Thomas d'Aquin - I.q60a2 - (1) Différence connaissance / amour : l’acte de l'appétit volontaire met en rapport celui qui désire avec la chose-même - (2) Le bien ultime est désiré et choisi par soi, le moyen à cause du bien-fin-ultime
S'il y a dans l'ange la dilection élective [= amour de choix] | Utrum in angelis sit dilectio elective |
[Chez les anges] Chez les anges existe
et la dilection naturelle, en eux, est principe de [la dilection] élective,
[Chez les hommes] Et cela apparaît chez les hommes
C’est pourquoi la volonté tend naturellement vers sa fin ultime, car tout homme veut naturellement la béatitude. De cette volonté naturelle dérivent tous les autres volontés ; car tout ce que veut l’homme, il le veut en vue de la fin.
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In angelis est
Et naturalis dilectio in eis est principium electivae,
Et hoc apparet in homine
Unde voluntas naturaliter tendit in suum finem ultimum, omnis enim homo naturaliter vult beatitudinem. Et ex hac naturali voluntate causantur omnes aliae voluntates, cum quidquid homo vult, velit propter finem.
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Cela, cependant, se prend différemment de la partie de l'intellect, et [de la partie de] la volonté.
[Peu importe qui désire, c'est naturellement qu'on désire la fin et électivement qu'on désire les moyens] D'où, ce n'est pas du fait de l'imperfection de celui qui appète
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Hoc tamen differenter se habet ex parte intellectus, et voluntatis.
[ ] Unde non est ex imperfectione appetentis, quod
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[Retour au cas de l'ange, ce qui se passe au plan de la connaissance ne se retrouve pas au plan de l'amour] Donc, puisque la nature de l’ange est parfaite,
[Tout cela a été dit au plan simplement naturel, qui est d'ailleurs insuffisant] Mais ces [choses] ont été dites en laissant de côté celles qui sont au-dessus de la nature (supra naturam), car la nature de celles-ci n'est pas un principe suffisant. De cela, il sera dit plus bas. (Somme, I.q60a2) |
[ ] Quia igitur natura intellectualis in angelis perfecta est,
[ ] Haec autem dicta sunt, praetermissis his quae supra naturam sunt, horum enim natura non est principium sufficiens. De his autem infra dicetur.
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0. -- Dilection = amour spirituel impliquant un choix conscient, à la différence de l'amour instinctif et de l'amour passionnel et même de l'amour spirituel dans son tout premier moment, avant que l'intention de se porter vers l'objet aimé n'entre en jeu. Ici, Thomas ne parle que de dilection, ce qui signifie qu'il parle d'un amour du bonheur et d'un amour des moyens dans lesquels réside déjà un choix conscient, un certain jugement. On n'est pas au moment tout à fait premier de la naissance de ces amours.
1. -- Dans l'étude des passions Thomas parlera de l'amour naturel distingué de l'amour sensitif et de la dilection. Ici, il parle de dilection naturelle. Il serait intéressant de bien distinguer amour naturel et dilection naturelle. Le mot nature n'est pas utilisé exactement dans le même sens... A creuser. La dilection naturelle serait l'amour conscient qu'on est amené à élire suite à l'amour naturel du bonheur. Choisir ce qui pourtant s'impose. Il est assez amusant de relever chez Thomas l'expression "dilection élective" puisque l'élection fait déjà partie de ce qu'est la dilection. Il y a une double élection qui se fait en cascade : la dilection simple dans laquelle on aime d'un amour choisi la fin (qualifiée de naturelle par TH.) puis la dilection de ce qui, propement, est objet d'élection : le moyen. C'est très subtil, mais pas étonnant de la part de Thomas qui expérimente ce dont il parle, cette expérience qui révèle la complexité de la vie humaine lorsqu'on l'analyse (elle est bien plus simple lorsqu'on la vit, comme la voiture apparaît complexe quand elle est entièrement démontée, mais simple quand elle roule). On se demande comme ce manuel pour débutants qu'est la Somme peut être compris par les dits débutants !
2. -- Le principe est à l'intellect ce que la fin est à la volonté.
- En s'appuyant sur un principe, l'intellect parvient à des conclusions par le raisonnement, ces conclusions n'étant pas évidentes au point de départ.
- En s'appuyant sur la fin (la dilection du bonheur), la volonté parvient par délibération à vouloir des biens intermédiaires, des moyens en vue de la fin, qui n'étaient pas évidents dans la dilection naturelle initiale du bonheur.
La conclusion issue du raisonnement est analogue au choix issu de la délibération.
Unde non est ex imperfectione appetentis, quod aliquid appetat naturaliter ut finem, et aliquid per electionem, ut ordinatur in finem.
qui a été rendu par :Ce n’est donc pas du fait de son imperfection que le sujet désirant veut ceci naturellement comme sa fin, et cela électivement, en l’ordonnant à sa fin.
Raison, Libre arbitre, Volonté, Intellect / Intelligence, Analogie, Principes (premiers), Prédétermination, Fin ultime
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