Accéder au contenu principal

Thomas d'Aquin - De Ver. q24a9 - Par la grâce, l’homme peut être si attaché au bien qu’il ne puisse que très difficilement pécher

[Dans l'état de voie, l'exercice de la raison ne peut être continu]

  • Or, bien qu’il puisse être accordé à un viateur que la raison ne se trompe aucunement 
      • à propos de la fin du bien
      • et à propos des [biens] utiles dans en particulier,
    • grâce aux dons de sagesse et de conseil,
  • cependant, que le jugement de la raison ne puisse être interrompu, cela excède l’état de voie, pour deux raisons.
    • D’abord et principalement parce qu’il est impossible à la raison d’exercer toujours l’acte de droite contemplation dans l’état de voie, en sorte que la raison de toutes les opérations [= actions] soit Dieu.
    • Ensuite, parce qu’il n'arrive pas, dans l’état de voie, que les puissances inférieures soient tellement soumises à la raison, que son acte ne soit nullement empêché à cause d’elles, sauf dans le Seigneur Jésus‑Christ, qui fut simultanément viateur et compréhenseur.

[Par la grâce, la continuité de l'attachement au bien peut être presque entier]

Mais cependant, par la grâce de la voie, l’homme peut être attaché au bien de telle façon qu’il ne puisse que très difficilement pécher : ainsi, en effet,

  • les puissances inférieures
    • sont réfrénées par les vertus infuses,
  • et la volonté
    • est inclinée plus fortement vers Dieu,
  • et la raison
    • est perfectionnée dans la contemplation de la vérité divine, et [cette] continuation [de la contemplation] provenant de la ferveur de l’amour (ex fervore amoris) retire [l’homme] du péché.

Et tout ce qui manque pour la confirmation est complété par la garde de la divine providence, en ceux que l’on dit confirmés ; c’est‑à‑dire que chaque fois qu’il s’introduit une occasion de pécher, leur esprit est divinement stimulé pour résister. 

(De Ver. q24a9)

[ ]

  • Quamvis autem alicui viatori concedi possit ut ratio nullatenus erret
      • circa finem boni,
      • et circa utilia in particulari,
    • per dona sapientiae et consilii,
  • tamen non posse intercipi iudicium rationis, excedit statum viae, propter duo.
    • Primo et principaliter, quia rationem esse semper in actu rectae contemplationis in statu viae, ita quod omnium operum ratio sit Deus, est impossibile.
    • Secundo, quia in statu viae non contingit inferiores vires ita rationi esse subditas, ut actus rationis nullatenus propter eas impediatur, nisi in domino Iesu Christo, qui simul viator et comprehensor fuit.

[ ]

Sed tamen per gratiam viae ita potest homo bono astringi, quod non nisi valde de difficili peccare possit, per hoc quod

  • ex virtutibus infusis inferiores vires refrenantur,
  • et voluntas
    • in Deum fortius inclinatur,
  • et ratio
    • perficitur in contemplatione veritatis divinae, cuius continuatio ex fervore amoris proveniens hominem retrahit a peccato.

Sed totum quod deficit ad confirmationem, completur per custodiam divinae providentiae in illis qui confirmati dicuntur ; ut scilicet quandocumque occasio peccati se ingerit, eorum mens divinitus excitetur ad resistendum.

 

-----

  1. Cette citation plus longue est d'abord d'ordre théologique. Dans notre condition actuelle (in statu viae), la perfection de nos actions est impossible sans la grâce.
  2. A propos du vocabulaire, viateur signifie celui qui voyage en cette vie, ce voyageur est in statu viae, c'est à dire en transition, sur la voie qui le mène à la fin dernière, la vision béatifique.
  3. Compréhenseur signifie celui qui peut embrasser la totalité d'un ensemble, être capable de prendre ensemble. C'est le cas du Christ, voyageur en tant qu'homme et compréhenseur en tant que Dieu.
  4. "La raison est rendue parfaite dans la contemplation de la vérité divine, dont la continuation provenant de la ferveur de l’amour (ex fervore amoris) retire l’homme du péché"... La continuité de la contemplation provient de la ferveur de l'amour. 
  • Dernière mise à jour le .

Thomas d'Aquin - La division en l'homme du fait de sa nature composée - Le cas de la contemplation - CommNico.1534

C'est pourquoi,

  • si l'homme, selon une certaine de ses dispositions, pose une action délectable pour lui,
  • cette délectation est hors de sa nature pour l'homme selon une autre de ses dispositions.

Ainsi,

  • contempler est naturel à l'homme en raison de l'intellect,
  • mais hors de sa nature en raison des organes de l'imagination, qui travaillent tandis qu'il contemple.

C'est pourquoi la contemplation n'est pas toujours délectable à l'homme. Et cela est similaire pour la consommation  de nourriture, qui est naturelle au corps qui a faim, mais hors de sa nature pour le corps déjà repu.

(Commentaire Ethique à Nicomaque,  n°1534)

Et ideo,

  • si homo secundum aliquam sui dispositionem agat aliquam actionem sibi delectabilem,
  • haec delectatio est praeternaturalis homini secundum alteram eius dispositionem.

Sicut

  • contemplari est naturale homini ratione intellectus,
  • sed est praeternaturale homini ratione organorum imaginationis, quae laborant in contemplando.

Et ideo contemplatio non est semper homini delectabilis. Et est simile de sumptione cibi quae est naturalis corpori indigenti, praeter naturam autem corpori iam repleto.

 -----

1. C'est pourquoi celui qui a un désir intense de contempler verra son corps moins rapidement à la traine de la partie spirituelle même après une longue période de contemplation. Mais arrivera un moment où le corps ne pourra plus suivre.

2. Noter combien Thomas est réaliste puisqu'il n'isole pas du corps l'activité de l'intellect. Thomas parle ici davantage de la contemplation naturelle, philosophique. Il faudrait comparer avec ce qu'il dit dans le cas de la contemplation dont le contenu vient de la foi.

  • Dernière mise à jour le .