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Thomas d'Aquin - De Malo, q4a5ad4 - Les vertus cardinales sont respectivement dans la raison, la volonté, le concupiscible, l'irascible

La justice

  • ne regarde pas les passions,
  • mais les opérations,

comme il est dit dans l'Éthique V, 1.

C'est pourquoi la justice

  • n'est pas dans les appétits irascible et concupiscible,
  • mais dans la volonté.

Et ainsi les quatre vertus principales sont dans les quatre puissances qui peuvent être le siège d'une vertu :

  • la prudence dans la raison,
  • la justice dans la volonté,
  • la tempérance dans le concupiscible
  • et la force dans l'irascible.

(De Malo, q4a5ad4)

Iustitia autem

  • non est circa passiones,
  • sed circa operationes,

ut dicitur in V Ethic.;

unde iustitia

  • non est in irascibili et concupiscibili,
  • sed in voluntate.

Et sic quatuor virtutes principales sunt in quatuor potentiis quae sunt susceptivae virtutis:

  • prudentia quidem in ratione,
  • iustitia in voluntate,
  • temperantia in concupiscibili,
  • fortitudo in irascibili.

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Thomas d'Aquin - DeMalo.q15a4 - EN COURS - Quatre actes de la raison et deux de l'affect à l'égard des actes humains

L'intérêt ici est de distinguer les différents actes humains, au-delà du contexte de la luxure dans lequel Thomas l'évoque, notamment à propos de l'ordre de ces actes.

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Et c'est pourquoi lorsque, dans l'acte de luxure, toute l'intention de l'âme est entraînée par la véhémence du plaisir vers les forces inférieures, c'est-à-dire le concupiscible et le sens du toucher, il est nécessaire que les puissances supérieures, à savoir la raison et la volonté, en souffrent un dommage. Et ideo quando in actu luxuriae propter vehementiam delectationis tota intentio animae attrahitur ad inferiores vires, idest ad concupiscibilem et ad sensum tactus, necesse est quod superiores, scilicet ratio et voluntas, defectum patiantur.

Or il y a quatre actes de la raison pour diriger (dirigit) les actes humains :

[1. Le bien fin :]

  • le premier est une certaine intellection par laquelle quelqu'un juge droitement de la fin, qui est comme le principe dans les opérations, comme le dit le Philosophe dans les Physiques (II, 15) ;

et dans la mesure où cet acte est empêché, on compte comme fille de la luxure l'aveuglement de l'esprit, selon cette parole de Daniel (13, 56) : "La beauté t'a égaré, et le désir a perverti ton coeur."

 

[2. Le conseil/délibération à propos des moyens :]

  • Le second acte est le conseil [~délibération] sur ce qu'il faut faire,

que le désir supprime ; Térence dit en effet dans l'Eunuque (Act. I, 1, vers. 12) : "La chose n'admet en soi nulle conseil et nulle mesure, tu ne peux la régler par la réflexion", et il parle de l'amour sensuel (libidinoso) ; à ce point de vue, on a l'irréflexion.

 

[3. Le jugement auquel parvient le conseil : un moyen est choisi :]

  • Le troisième acte est le jugement sur les actions [qu'on doit poser] ;

et la luxure y met aussi obstacle. Il est dit en effet en Daniel (13, 9) : "Ils ont perverti leur esprit pour ne pas se souvenir des justes jugements" ; et à ce point de vue, on a la précipitation, lorsque l'homme est porté au consentement de façon précipitée (consensum praecipitanter), sans avoir attendu le jugement de la raison.

 

[4. Le moyen choisi doit être mis en oeuvre, commandement à l'exécution :]

  • Le quatrième acte est l'ordre d'agir (praeceptum de agendo),

qui est aussi empêché par la luxure en ce que l'homme ne persiste pas dans ce qu'il a décidé, comme Térence le dit aussi dans l'Eunuque (Act. I, 1, vers. 23) : "Ces paroles", selon lesquelles tu dis que tu vas te séparer de ton amie, "une fausse petite larme en restreindra la portée", et à ce point de vue, on a l'inconstance.

Sunt autem quatuor actus rationis, secundum quod dirigit humanos actus:

  • quorum primus est intellectus quidam, quo aliquis recte existimat de fine, qui est sicut principium in operativis, ut philosophus dicit in II Physic.;

et in quantum hoc impeditur, ponitur filia luxuriae caecitas mentis, secundum illud Daniel., XIII, 56: species decepit te, et concupiscentia subvertit cor tuum.

  • Secundus actus est consilium de agendis,

quod per concupiscentiam tollitur; dicit enim Terentius in eunucho: quae res in se neque consilium, neque modum habet ullum, eam consilio regere non potes; et loquitur in amore libidinoso; et quantum ad hoc ponitur inconsideratio.

  • Tertius actus est iudicium de agendis;

et hoc etiam impeditur per luxuriam: dicitur enim Daniel., XIII, 9, quod averterunt sensum suum (...) ut non recordarentur iudiciorum iustorum; et quantum ad hoc ponitur praecipitatio, dum scilicet homo inclinatur ad consensum praecipitanter, non expectato iudicio rationis.

