis patet, voluntas fertur in suum obiectum secundum quod a ratione proponitur. Contingit autem aliquid a ratione considerari diversimode,

  • ita quod sub una ratione est bonum,
  • et secundum aliam rationem non bonum.

Et ideo

  • voluntas alicuius,
    • si velit illud esse,
      • secundum quod habet rationem boni,
        • est bona,
  • et voluntas alterius,
    • si velit illud idem non esse,
      • secundum quod habet rationem mali,
        • erit voluntas etiam bona.

[Exemple : regard selon la justice (bien commun), regard selon la nature (bien particulier)]

  • Ainsi la volonté du juge est bonne lorsqu'il veut la mort d'un bandit
    • parce qu'elle est juste ;
  • et la volonté de l'épouse ou du fils de ce bandit lorsqu'ils ne veulent pas sa mort,
    • parce que cette mise à mort est un mal selon la nature, est également bonne.

Or, puisque la volonté suit la perception de la raison ou de l'intelligence,

  • selon que la ratio boni appréhendée sera commune,
  • selon cela la volonté est portée dans le bien commun,

comme on le voit dans l'exemple cité : le juge a la charge du bien commun, qui est la justice, et c'est pourquoi il veut la mort du bandit, laquelle à raison de bien en relation avec l'ordre social (statum communem) ;

la femme du bandit, quant à elle, a la considération du bien privé de la famille et c’est pourquoi elle ne veut pas que son mari soit mis à mort.

[ ]

  • Sicut iudex habet bonam voluntatem, dum vult occisionem latronis,
    • quia iusta est,
  • voluntas autem alterius, puta uxoris vel filii, qui non vult occidi ipsum,
    • inquantum est secundum naturam mala occisio, est etiam bona.

Cum autem voluntas sequatur apprehensionem rationis vel intellectus,

  • secundum quod ratio boni apprehensi fuerit communior,
  • secundum hoc et voluntas fertur in bonum communius.

Sicut patet in exemplo proposito, nam iudex habet curam boni communis, quod est iustitia, et ideo vult occisionem latronis, quae habet rationem boni secundum relationem ad statum communem; uxor autem latronis considerare habet bonum privatum familiae, et secundum hoc vult maritum latronem non occidi.

[Le bien que Dieu appréhende et qu'il veut, il le veut sous la raison de bien commun]

Or, le bien de tout l'univers est ce qui est qu'appréhendé par Dieu, créateur et gouverneur de l'univers ;

d'où, tout ce qu'il veut,

  • il le veut sous la raison de bien commun,
    • qui est sa bonté,
      • qui est le bien de tout l'univers.

[Le bien que l'homme appréhende, il le veut ou sous une raison particulière ou sous une raison universelle]

De son côté, ce que la créature appréhende, selon sa nature, est un certain bien particulier proportionné à sa nature. 

Or, il arrive que telle chose (aliquid)

  • soit un bien selon une raison particulière,
  • et ne le soit pas sous la raison universelle, et inversement, comme cela a été dit.

Bonum autem totius universi est id quod est apprehensum a Deo, qui est universi factor et gubernator,

unde quidquid vult,

  • vult sub ratione boni communis,
    • quod est sua bonitas,
      • quae est bonum totius universi.

Apprehensio autem creaturae, secundum suam naturam, est alicuius boni particularis proportionati suae naturae.

Contingit autem aliquid 

  • esse bonum secundum rationem particularem,
  • quod non est bonum secundum rationem universalem, aut e converso, ut dictum est.

[Divers cas]

  1. Cela explique qu'
    • une certaine (aliqua) volonté particulière est bonne lorsqu'elle veut une certaine chose (aliquid) selon une raison particulière,
    • alors que Dieu ne la veut pas selon une raison universelle, et vice versa.

 

  1. De là vient aussi que diverses volontés de divers hommes peuvent,
    • même si elles s'opposent par leurs objets, 
    • être bonnes,

parce que sous diverses raisons particulières (rationibus particularibus) ils veulent ceci

    • être
    • ou ne pas être.

[Quand veut-on de la bonne manière ?] 

