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Thomas d'Aquin - DeVer.q16a1ad15 - La syndérèse juge de l'universel, le libre arbitre du particulier

Le jugement est double, à savoir : celui sur l’universel, jugement qui relève de la syndérèse ; et celui sur l’opérable particulier, c’est-à-dire le jugement d’élection, qui relève du libre arbitre ; il ne s’ensuit donc pas qu’ils soient identiques. 

(DeVer.q16a1ad15)

Iudicium est duplex, scilicet in universali, et hoc pertinet ad synderesim; et in particulari operabili, et est hoc iudicium electionis, et hoc pertinet ad liberum arbitrium, unde non sequitur quod sint idem.

 


 

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Thomas d'Aquin - DeVer.q16a2 - La syndérèse murmure contre le mal et incline au bien

  • De temps en temps, le Thomas poète fait une apparition !

... il faut qu’il y ait un principe permanent qui ait une rectitude immuable, par rapport auquel toutes les opérations humaines soient examinées, en sorte que ce principe permanent

  • résiste à tout mal
  • et donne son assentiment à tout bien.

Et ce principe est la syndérèse, dont l'office est

  • de murmurer contre le mal
  • et d’incliner au bien ;

voilà pourquoi nous accordons qu’il ne peut y avoir de péché en elle.

(DeVer.q16a2)

... oportet esse aliquod principium permanens, quod rectitudinem immutabilem habeat, ad quod omnia humana opera examinentur ; ita quod illud principium permanens

  • omni malo resistat,
  • et omni bono assentiat.

Et haec est synderesis, cuius officium est

  • remurmurare malo,
  • et inclinare ad bonum ;

et ideo concedimus quod in ea peccatum esse non potest.

 


1. -- Rare passage dans lequel Thomas use d'une expression métaphorique.

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Thomas d'Aquin - I-II.q85a2 - Le péché ne détruit pas la nature

Comme nous venons de le dire, le bien de la nature qui peut être diminué par le péché, c'est l'inclination naturelle à la vertu. Cette inclination convient à l'homme du fait qu'il est un être rationnel : c'est cela en effet qui lui permet d'agir selon la raison, ce qui est agir selon la vertu. Or, le péché ne peut pas complètement enlever à l'homme cette qualité d'être rationnel, puisque ce serait le rendre incapable de péché. Il n'est pas possible par conséquent que ce bien de nature soit totalement enlevé.

[Argument contre]

Comme il arrive pourtant que cette sorte de bien est continûment diminué par le péché, certains ont voulu l'expliquer au moyen d'un exemple où l'on trouve qu'une chose finie diminue à l'infini sans pourtant jamais s'épuiser entièrement. Le Philosophe dit en effet que

  • si d'une grandeur finie on ôte constamment quelque chose selon la même quantité, au bout du compte elle sera réduite à rien ; par exemple, lorsque j'aurai constamment retranché d'une longueur quelconque la valeur d'une palme ;
  • tandis que si la soustraction se fait, non pas selon la même quantité, mais selon la même proportion, elle pourra continuer indéfiniment ; par exemple, si une quantité est partagée en deux et que de la moitié on retranche la moitié, on pourra ainsi avancer indéfiniment, de manière cependant que ce qui est retranché la seconde fois sera toujours moindre que ce qui l'était la première.

[Réponse à l'argument]

Mais ceci n'a pas lieu dans le cas qui nous occupe ; car le péché suivant ne diminue pas le bien de la nature moins que ne faisait le péché précédent ; peut-être même, s'il est plus grave, le diminue-t-il davantage. 

[Précision]

Il faut donc parler autrement : l'inclination dont nous parlions se conçoit comme un milieu entre deux extrêmes ; elle a un fondement, une sorte de racine, dans la nature rationnelle, et elle tend au bien de la vertu comme à un terme et à une fin. Par conséquent, la diminution peut se concevoir de deux façons : du côté de la racine, et du côté du terme.

