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Thomas d'Aquin - I-II.q30a3ad1 - Appétit naturel et appétit animal

Cela même qui est désirée (appetitur) par l'appétit naturel peut être désirée (appeti) par l'appétit animal lorsqu'il a été appréhendé. Et selon cela, nourriture et boisson et autres choses semblables que nous désirons  naturellement (appetuntur naturaliter), peuvent être [désirés] d'un désir animal.

(Somme, I-II.q30a3ad1)

Illud idem quod appetitur appetitu naturali, potest appeti appetitu animali cum fuerit apprehensum. Et secundum hoc cibi et potus et huiusmodi, quae appetuntur naturaliter, potest esse concupiscentia animalis (Leonine : naturalis).

Pas d'opposition  entre appétit naturel et appétit animal (c'est à dire sensitif). Le premier n'ayant pas besoin que le bien désiré soit porté à notre connaissance. J'ai faim parce que cela fait un moment que je n'ai pas mangé --> appétit naturel ; j'ai envie de manger à cause de la connaissance sensible (la bonne odeur et la vue de la nourriture, chez le boulanger) --> appétit animal.

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Thomas d'Aquin - Le plaisir est-il une passion - Analyse de I-II.q31.a1

Un mouvement de l'appétit sensible s'appelle proprement passion, nous l'avons vu. Et toute affection qui procède d'une appréhension sensible est un mouvement de l'appétit sensible. Or cela s'applique nécessairement au plaisir. Comme le dit le Philosophe, en effet :

"Le plaisir est 

  • un certain mouvement de l'âme 
  • et la constitution simultanée d'un tout sensible dans la nature existante."

Motus appetitus sensitivi proprie passio nominatur, sicut supra dictum est. Affectio autem quaecumque ex apprehensione sensitiva procedens, est motus appetitus sensitivi. Hoc autem necesse est competere delectationi. Nam, sicut philosophus dicit in I Rhetoric.,

delectatio est

  • quidam motus animae,
  • et constitutio simul tota et sensibilis in naturam existentem.

Pour comprendre cela, il faut prendre garde à ce fait :

  • si l'on voit dans les choses naturelles certaines réaliser leur perfection naturelle, 
  • cela se rencontre aussi chez les animaux.

Et

  • bien que être mû à la perfection ne soit pas un tout simultané,
  • cependant la réalisation même d'une perfection naturelle est un tout simultané.

Il y a cependant une différence entre les animaux et les autres choses de la nature

  • que ceux-ci, quand ils sont établis dans ce qui leur convient (convenit) selon la nature, ne le sentent pas,
  • tandis que les animaux le sentent.

De cette sensation est causé un certain mouvement de l'âme dans l'appétit sensible ; et ce mouvement, c'est le plaisir.

Ad cuius intellectum, considerandum est quod,

  • sicut contingit in rebus naturalibus aliqua consequi suas perfectiones naturales,
  • ita hoc contingit in animalibus.

Et

  • quamvis moveri ad perfectionem non sit totum simul,
  • tamen consequi naturalem perfectionem est totum simul.

Haec autem est differentia inter animalia et alias res naturales, quod aliae res naturales,

  • quando constituuntur in id quod convenit eis secundum naturam, hoc non sentiunt,
  • sed animalia hoc sentiunt.

Et ex isto sensu causatur quidam motus animae in appetitu sensitivo, et iste motus est delectatio.

  1. En disant donc que le plaisir est "un mouvement de l'âme",

--> on lui assigne son genre.

  1. En disant d'autre part qu'il est "une constitution dans la nature existante", c'est-à-dire dans ce qui existe dans la nature des choses,

--> on marque la cause du plaisir : la présence du bien connaturel.

  1. En disant d'autre part "un tout simultané", on met en avant que cette constitution ne doit pas s'entendre 
    • selon quelque chose en train de se constituer,
    • mais selon une chose déjà constituée,
    • comme (quasi) dans le terme du mouvement ;
      • [en effet] le plaisir n'est pas une génération, comme le posait Platon,
      • mais plutôt une chose faite, au dire d'Aristote.
    1. Enfin le mot "sensible" exclut les perfections des êtres privés de connaissance qui sont incapables de plaisir. 

    On voit donc ainsi que le plaisir parce qu'il est un mouvement de l'appétit animal consécutif à une appréhension sensible, est bien une passion de l'âme.

    (Somme, I-II.q31.a1)

    1. Per hoc ergo quod dicitur quod delectatio est motus animae,

    --> ponitur in genere.

    1. Per hoc autem quod dicitur constitutio in existentem naturam, idest in id quod existit in natura rei,

    --> ponitur causa delectationis, scilicet praesentia connaturalis boni.

    1. Per hoc autem quod dicitur simul tota, ostendit quod constitutio non debet accipi
      • prout est in constitui,
      • sed prout est in constitutum esse,
      • quasi in termino motus,
      • non enim delectatio est generatio, ut Plato posuit,
      • sed magis consistit in factum esse, ut dicitur in VII Ethic.
    1. Per hoc autem quod dicitur sensibilis, excluduntur perfectiones rerum insensibilium, in quibus non est delectatio.

    Sic ergo patet quod, cum delectatio sit motus in appetitu animali consequens apprehensionem sensus, delectatio est passio animae.

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    Commentaire

    1. La compréhension demande ici beaucoup de finesse : il faut distinguer

    • le mouvement qui a lieu dans toute passion
    • du mouvement spécial qui a lieu dans le plaisir,

    car ce mouvement là est à prendre comme un terminus, comme si un mouvement pouvait être une fin. Il faut tenir compte du fait qu'on parle ici d'un plaisir sensible, non d'un plaisir spirituel. Il sera intéressant de voir ce que dit Thomas à propos de la joie dans l'article 3 : est-elle, elle aussi, un mouvement en même temps qu'un terme ?

    2. Le plaisir vient du fait que l'animal est capable de sentir la convenance du bien qui perfectionne lorsqu'il est acquis, 

    3. A noter que la réponse à l'arg. 2 traite explicitement de l'apparente contradiction mouvement/repos-fin.

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    Thomas d'Aquin - °°° L'union affective se fait formellement et l'union effective se fait réellement - I-II.q28a1

    Double est l'union de l'aimant à ce qui est aimé.

    • La première se fait dans la réalité, lorsque ce qui est aimé est présent à l'aimant.
    • L'autre est une union affective, qui doit être considérée à partir d'une appréhension qui a précédé, car tout mouvement de l'appétit fait suite à une appréhension. 

    Les deux amours, celui de concupiscence et celui d'amitié, procèdent l'un et l'autre d'une certaine appréhension de l'unité entre l'aimant et l'aimé.

    • En effet, lorsque quelqu'un aime quelque chose comme objet de concupiscence, il l'appréhende comme tendant (pertinens) à son propre bien être.
    • Et de même, lorsque quelqu'un aime quelqu'un d'un amour d'amitié, il veut pour lui le bien comme il le veut pour soi ; c'est donc qu'il l'appréhende comme un autre soi-même, en tant qu'il veut pour lui le bien comme pour soi. C'est pourquoi on appelle l'ami "un autre soi-même". Et S. Augustin écrit : "Il a bien parlé de son ami, celui qui l'a appelé la moitié de son âme." 

