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Thomas d'Aquin - I.q62a9ad1 - Au terme, plus de mouvement, le changement est accompli, la fin atteinte - Ainsi la différence entre la charité d'ici-bas et la charité parfaite

 

On a laissé le texte entier de cette réponse au 3ème argument, et donc aussi son aspect théologique (le mérite, l'ange, l'état de voyageur, la charité). 

Deux choses à notre ici : le préambule général sur le progrès, et son application à propos de la charité.

[On se demande] si les anges bienheureux dans la béatitude peuvent progresser ?  Utrum angeli beati in beatitudine proficere possint

[Préambule]

Le mérite est à l'égard de celui qui est mû vers la fin. Or la créature rationnelle est mûe vers la fin, 

  • non seulement en [recevant] passivement, 
  • mais aussi en opérant [activement]. 
  • Et si une certaine fin est sous la puissance (virtuti)de la créature rationnelle,
    • cette opération est dîte acquisition de cette fin ;
    • comme l'homme en méditant acquiert la science [la science est le fruit du raisonnement],
  • mais si la fin n'est pas en son pouvoir (potestate),
    • mais reçue par un autre,
      • l'opération sera méritoire de la fin

De plus, à ce qui est [parvenu] au terme ultime (ultimo termino), ne convient plus de mouvoir, mais le changement est [= est accompli].

[Progrès dans la charité et charité parfaite]

D'où

  • la charité imparfaite, qui est celle de la voie, c'est mériter,
  • tandis que la charité parfaite n'est pas mériter, mais est dans le pouvoir fruir de la récompense [= mais cueille le fruit de la récompense].

Et comme dans les habitus acquis, l'opération qui précède l'habitus est acquisition de l'habitus, mais [l'opération] qui est issu d'un habitus déjà acquis, est une opération déjà parfaite [la] déléctation [qui l'accompagne].

Et de manière similaire l'acte de la charité parfaite n'a pas la raison de mérite mais relève plutôt de la perfection de la récompense.

(Somme, I.q62a9ad1)

Mereri est eius quod movetur ad finem. Movetur autem ad finem creatura rationalis,

  • non solum patiendo,
  • sed etiam operando.

Et si quidem finis ille subsit virtuti rationalis creaturae, operatio illa dicetur acquisitiva illius finis, sicut homo meditando acquirit scientiam,

si vero finis non sit in potestate eius, sed ab alio expectetur, operatio erit meritoria finis.

Ei autem quod est in ultimo termino, non convenit moveri, sed mutatum esse.

Unde

  • caritatis imperfectae, quae est viae, est mereri,
  • caritatis autem perfectae non est mereri, sed potius praemio frui.

Sicut et in habitibus acquisitis, operatio praecedens habitum est acquisitiva habitus, quae vero est ex habitu iam acquisito, est operatio iam perfecta cum delectatione.

Et similiter actus caritatis perfectae non habet rationem meriti, sed magis est de perfectione praemii.

N.B. : Traduction un peu difficile par endroit, sans doute très perfectible, la dernière phrase par ex.

1. -- Noter que le vocabulaire propre au domaine passionnel et le vocabulaire propre au domaine spirituel sont quelque fois utilisés l'un pour l'autre par Thomas. délectation désigne proprement le plaisir sensible mais est ici utilisé pour désigner la joie, plaisir spirituel.

 

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Thomas d'Aquin - Le libre arbitre se rapporte par lui-même et naturellement au bien - III.q34a3ad1

  • et il se rapporte au mal sur le mode du défaut et hors de la nature

Le libre arbitre ne se rapporte pas au bien et au mal de la même manière,

  • car il se rapporte au bien
    • par lui-même
    • et naturellement ;
  • mais il se rapporte au mal
    • sur le mode du défaut
    • et hors de la nature.

Mais comme le dit le Philosophe, dans De Caelo II, 3, ce qui est au-delà de la nature est postérieur à ce qui est selon la nature, parce que ce qui est au-delà de la nature est une sorte de coupure (excisio) de ce qui est selon la nature.

Et donc le libre arbitre d'une créature au premier instant de sa création

  • peut être mû vers le bien en méritant,
  • mais non vers le mal en péchant,

du moins si la nature est encore intacte.

(Somme, III.q14a1ad2)

Liberum arbitrium non eodem modo se habet ad bonum et ad malum,

  • nam ad bonum se habet
    • per se
    • et naturaliter;
  • ad malum autem se habet
    • per modum defectus,
    • et praeter naturam.

Sicut autem philosophus dicit, in II de caelo, posterius est quod est praeter naturam, eo quod est secundum naturam, quia id quod est praeter naturam, est quaedam excisio ab eo quod est secundum naturam.

Et ideo liberum arbitrium creaturae in primo instanti creationis

  • potest moveri ad bonum merendo,
  • non autem ad malum peccando,

si tamen natura sit integra.

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 1. Citation du De Caelo, 286a 18 : 

ὕστερον δὲ τὸ παρὰ φύσιν τοῦ κατὰ φύσιν,
καὶ ἔκστασίς τίς ἐστιν ἐν τῇ γενέσει
τὸ παρὰ φύσιν τοῦ κατὰ φύσιν

"D'autre part ce qui est contre la nature est postérieur à ce qui est selon la nature
et ce qui est contre nature dans la génération est une sorte de déviation au regard de ce qui est selon la nature."

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