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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a10ad2 - La volonté, lorsqu'elle aime, devient spirituellement une avec ce qu'elle aime

 

La nature spirituelle, quant à son être second, a été faite

  • indéterminée (indeterminata)
  • et capable de tout (omnium capax)

(comme il est dit dans le De Anima d'Aristote, que

  • l’âme est d'une certaine manière (quodammodo) toutes choses ;
  • et en adhérant à une chose, elle est rendue (efficitur) une avec elle ;

comme

  • l'intellect devient d’une certaine (quodammodo) façon l’intelligible lui‑même
    • lorsqu’il intellige,
  • et que la volonté devient l’appétible lui‑même
    • lorsqu’elle aime (amando).

(DeVer.q24a10ad2)

 

Natura spiritualis est facta quantum ad secundum esse suum

  • indeterminata,
  • et omnium capax ;

sicut dicitur in III de Anima [cap. 8 (431 b 21)], quod

  • anima est quodammodo omnia :
  • et per hoc quod alicui adhaeret, efficitur unum cum eo ;

sicut

  • intellectus fit quodammodo ipsum intelligibile
    • intelligendo,
  • et voluntas ipsum appetibile
    • amando.

 


 1. -- Thomas montre d'autre part que cette union ne se fait pas de la même manière sur plan de l'intellect et sur plan de la volonté. Sur le plan volontaire lui-même, l'union peut être vue sous son aspect affectif et sous son aspect effectif.

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a4 - Distinction du libre arbitre au sens propre (un acte) et au sens usuel (une puissance)

  • Le libre arbitre, si l'on prête attention à la force du mot (vis vocabuli), désigne un acte ;
  • mais à partir de l'usage (ex usu) du langage est tirée une signification selon laquelle [le libre arbitre] est principe de l'acte.

En effet, lorsque nous disons que l’homme est [doué] de libre arbitre,

  • nous n'intelligeons pas (non intelligimus) qu’il juge librement en acte,
  • mais qu’il a en lui‑même de quoi pouvoir juger librement. 

(DeVer.q24a4)

  • Liberum arbitrium, si vis vocabuli attendatur, nominat actum ;
  • sed ex usu loquendi tractum est ut significet id quod est principium actus.

Cum enim dicimus esse hominem liberi arbitrii,

  • non intelligimus quod actu libere iudicet,
  • sed quod habeat in se unde possit libere iudicare. 

1. -- Le langage courant montre que nous préférons regarder le libre arbitre comme un pouvoir (donc comme une puissance en général) plutôt que comme cet acte de libre arbitre et cet autre acte de libre arbitre. Pour être libre, il faut "pratiquer" la liberté, c'est à dire poser concrètement tels actes de libre arbitre, c'est à dire tels actes de choix (desquels découlent telles actions). Pas de liberté seulement en puissance.

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a4 - Ni juger, ni juger librement n'est un habitus

Passage dans lequel les mots 

  • vis,
  • potentiae,
  • potestate

sont à distinués.

[L’acte de juger simple ne nécessite pas d'habitus]

Juger,

  • si rien n'est ajouté,
  • n'excède pas la capacité de la puissance (vim potentiae),
    • attendu que c’est l’acte d’une puissance,
      • c'est à dire la raison,
    • par [sa] nature propre,
    • sans cela qu'un certain habitus surajouté soit requis.

[L’acte de juger librement ne change rien]

  • Et si l’on y ajoute « librement » (libere),
  • de manière similaire [juger] n'excède [toujours] pas la capacité de la puissance (vim potentiae).

Car une chose est dîte se faire librement (libere) lorsqu’elle est au pouvoir (potestate) de celui qui fait.

Or, qu’une chose soit en notre pouvoir, cela est en nous

  • par une certaine puissance,
    • c'est à dire la volonté,
  • et non par un habitus.

Voilà pourquoi l’expression de libre arbitre ne désigne pas un habitus, mais

  • la puissance de volonté
  • ou de raison,
  • l’une en relation (ordinem) à l’autre.

En effet, l’acte d’élection est produit ainsi, c’est‑à‑dire de l’une d’elles en relation (ordinem) à l’autre (...).

De ce qui précède ressort aussi le motif pour lequel certains ont prétendu que le libre arbitre était un habitus. En effet, certains ont affirmé cela à cause de ce qui est ajouté par le libre arbitre à la volonté et à la raison, c’est‑à‑dire la relation (ordinem) de l’une à l’autre. Mais cela... 