     

    • La première union, l'amour la fait effective, car il meut à désirer et à rechercher la présence de l'aimé comme lui convenant et tendant à lui (ad se pertinentis).
    • La seconde union l'amour la fait formellement, car l'amour lui-même est 
      • une telle union
      • ou un [tel] lien.

    Ce qui fait dire à S. Augustin que l'amour est 

      1. "comme une sorte de vie joignant deux êtres
      2. ou tendant à les joindre : l'aimant et celui qui est aimé".
      1. Le mot "joignant" se réfère à l'union affective, sans laquelle il n'est point d'amour,
      2. et ces mots : "cherchant à les joindre" visent (pertinet) l'union réelle.

    (Somme, I-II.q28a1)

    Duplex est unio amantis ad amatum.

    • Una quidem secundum rem, puta cum amatum praesentialiter adest amanti.
    • Alia vero secundum affectum. Quae quidem unio consideranda est ex apprehensione praecedente, nam motus appetitivus sequitur apprehensionem.

    Cum autem sit duplex amor, scilicet concupiscentiae et amicitiae, uterque procedit ex quadam apprehensione unitatis amati ad amantem.

    • Cum enim aliquis amat aliquid quasi concupiscens illud, apprehendit illud quasi pertinens ad suum bene esse.
    • Similiter cum aliquis amat aliquem amore amicitiae, vult ei bonum sicut et sibi vult bonum, unde apprehendit eum ut alterum se, inquantum scilicet vult ei bonum sicut et sibi ipsi. Et inde est quod amicus dicitur esse alter ipse, et Augustinus dicit, in IV Confess., bene quidam dixit de amico suo, dimidium animae suae.

     

    • Primam ergo unionem amor facit effective, quia movet ad desiderandum et quaerendum praesentiam amati, quasi sibi convenientis et ad se pertinentis.
    • Secundam autem unionem facit formaliter, quia ipse amor est talis unio vel nexus.

    Unde Augustinus dicit, in VIII de Trin., quod amor est

      1. quasi vita quaedam duo aliqua copulans,
      2. vel copulare appetens, amantem scilicet et quod amatur.
      1. Quod enim dicit copulans, refertur ad unionem affectus, sine qua non est amor,
      2. quod vero dicit copulare intendens, pertinet ad unionem realem.

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    1. "vult ei bonum" : non pas il lui veut du bien, il lui veut le bien. Faire du bien et vouloir le bien pour quuelqu'un diffèrent.

    2. Pertinere : le fait de tendre vers quelque chose jusqu'à sa possession.

    3. Nexus : lien, noeud, étreinte, entrelacement.

    4. "amor facit effective" : l'amour rend effectif ; trad. 1984 : "La première espèce d'union, l'amour la produit par manière de cause efficiente"...

    °°° Commentaire : il y a quelque chose de remarquable à noter, l'amour est à la fois cause de l'union et est lui-même "une telle union ou un nexus". Si on suit bien le propos l'amour serait tout simplement cause de lui-même. Comment ? L'amour naît lorsque l'appétit et le bien sont présentés l'un à l'autre, il y a convenance mutuelle, connaturralité, les deux s'entendent, entrent en consonnance. L'amour actue  l'appétit et immédiatement se fait désir et cherche la présence réelle du bien.

    • Il y a un premier moment de l'amour, celui qui aime porte le bien aimé en soi suite à une certaine connaissance qu'il en a d'abord eu ; il s'agit d'un amour bien réel de ce qui est aimé, mais à travers une forme : je porte en moi ce que j'aime, je suis touché, je suis affecté, il s'agit d'un amour affectif ;  
    • puis, l'amour meut en tant qu'il ne peut rester seulement selon la forme, il se fait désir, et, en tant que désir, il devient cause de l'union ; tout en restant un amour affectif, il devient aussi effectif, réel, grâce à la présence ou possession de ce qui est aimé. Je continue d'être touché par l'autre, mais l'être aimé que je porte en moi "fusionne" avec l'être aimé présent, le bien touché à travers la forme laisse palce au bien touché dans sa présence. °°°
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    Thomas d'Aquin - Celui qui aime n'a pas besoin de connaître en détail ce qu'il aime - I-II.q27a2ad2

    Il faut davantage pour la perfection de la connaissance que pour celle de l'amour.

    Quelque chose est requis pour la perfection de la connaissance qui n'est pas requis pour la perfection de l'amour.

    En effet, la connaissance relève de la raison, dont [le rôle] est de distinguer ce qui ne fait qu'un dans la chose (rem), et de rapprocher (componere) les éléments divers en les comparant. C'est pourquoi il est requis pour une connaissance parfaite (ad perfectionem cognitionis) que l'homme connaisse dans le détail tout ce qui est dans une chose (re) : comme ses parties, ses puissances, ses propriétés.

    Mais l'amour est, dans la puissance appétitive, ce qui regarde la chose (rem) selon qu'elle est en elle-même. De sorte qu'il suffit pour la perfection de l'amour (ad perfectionem amoris) que la chose soit aimée selon qu'elle est appréhendée en elle-même. Il arrive alors qu'une chose soit aimée plus qu'elle n'est connue : en cela que quelque chose peut être aimé parfaitement (perfecte amari) même si elle n'est pas parfaitement connue (perfecte cognoscatur).

    C'est ce qu'on voit nettement pour les sciences que certains aiment, bien qu'ils n'en aient qu'une connaissance sommaire : ils savent, par exemple, que la rhétorique est la science qui permet à l'homme de persuader, et c'est cela qu'ils aiment en elle.

    Et cela peut être dit de manière similaire à propos de l'amour de Dieu.

    (Somme, I-II.q27a2ad2)

    Aliquid requiritur ad perfectionem cognitionis, quod non requiritur ad perfectionem amoris.

    Cognitio enim ad rationem pertinet, cuius est distinguere inter ea quae secundum rem sunt coniuncta, et componere quodammodo ea quae sunt diversa, unum alteri comparando. Et ideo ad perfectionem cognitionis requiritur quod homo cognoscat singillatim quidquid est in re, sicut partes et virtutes et proprietates.

    Sed amor est in vi appetitiva, quae respicit rem secundum quod in se est. Unde ad perfectionem amoris sufficit quod res prout in se apprehenditur, ametur. Ob hoc ergo contingit quod aliquid plus amatur quam cognoscatur, quia potest perfecte amari, etiam si non perfecte cognoscatur.

    Sicut maxime patet in scientiis, quas aliqui amant propter aliquam summariam cognitionem quam de eis habent, puta quod sciunt rhetoricam esse scientiam per quam homo potest persuadere, et hoc in rhetorica amant. Et similiter est dicendum circa amorem Dei..

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    1. La traduction originale de la première phrase a été laissée pour montrer son approximation.

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    Thomas d'Aquin - I-II.q28a2 - L'inhésion affective comme effet de l'amour

    Inhaesio : traduit tantôt par "existence mutuelle en autrui", tantôt par "inhabitation" ; il s'agit à la fois d'une présence de l'être aimé en soi et d'une présence de soi dans l'être aimé. On a pris le parti de le traduire ici par inhésion, mot maintenant inusité mais fidèle au texte. Voir ici et ici. Pas de solution idéale.