  • Du côté de la racine, le péché ne produit aucune diminution puisque, nous l'avons dit, il ne diminue pas la nature elle-même.
  • Mais, de la seconde manière, il y a une diminution, c'est-à-dire qu'il y a empêchement d'aboutir au terme.
  • S'il y a diminution par la racine, nécessairement l'inclination à la vertu serait parfois totalement consumée, la nature rationnelle ayant été totalement consumée elle-même.
  • Mais, puisqu'il y a diminution du côté de l'obstacle posé pour empêcher d'atteindre le terme, il est évident que cela peut aller à l'infini, car on peut mettre indéfiniment des obstacles, en ce sens que l'homme peut ajouter indéfiniment péché sur péché ;
  • cependant l'inclination ne peut pas être complètement consumée puisqu'il reste toujours la racine d'une telle inclination.

On a un exemple de cela dans le corps diaphane qui, du fait même qu'il est diaphane, a une inclination à recevoir la lumière ; cette inclination ou aptitude est diminuée par les nuages qui surviennent, bien qu'elle subsiste toujours à la racine de la nature.

(Somme, I-II.q85a2)

Respondeo dicendum quod, sicut dictum est, bonum naturae quod per peccatum diminuitur, est naturalis inclinatio ad virtutem. Quae quidem convenit homini ex hoc ipso quod rationalis est, ex hoc enim habet quod secundum rationem operetur, quod est agere secundum virtutem. Per peccatum autem non potest totaliter ab homine tolli quod sit rationalis, quia iam non esset capax peccati. Unde non est possibile quod praedictum naturae bonum totaliter tollatur.

[------]

Cum autem inveniatur huiusmodi bonum continue diminui per peccatum, quidam ad huius manifestationem usi sunt quodam exemplo, in quo invenitur aliquod finitum in infinitum diminui, nunquam tamen totaliter consumi. Dicit enim philosophus, in III Physic., quod

  • si ab aliqua magnitudine finita continue auferatur aliquid secundum eandem quantitatem, totaliter tandem consumetur, puta si a quacumque quantitate finita semper subtraxero mensuram palmi.
  • Si vero fiat subtractio semper secundum eandem proportionem, et non secundum eandem quantitatem, poterit in infinitum subtrahi, puta, si quantitas dividatur in duas partes, et a dimidio subtrahatur dimidium, ita in infinitum poterit procedi; ita tamen quod semper quod posterius subtrahitur, erit minus eo quod prius subtrahebatur.

[------]

Sed hoc in proposito non habet locum, non enim sequens peccatum minus diminuit bonum naturae quam praecedens, sed forte magis, si sit gravius.

[------]

Et ideo aliter est dicendum quod praedicta inclinatio intelligitur ut media inter duo, fundatur enim sicut in radice in natura rationali, et tendit in bonum virtutis sicut in terminum et finem. Dupliciter igitur potest intelligi eius diminutio, uno modo, ex parte radicis; alio modo, ex parte termini.

  • Primo quidem modo non diminuitur per peccatum, eo quod peccatum non diminuit ipsam naturam, ut supra dictum est.
  • Sed diminuitur secundo modo, inquantum scilicet ponitur impedimentum pertingendi ad terminum.
  • Si autem primo modo diminueretur, oporteret quod quandoque totaliter consumeretur, natura rationali totaliter consumpta.
  • Sed quia diminuitur ex parte impedimenti quod apponitur ne pertingat ad terminum, manifestum est quod diminui quidem potest in infinitum, quia in infinitum possunt impedimenta apponi, secundum quod homo potest in infinitum addere peccatum peccato,
  • non tamen potest totaliter consumi, quia semper manet radix talis inclinationis.

Sicut patet in diaphano corpore, quod quidem habet inclinationem ad susceptionem lucis ex hoc ipso quod est diaphanum, diminuitur autem haec inclinatio vel habilitas ex parte nebularum supervenientium, cum tamen semper maneat in radice naturae.

 

 

Ci-dessous, le commentaire de Cajetan, parce qu'il mentionne la syndérèse.

