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Thomas d'Aquin - I-II.q47a5 - La prudence est la vertu la plus nécessaire à la vie humaine.

  • Il faut une sous-traitance spécifique pour s'occuper des moyens, c'est la vertu de prudence qui s'en charge

La prudence est la vertu la plus nécessaire à la vie humaine. Bien vivre (bene vivere) consiste en effet à bien opérer (operari) [= agir]. Cependant pour que quelque chose soit bien opéré (bene operetur),

  • il est non seulement requis qu'on fasse quelque chose,
  • mais aussi qu'on le fasse d'une certaine manière (quomodo)

c'est à dire que

  • les [actions] soient posées selon une élection droite,
  • et non seulement à partir d'une impulsion ou d'une passion.

Mais, comme l'élection porte sur les moyens, la rectitude de l'élection requiert deux [choses], à savoir :

  • la fin due,
  • et ce qui est convenablement (convenienter) ordonnée à (ad) la fin due. [= plan des moyens]

[A la fin due]

  1. Mais à la fin due,
    • l'homme est convenablement disposé par la vertu [= ?? La témpérance] qui perfectionne la partie appétitive de l'âme, dont l'objet est
      • le bien
      • et la fin. 
  2. Mais à (ad) ce qui est convenablement ordonné à (in) la fin due,  [= plan des moyens]
    • il faut qu'on y soit directement disposé par un habitus de la raison, car
      • délibérer
      • et élire, 
        • qui sont les opérations relatives aux moyens,
    • sont des actes de la raison.

Et c'est pourquoi il est nécessaire que soit dans la raison une vertu intellectuelle, par laquelle est perfectionnée la raison, de sorte qu'elle se rapporte convenablement aux moyens.

Et cette vertu est la prudence. Aussi la prudence est-elle une vertu nécessaire pour bien vivre..

(Somme, I-II.q47a5)

Prudentia est virtus maxime necessaria ad vitam humanam. Bene enim vivere consistit in bene operari. Ad hoc autem quod aliquis bene operetur,

  • non solum requiritur quid faciat,
  • sed etiam quomodo faciat;

ut scilicet

  • secundum electionem rectam operetur,
  • non solum ex impetu aut passione.

Cum autem electio sit eorum quae sunt ad finem, rectitudo electionis duo requirit, scilicet

  • debitum finem;
  • et id quod convenienter ordinatur ad debitum finem.

[Ad debitum finem]

  1. Ad debitum autem finem homo convenienter disponitur per virtutem quae perficit partem animae appetitivam, cuius obiectum est
    • bonum
    • et finis.
  2. Ad id autem quod convenienter in finem debitum ordinatur,
    • oportet quod homo directe disponatur per habitum rationis, quia
      • consiliari
      • et eligere,
        • quae sunt eorum quae sunt ad finem,
    • sunt actus rationis.

Et ideo necesse est in ratione esse aliquam virtutem intellectualem, per quam perficiatur ratio ad hoc quod convenienter se habeat ad ea quae sunt ad finem.

Et haec virtus est prudentia. Unde prudentia est virtus necessaria ad bene vivendum. 

 

   

1. -- Il est intéressant de voir que TH. ajoute "et non seulement à partir d'une impulsion ou d'une passion", il aurait pu dire "et non à partir de". Il reste fidèle au fait que l'impulsion naturelle et la passion ne sont pas par elles-mêmes mauvaises, seulement neutres. Livrées à elles-mêmes, elles ne peuvent agir droitement, d'où la nécessité d'une vertu.

2. -- debitum finem : une fin issue d'une loi, cf. par ex. I-II.q91a2 :

Et d'où en cette créature est participée la raison éternelle, par laquelle elle possède une inclination naturelle à l'acte dû et à la fin due.

Unde et in ipsa participatur ratio aeterna, per quam habet naturalem inclinationem ad debitum actum et finem.

3. -- debitum finem : la traduction de 1933 dit : "la fin conforme au devoir", elle a été heureusement corrigée dans les années 80, c'est celle que nous avons retenue. Bien sûr, TH. est bien loin d'une morale du devoir !

4. -- convenienter : voir la notion de convenance chez TH.

Convenance, Prudence, Bene vivere, Vivre bien, Bien agir, Fin due (debitum finis)

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