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    L'inhésion mutuelle est-elle un effet de l'amour ?

    Cet effet d'inhésion mutuelle, peut être compris (intelligi) quant à la puissance appréhensive et quant à la puissance appétitive.

    [Quant à de la puissance appétitive]

    En effet, quant à de la puissance appétitive, l'aimé est dit dans l'aimant en tant qu'il demeure (immoratur) dans l'appréhension de l'aimant ; selon ces mots de l'Apôtre (Ph 1, 17) : " je vous porte dans mon coeur."

    [Quant à de la puissance appréhensive (la connaissance)]

    Mais l'aimant est dit dans l'aimé selo l'appréhension en tant qu'il

    • ne se satisfait pas d'une connaissance superficielle de l'aimé
    • mais s'efforce
      • d’examiner en profondeur chaque aspect qui concerne l’aimé,
      • et ainsi il pénètre à l’intérieur de celui-ci.

    C'est le sens de ces mots appliqués à l'Esprit Saint, qui est l'Amour de Dieu: "Il scrute même les profondeurs de Dieu" (1 Co 2, 10).

    *     *     *

    Utrum mutua inhaesio sit effectus amoris ?

    Iste effectus mutuae inhaesionis potest intelligi et quantum ad vim apprehensivam, et quantum ad vim appetitivam.

    []

    Nam quantum ad vim apprehensivam amatum dicitur esse in amante, inquantum amatum immoratur in apprehensione amantis; secundum illud Philipp. I, eo quod habeam vos in corde.

    []

    Amans vero dicitur esse in amato secundum apprehensionem inquantum amans

    • non est contentus superficiali apprehensione amati,
    • sed nititur
      • singula quae ad amatum pertinent intrinsecus disquirere,
      • et sic ad interiora eius ingreditur.

    Sicut de spiritu sancto, qui est amor Dei, dicitur, I ad Cor. II, quod scrutatur etiam profunda Dei.

    *     *     *

    [1. L'aimé est dans l'aimant]

    Mais quant à la puissance appétitive, l'aimé est dit dans l'aimant en tant qu'il est par une certaine complaisance dans son affect [~ son coeur],

    • si bien qu'il se délecte de l'aimé ou de ses biens, quand ils sont présents ;
    • s'ils sont absents, son désir se porte
      • vers l'aimé lui-même par l'amour de concupiscence,
      • ou vers les biens qu'il lui veut par l'amour d'amitié.

    Et

    • ce n'est pas en raison de quelque cause d'extrinsèque, comme 
      • lorsqu'on désire une chose à cause d'une autre,
      • ou que l'on veut du bien à quelqu'un en vue d'autre chose,
    • mais à cause de la complaisance pour l'aimé la plus intérieurement enracinée (interius radicatam). C'est pour cela que l'amour est dit ce qui est le plus au-dedans (intimus) et que l'on parle des "entrailles de la charité".

    *     *     *

    Sed quantum ad vim appetitivam, amatum dicitur esse in amante, prout est per quandam complacentiam in eius affectu,

    • ut vel delectetur in eo, aut in bonis eius, apud praesentiam;
    • vel in absentia, per desiderium tendat
      • in ipsum amatum per amorem concupiscentiae;
      • vel in bona quae vult amato, per amorem amicitiae;
    • non quidem ex aliqua extrinseca causa, sicut
      • cum aliquis desiderat aliquid propter alterum,
      • vel cum aliquis vult bonum alteri propter aliquid aliud;
    • sed propter complacentiam amati interius radicatam. Unde et amor dicitur intimus; et dicuntur viscera caritatis.

    *     *     *

    [2. L'aimant est dans l'aimé]

    Réciproquement, l'aimant est dans l'aimé, mais différemment selon qu'il y a amour de concupiscence ou amour d'amitié.

    • En effet, l'amour de concupiscence
      • ne se repose dans aucune possession ou jouissance extérieure et superficielle de l'aimé,
      • mais cherche à le posséder parfaitement et à le joindre, pour ainsi dire, en son plus intime.
    • Dans l'amour d'amitié, au contraire, l'aimant est dans l'aimé en ce sens qu'il considère les biens ou les maux de son ami comme les siens, et la volonté de son ami comme la sienne propre, de sorte que lui-même, en son ami, semble
      • pâtir les biens et les maux
      • et être affecté des biens et des maux.

    C'est pour cela que, d'après Aristote, il est propre aux amis

    • de "vouloir les mêmes choses,
    • et de s'attrister et de se réjouir dans les mêmes choses".

    *

    E converso autem amans est in amato aliter quidem per amorem concupiscentiae, aliter per amorem amicitiae.

    • Amor namque concupiscentiae
      • non requiescit in quacumque extrinseca aut superficiali adeptione vel fruitione amati,
      • sed quaerit amatum perfecte habere, quasi ad intima illius perveniens.
    • In amore vero amicitiae, amans est in amato, inquantum reputat bona vel mala amici sicut sua, et voluntatem amici sicut suam, ut quasi ipse in suo amico videatur
      • bona vel mala pati,
      • et affici.

    Et propter hoc, proprium est amicorum

    • eadem velle,
    • et in eodem tristari et gaudere

    secundum philosophum, in IX Ethic. et in II Rhetoric.

    *

    Ainsi donc,

    • en tant qu'il considère comme sien ce qui est à son ami, l'aimant semble exister en celui qu'il aime et être comme identifié à lui.
    • Au contraire, en tant qu'il veut et agit pour son ami comme (sicut) pour soi-même, le considérant comme (quasi) un (idem) avec soi, c'est l'aimé qui est dans l'aimant.

    *     *     *

    Ut sic,

    • inquantum quae sunt amici aestimat sua, amans videatur esse in amato, quasi idem factus amato.
    • Inquantum autem e converso vult et agit propter amicum sicut propter seipsum, quasi reputans amicum idem sibi, sic amatum est in amante.

    *     *     *

    [3ème manière]

    Il y a une troisième manière d'entendre cette mutuelle inhésion par l'amour d'amitié, c'est celle de l'amour qui répond à l'amour, en tant que

    • mutuellement les amis s'aiment (mutuo),
    • et l'un à l'autre (invicem) 
      • se veulent (volunt) de bonnes choses
      • et font (operantur) de bonnes choses.

    (Somme, I-II.q28a2)

    Potest autem et tertio modo mutua inhaesio intelligi in amore amicitiae, secundum viam redamationis, inquantum

    • mutuo se amant amici,
    • et sibi invicem bona
      • volunt
      • et operantur.

     

    VOIR AUSSI LA REPONSE TRES SYNTETIQUE A L'ARGUMENT 1 DU MÊME ARTICLE

    ----- 

    1. Dominus : il serait plus aisé pour la compréhension de traduire "maître", mais le mot seigneur a plus d'ampleur et invite moins à une compréhension stoïcienne de "maîtrise de soi". Le seigneur respecte ce sur quoi il a autorité (voir l'expression "être grand seigneur").