(DeVer.q24a4)

[ ]

Iudicare,

  • si nihil addatur,
  • non excedit vim potentiae,
    • eo quod est alicuius potentiae actus,
      • scilicet rationis,
    • per propriam naturam,
    • sine hoc quod aliquis habitus superadditus requiratur.

[ ]

  • Hoc autem quod additur libere,
  • similiter vim potentiae non excedit. 

Nam secundum hoc aliquid libere fieri dicitur quod est in potestate facientis.

Esse autem aliquid in potestate nostra inest nobis

  • secundum aliquam potentiam,
  • non autem per aliquem habitum,
    • scilicet per voluntatem.

Et ideo liberum arbitrium habitum non nominat, sed

  • potentiam voluntatis
  • vel rationis,
  • unam siquidem per ordinem ad alteram.

Sic enim actus electionis progreditur, ab una scilicet earum per ordinem ad aliam (...).

Patet etiam ex dictis, unde quidam moti sunt ad ponendum liberum arbitrium esse habitum. Quidam enim hoc posuerunt propter id quod superaddit liberum arbitrium super voluntatem et rationem, scilicet ordinem unius ad alteram. Sed hoc...

 


1. -- Bien comprendre cette ordre entre volonté et raison...

2. --

  • Nous n'acquérons pas le jugement comme nous acquérons le courage. Juger que cette table-ci existe ne demande pas d'entraînement, alors que le courage, comme tous les habitus, demande à être exercé pour être acquis. C'est à force d'actes courageux que les actes courageux deviennent faciles à poser, comme une seconde nature ajoutée. Pour celui qui en fait usage, juger ou juger librement sont des puissances naturelles à disposition, et ce non par une seconde nature ajoutée.
  • On note que Thomas glisse du terme de libre arbitre au terme d'élection, ce qui montre bien la force du lien qui les lie, le second étant l'acte propre du premier.
  • Préciser ceci : Le libre arbitre est issu d'une puissance de la volonté ou de la raison, d'un ordre de l'une avec l'autre. L'élection est produite dans un ordre entre la volonté et la raison. Plus loin Thomas dit que le libre arbitre ajoute un ordre entre volonté et raison." Ce passage dans lequel Thomas semble hésiter à la suite d'Aristote trouve une réponse très claire en q24a6 et les rép. - Voir aussi Somme, I.q83a3).
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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a4ad4 - Juger librement relève directement de la puissance même de la raison

 

Connaître immatériellement convient à l’intelligence par la nature même de cette puissance.

Ainsi, le mode impliqué en cela que je dis « juger librement » (libere iudicare),

  • ne relève pas d’un habitus surajouté
  • mais relève de la puissance même de la raison (ipsam potentiae rationem)

(DeVer.q24a4ad4)

Cognoscere immaterialiter convenit intellectui ex ipsa natura potentiae.

Modus igitur importatus in hoc quod dico libere iudicare,

  • non pertinet ad aliquem habitum superadditum,
  • sed ad ipsam potentiae rationem pertinet.

 


 

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Thomas d'Aquin - I-II.q22a3ad2 - ~ L'appétit sensible pâtit plus qu'il n'est actué alors que l'appétit intellectuel est plus actué qu'il ne pâtit

On dit que la magnitude [= l'ampleur] de la passion

  • ne dépend pas seulement de la puissance (ex virtute) de l'agent,
  • mais encore de la passibilité (ex passibilitate) de celui qui pâtit,

parce que les choses qui sont bien passibles (quae sunt bene passibilia) pâtissent beaucoup même de la part d'un agent faible.

  • Donc bien que l'objet de l'appétit intellectuel soit plus actif que l'objet de l'appétit sensitif, [ce qui devrait donc entraîner une plus grande passion dans celui qui pâtit]
  • pourtant l'appétit sensitif est plus passif.

(Somme, I-II.q22a3ad2)

Dicendum quod magnitudo passionis

  • non solum dependet ex virtute agentis,
  • sed etiam ex passibilitate patientis,

quia quae sunt bene passibilia, multum patiuntur etiam a parvis activis.

  • Licet ergo obiectum appetitus intellectivi sit magis activum quam obiectum appetitus sensitivi,
  • tamen appetitus sensitivus est magis passivus.

 


 1. -- "quia quae sunt bene passibilia...", comprendre  : "parce ques les choses disposées à pâtir pâtissent beaucoup même de la part d'une cause de moindre importance".