  • Quartus actus est praeceptum de agendo,

quod etiam impeditur per luxuriam, in quantum homo non persistit in eo quod diiudicavit, sicut etiam Terentius dicit eunucho: haec verba, quae scilicet dicis, te recessurum ab amica, una falsa lacrymula restinguet; et quantum ad hoc ponitur inconstantia.

Par contre, du côté des affects désordonnés, deux choses sont à considérer. °°°

  1. La première est l'appétit du plaisir, vers lequel la volonté se porte comme à une fin ;
    • et quant à cela, on a l'amour de soi, quand on appète (appetit) pour soi de façon in-ordonnée (inordinate) le plaisir,
    • et par opposition, la haine de Dieu, dans la mesure où il défend le plaisir que l'on convoite (concupitam).

 

  1. L'autre chose à considérer, c'est l'appétit des choses grâce auxquelles on obtient cette fin-là ;
    • et quant à cela, on a les affects au monde présent,
      • c'est-à-dire à tout ce par quoi on parvient à la fin visée (intentum), qui appartient à ce monde présent ;
    • et par opposition, on a le désespoir du monde futur, parce que quand on s'attache trop aux plaisirs charnels, on a davantage de mépris pour les spirituels.

 

(DeMalo.q15a4)

Ex parte vero inordinationis affectus duo sunt consideranda,

  1. quorum unum est appetitus delectationis, in quem fertur voluntas ut finem;
    • et quantum ad hoc ponitur amor sui, dum scilicet inordinate sibi appetit delectationem;
    • et per oppositum odium Dei, in quantum scilicet prohibet delectationem concupitam.

 

  1. Aliud vero est appetitus eorum per quae consequitur quis hunc finem;
    • et quantum ad hoc ponitur affectus praesentis saeculi,
      • id est omnium eorum per quae ad finem intentum pervenit, quae ad saeculum istud pertinent;
    • et per oppositum ponitur desperatio futuri saeculi, quia dum nimis affectat carnales delectationes magis despicit spirituales.

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1. Ordre concret des six actes mentionnés dans ce passage

  1. L'amour du bien (appétit du bien)
  2. Le jugement que ce bien est une bonne fin
  3. Le désir d'un moyen (en raison de la fin aimée recherchée)
  4. La délibération sur les moyens
  5. Le choix d'un moyen
  6. Le commandement

2. Ordre général à travers l'oeuvre

  1. L'amour du bien
  2. Le jugement que ce bien est une bonne fin
  3. Les actes concernant les moyens
    1. Le désir d'un moyen (en raison de la fin aimée recherchée)
    2. Le conseil / délibération sur les moyens
    3. Le jugement issu de la délibération
  4. Le commandement
  5. L'exécution
  6. La jouissance (plaisir/joie)

3. Correspondance des vices engendrés par la luxure avec les actes humains :  

Raison
1. une intellection par laquelle on juge droitement de la fin aveuglement de l'esprit (caecitas mentis)
2. délibération à propos des moyens irréflexion (inconsideratio)
3. jugement final à propos d'un moyen consécutif de la délibération précipitation
4. commandement inconstance (manque de persévérance dans ce qui a été préalablement jugé)
Volonté / Affect
1. amour du bien amour désordonné de soi (quand on appète pour soi de manière in-ordonnée)
2. amour des moyens deséspoir du monde futur (par opposition à l'affect aux moyens de ce monde au service d'un mauvais bien)

 

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a4ad9 - La raison veut naturellement le bien sans mettre en oeuvre un habitus

  • Seule suffit la connaissance d'un bien

[Les puissances appétitives inférieures]

Les puissances appétitives inférieures, c’est‑à‑dire l’irascible et le concupiscible, ont besoin d’habitus pour être perfectionnées par les vertus morales.

En effet, que leurs actes soient modérés,

  • cela n'excède pas la nature humaine,
  • mais cela excède la force des puissances susdites.

Il est donc nécessaire que ce qui appartient à la puissance supérieure, c’est‑à‑dire à la raison, soit imprimé en elles ; et cette empreinte même de la raison dans les puissances inférieures accomplit formellement (formaliter) les vertus morales. 

[La puissance affective supérieure]

Mais la puissance affective supérieure

  • n’a pas de cette manière besoin d’un habitus particulier,
  • car elle tend naturellement vers le bien qui lui est connaturel, comme vers son objet propre.

D'où aussi est‑il seulement requis, pour qu’elle veuille le bien, qu’il lui soit montré par la puissance cognitive. 

(DeVer.q24a4ad9)

[ ]

Appetitivae inferiores, scilicet irascibilis et concupiscibilis, habitibus indigent, unde perficiuntur virtutibus moralibus.

Quod enim actus eorum moderati sint,

  • non excedit naturam humanam,
  • sed excedit vim dictarum potentiarum.