I. Dans le second article de cette quatre-vingt-cinquième question, en laissant de côté les arguments de Scot exposés dans la trente-cinquième distinction du Second Livre, puisque ceux-ci visent à prouver qu’il n’est rien ôté à la nature — ce que l’Auteur concède —, et puisque Scot lui-même, en ce même endroit, traitant des blessures du péché, admet que la capacité au bon usage (de la raison) est diminuée par le péché ; seules se présentent les objections de Durand, dans cette même distinction trente-cinquième du Second Livre, qui combat directement cette doctrine, au motif que la capacité d’un sujet ne peut être accrue ou diminuée par rien qui ne lui inhère : dès lors, elle ne saurait non plus être diminuée. 

La prémisse se démontre de deux manières. Premièrement, parce qu’une capacité s’accroît par l’intensification de quelque chose en elle. Deuxièmement, pour en venir à la question qui nous occupe : l’inclination au bon acte est double. Il y a d’abord une inclination éloignée, qui réside dans les premiers principes — celle-ci n’est ni supprimée ni diminuée ; et une inclination prochaine, qui se trouve dans les habitudes : celle-ci peut être supprimée, accrue ou diminuée selon l’intensité ou la rémission.

II. À cela, on répond très facilement que cet homme a voulu rester aveugle. En effet, l’Auteur a expressément distingué la capacité selon le sujet et selon le terme, et il a dit que, du côté du sujet, elle n’est pas diminuée, mais seulement du côté du terme. Or les objections de cet adversaire portent du côté du sujet : sous ce rapport, il est vrai qu’on ne peut intensifier ce qui n’est pas en lui. Mais la relation au terme, elle, se trouve diminuée par l’adjonction d’obstacles extérieurs, et accrue par leur suppression. C’est en ce sens que sert parfaitement l’exemple du corps diaphane et des obstacles qui s’y opposent. Et de la même manière, la capacité de l’âme procédant de la syndérèse se trouve diminuée à l’infini, tandis que la syndérèse elle-même n’est ni supprimée ni diminuée. (Léonine, VII, p. 112)

In articulo secundo eiusdem quaestionis octogesimaequinta, praetermissis argumentis Scoti, in xxxv distinctione Secundi, quia afferuntur ad probandum quod nihil subtrahatur naturae, quod Auctor concedit; et ipse Scotus ibidem, tractans vulnera peccati, concedit habilitatem ad rectum usum minui per peccatum : solius Durandi, in xxxv distinctione Secundi, objectiones occurrunt, directe impugnantis hanc doctrinam, quia per nihil non inhaerens subjecto augetur habilitas subjecti, ergo nec minuitur. 

Antecedens dupliciter declaratur. Primo, quia augetur per intensionem alicuius in eo. Secundo, ad propositum, quia inclinatio ad bonum opus est duplex : remota, quae est in primis principiis, et haec nec tollitur nec minuitur; et propinqua, quae est in habitibus, et haec tollitur, et augetur et minuitur intensione et remissione.

II. Ad hoc facillime dicitur quod iste voluit esse caecus. Expresse namque Auctor distinxit habilitatem ex parte subjecti, et ex parte termini; et dixit quod ex parte subjecti non minuitur, sed ex parte termini. Objectiones autem istius sunt ex parte subjecti : ex hac enim parte verum est non intendi aliquid quod non est in eo. Sed attingentiam ad terminum constat minui ex appositione impedimentorum extra, et augeri ex remotione eorundem. Et ad hoc optime deservit exemplum de diaphano et de obstaculis appositis. Et hoc modo habilitas animae ex synderesi diminuitur in infinitum, et tamen ipsa synderesis nec tollitur nec minuitur.


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Thomas d'Aquin - I-II.q91a2 - Nos raisonnements et nos appétits portant sur les moyens sont dérivés de la loi naturelle

En nous, toute opération de la raison et de la volonté est dérivée de ce qui est selon notre nature, comme cela a été dit plus haut ;

  • tout acte de raisonnement est dérivé des principes connus naturellement,
  • et tout appétit portant sur les moyens qui sont en vue d'une fin est dérivé de l’appétit naturel pour cette fin ultime.