Or, n'est pas droite, la volonté d'un certain (alicuius) homme qui veut un certain (aliquod) bien particulier,

  • à moins qu'il ne se réfère au bien commun comme à la fin,
    • (avec ceci que l'appétit naturel de chaque partie est aussi ordonné au bien commun du tout).

Or, c'est de la fin [elle-même] qu'est prise la raison formelle de vouloir quelque chose qui est ordonné à une fin 

Donc, pour que quelqu’un (alquis), avec une volonté droite, 

  • veuille un certain bien particulier, 
    • il faut que ce bien particulier soit voulu matériellement,
  • mais que le bien commun divin
    • soit voulu formellement.

La volonté humaine est donc tenue de se conformer

  • à la volonté divine formellementdans ce qui est voulu,
    • car elle doit vouloir le bien divin et commun,
  • mais pas matériellement, pour la raison déjà dîte.

[ ]

  1. Et ideo contingit quod
    • aliqua voluntas est bona volens aliquid secundum rationem particularem consideratum,
    • quod tamen Deus non vult secundum rationem universalem, et e converso.

 

  1. Et inde est etiam quod possunt diversae voluntates diversorum hominum
    • circa opposita
    • esse bonae,

prout sub diversis rationibus particularibus volunt hoc

    • esse
    • vel non esse.

[ ]

Non est autem recta voluntas alicuius hominis volentis aliquod bonum particulare,

  • nisi referat illud in bonum commune sicut in finem,
  • cum etiam naturalis appetitus cuiuslibet partis ordinetur in bonum commune totius.

Ex fine autem sumitur quasi formalis ratio volendi illud quod ad finem ordinatur.

Unde ad hoc quod aliquis recta voluntate

  • velit aliquod particulare bonum, 
    • oportet quod illud particulare bonum sit volitum materialiter,
  • bonum autem commune divinum
    • sit volitum formaliter.

Voluntas igitur humana tenetur conformari

  • divinae voluntati in volito formaliter,
    • tenetur enim velle bonum divinum et commune,
  • sed non materialiter, ratione iam dicta.

[Même quand on veut matériellement, d'une certaine manière, on veut ce que Dieu veut -

Con-formation formelle selon la fin et con-formation matérielle selon l'efficience]

Cependant, quant à ces deux [aspects], de quelque manière (modo) [que ce soit] la volonté humaine est conformée à la volonté divine.

[Lorsque la volonté veut Dieu lui-même, la forme de la con-formité vient de la fin, comme dit plus haut :]

Parce que,

  • selon qu'elle est conformée à la volonté divine dans la ratio communi de ce qui est voulu,
    • elle lui est conformée dans la fin ultime [= cause finale].

[L'inclination naturelle, à laquelle on ne peut rien, porte notre volonté sans faire appel directement à la fin, elle est simplement mise en mouvement, et cette mise en mouvement est une efficience :]

  • En revanche, selon qu'elle n'est pas conformée à ce qui est voulu matériellement,
    • elle lui est conformée à cette dernière selon la raison de cause efficiente,  [= cause efficiente]
      • (parce que cette inclination propre qui suit
        • la nature
        • ou l’appréhension particulière de cette chose
      • est donnée par Dieu comme cause effective [= cause efficiente].)

C’est pourquoi on a l'habitude de dire qu'est conformée, quant à cela [= l'inclination naturelle], la volonté humaine à la volonté divine, parce qu'elle veut ce que Dieu veut qu’elle veuille. [= donc bien comprendre que ce niveau n'est pas directement celui de la liberté mais celui de l'inclination naturelle.]

[ ]

Sed tamen quantum ad utrumque, aliquo modo voluntas humana conformatur voluntati divinae.

[ ]

Quia

  • secundum quod conformatur voluntati divinae in communi ratione voliti,
    • conformatur ei in fine ultimo.

[ ] 

  • Secundum autem quod non conformatur ei in volito materialiter,
    • conformatur ei secundum rationem causae efficientis,
      • quia hanc propriam inclinationem consequentem
        • naturam,
        • vel apprehensionem particularem huius rei,
      • habet res a Deo sicut a causa effectiva.