Unde oportet quod id quod est superioris potentiae, scilicet rationis, eis imprimatur ; et ipsa sigillatio rationis in inferioribus viribus formaliter perficit virtutes morales. 

[ ]

Affectiva autem superior

  • non indiget hoc modo aliquo habitu,
  • quia naturaliter tendit in bonum sibi connaturale sicut in proprium obiectum.

Unde ad hoc quod velit bonum, non requiritur nisi quod ostendatur sibi per vim cognitivam.

 


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Thomas d'Aquin - I-II.q23a1ad1 - Il doit nécessairement y avoir une puissance de l'irascible

  • ... sans quoi le bien difficile serait uniquement regardé comme un mal
  •  Le bien, en tant que délectable, meut le concupiscible.
  • Mais si le bien présente quelque difficulté à être atteint, il a par cela même quelque chose qui répugne à ce concupiscible.

Et c'est pourquoi il est nécessaire qu'il existe une autre puissance pour tendre à cela [= au bien en tant que difficile à atteindre]. 

Et il en va de même pour le mal.

Et cette puissance est l'irascible.

D'où vient la conséquence que les passions du concupiscible et de [celles] de l'irascible diffèrent par l'espèce.

(Somme, I-II.q23a1ad3) 

  • Bonum inquantum est delectabile, movet concupiscibilem.
  • Sed si bonum habeat quandam difficultatem ad adipiscendum, ex hoc ipso habet aliquid repugnans concupiscibili.

Et ideo necessarium fuit esse aliam potentiam quae in id tenderet.

Et eadem ratio est de malis.

Et haec potentia est irascibilis.

Unde ex consequenti passiones concupiscibilis et irascibilis specie differunt.

 


 

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Thomas d'Aquin - I.q59a4ad2 - Ce que sont l'amour et la joie au plan spirituel (et non au plan du sensible, commun avec les animaux)

L'amour et la joie,

  • selon qu'elles sont des passions, sont dans le concupiscible ;
  • mais selon qu'ils nomment un acte simple de la volonté, il sont alors dans la partie intellective [= spirituelle] ;

ainsi

  • aimer, c'est vouloir le bien à quelqu'un,
  • et être en joie, c'est le repos de la volonté en un certain bien possédé.

(Somme,I.q59a4ad2)

Amor et gaudium,

  • secundum quod sunt passiones, sunt in concupiscibili,
  • sed secundum quod nominant simplicem voluntatis actum, sic sunt in intellectiva parte;

prout

  • amare est velle bonum alicui,
  • et gaudere est quiescere voluntatem in aliquo bono habito.

 


1. -- Dans le traité des passions, la joie sera plus précisément vue comme le plaisir spirituel ; tandis que la plaisir proprement dit sera plutôt réeservé au plan sensible. Thomas, même s'il est habituellement d'une grande précision quant à l'utilisation des termes, montre qu'il est possible d'utiliser le vocabulaire du monde sensible sur le plan spirituel et vis versa. Thomas expliquera par exemple que le mot concupiscible, par extension, peut être utilisé au niveau spirituel.

2. -- "amare est velle bonum alicui" : attention à ne pas traduire "vouloir du bien", ici on ne cherche pas à "se faire du bien" l'un envers lautre, on veut bien plus profondément que l'autre atteigne le bien, son bien, on fait tout pour que l'autre puisse l'atteindre, quitte à ce que ce bien soit envers lui le don de nous-même dans l'amitié, la charité (sans que cela s'y restreigne). Dans une réflexion voisine, on encouragera à ne pas traduire benevolentia par bienveillance, mais par un mot qu'il aurait fallu reproduire en français par quelque chose comme "bienvoulance", il s'agit de vouloir le bien pour l'autre. Avec le terme bienveillance, on est loin du compte.

 

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Thomas d'Aquin - Le bavardage (multiloquium) - DeMalo.q14a4

... comme conséquence de la gourmandise...

... un désordre dans la parole, et c'est le bavardage (multiloquium) : car si la raison ne pèse pas les mots, la conséquence est que l'homme se répand en mots superflus...

(DeMalo.q14a4)

Tertio sequitur inordinatio locutionis; et sic est multiloquium: quia dum ratio verba non ponderat, consequens est ut homo ad verba superflua dilabatur.

 

 

 

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Thomas d'Aquin - Les passions de l'irascible ont leur principe dans celles du concupiscible et se terminent en elles

Les passions de l'irascible sont intermédiaires (mediae) entre les passions du concupiscible qui portent sur mouvement vers le bien ou vers le mal, et celles qui portent sur un repos dans le bien ou dans le mal. On voit donc que les passions de l'irascible ont leur principe dans celles du concupiscible et se terminent en elles. (Somme, Ia-IIae, q. 25, a. 1, c.)

Passiones irascibilis mediae sunt inter passiones concupiscibilis quae important motum in bonum vel in malum; et inter passiones concupiscibilis quae important quietem in bono vel in malo. Et sic patet quod passiones irascibilis et principium habent a passionibus concupiscibilis, et in passiones concupiscibilis terminantur.

 

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