2. -- Puisque TH. dit que la passion est davantage dans la partie sensible que dans la partie intellectuelle, il reconnît par là même que la prtie intellectuelle possède un côté passif, sans doute a-t-il ici en tête l'intellect passif.

3. -- Ici TH. semble dire que puisque le monde de l'appétit sensible est lié à la matière il est davantage passible que la partie appétit intellectuel. Alors que la partie intellectuelle, du fait même qu'elle est intellectuelle, est davantage portée à l'acte. L'objet de de l'appétit intellectuel actue davantage l'appétit intellectuel qu'il ne le fait pâtir. Par exemple, lorsque Dieu se révèle à nous, il nous actue plus qu'il ne nous fait pâtir.

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Thomas d'Aquin - I.q79a10 - Distinction intelligence et intellect

Ce nom "intelligence" signifie proprement l'acte même de l'intellect qui est intelliger. (...) Ainsi donc l'intelligence de l'intellect n'est pas distinguée

  • comme une puissance à l'égard d'une puissance ;
  • mais comme l'acte d'une puissance.

(Somme, I.q79a10)

 

Hoc nomen intelligentia proprie significat ipsum actum intellectus qui est intelligere. (...) Sic ergo intelligentia ab intellectu non distinguitur

  • sicut potentia a potentia;
  • sed sicut actus a potentia.

 

 

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Thomas d'Aquin - I.q79a10ad3 - Intelligence | Intention | Raisonnement-Découverte | Jugement | Sagesse | Parole intérieure | Parole extérieure

Tous ces actes que le Damascène énumère sont une seule puissance, c'est à dire la [puissance] intellectuelle.

  1. Premièrement elle appréhende simplement quelque chose, et cet acte est dit intelligence.
  2. Deuxièmement, ce qu’elle a appréhendé, elle l'ordonne à quelque chose d'autre à connaître ou à opérer [= agir], et cela est appelé intention.
  3. Alors qu'elle persiste à chercher ce vers quoi elle tend, cela est appelé découverte par la réflexion.
  4. Alors qu'elle examine ce qui a été découvert par la réflexion pour [parvenir] à quelque chose de certain, cela est dit connaître ou faire oeuvre de sagesse (scire ver sapere) ; ce qu'est la phronèsis ou la sagesse, car "la sagesse c'est juger ", comme il est dit en Métaphysique I.
  5. Alors qu'elle tient quelque chose pour certain, comme quelque chose qui a été examiné, elle pense à comment manifester [= communiquer] cela aux autres, et cela est la disposition de la parole intérieure (intrioris sermonis) ;
  6. de quoi procède la parole extérieure (exterior locutio).

Et en effet toute différence dans les actes ne se diversifie pas en puissances ; mais celle-là seulement qui ne peut être réduite au même principe, comme il a été dit plus haut.

(Somme, I.q79a10ad3)

 

Omnes illi actus quos Damascenus enumerat, sunt unius potentiae, scilicet intellectivae.

  1. Quae primo quidem simpliciter aliquid apprehendit, et hic actus dicitur intelligentia.
  2. Secundo vero, id quod apprehendit, ordinat ad aliquid aliud cognoscendum vel operandum, et hic vocatur intentio.
  3. Dum vero persistit in inquisitione illius quod intendit, vocatur excogitatio.
  4. Dum vero id quod est excogitatum examinat ad aliqua certa, dicitur scire vel sapere; quod est phronesis, vel sapientiae, nam sapientiae est iudicare, ut dicitur in I Metaphys.
  5. Ex quo autem habet aliquid pro certo, quasi examinatum, cogitat quomodo possit illud aliis manifestare, et haec est dispositio interioris sermonis;
  6. ex qua procedit exterior locutio.

Non enim omnis differentia actuum potentias diversificat; sed solum illa quae non potest reduci in idem principium, ut supra dictum est.

  

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1. -- Excogitatio : Ch. V. Héris : réflexion ; F.-X. Putallaz : invention.

2. -- Appréhension --> Intention --> Réflexion --> Jugement (oeuvre de sagesse) --> Parole intérieure --> Parole extérieure

3. -- On notera que l'appréhension est ici appelée intelligence, c'est à dire acte de l'intellect. Mais l'appréhension n'est pas le seul acte de l'intellect, celui-ci peut aussi juger, (même si, pour se faire, il est souvent besoin de faire appel aux raisonnements de la raison). Voir DeVer.q15a1ad4.

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