    2. Complacentiam : de complaceo, "plaire en même temps, concurremment" (Gaffiot). Que signififie le préfixe "com" dans le mot complaisance ? A quoi se rapporte le "en-même temps" ? Pourquoi dit-on se complaire dans l'ami en tant qu'il affecte notre appétit plutôt que se plaire en l'ami en tant qu'il affecte notre appétit ? Se complaire en quelque chose, se plaire en quelque chose, quelle différence ?

    Voir I-II.q27a1ad3

    "Le beau ajoute au bien un certain rapport à la puissance connaissante (vim cognoscitivam)

      • le bien est alors dit ce qui complaît (complacet) à l’appétit "purement et simplement" (simpliciter)
      • et le beau est dit ce qui plaît (placet) à l'appréhension"

    Premier élément de réponse : on doit pouvoir dire que l'amour affectif est source de complaisance alors que l'amour effectif est source de plaisir/joie. La complaisance serait alors le plaisir intentionnel, la chose nous a affecté et nous aimons ce en quoi elle nous affecte et cela à pour effet une complaisance. Nous aimons la chose ou la personne aimée en tant qu'elle réside en nous, en tant qu'elle a donné lieu à une modification (affect-ion) en nous, et nous aimons cette modification. La chose a fait quelque chose en nous (adficio --> ad-facio, d'où vient le mot affection). Cette chose qui s'est faite en nous, l'affect, est liée à la chose qui affecte, le lien n'est pas rompu, mais l'affect est dans le ressenti de la chose aimée.

    C'est pour cette raison que la complaisance, dans la signification dans laquelle elle nous est parvenue, comporte un aspect péjoratif en cela qu'elle porte en elle une possibilité d'en rester à ce "ressenti" en relativisant la chose qui est à la source de ce sentir intérieur. C'est pourquoi un véritable amour n'en reste pas au stade affectif mais naturellement se porte par le désir au bien réel, à la chose aimée en tant qu'elle existe indépendamment de moi et que je veux rejoindre réellement.

    Et lorsque la chose aimée ou la personne aimée est aimée dans sa réalité, alors il y a plaisir/joie. On ajoute alors à l'unité intérieure dans laquelle l'aimé est en soi, une unité qui découle d'une sortie de nous-même pour demeurer en l'autre, l'autre réel. L'autre réel continuant de nous toucher intérieurement, mais en raison même de ce toucher intérieur nous projette vers lui pour y demeurer, d'où le mot d'Aristote rapporté par Thomas : l'amour est circulaire. L'analyse de Thomas est d'un très grand réalisme, car c'est en effet de cette manière que nous expérimentons et que nous vivons l'amour.

    La complaisance a une cause immédiate intérieure ; le plaisir/joie a une cause extérieure ; les deux se vivant de fait de manière mêlée, à cause du cercle.

    °°° ~ ~ La chose belle en tant qu'elle est belle plaît car elle reste extérieure du fait que la connaissance nécessite la présence de la chose connue. ~ ~

     

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    Thomas d'Aquin - I.59a1 - On ne peut aimer spirituellement qu'à travers l'aide de l'intellect qui permet de saisir la ratio boni et de juger ce qu'on aime pour l'aimer pour ce qu'il est - UN SOMMET

    On ne peut comprendre immédiatement ce passage. Bien lire le commentaire.

    [1. L'appétit naturel]

    Certains [êtres] sont inclinés au bien par la seule disposition (habitudinem) de la nature, sans connaissance, comme les plantes et les corps inanimés.

    Et une telle inclination au bien est appelée appétit naturel.

    [2. L'appétit sensible]

    Certains [êtres] sont inclinés au bien avec une certaine connaissance,

    • non qu’elles connaissent la ratio boni elle-même [= la raison de bien, la notion universelle de bien],
    • mais connaissent un certain bien particulier ;
      • comme le sens, qui connaît le doux, le blanc, etc.

    L'inclination qui suit cette connaissance est dîte appétit sensitif.

    [3. L'appétit intellectuel ; entendre "appétit volontaire"]

    Certains autres [êtres] sont inclinés au bien avec une connaissance par laquelle ils connaissent la ratio boni elle-même, ce qui est le propre de l'intellect. [ --> rien d'autre que l'intellect ne peut saisir une ratio, par abstraction chez les hommes, par saisie directe chez les anges]

    Et ceux-là sont inclinés vers le bien de la façon la plus parfaite (perfectissime) ;

    • car ils ne sont pas, comme (quasi) par un autre, seulement [inclinés] directement au bien,
      • comme il arrive aux êtres à qui manque la connaissance ; [= appétit naturel]
    • ni au bien de manière particulière seulement
      • comme les êtres doués de connaissance sensible ;
    • mais ils sont comme (quasi) inclinés vers le bien universel lui-même.
      • Et cette inclination est dite « volonté ».

    C’est pourquoi, puisque les anges appréhendent par leur intelligence la raison universelle de bien, il est manifeste qu’il y a en eux une volonté.

    (Somme, I.59a1)

    [1.]

    Quaedam enim inclinantur in bonum, per solam naturalem habitudinem, absque cognitione, sicut plantae et corpora inanimata.

    Et talis inclinatio ad bonum vocatur appetitus naturalis.

    [2.]

    Quaedam vero ad bonum inclinantur cum aliqua cognitione;

    • non quidem sic quod cognoscant ipsam rationem boni,
    • sed cognoscunt aliquod bonum particulare;
      • sicut sensus, qui cognoscit dulce et album et aliquid huiusmodi.

    Inclinatio autem hanc cognitionem sequens, dicitur appetitus sensitivus.

    [3.]

    Quaedam vero inclinantur ad bonum cum cognitione qua cognoscunt ipsam boni rationem; quod est proprium intellectus. 

    Et haec perfectissime inclinantur in bonum;

    • non quidem quasi ab alio solummodo directa in bonum,
      • sicut ea quae cognitione carent; 
    • neque in bonum particulariter tantum,
      • sicut ea in quibus est sola sensitiva cognitio;
    • sed quasi inclinata in ipsum universale bonum.
      • Et haec inclinatio dicitur voluntas.

    Unde cum angeli per intellectum cognoscant ipsam universalem rationem boni, manifestum est quod in eis sit voluntas.

     

    -----

    Voir aussi ici.


    1. -- Bien faire attention a chaque fois que TH. parle de ratio boni, le sujet est delicat. Car on n'aime en effet pas un universel, une notion, mais toujours tel bien existant. Toutefois on ne l'aime pas uniquement comme on aime particulièrement un être particulier ! - Cela demande un peu de finesse ici, mais c'est tès grisant intellectuellement à comprendre. - Sans la ratio boni je ne peux voir les divers plans de biens, le plan du bien naturel, le plan du bien sensible, le plan du bien spirituel. A chaque fois on touche le bien, ce qui me permet, bien que les plans soient différents, d'abstraire la notion commune de bien, ce qu'au Moyen-Âge on appelle ratio boni. Ayant la capacité de voir le bien partout où il se trouve, je peux les ordonner entre eux, je peux voir qu'un bien spirituel est supérieur à un bien sensible. Aimer spirituellement une personne n'est pas la même chose que l'aimer pour ses qualités sensibles, physiques, etc. Et cela se fait nécessairement avec le concours de l'intellect. La volonté, comme volonté, ne peut abstraire ; mais, dans l'expérience volontaire, c'est à dire dans l'expérience de mon appétit spirituel pour le bien spirituel, je fais appelle à mon intellect pour distinguer mon attraction au bien spirituel de mon attraction au bien sensible. En jugeant qu'un bien sensible et un bien spirituel sont tous les deux des biens, je vois par la même occasion ce qui les différencie l'un de l'autre. Grâce au commun saisi par la ratio boni, je distingue comme par soustraction ce qui reste : leur différence, qualités sensibles d'un côté, qualité spirituelle de l'autre. Et c'est alors en le connaissant et en le jugeant pour ce qu'il est, que j'aime spirituellement un bien en ce qu'il a de spirituel. - Ce qui n'exclue pas les autres plans, comme le souligne TH. au moment où il parle des passions qui peuvent/doivent être assumées, "emmenées", dans l'acte d'amour spirituel.

