Skip to main content

Thomas d'Aquin - DeVer.q22a4 - Il y a trois sortes d'inclinations : deux non libres, une qui fonde la liberté

En effet,

  • plus une nature est proche de Dieu,
  • plus la similitude de la dignité divine est trouvée expressive en elle.

Or il revient à la dignité divine de mouvoir, incliner et diriger toutes choses, Dieu lui-même n’étant mû, incliné ou dirigé par rien d’autre. Par conséquent,

  • plus quelque nature est voisine de Dieu,
  • moins elle est inclinée par autre chose,
  • et plus elle est de nature à s’incliner elle-même.

Ainsi, la nature insensible qui (...)

La nature sensitive, étant (...)

[En quoi la nature rationnelle peut-elle s'incliner elle-même]

Mais la nature rationnelle (qui est supérieurement voisine de Dieu),

  1. n’a pas seulement (non solum) l’inclination vers quelque chose,
    • comme les réalités inanimées,
  2. ni seulement le moteur de cette inclination qui lui est pour ainsi dire (quasi) déterminée d’ailleurs,
    • comme la nature sensible,
  3. mais outre cela elle a en son pouvoir l’inclination elle‑même,
    • de sorte qu’il n’est pas nécessaire pour elle d’être inclinée vers l’appétible appréhendé,
    • mais elle peut
      • être inclinée
      • ou non inclinée.

Et ainsi, cette inclination ne lui est pas déterminée

  • par autre chose,
  • mais par elle‑même.

Et cela lui convient parce qu’elle n’use pas d’un organe corporel ; et ainsi,

  • s’éloignant de la nature sujette à être mue, [natura (ablatif d'origine) ; mobilis (génitif) mobile, capable d'être mû ]
  • elle accède à la nature de moteur et d’agent.

Et qu’une chose se détermine à soi‑même une inclination vers la fin, ne peut se produire que si

  • elle connaît la fin
  • et la relation de la fin aux moyens :

ce qui est le propre de la raison seulement.

Voilà pourquoi un tel appétit, que nul autre ne détermine de nécessité, suit l’appréhension de la raison ;

d'où, l’appétit rationnel, que l’on appelle volonté, est une puissance autre que l’appétit sensitif.

(DeVer.q22a4)

 

  • Quanto enim aliqua natura est Deo propinquior,
  • tanto expressior in ea divinae dignitatis similitudo invenitur.

Hoc autem ad divinam dignitatem pertinet ut omnia moveat et inclinet et dirigat, ipse a nullo alio motus vel inclinatus aut directus. Unde,

  • quanto aliqua natura est Deo vicinior,
  • tanto minus ab alio inclinatur
  • et magis nata est seipsam inclinare.

Natura igitur insensibilis, (...)

Natura vero sensitiva ut (...)

[Natura rationalis]

Sed natura rationalis, quae est Deo vicinissima,

  1. non solum habet inclinationem in aliquid
    • sicut habent inanimata,
  2. nec solum movens hanc inclinationem quasi aliunde ei determinatam,
    • sicut natura sensibilis ;
  3. sed ultra hoc habet in potestate ipsam inclinationem,
    • ut non sit ei necessarium inclinari ad appetibile apprehensum,
    • sed possit
      • inclinari
      • vel non inclinari.

 

Et sic ipsa inclinatio non determinatur ei

  • ab alio,
  • sed a seipsa.

Et hoc quidem competit ei in quantum non utitur organo corporali : et sic

  • recedens a natura mobilis,
  • accedit ad naturam moventis et agentis.

Quod autem aliquid determinet sibi inclinationem in finem, non potest contingere nisi cognoscat

  • finem,
  • et habitudinem finis in ea quae sunt ad finem :

quod est tantum rationis.

Et ideo talis appetitus non determinatus ex aliquo alio de necessitate, sequitur apprehensionem rationis ; unde appetitus rationalis, qui voluntas dicitur, est alia potentia ab appetitu sensibili.

 

 


1. -- Liberté et inclination à l'égard de l'amour, voir II-II.q19a4.

2. -- Très important de bien faire attention aux termes "non seulement", "nécessaire" et "nécessité". Cela rend le fait que les trois niveaux d'inclination cohabitent. Nous sommes inclinés parce que nous sommes des objets physiques, parceque nous sommes des êtres sensibles (connaissance et appétit sensibles), mais au-delà (ultra) de ces deux niveaux nous accédons à une nature capable de se déterminer par elle-même et non plus par "un autre". Mais attention, cela ne signifie pas que nous édictons ex nihilo les règles selon lesquelles notre appétit va tendre vers telle ou telle chose : TH. dit bien que si nous accédons à ce niveau c'est en raison du fait que nous connaissons la fin et les moyens qui peuvent y mener ; alors nous pouvons agir par nous-mêmes grâce à cette connaissance. Rappelons que pour TH. on ne délibère pas à propos de la fin, on la découvre seulement. Il s'agit d'une adhésion libre et non d'une choix arbitraire de notre propre fin. C'est pourquoi TH. dit "un appétit que nul autre ne détermine de nécessité", c'est à dire qu'il y a une détermination mais elle n'est pas nécessaire, il faut y adhérer.

3. -- Il serait intéressant d'étudier si TH. n'est pas légèrement plus volontariste au début de sa carrière comme ici dans le DeVer.

%MCEPASTEBIN%

Liberté, Inclination, Fin, Connaissance, Moyens, Causa sui, Moteur, Agent

  • Dernière mise à jour le .