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Intellect / Volonté - Vision béatifique / Charité - (Quelle priorité ?)

  • De Veritate, q. 22, a. 11
  • CG, III, 26
  • CG, III, 50, 9 (Le bonheur ultime ne doit être cherché que dans l'opération de l'intellect)
  • CG, III, 116 (Notamment, 2 et 3)
  • ST, I, q 82, a 3
  • ST, I-II, q 3, a 4; q 3, 8 ; q 4, a 2 (Dans la vision béatifique)
  • ST, I-II, q 114, a 4
  • ST, II-II, q 44, a 1
  • La perfection de la vie spirituelle, chap. 2 (Primat de la charité)
  • De Virtutibus, q. 2, a. 3, ad. 12-13 (date : 1271-1272)

 

De Veritate, q. 22, a. 11 - (En cette vie)

Or la perfection et la dignité de l’intelligence consiste en ce que l’espèce de la réalité pensée réside dans l’intelligence elle-même, puisque par là elle pense actuellement, et qu’en cela apparaît toute sa dignité. La noblesse de la volonté et de son acte, quant à elle, réside en ce que l’âme est ordonnée à quelque réalité noble suivant l’être que cette réalité a en elle-même. Or il est plus parfait, simplement et absolument (simpliciter et absolute) parlant, d’avoir en soi la noblesse d’une autre réalité, que d’être en rapport avec une réalité noble existant hors de soi. Par conséquent la volonté et l’intelligence, si on les considère dans l’absolu (absolute), sans les comparer à cette réalité ou à cette autre, sont ainsi ordonnées entre elles : l’intelligence, purement et simplement (simpliciter), est plus éminente que la volonté. Perfectio autem et dignitas intellectus in hoc consistit quod species rei intellectae in ipso intellectu consistit; cum secundum hoc intelligat actu, in quo eius dignitas tota consideratur. Nobilitas autem voluntatis et actus eius consistit ex hoc quod anima ordinatur ad rem aliquam nobilem, secundum esse quod res illa habet in seipsa. Perfectius autem est, simpliciter et absolute loquendo, habere in se nobilitatem alterius rei, quam ad rem nobilem comparari extra se existentem. Unde voluntas et intellectus, si absolute considerentur, non comparando ad hanc vel illam rem, hunc ordinem habent, quod intellectus simpliciter eminentior est voluntate.
Mais il arrive qu’il soit plus éminent d’être en quelque façon en rapport avec une réalité noble, que d’en avoir en soi la noblesse : à savoir, quand on possède la noblesse de cette réalité d’une façon bien inférieure à la façon dont cette réalité la possède en elle‑même. En revanche, si la noblesse de cette réalité est dans une autre aussi noblement ou plus noblement qu’en elle, alors, sans aucun doute, il sera plus noble pour l’autre d’avoir en soi la noblesse de cette réalité, que de lui être ordonnée en quelque façon que ce soit. Or, les formes des réalités qui sont supérieures à l’âme, l’intelligence les perçoit sur un mode inférieur à celui qu’elles ont dans les réalités mêmes : en effet, une chose est reçue dans l’intelligence suivant le mode d’être de l’intelligence, comme il est dit au livre des Causes. Et pour la même raison, les formes des réalités qui sont inférieures à l’âme, telles les formes corporelles, sont plus nobles dans l’âme que dans les réalités mêmes. Sed contingit eminentius esse comparari ad rem aliquam nobilem per aliquem modum, quam eius nobilitatem in seipso habere; quando scilicet illius rei nobilitas habetur multo inferiori modo quam eam habeat res illa in seipsa. Si autem nobilitas illius rei insit alii rei vel aeque nobiliter, vel nobilius quam in re cuius est, tunc, absque omni dubitatione, nobilius erit quod in se nobilitatem alterius rei habebit, quam quod ad ipsam rem nobilem qualitercumque ordinatur. Rerum autem quae sunt anima superiores, formas percipit intellectus inferiori modo quam sint in ipsis rebus: recipitur enim aliquid in intellectu per modum sui, ut dicitur in libro De causis. Et eadem ratione earum rerum quae sunt anima inferiores, sicut sunt res corporales, formae sunt nobiliores in anima quam in ipsis rebus.

 

De Virtutibus, q. 2, a. 3, ad. 12-13 - (En cette vie)

12. L’intellect est, purement et simplement (simpliciter), avant la volonté, parce que le bien intellectuel est l’objet de la volonté. Mais cependant pour opérer et mettre en mouvement, la volonté est avant. Car l’intellect ne pense et ne meut que par une volonté qui s’y ajoute ; c'est pourquoi aussi la volonté meut l’intellect lui-même en tant qu’il est opératif ; car nous nous servons de l’intellect quand nous voulons. C'est pourquoi, comme croire est pensé par la volonté qui est mue (car nous croyons quelque chose parce que nous le voulons) ; il en découle que la charité donne plus la forme à la foi qu’à l’inverse.

[66069] De virtutibus, q. 2 a. 3 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod intellectus simpliciter est prior voluntate, quia bonum intellectum est obiectum voluntatis. Sed tamen in operando et movendo prior est voluntas. Non enim intellectus intelligit et movet nisi voluntate accedente; unde etiam ipsum intellectum movet voluntas, in quantum est operativus : utimur enim intellectu quando volumus. Unde, cum credere sit intellectus a voluntate moti (credimus enim aliquid quia volumus); sequitur quod magis caritas det formam fidei quam e converso.

13. L’acte de la volonté dépend de l’ordre de celui qui veut aller aux choses mêmes, dans la mesure où elles sont en elles. Mais l’acte de l’intellect dépend du fait que ce qui est pensé est en celui qui pense ; c'est pourquoi quand les choses sont sous celui qui pense, leur conception est plus digne que la volonté ; parce qu’alors les choses sont dans l’intellect d’une manière plus haute qu’en elles-mêmes, puisque tout ce qui est dans un autre est en lui par le mode de celui en qui il est ; mais quand les choses sont plus hautes que celui qui pense, alors la volonté monte plus haut que ce que l’intellect pourrait atteindre. Et de là vient que dans les [actes] moraux qui sont sous l’homme, la vertu cognitive informe les vertus appétitives comme la prudence les autres vertus morales ; mais dans les vertus théologales qui concernent Dieu, la vertu de la volonté, à savoir la charité, met en forme la vertu de l’intellect, c'est-à-dire la foi. [66070] De virtutibus, q. 2 a. 3 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod actus voluntatis est secundum ordinem volentis ad res ipsas prout in se sunt. Actus autem intellectus est secundum quod res intellectae sunt in intelligente : unde quando res sunt infra intelligentem, intellectus illarum est dignior voluntate : quia tunc altiori modo sunt in intellectu res quam in seipsis, cum omne quod est in altero, sit in eo per modum eius in quo est; sed quando res sunt altiores intelligente, tunc voluntas altius ascendit quam possit pertingere intellectus. Et inde est quod in moralibus quae sunt infra hominem, virtus cognoscitiva informat virtutes appetitivas, sicut prudentia alias virtutes morales; in virtutibus autem theologicis, quae sunt circa Deum, virtus voluntatis, scilicet caritas, informat virtutem intellectus scilicet fidem.