    2. -- Quand Thomas parle d'inclination vers le bien universel lui-même, il faut bien notre le quasi. : "quasi inclinata in ipsum universale bonum". Il ne faut pas entendre que l'appétit volontaire se porte vers l'idée en soi du bien mais que dans tel bien elle discerne que c'est un bien. Elle est capable de juger que ce bien est un bien et un bien spirituel aimable spirituellement. Thomas n'est pas ici platonicien, il ne dit pas qu'il faut aimer la ratio boni.

    3. -- A distinguer de la quête universelle du bonheur, voir par exemple ici.

    4. -- A noter : ce qu'est le propre de l'intellect : appréhender la ratio d'une chose, ce qu'est une chose... "Ceci est un bien".

    • Dernière mise à jour le .

    Thomas d'Aquin - L'extase dans le Commentaire des Noms Divins (4.10.426-441)

    Bien noter : 

    • l'induction du fait que l'amour est extatique qui montre que dès qu'il y a amour, il y a dans le même temps extase, sortie de soi

    426. Après que Denys ait déterminé à propos de l’amour, ici, il détermine à propos de l’extase qui est un effet de l’amour et à ce sujet il fait trois choses :

    • premièrement, il montre que l’extase est un effet de l’amour ;
    • deuxièmement, il manifeste cela dans les créatures, là où il dit (169) : Et elles montrent… ;
    • troisièmement, il manifeste cela en Dieu, là où il dit (171) : Osons dire…

    426. Postquam Dionysius determinavit de amore, hic determinat de extasi quae est effectus amoris et circa hoc, tria facit :

    • primo, proponit extasim esse amoris effectum ;
    • secundo, manifestat hoc in creaturis ; ibi : et monstrant et cetera ;
    • tertio, manifestat hoc in Deo ; ibi : audendum et cetera.
    [1. L'EXTASE EFFET DE L'AMOUR]  

    427. Concernant le premier point, il faut considérer là une différence entre les puissances

    • cognitives
    • et appétitives,

    à savoir que

    • car l'acte de la puissance cognitive se fait selon que ce qui est connu est dans le connaisasnt,
    • alors que l'acte de la puissance appétitive se fait selon l'inclination que l'appétit a envers ce qui est appété [désiré].

    Mais la première opération de l’appétit est l’amour ainsi il a été dit plus haut (401), d’où il suit que l’amour porte en lui la première inclination de l’appétit dans la chose (rem) selon que cette dernière a raison de bien, lequel est l’objet de l’appétit.

    427. Circa primum, considerandum est quod haec est differentia inter vim

    • cognoscitivam
    • et appetitivam,

    quia

    • actus virtutis cognoscitivae est secundum quod cognita sunt in cognoscente,
    • actus autem virtutis appetitivae est secundum inclinationem quam habet appetens ad rem quae appetitur.

    Prima autem operatio appetitus est amor, ut supra dictum est, unde amor importat primam inclinationem appetitus in rem secundum quod habet rationem boni, quod est obiectum appetitus.

    428. Mais ainsi que l’être est dit de deux manières, c’est-à-dire

    • de ce qui subsiste par soi
    • et de ce qui existe dans un autre,

    de même le bien se dit de deux manières :

    • d'une première manière, il est dit de la réalité subsistante qui a en elle un bien,
      • comme l’homme qui est dit bon ;
    • d'une autre manière, il est dit de ce qui existe en quelqu'un et qui le fait bon,
      • comme la vertu qui est dite bien de l’homme, par laquelle il est bon ;

    de même le blanc est dite être (ens),

    • non parce que elle-même serait [une chose] subsistante dans son être,
    • mais ce par quoi quelque chose est blanc.

    C’est donc de deux manières que l’amour tend vers quelque chose :

    • d'une première manière, comme vers un bien substantiel,
      • ce qui en effet arrive comme lorsque (dum sic) nous aimons quelque chose de telle sorte (ut) que nous lui voulons du bien,
        • comme quand nous aimons un homme en lui voulant du bien ;
    • d'une autre manière, lorsque l’amour tend vers quelque chose, comme vers un bien accidentel,
      • par exemple nous aimons la vertu
        • non pas certes pour cette raison que nous voulons qu’elle soit bonne,
        • mais plutôt pour que grâce à elle nous soyons bons.
    • La première sorte d’amour, certains la nomment amour d’amitié
    • tandis qu’ils réservent pour la seconde le nom d’amour de concupiscence.

    428. Sicut autem ens dupliciter dicitur, scilicet

    • de eo quod per se subsistit
    • et de eo quod alteri inest,

    ita et bonum :

    • uno modo, dicitur de re subsistente quae habet bonitatem,
      • sicut homo dicitur bonus ;
    • alio modo, de eo quod inest alicui, faciens ipsum bonum,
      • sicut virtus dicitur bonum hominis, quia ea homo est bonus ;

    similiter enim albedo dicitur ens,

    • non quia ipsa sit subsistens in suo esse,
    • sed quia ea aliquid est album.

    Tendit ergo amor dupliciter in aliquid :

    • uno modo, ut in bonum substantiale,
      • quod quidem fit dum sic amamus aliquid ut ei velimus bonum,
        • sicut amamus hominem volentes bonum eius ;
    • alio modo, amor tendit in aliquid, tamquam in bonum accidentale,
      • sicut amamus virtutem,
        • non quidem ea ratione quod volumus eam esse bonam,
        • sed ratione ut per eam boni simus.
    • Primum autem amoris modum, quidam nominant amorem amicitiae ;
    • secundum autem, amorem concupiscentiae.

    429. Il arrive (contingit) cependant parfois que nous aimions même certains biens subsistants d’un amour de concupiscence

    • parce que nous ne les aimons pas pour elles-mêmes,
    • mais pour ce qu’elles possèdent ;

    c’est ainsi

    • que nous aimons le vin lorsque nous voulons, en le buvant, jouir de sa douceur ;
    • ou de manière similaire, avec un homme qui est aimé
      • à cause du plaisir
      • ou de l’utilité 
      • non pour lui-même
      • mais par accident,  (405).

    429. Contingit autem, quandoque, quod etiam aliqua bona subsistentia amamus hoc secundo modo amoris,

    • quia non amamus ipsa secundum se,
    • sed secundum aliquod eorum accidens ;

    sicut

    • amamus vinum, volentes potiri dulcedine eius ;
    • et similiter, cum homo
      • propter delectationem
      • vel utilitatem amatur,
      • non ipse secundum se amatur,
      • sed per accidens.