 

Unde consuevit dici quod conformatur, quantum ad hoc, voluntas hominis voluntati divinae, quia vult hoc quod Deus vult eum velle.

[Il y a aussi la manière de vouloir, par la charité]

Il existe également un autre mode de conformité selon la raison de cause formelle, à savoir que l’homme veut quelque chose (aliquid) par charité, commeDieu le veut. 

Cette conformité est également ramenée (reducitur) à une conformité formelle qui est tirée de l’ordre vers la fin ultime, qui est l’objet propre de la charité.

Est et alius modus conformitatis secundum rationem causae formalis, ut scilicet homo velit aliquid ex caritate, sicut Deus vult.

Et ista etiam conformitas reducitur ad conformitatem formalem quae attenditur ex ordine ad ultimum finem, quod est proprium obiectum caritatis. 


1. -- Sur l'immédiateté du bien particulier, voir : DeVer.24a2, début.

2. -- "ex ordine ad ultimum finem", la traduction originale traduit "finem" par "but" !

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Thomas d'Aquin - I.q82a1 - EN COURS - Quelque chose de nécessaire peut être voulu ou comme moyen relatif à une fin ou selon sa propre nature

  • nécessité de la fin vs nécessité de contrainte, vs nécessité naturelle

La nécessité de la fin ne répugne pas à la volonté quand on ne peut parvenir à la fin sinon d'une seule manière ; par exemple si on a la volonté de traverser la mer, il est nécessaire pour la volonté qu’elle veuille le bateau.

Pareillement la nécessité naturelle ne répugne pas à la volonté. Bien au contraire, il doit en être ainsi :

  • de même que l’intellect adhère1(inhaereat) par nécessité aux premiers principes,
  • ainsi la volonté adhère (inhaereat) par nécessité à la fin dernière, qu’est la béatitude.
  • De fait, la fin est dans le domaine des actions (operativis)
  • comme le principe dans le domaine des [actes] spéculatifs,

comme il est  dit le en Physique, II.

Il faut donc que ce qui convient naturellement et immuablement (immobiliter) à quelque chose, soit fondement et principe de tous les autres, parce que

  • la nature de la chose (rei) est première en chacune de [ces choses],
  • et tout mouvement procède à partir d'un principe immobile.

(Somme, I.q82a1)

Necessitas autem finis non repugnat voluntati, quando ad finem non potest perveniri nisi uno modo, sicut ex voluntate transeundi mare, fit necessitas in voluntate ut velit navem.

Similiter etiam nec necessitas naturalis repugnat voluntati. Quinimmo necesse est quod,

  • sicut intellectus ex necessitate inhaeret primis principiis,
  • ita voluntas ex necessitate inhaereat ultimo fini, qui est beatitudo ;
  • finis enim se habet in operativis
  • sicut principium in speculativis,

ut dicitur in II Physic.

Oportet enim quod illud quod naturaliter alicui convenit et immobiliter, sit fundamentum et principium omnium aliorum, quia

  • natura rei est primum in unoquoque,
  • et omnis motus procedit ab aliquo immobili.

 

QUESTION ENTIERE

"Nécessité" se dit de plusieurs manière. Le nécessaire est "ce qui ne peut pas ne pas être".

