Trouve-t-on du volontaire dans les actes humains ?
Il faut qu'il y ait du volontaire dans les actes humains.
Pour amener cela à l'évidence, il faut considérer que
- le principe de certains actes est dans l'agent ou dans ce qui est mû.
- Et il y a des mouvements et des actes dont le principe est extérieur.
En effet,
- si une pierre se meut vers le haut, le principe de ce mouvement est à l'extérieur de la pierre,
- si au contraire elle se meut vers le bas, le principe de ce mouvement est à l'intérieur de la pierre elle-même.
Parmi ces choses qui sont mûes par un principe intrinsèque,
- certains se meuvent eux-mêmes,
- certains non.
En effet, tout ce qui agit ou est mû agit ou est mû en raison d'une fin, comme on l'a établi précédemment ; seront donc mus de manière parfaite, par un principe intrinsèque, les êtres où l'on trouve un principe intrinsèque tel que,
- non seulement ils soient mus,
- mais qu'ils soient mus vers une fin.
Or, pour que quelque chose se fasse en vue d'une fin (propter finem), il faut qu'il y ait une certaine connaissance de la fin (cognitio finis aliqualis).
- Donc tout ce qui agit ou est mû de l'intérieur, en ayant connaissance de la fin (notitiam finis), possède en soi le principe de son acte,
- non seulement pour agir,
- mais pour agir en vue d'une fin (propter finem).
- Mais ce qui n'a aucune connaissance de la fin (notitiam finis), eût-il en soi le principe de son acte ou de son mouvement, n'a pas en soi le principe d'agir ou d'être mû en vue d'une fin (propter finem), mais ce principe est dans un autre qui l'imprime (imprimitur) en lui. Aussi ne dit-on pas que de tels êtres se meuvent eux-mêmes, mais qu'ils sont mus par d'autres.
En revanche, ceux qui ont la connaissance de la fin (notitiam finis) sont dits se mouvoir eux-mêmes, précisément parce qu'ils ont en eux,
- non seulement de quoi agir,
- mais de quoi agir en vue d'une fin.
Ainsi, parce que l'une et l'autre [de ces conditions] viennent d'un principe intrinsèque
- qu'ils agissent,
- et qu'ils agissent pour une fin,
les actes et les mouvements de ces êtres sont dits volontaires, c'est ce qu'en effet implique cette appellation de "volontaires", que le mouvement et l'action proviennent de sa propre inclination.
C'est pourquoi, dans la définition d'Aristote, de S. Grégoire de Nysse et de S. Jean Damascène on appelle volontaire, non seulement "ce qui procède d'un principe intérieur", mais en y ajoutant "de science". Aussi, puisque l'homme excelle à connaître la fin de son oeuvre et à se mouvoir lui-même, c'est dans ses actes que l'on trouve le plus haut degré de volontaire.
(Somme. I-II.q6a1)
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Utrum in humanis actibus inveniatur voluntarium
Oportet in actibus humanis voluntarium esse.
Ad cuius evidentiam, considerandum est quod
- quorundam actuum seu motuum principium est in agente, seu in eo quod movetur;
- quorundam autem motuum vel actuum principium est extra.
- Cum enim lapis movetur sursum, principium huius motionis est extra lapidem,
- sed cum movetur deorsum, principium huius motionis est in ipso lapide.
Eorum autem quae a principio intrinseco moventur,
- quaedam movent seipsa,
- quaedam autem non.
Cum enim omne agens seu motum agat seu moveatur propter finem, ut supra habitum est; illa perfecte moventur a principio intrinseco, in quibus est aliquod intrinsecum principium
- non solum ut moveantur,
- sed ut moveantur in finem.
Ad hoc autem quod fiat aliquid propter finem, requiritur cognitio finis aliqualis.
- Quodcumque igitur sic agit vel movetur a principio intrinseco, quod habet aliquam notitiam finis, habet in seipso principium sui actus
- non solum ut agat,
- sed etiam ut agat propter finem.
- Quod autem nullam notitiam finis habet, etsi in eo sit principium actionis vel motus; non tamen eius quod est agere vel moveri propter finem est principium in ipso, sed in alio, a quo ei imprimitur principium suae motionis in finem. Unde huiusmodi non dicuntur movere seipsa, sed ab aliis moveri.
Quae vero habent notitiam finis dicuntur seipsa movere, quia in eis est principium
- non solum ut agant,
- sed etiam ut agant propter finem.
Et ideo, cum utrumque sit ab intrinseco principio, scilicet
- quod agunt,
- et quod propter finem agunt,
horum motus et actus dicuntur voluntarii, hoc enim importat nomen voluntarii, quod motus et actus sit a propria inclinatione.
Et inde est quod voluntarium dicitur esse, secundum definitionem Aristotelis et Gregorii Nysseni et Damasceni, non solum cuius principium est intra, sed cum additione scientiae. Unde, cum homo maxime cognoscat finem sui operis et moveat seipsum, in eius actibus maxime voluntarium invenitur.
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