Ainsi il est nécessaire que l’orientation première de nos actes vers la fin se fasse par la loi naturelle.

(I-II.q90a2ad2)

Omnis operatio, rationis et voluntatis derivatur in nobis ab eo quod est secundum naturam, ut supra habitum est, nam

  • omnis ratiocinatio derivatur a principiis naturaliter notis,
  • et omnis appetitus eorum quae sunt ad finem, derivatur a naturali appetitu ultimi finis.

Et sic etiam oportet quod prima directio actuum nostrorum ad finem, fiat per legem naturalem.

 


Bien remarquer que tout à la fois les raisonnements et les moyens sont des intermédiaires ; le raisonnement se termine dans un jugement, et le moyen se termine dans l'acquisition del a fin.

 

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Thomas d'Aquin - I-II.q94a1ad2 - Syndérèse et loi naturelle

  • De temps en temps, le Thomas poète fait une apparition !

La syndérèse est dite loi de notre intellect en tant qu'elle est un habitus contenant les précèptes de la loi naturelle, qui sont les premiers principes des actions humaines.

(I-II.q94a1ad2)

Synderesis dicitur lex intellectus nostri, inquantum est habitus continens praecepta legis naturalis, quae sunt prima principia operum humanorum.

 


 

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Thomas d'Aquin - I.q79a12 - Induction de la syndérèse - [!!! HAUTE VOLÉE !!! ---> Y REVENIR]

  • Elle est un habitus naturel qui nous pousse au bien par la saisie de premiers principes pratiques

L'article est construit d'une manière très minutieuse.

On comprend pourquoi, le propos est ici d'une importance capitale : il s'agit de défendre le donné naturel dans lequel nous découvrons inductivement certains appuis premiers à partir desquels nous pouvons ou penser ou bien agir.

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La syndérèse est-elle une puissance intellectuelle ? Utrum synderesis sit aliqua potentia intellectivae partis.
[Ce qu'on va montrer]

La syndérèse

  • n’est pas une puissance,
  • mais un habitus,

bien que

  • certains posèrent la syndérèse comme étant une certaine puissance supérieure à la raison,
  • et d’autres dirent que c’était la raison elle-même,
    • non comme raison
    • mais comme nature.

Synderesis

  • non est potentia,
  • sed habitus,

licet quidam 

  • posuerint synderesim esse quandam potentiam ratione altiorem;
  • quidam vero dixerint eam esse ipsam rationem,
    • non ut est ratio,
    • sed ut est natura.
[Ce qui se passe dans le domaine spéculatif]

Pour [saisir] l'évidence envers cela, il faut considérer, comme on l’a dit plus haut,

  • que le raisonnement humain,
    • étant un certain mouvement,
    • d'un intellect qui progresse à partir de certaines [choses]
      •  c'est à dire de choses naturellement connues sans recherche de la raison,
      • comme d’un principe immobile,
  • et qu'encore à l'intellect il se termine,
    • lorsque nous jugeons par des principes par soi naturellement connus,
    • de ce que nous découvrons en raisonnant.

[ (1) On part de quelque chose de simple qui n'est pas un raisonnement, (2)puis nous continuons avec le raisonnement, (3)puis nous terminons par quelque chose de simple : le terme du raisonnement]

Ad huius autem evidentiam, considerandum est quod, sicut supra dictum est,

  • ratiocinatio hominis,
    • cum sit quidam motus,
    • ab intellectu progreditur aliquorum,
      • scilicet naturaliter notorum absque investigatione rationis,
    • sicut a quodam principio immobili,
  • et ad intellectum etiam terminatur,
    • inquantum iudicamus per principia per se naturaliter nota,
    • de his quae ratiocinando invenimus.
[On pose le rapport d'analogie]

Mais c'est un fait établi que, 

  • comme la raison spéculative raisonne sur le spéculatif,
  • ainsi la raison pratique raisonne sur l'opérable [= les actions que l'on peut poser].