    [Après un préambule, on commence ici à répondre à la question]

    430. Ainsi donc, dans l'un et l'autre mode d’amour, l’affect de l’amant, par une certaine inclination, est attiré vers la chose aimée, mais selon divers modes :

    • car dans le deuxième mode d'amour [l'amour de concupiscence], l’affect de l’amant est attiré vers la chose aimée par un acte de la volonté, mais par [= à cause de] son intention, l’affect revient rapidement (recurrit)1 en lui-même (in seipsum) :

    en effet, lorsque j'appète [= je désire] la justice ou le vin,

      • mon affect est incliné vers l’un de ces autres,
      • mais cependant il retourne rapidement (recurrit) en lui-même

    parce qu’il se porte vers les choses susdîtes de telle manière que par elles il lui arrive (sit) un bien  ;

    c’est pourquoi un tel amour ne place pas l’amant à l'extérieur de lui-même (extra se), quant à [= en raison de] la fin de l'intention.

    • Mais avec le premier mode d'amour, l'affect de l'amant est porté vers la réalité aimée de telle manière qu’il n'y ait pas ce retour rapide (recurrit) sur lui-même,
      • parce que c’est à la réalité aimée elle-même qu’il veut du bien
      • et non pour cette raison qu’il voudrait qu’au moyen d’elle il lui arrive (accidit) ensuite quelque chose [= un bien].

    Ainsi donc c’est un tel amour qui fait l’extase parce qu'il place l’amant à l'extérieur de lui-même (extra seipsum).

    430. In utroque igitur modo amoris, affectus amantis per quamdam inclinationem trahitur ad rem amatam, sed diversimode : 

    • nam in secundo modo amoris, affectus amantis trahitur ad rem amatam per actum voluntatis, sed per intentionem, affectus recurrit in seipsum ;

    dum enim appeto iustitiam vel vinum,

      • affectus quidem meus inclinatur in alterum horum,
      • sed tamen recurrit in seipsum,

    quia sic fertur in praedicta ut per ea bonum sit ei ;

    unde talis amor non ponit amantem extra se, quantum ad finem intentionis.

    • Sed cum aliquid amatur primo modo amoris, sic affectus fertur in rem amatam, quod non recurrit in seipsum,
      • quia ipsi rei amatae vult bonum,
      • non ex ea ratione quia ei exinde aliquid accidat.

    Sic igitur talis amor extasim facit, quia ponit amantem extra seipsum.

    431. Mais cet [amour d'amitié] se produit de trois manières ; en effet, ce bien substantiel peut se porter de trois manières à l’affect :

    • d'une première manière, selon que le bien est plus parfait que l’amant lui-même
      • et par cela l’amant se compare au bien comme la partie au tout,
      • car ce qui existe en totalité dans ce qui est parfait n'existe qu'en partie dans ce qui est imparfait ;
      • par conséquent, selon cela, l’amant est quelque chose de l’aimé.
    • Deuxièmement, selon que le bien aimé est du même ordre que l’amant.
    • Troisièmement, selon que l’amant est plus parfait que ce qui est aimé et ainsi l’amour de l’amant se porte vers l'aimé comme vers quelque chose qui lui appartient [litt. : de sien].

    431. Sed hoc contingit tripliciter ; potest enim illud substantiale bonum, in quod affectus fertur, tripliciter se habere :

    • uno modo sic, quod illud bonum sit perfectius quam ipse amans
      • et per hoc amans comparetur ad ipsum ut pars ad totum,
      • quia quae totaliter sunt in perfectis partialiter sunt in imperfectis ;
      • unde secundum hoc, amans est aliquid amati.
    • Alio modo sic, quod bonum amatum sit eiusdem ordinis cum amante.
    • Tertio modo, quod amans sit perfectius re amata et sic amor amantis fertur in amatum, sicut in aliquid suum.

    432. Ainsi donc,

    A. quand l’appétit de l’amant se porte vers l’aimé comme vers un [être] supérieur dont un quelque chose [une partie] est l’amant lui-même, alors l’amant ordonne son propre bien vers l’aimé ;

      • par exemple, si la main aimait l’homme, elle ordonnerait cela-même qu’elle est vers le tout [le tout qu'est l'homme],
      • d’où elle se placerait totalement à l'extérieur d’elle-même
      • car en aucune manière il lui resterait quelque chose d'elle
      • mais elle ordonnerait tout vers l'aimé, [c'est-à-dire à l’homme].

    B. Il n’en est pas ainsi quand un être en aime un autre de même rang ou qui lui est inférieur :

      • en effet, si une main en aimait une autre, elle ne s'ordonnerait pas totalement vers l’autre ;
      • et un homme qui aime sa main n'ordonne pas tout son bien vers le bien de la main.

    Ainsi donc

    A. quelqu’un doit aimer Dieu de sorte qu’il ne lui reste plus rien qui ne soit pas ordonné à Dieu.

    B. Cependant, lorsqu’il aime des [réalités] égales ou inférieures, il suffit seulement qu’il soit à l'extérieur de lui-même en elles [ablatif, donc : dans sans mouvement] de sorte 

      • qu’à soi il ne tende pas seulement mais aux autres [aussi] ;
      • tout comme il ne faut pas qu’il s'ordonne totalement en elles.

    432.

    A. Sic igitur cum affectus amantis fertur in amatum superius, cuius aliquid est ipse amans, ipsum suum bonum amans ordinat in amatum ;

    • sicut si manus amaret hominem, hoc ipsum quod ipsa est in totum ordinaret,
    • unde totaliter extra se poneretur,
    • quia nullo modo aliquid sui sibi relinqueretur,
    • sed totum in amatum ordinaret.

    B. Non autem ita est, cum aliquid amat sibi aequale vel id quod infra se est :

    • non enim una manus, si aliam amaret, totam se in aliam ordinaret,
    • neque homo amans suam manum, totum bonum suum in bonum manus ordinat.

    A. Sic ergo aliquis debet Deum amare, quod nihil sui sibi relinquat, quin in Deum ordinetur.

    B. Cum autem aequalia vel inferiora amat, sufficit quod sit extra se exiens in illa ita dumtaxat

    • quod non sibi soli intendat, sed aliis ;
    • nec oportet quod totaliter se in illa ordinet.

    433. Ainsi donc l’amour divin peut ici s’accepter de deux manières :

    • d'une première manière, de l’amour par lequel Dieu est aimé

    et c’est ainsi qu’il faut expliquer cette parole qui dit que l’amour divin fait l’extase,

      • c’est-à-dire qu’il place l’amant hors de lui,
      • c’est-à-dire qu’il l’ordonne à Dieu de telle sorte qu’il ne permet pas aux amants d’exister pour eux-mêmes
      • mais pour les réalités divines qu’ils aiment, car il ne leur reste rien qui ne soit ordonné à Dieu.

