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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a1ad19 - Le libre arbitre, le conditionnement et les différentes causes efficientes et matérielles (les corps extérieurs, le corps, l'habitus acquis, l'habitus infus)

[Ce que l'on ne tient pas de notre naissance]

Les hommes ne tiennent de leur naissance aucune disposition immédiatement dans l’âme intellective, par laquelle ils sont de nécessité inclinés à élire une certaine fin : [aliquem => une fin seconde, un moyen, par laquelle on atteint la fin ultime]

  • ni du corps céleste,
  • ni d’aucune autre chose ;

si ce n’est que de leur nature même (ex ipsa sui natura) ils ont en eux un appétit nécessaire de la fin ultime, c’est‑à‑dire de la béatitude, 

  • ce qui n’empêche pas la liberté de l’arbitre,
  • puisque diverses voies demeurent éligibles pour suivre cette fin ;

et ce, parce que les corps célestes ne laissent pas une impression immédiate dans l’âme raisonnable.

[Ce que l'on tient de notre naissance]

[Le corps apporte en nous un certain conditionnement... ]

Mais de la naissance résulte une disposition dans le corps du nouveau-né,

  • tant par la puissance des corps célestes [= conditionnement naturel extérieur à nous]
  • que par les causes inférieures, que sont
    • la semence
    • et la matière du fœtus, [= conditionnement naturel intérieur à nous]
    • par quoi l'âme est en quelque manière penchée de manière efficiente (efficitur) [donc pas par une cause finale] à une certaine élection,
    • selon laquelle l'élection de l'âme rationnelle est inclinée à partir des passions,
      • qui sont dans l'appétit sensible,
      • qui est une puissance du corps qui suit les dispositions corporelles.

[... mais qui ne supprime pas le libre arbitre pour autant]

Mais de cela nulle nécessité n'est induite en lui quant à l’élection, puisqu’il est au pouvoir de l’âme raisonnable

  • de recevoir,
  • ou de repousser les passions naissantes.

Par la suite, l’homme devient de manière efficiente (efficitur) tel ou tel

  • par un habitus acquis,
    • dont nous sommes la cause,
  • ou par un habitus infus,
    • qui n’est pas donné sans notre consentement, quoique nous n’en soyons pas la cause.

Et cet habitus a pour effet (efficitur) que l’homme désire (appetat) efficacement la fin en consonnance avec cet habitus. Et un tel habitus

  • n’induit pas de nécessité,
  • ni ne lève la liberté de l’élection.

(DeVer.q24a1ad19)

[ ]

Homines ex nativitate non consequuntur aliquam dispositionem immediate in anima intellectiva, per quam de necessitate inclinentur ad aliquem finem eligendum,

  • nec a corpore caelesti,
  • nec ab aliquo alio ;

nisi quod ex ipsa sui natura inest eis necessarius appetitus ultimi finis, scilicet beatitudinis,

  • quod non impedit arbitrii libertatem,
  • cum diversae viae remaneant eligibiles ad consecutionem illius finis.

Et hoc ideo quia corpora caelestia non habent immediatam impressionem in animam rationalem.

[ ]

[ ]

Ex nativitate autem consequitur in corpore nati aliqua dispositio

  • tum ex virtute corporum caelestium,
  • tum ex causis inferioribus, quae sunt
    • semen
    • et materia concepti,

per quam anima quodammodo ad aliquid eligendum prona efficitur,

secundum quod electio animae rationalis inclinatur ex passionibus, quae sunt in appetitu sensitivo, qui est potentia corporalis consequens corporis dispositiones.

[ ]

Sed ex hoc nulla necessitas inducitur ei ad eligendum ; cum in potestate animae rationalis sit

  • accipere,
  • vel etiam refutare passiones subortas.

Postmodum vero homo efficitur aliqualis

  • per aliquem habitum acquisitum
    • cuius nos causa sumus,
  • vel infusum,
    • qui sine nostro consensu non datur, quamvis eius causa non simus.