Constat autem quod,

  • sicut ratio speculativa ratiocinatur de speculativis,
  • ita ratio practica ratiocinatur de operabilibus.
[On se sert de l'analogie]

[A. Premièrement]

[D'une part,] il faut donc que naturellement nous soit donnés,

  • (comme les premiers principes pour le spéculable),
  • ainsi aussi les premiers principes pour l'opérable.

[B. Deuxièmement]

  • Mais d'autre part les premiers principes spéculatifs qui nous sont naturellement donnés
    • ne relèvent pas d'une puissance spéciale,
    • mais d'un habitus spécial qui est dit "l’intelligence des principes".

[C. Conclusion]

D'où aussi,

  • les premiers principes dans le domaine de l'opérable qui nous sont naturellement donnés
    • ne relèvent pas d’une puissance spéciale,
    • mais d’un habitus naturel spécial, que nous nommons syndérèse.

A.

Oportet igitur naturaliter nobis esse indita,

  • sicut principia speculabilium,
  • ita et principia operabilium.

B.

  • Prima autem principia speculabilium nobis naturaliter indita,
    • non pertinent ad aliquam specialem potentiam;
    • sed ad quendam specialem habitum, qui dicitur intellectus principiorum, ut patet in VI Ethic.

C.

Unde et

  • principia operabilium nobis naturaliter indita,
    • non pertinent ad specialem potentiam;
    • sed ad specialem habitum naturalem, quem dicimus synderesim.
[On précise l'étendue de la conclusion]

D'où la syndérèse est dite

  • inciter au bien,
  • et murmurer contre le mal, 

en tant que

  • nous procédons, à l’aide de premiers principes [pratiques] en vue de découvrir,
  • et que nous jugeons ce qui a été découvert.

Il est donc clair que la syndérèse n’est pas une puissance, mais un habitus naturel.

(Somme, II-II.q79a12)

 

Unde et synderesis dicitur

  • instigare ad bonum,
  • et murmurare de malo,

inquantum

  • per prima principia procedimus ad inveniendum,
  • et iudicamus inventa.

Patet ergo quod synderesis non est potentia, sed habitus naturalis.

 

 

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1. -- "sicut principia speculabilium, ita et principia operabilium" --> principia, adjectif (nom. ou acc.) ou nom (nom. et acc.) neutre pluriel --> ici il faudrait traduire  "les premiers [au sens de principes] sur lesquels on peut spéculer", c'est d'ailleurs ainsi que la traduction d'origine continue, mais pourquoi n'avoir pas traduit ainsi dès le départ ?

2. -- operabilium : petite curiosité --> litt. : oeuvrable --> ce qui a donné "ouvrable" comme dans "un jour ouvrable", i.e. un jour pendant lequel on peut oeuvrer.

3. -- Il y a donc un nom pour désigner la saisie des premiers principes dans le domaine pratique (syndérèse) mais pas dans le domaine spéculatif.

4. -- Contrairement à son habitude Thomas dit qu'il va mettre en évidence, il n'utilise par le mot manifeste. Pourquoi ? Ce qui est manifeste n'a pas besoin d'être mise en évidence. Cela recoupe les termes delon et phaneron chez Aristote.

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a6 - A REVOIR - La prudence s'appuie sur la syndérèse afin de trouver les bons moyens

  • Mais la prudence n'est pas la syndérèse

[A. Syllogisme]

  1. La fin des vertus morales est le bien humain.
  2. Or, le bien de l'âme humaine est d'être selon la raison, comme le montre Denys.
  3. Aussi est-il nécessaire que les fins des vertus morales préexistent dans la raison.

A.

  1. Finis virtutum moralium est bonum humanum.
  2. Bonum autem humanae animae est secundum rationem esse; ut patet per Dionysium, IV cap. de Div. Nom.
  3. Unde necesse est quod fines moralium virtutum praeexistant in ratione.