     

    • D'une autre manière, l’amour divin peut s’entendre de l’amour qui vient de Dieu,
      • non seulement de celui qui est en Lui,
      • mais aussi de celui qui est dans les autres, c’est-à-dire les égaux et les inférieurs

    et c’est ainsi qu’il faut comprendre ce qui suit :

    n'abandonnant pas tant (tantum) les amantsà ce qui leur est propre,
    mais à ceux qui sont aimés,

    c’est-à-dire à ceux qui sont aimés, car c’est l’amour qui fait

      • qu’ils ne se contentent pas seulement de se replier sur eux-mêmes,
      • qu'ils ne tendent pas seulement vers eux-même, 
      • mais aussi vers les autres.

    433. Sic igitur amor divinus dupliciter potest hic accipi :

    • uno modo, amor quo Deus amatur

    et sic exponenda est haec littera quod amor divinus facit extasim,

      • idest ponit amantem extra se,
      • idest ordinat ipsum in Deum ita quod non permittit ipsos amatores esse sui ipsorum,
      • sed rerum divinarum quae amantur, quia nihil sui sibi relinquunt quin in Deum ordinent.

     

    • Alio modo, potest intelligi amor divinus qui est a Deo derivatus,
      • non solum in Deum,
      • sed etiam in alia, scilicet aequalia vel inferiora

    et sic intelligendum est : 

    non dimittens amatores esse sui ipsorum tantum, 
    sed amatorum,

    idest eorum quae amantur, quia amor facit

      • quod non solum sibi intendant,
      • sed etiam aliis.
    [2. MANIFESTATION DE L'EXTASE COMME EFFET DANS LES CREATURES]  

    434. Ensuite, lorsqu’il dit (169) : Et ils montrent…il manifeste dans les créatures ce qu’il vient de dire ;

    • et d’abord, par mode d’induction ;
    • deuxièmement par un recours à l’autorité lorsqu’il ajoute (170) : C’est à cause de cela

    434. Deinde, cum dicit : et monstrant et cetera, manifestat quod dixerat, in creaturis ;

    • et primo, per inductionem ;
    • secundo, per auctoritatem ; ibi : propter quod et cetera.
    [a. Manifestation par voie d'induction]  

    435. Il dit donc en premier que cet effet de l’amour, à savoir l’extase,

    • les réalités supérieures en font la preuve (demonstrant) au moyen de la providence qu’elles exercent (faciunt) à l’égard des réalités inférieures ;

    c’est en cela en effet qu’elles sont placées d’une certaine manière hors d’elles-mêmes puisqu'alors elles se tournent vers les autres ;

    • et de même, celles qui sont co-ordonnées, à savoir les égales, manifestent la même chose par le support qu'elles exercent les unes à l'égard des autres, c’est-à-dire pour autant qu’elles s’entraident et s’entretiennent mutuellement ;
    • et les réalités inférieures le montrent par le fait qu'elles sont plus divinement convertis en les réalités qui leur sont supérieures, comme vers celles en qui leur bien existe.

    Dans tous ces cas [n.b. : = le signe de l'induction] en effet il apparaît qu’une réalité sort d’elle-même aussitôt [dum = pendant que, indique ici la concommitance] qu’elle se tourne vers une autre.

    On se sert ici du génitif au lieu de l’ablatif car la langue grecque en est dépourvue.

    435. Dicit ergo primo quod praedictum effectum amoris,

    • demonstrant superiora per providentiam quam faciunt de inferioribus ;

    in hoc enim quodammodo extra se ponuntur, quod aliis intendunt ;

    • et similiter, monstrant coordinata, idest aequalia, per continentiam qua se invicem continent, prout scilicet, unum ab altero iuvatur et fovetur ;
    • et monstrant etiam inferiora per hoc quod divinius convertuntur in sua superiora, ut in quibus eorum bonum existit.

    In omnibus enim his apparet quod aliquid extra se exit, dum ad alterum convertitur.

    Utitur autem hic genitivis pro ablativis, quia Graeci ablativis carent.

    [b. Manifestation par voie d'autorité]  
     

    436. Ensuite, lorsqu’il dit (170) : C’est à cause de cela… il montre la même chose, mais par voie d’autorité ;

    et il dit que c’est à cause de cela que

    • l’amour ne permet pas à l’amant d'exister pour lui-même, [l'amour de type amour d'amitié en tant que tel implique une sortie et ne peut se contenter de rester en soi]
    • mais [le pousse à exister] pour l’aimé,

    comme on le voit chez le grand Paul qui fut établi dans l’amour divin

    • comme dans une étreinte
    • et par une puissance de l’amour divin qui le fit sortir totalement de lui-même

    lorsqu’il dit, en parlant comme par la bouche de Dieu, au deuxième chapitre de l’épître aux Galates (2, 20) : ¨Je vis, mais ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi¨,

    c'est à dire qu’il était sorti de lui-même, se projetant totalement en Dieu (totum se in Deum proiecerat),

    ne cherchant pas

    • ce qui est à lui [litt. "est sien" ; = son bien propre]
    • mais ce qui est à Dieu [= le bien de Dieu, dans l'amour d'amitié, on recherche le bien de l'autre,... il appartient à Dieu d'être aimé...],

    comme un vrai amant transporté dans l’extase,

    • vivant de Dieu
    • et ne vivant pas de sa propre vie
    • mais de celle du Christ, son Amour, laquelle lui paraissait de loin préférable.
     

    436. Deinde, cum dicit : propter quod et cetera, ostendit idem per auctoritatem ;

    et dicit quod propter hoc quod 

    • amor non permittit amatorem esse sui ipsius,
    • sed amati, 

    magnus Paulus constitutus in divino amore

    • sicut in quodam continente 
    • et virtute divini amoris faciente ipsum totaliter extra se exire,

    quasi divino ore loquens dicit, Galat. 2 : vivo ego, iam non ego, vivit autem in me Christus 

    scilicet quia a se exiens totum se in Deum proiecerat,

    non quaerens

    • quod sui est,
    • sed quod Dei, 

    sicut verus amator et passus extasim,

    • Deo vivens 
    • et non vivens vita sui ipsius,
    • sed vita Christi ut amati, quae vita erat sibi valde diligibilis.
    [2. MANIFESTATION DE L'EXTASE COMME EFFET EN DIEU]  

    437. Ensuite, lorsqu’il dit (171) : Osons dire

    • il dit qu’il faut affirmer que l’opération de l’amour dont nous venons de parler se retrouve aussi en Dieu, en disant que 
    • ceci est dit audacieusement comme une vérité,
      • c'est à dire établir (faciente) cette vérité audacieusement ;
    • ou, comme une vérité,
      • c'est-à-dire qu’il faut affirmer comme vrai

    que Lui-même,

    qui est la cause de toute chose par son amour beau et bon par lequel Il aime tout,
    selon l’abondance de sa bonté par laquelle il aime les choses,

    sort de Lui-même

      • en tant qu'Il pourvoit aux besoins de tout ce qui existe par
        • sa bonté,
        • son amour
        • et sa charité,
      • et d'une certaine manière il est attiré et mis à terre (deponitur)
      • de manière relative à sa propre excellence,
        • selon le fait qu'il existe au-dessus de toutes choses
        • et qu'il est séparé de toutes choses,
      • de sorte qu'il est en toutes choses,
      • par les effets de sa bonté,
      • selon une certaine extase
      • qui le fait cependant exister dans tous les inférieurs,
      • de telle sorte que sa puissance supersubstantielle ne sorte pas de Lui (non egrediatur ab ipso).
      • En effet il comble toutes les choses sans que sa puissance ne soit épuisée dans aucune d’elles.