Et ex hoc habitu efficitur quod homo efficaciter appetat finem consonum illi habitui. Et tamen ille habitus

  • necessitatem non inducit,
  • nec libertatem electionis tollit.

1. -- consonum : cf. la haine qui exprime une relation de dissonance entre un sujet et un objet qui ne lui convient pas (voir traité des passions).

2. -- efficaciter appetat finem : formule concise qui résume tout : il y a le désir naturel de la fin, et il y a le fait de se diriger vers elle de manière efficiente à travers des moyens, c'est à dire par une opération, une action concrète. Dans le domaine moral, ces actions seront déterminées par la prudence (habitus acquis) ou par un don gratuit de Dieu (habitus infus).

3. -- Nécessité de prendre le contrôle de la partie efficiente, sans quoi on la laisse au conditionnement.

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Thomas d'Aquin - I.q62a9ad1 - Au terme, plus de mouvement, le changement est accompli, la fin atteinte - Ainsi la différence entre la charité d'ici-bas et la charité parfaite

 

On a laissé le texte entier de cette réponse au 3ème argument, et donc aussi son aspect théologique (le mérite, l'ange, l'état de voyageur, la charité). 

Deux choses à notre ici : le préambule général sur le progrès, et son application à propos de la charité.

[On se demande] si les anges bienheureux dans la béatitude peuvent progresser ?  Utrum angeli beati in beatitudine proficere possint

[Préambule]

Le mérite est à l'égard de celui qui est mû vers la fin. Or la créature rationnelle est mûe vers la fin, 

  • non seulement en [recevant] passivement, 
  • mais aussi en opérant [activement]. 
  • Et si une certaine fin est sous la puissance (virtuti)de la créature rationnelle,
    • cette opération est dîte acquisition de cette fin ;
    • comme l'homme en méditant acquiert la science [la science est le fruit du raisonnement],
  • mais si la fin n'est pas en son pouvoir (potestate),
    • mais reçue par un autre,
      • l'opération sera méritoire de la fin

De plus, à ce qui est [parvenu] au terme ultime (ultimo termino), ne convient plus de mouvoir, mais le changement est [= est accompli].

[Progrès dans la charité et charité parfaite]

D'où

  • la charité imparfaite, qui est celle de la voie, c'est mériter,
  • tandis que la charité parfaite n'est pas mériter, mais est dans le pouvoir fruir de la récompense [= mais cueille le fruit de la récompense].

Et comme dans les habitus acquis, l'opération qui précède l'habitus est acquisition de l'habitus, mais [l'opération] qui est issu d'un habitus déjà acquis, est une opération déjà parfaite [la] déléctation [qui l'accompagne].

Et de manière similaire l'acte de la charité parfaite n'a pas la raison de mérite mais relève plutôt de la perfection de la récompense.

(Somme, I.q62a9ad1)

Mereri est eius quod movetur ad finem. Movetur autem ad finem creatura rationalis,

  • non solum patiendo,
  • sed etiam operando.

Et si quidem finis ille subsit virtuti rationalis creaturae, operatio illa dicetur acquisitiva illius finis, sicut homo meditando acquirit scientiam,

si vero finis non sit in potestate eius, sed ab alio expectetur, operatio erit meritoria finis.

Ei autem quod est in ultimo termino, non convenit moveri, sed mutatum esse.

Unde

  • caritatis imperfectae, quae est viae, est mereri,
  • caritatis autem perfectae non est mereri, sed potius praemio frui.

Sicut et in habitibus acquisitis, operatio praecedens habitum est acquisitiva habitus, quae vero est ex habitu iam acquisito, est operatio iam perfecta cum delectatione.

Et similiter actus caritatis perfectae non habet rationem meriti, sed magis est de perfectione praemii.

N.B. : Traduction un peu difficile par endroit, sans doute très perfectible, la dernière phrase par ex.

1. -- Noter que le vocabulaire propre au domaine passionnel et le vocabulaire propre au domaine spirituel sont quelque fois utilisés l'un pour l'autre par Thomas. délectation désigne proprement le plaisir sensible mais est ici utilisé pour désigner la joie, plaisir spirituel.

 

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