  1. D'une première manière, cela peut convenir à quelque chose à partir d’un principe intrinsèque ;
    • soit d’un principe matériel, comme lorsque l’on dit que tout composé de contraires doit nécessairement se corrompre ;
    • soit d’un principe formel, comme lorsque l’on dit nécessaire que les trois angles d’un triangle soient égaux à deux droits. Et cela est la nécessité naturelle et absolue.
  2. Il peut ensuite convenir à un être de ne pouvoir pas ne pas être en raison d’un principe extrinsèque, cause finale ou efficiente.
    • (a) [Du côté de la nécessité à partir de] la fin, cela arrive quand un être ne peut atteindre sa fin, ou l’atteindre convenablement sans ce principe ; par exemple, la nourriture est nécessaire à la vie, le cheval au voyage. Cela s’appelle nécessité de la fin, ou parfois encore l’utilité.
    • (b)Tandis que [du côté de la nécessité] à partir de l'agent, la nécessité se rencontre quand un être se trouve contraint par un agent de telle sorte qu’il ne puisse pas faire le contraire. C’est la nécessité de contrainte.
    • (b) Cette dernière nécessité répugne tout à fait à la volonté. Car nous appelons violent ce qui est contraire à l’inclination naturelle d’une chose (rei). Or, le mouvement volontaire est une certaine inclination vers quelque chose (aliquid). Par suite, comme on appelle naturel ce qui est conforme à l’inclination de la nature, ainsi appelle-t-on volontaire ce qui est conforme à l’inclination de la volonté. Or, il est impossible qu’un acte soit à la fois violent et naturel ; il est donc également impossible qu’un acte soit absolument contraint ou violent, et en même temps volontaire.
    • (a) Mais la nécessité venue de la fin ne répugne pas à la volonté, lorsqu’elle ne peut atteindre cette fin que par un seul moyen ; ainsi lorsqu’on a la volonté de traverser la mer, il est nécessaire à la volonté qu’elle veuille prendre le bateau.
      • De même pour la nécessité de nature. Il faut même dire qu’il doit en être ainsi ; de même que l’intelligence adhère nécessairement aux premiers principes, de même la volonté adhère nécessairement à la fin dernière, qui est le bonheur. Car la fin a le même rôle dans l’ordre pratique que le principe dans l’ordre spéculatifs. Il faut en effet que ce qui convient naturellement et immuablement à quelque chose soit le fondement et le principe de tout ce qui en dérive ; car la nature est le premier principe en tout être, et tout mouvement procède de quelque chose d’immuable.

Necessitas dicitur multipliciter. Necesse est enim quod non potest non esse.

  1. Quod quidem convenit alicui, uno modo ex principio intrinseco,
    • sive materiali, sicut cum dicimus quod omne compositum ex contrariis necesse est corrumpi;
    • sive formali, sicut cum dicimus quod necesse est triangulum habere tres angulos aequales duobus rectis. Et haec est necessitas naturalis et absoluta.
  2. Alio modo convenit alicui quod non possit non esse, ex aliquo extrinseco, vel fine vel agente.
    • Fine quidem, sicut cum aliquis non potest sine hoc consequi, aut bene consequi finem aliquem, ut cibus dicitur necessarius ad vitam, et equus ad iter. Et haec vocatur necessitas finis; quae interdum etiam utilitas dicitur.
    • Ex agente autem hoc alicui convenit, sicut cum aliquis cogitur ab aliquo agente, ita quod non possit contrarium agere. Et haec vocatur necessitas coactionis.
    • Haec igitur coactionis necessitas omnino repugnat voluntati. Nam hoc dicimus esse violentum, quod est contra inclinationem rei. Ipse autem motus voluntatis est inclinatio quaedam in aliquid. Et ideo sicut dicitur aliquid naturale quia est secundum inclinationem naturae, ita dicitur aliquid voluntarium quia est secundum inclinationem voluntatis. Sicut ergo impossibile est quod aliquid simul sit violentum et naturale; ita impossibile est quod aliquid simpliciter sit coactum sive violentum, et voluntarium.
    • Necessitas autem finis non repugnat voluntati, quando ad finem non potest perveniri nisi uno modo, sicut ex voluntate transeundi mare, fit necessitas in voluntate ut velit navem.
      • Similiter etiam nec necessitas naturalis repugnat voluntati. Quinimmo necesse est quod, sicut intellectus ex necessitate inhaeret primis principiis, ita voluntas ex necessitate inhaereat ultimo fini, qui est beatitudo, finis enim se habet in operativis sicut principium in speculativis, ut dicitur in II Physic. Oportet enim quod illud quod naturaliter alicui convenit et immobiliter, sit fundamentum et principium omnium aliorum, quia natura rei est primum in unoquoque, et omnis motus procedit ab aliquo immobili.

1. inhaereat : adhère de manière inhérente. Thomas aurait-il pu utiliser le verbe adhærĕō, adhérer, se tenir attaché... ??

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