    C’est ce que Denys ajoute certes pour montrer que par le mot ‘mis à terre(deponitur),

      • il ne faut pas comprendre que Dieu soit diminué,
      • mais seulement qu'il se communique à ceux qui participent de sa bonté.

    437. Deinde, cum dicit : 

    • audendum et cetera, dicit quod praedicta operatio amoris etiam in Deo invenitur, dicens quod 
      • hoc audacter dicendum est pro veritate,
        • idest veritatem hanc audacter faciente ;
      • vel pro veritate,
        • idest pro vero hoc asserendo, 

    quod ipse 

    qui est omnium causa per suum pulchrum et bonum amorem quo omnia amat,
    secundum abundantiam suae bonitatis qua amat res, 

    fit extra seipsum,

      • inquantum providet omnibus existentibus per
        • suam bonitatem
        • et amorem
        • vel dilectionem
      • et quodammodo trahitur et deponitur 
      • quodammodo a sua excellentia, 
        • secundum quod supra omnia existit 
        • et ab omnibus segregatur,
      • ad hoc quod sit in omnibus,
      • per effectus suae bonitatis,
      • secundum quamdam extasim,
      • quae tamen sic ipsum facit in omnibus inferioribus esse,
      • ut supersubstantialis eius virtus non egrediatur ab ipso.
      • Sic enim implet omnia quod ipse in nullo evacuetur sua virtute.

    Quod quidem addit, ut per hoc quod dixerat : deponitur,

    • non intelligatur aliqua minoratio,
    • sed hoc solum quod se inferioribus ingerit propter suae bonitatis participationem.
       

     -----

    0. Vérifier que la traduction de "in" par "vers" est toujours correcte (il faut l'accusatif).

    1. Recurrit : courrir en arrière, revenir en courant, revenir vite, revenir

    2. Dans l'amour de conupiscence, il y a un premier temps où l'on sort de soi mais c'est pour un bref instant, le temps de prendre ce qui nous intéresse à l'extérieur pour le ramener en soi. Donc, l'extase est ici certes dans un premier stade, contrairement à l'amour naturel de soi qui ne nécessite pas de sortir de soi, mais elle ne demeure pas dans cet état. Seul l'amour d'amitié restera tendu vers l'autre et demeurera dans cet "état de sortie".

    3. Traduction originale du n° 437 : "... et que d’une certaine manière il se prolonge et s’abandonne, mais  à cause de son excellence conformément à Son existence qui demeure au-dessus et séparée de tout dans l’existence de tous les êtres, selon une certaine extase..."

    4. n° 437 : "deponitur" :

    • trad. originale : "s'abandonne".
    • Traduction du grec par Sources Chrétiennes 478 : "et, pour ainsi dire, se laisse séduire par la bonté, la dilection et l'amour" ;
    • traduction de Georges Darboy : "et daigne bien se laisser vaincre aux charmes de la bonté, de la dilection et de l’amour".

    5. n° 437 : "supersubstantialis eius" : trad. originale : "sa substance qui est au-dessus de toute substance"

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    Thomas d'Aquin - On entend par mouvement sensuel l'opération de la puissance appétitive - I.q81a1 et I.q81a2

    • La sensualité n'est pas directement morale mais dit simplement l'appétit sensitif en général

    AVERTISSEMENT : Nous nous permettons ici ce que nous ne pourrions nous permettre dans une traduction grand public : "sensualitas" est ici traduit littéralement "sensualité". Ce terme n'est pas à comprendre dans son sens moral actuel mais dans un sens neutre plus proche du terme "sensibilité" dans son versant affectif (par distinction de son versant cognitif). Une bonne traduction pourrait être "affectivité sensible"1.

    ---

    Le mouvement sensuel (sensualis) est un appétit consécutif à une appréhension sensible (sensitivam)

    Car

    • l'acte de la puissance appréhensive n'est pas aussi proprement dit un mouvement,
    • comme [peut l'être] l'action de l'appétit, 

    car

    • l'opération de la puissance appréhensive est perfectionnée en cela que les choses appréhendées sont dans celui qui appréhende,
    • tandis que l’opération de la puissance appétitive est perfectionnée en ce que l’être qui appète [= désire] est incliné dans la chose appétible [= désirable]2.

    Et c’est pourquoi

    • l’opération de la puissance appréhensive est assimilée au repos,
    • tandis l’opération de la puissance appétitive est davantage assimilée au mouvement.

    Aussi par mouvement sensuel (sensualem) est intelligé [= est entendu] l’opération de la puissance appétitive. Ainsi la sensualité est le nom de l'appétit sensitif.

    (Somme, I.q81a1)

    Motus autem sensualis est appetitus apprehensionem sensitivam consequens.

    • Actus enim apprehensivae virtutis non ita proprie dicitur motus, 
    • sicut actio appetitus,
    • nam operatio virtutis apprehensivae perficitur in hoc, quod res apprehensae sunt in apprehendente;
    • operatio autem virtutis appetitivae perficitur in hoc, quod appetens inclinatur in rem appetibilem.

    Et ideo

    • operatio apprehensivae virtutis assimilatur quieti,
    • operatio autem virtutis appetitivae magis assimilatur motui.

    Unde per sensualem motum intelligitur operatio appetitivae virtutis. Et sic sensualitas est nomen appetitus sensitivi.

     *     *     *

    L’appétit sensitif est une faculté qu’on appelle en général sensualité, mais il se divise en deux puissances qui sont ses espèces : l’irascible et le concupiscible.

    (Somme, I.q81a2)

    Appetitus sensitivus est una vis in genere, quae sensualitas dicitur; sed dividitur in duas potentias, quae sunt species appetitus sensitivi, scilicet in irascibilem et concupiscibilem.

     ----- 

    1. Voir la note de F.-X. Putallaz :

    Le mot « sensualitas » est d’ordinaire traduit par « sensibilité ». Mais ce dernier terme recouvre à la fois les facultés cognitives et les facultés appétitives ; or il s’agit ici seulement des deux facultés appétitives d’ordre sensible ; le terme « sensibilité » est donc trop large. En conservant le mot proche du latin « sensualité », on tombe dans le travers inverse, en raison de sa connotation de désir qu’il comporte, et même de désir imprégné de sexualité ; le terme est donc trop étroit. Je propose « affectivité sensible », au sens de la tendance qui porte l’appétit vers les réalités corporelles, afin de les atteindre, de les fuir ou de les combattre. Cette « affectivité sensible » est le siège des « sentiments », des émotions et des passions. Elle a un rôle vital.

    in : Thomas d'Aquin, L'âme humaine, Cerf, 2018, p. 547.

    2. Thomas préfère réserver le terme désir à l'appétit volontaire. Le terme appétit est plus générique, il peut refléter une tendance vers un bien sensible (concupiscence) comme spirituel (désir).

    3. On comprend ici ce que Thomas dira plus loin, la sensualité (c'est à dire l'appétit sensitif, c'est à dire les passions) n'est pas en lui-même moral, cf. I-II.q24a1 : les passions en elles-mêmes ne sont pas morales.

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