[B. Rappel de I.q79a12 : Analogie raison spéculative / raison pratique sur les 1er principes - Syndérèse]

[1. Premier niveau d'analogie - plan des principes premiers]

  • Mais tout comme il y a dans la raison spéculative
    • certaines [choses] naturellement connues [= des premiers principes], relevant de l'intelligence
    • et certaines choses amenées à la connaissance (innotescunt) par le moyen de celles-là, à savoir les conclusions, relevant de la science [les conclusions des raisonnements sont établies grâce aux premiers principes] ;
  • de même dans la raison pratique préexistent 
    • certaines [choses] au titre de principes premiers naturellement connus,
  • et telles sont les fins des vertus morales
    • car la fin est dans les choses opérables [= les actions] comme le principe dans la spéculation, comme nous l'avons montré ;

[2. Deuxième niveau d'analogie - plan des conclusions - 
c'est à dire des connaissances obtenues grâce à des raisonnements posés à partir des principes premiers]

  • et certaines [choses] sont dans la raison pratique comme des conclusions ;
  • et telles sont [ces choses] qui sont relatives à la fin [= les moyens], auxquelles nous parvenons à partir des fins elles-mêmes. 

B.

  • Sicut autem in ratione speculativa sunt
    • quaedam ut naturaliter nota, quorum est intellectus;
    • et quaedam quae per illa innotescunt, scilicet conclusiones, quarum est scientia,
  • ita in ratione practica praeexistunt
    • quaedam ut principia naturaliter nota,
  • et huiusmodi sunt fines virtutum moralium,
    • quia finis se habet in operabilibus sicut principium in speculativis, ut supra habitum est;
  • et quaedam sunt in ratione practica ut conclusiones,
  • et huiusmodi sunt ea quae sunt ad finem, in quae pervenimus ex ipsis finibus

[C. ]

La prudence concerne ces connaissances-là [= les moyens], puisqu'elle applique les principes universels aux conclusions particulières en matière d'action.

C'est pourquoi il ne rélève pas de la prudence de déterminer à l'avance (praestituere)  leur fin aux vertus morales, mais seulement d'ordonner (disponere) ce qui est en vue de la fin [= les moyens].

(Somme, II-II.q47a6)

C.

Et horum est prudentia, applicans universalia principia ad particulares conclusiones operabilium. 

Et ideo ad prudentiam non pertinet praestituere finem virtutibus moralibus, sed solum disponere de his quae sunt ad finem. 

 


  1. -- La prudence est donc un analogue du raisonnement spéculatif qui a pour terme une conclusion, ici une conclusion dans l'ordre spéculatif de la connaissance, là dans l'ordre des moyens pratiques à mettre en oeuvre auxquels on conclue (telle action possible se révèle comme un moyen pour parvenir à la fin - fin sur laquelle on ne délibère/raisonne pas).
  2. -- TH. semble ne pas tellement aimer nommer la syndérèse. Ici, c'est pourtant bien elle qu'on rappelle pour préciser le rôle propre de  la prudence. Il la nomme seulement dans la réponse à la 1ère obj. Sans doute préfère-t-il aller à la réalité de la syndérèse et ne pas utiliser un mot qui risque de voiler ce qu'elle est. Ce qui n'a pas de nom du côté de la raison spéculative n'est pas nommé du côté de la raison pratique, on force l'intelligence à saisir.
  3. -- Disponere : Pourquoi TH. n'utilise-t-il pas ici le verbe ordinare ?
  4. -- Sicut autem in ratione speculativa sunt quaedam ut naturaliter nota : pour compléter la traduction de cet art. 6, voir déjà les mêmes expressions ici I.q79a12 : " iudicamus per principia per se naturaliter nota".
  5. -- Le mot praeexistunt est intéressant, cela aurait-il changé quelque chose à la vision de Kant s'il avait lu ces passages ?

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