La raison de bien est ce qui existe dans un individu donné (mode) selon une forme (espèce) qui le "pousse" à tel acte comme à sa fin (ordre).
Article très difficile.
Lieu paralèlle important :
DeVer.q21a6 où l'on rappelle l'origine augustinienne de la distincion mode, espèce, ordre
Voir aussi :
I.85a4 (traduction délirante de 1931 dans Revue des jeunes)
DeVer.q1a1
La raison de bien consiste-t-elle dans le mode, l’espèce et l’ordre ?
Utrum ratio boni consistat in modo, specie et ordine
Chaque chose est dite bonne en tant qu'elle est parfaite, c'est ainsi qu'elle est appétible, comme on l’a dit plus haut.
Et le parfait est dit ce qui ne manque de rien selon le mode de sa perfection.
(1) Cependant chaque chose est ce qu’elle est par sa forme ;
(2) et la forme présuppose certaines [choses]
(3) et certaines [choses], de nécessité, sont conséquentes de la [forme] ;
pour que quelque chose (aliquid)a soit parfait et bon, il est nécessaire qu’il ait
(1) à la fois une forme, [= sa détermination]
(2) et les choses qui sont prérequises pour elle,
(3) et les choses qui sont conséquentes pour elle-même.
Unumquodque dicitur bonum, inquantum est perfectum, sic enim est appetibile, ut supra dictum est.
Perfectum autem dicitur, cui nihil deest secundum modum suae perfectionis.
Cum autem unumquodque sit id quod est, per suam formam;
forma autem praesupponit quaedam,
et quaedam ad ipsam ex necessitate consequuntur;
ad hoc quod aliquid sit perfectum et bonum, necesse est quod
formam habeat,
et ea quae praeexiguntur ad eam,
et ea quae consequuntur ad ipsam.
[LE MODE - (2)Le prérequis à l'existence concrète d'une chose selon une forme - Cause matérielle et cause efficiente]
Or, ce qui est pré-exigé à la forme, c’est la détermination ou commensuration proportionnalité de ses principes,
soit matériels,
soit efficients
et c’est ce qui est signifié par le mode ; d'où il est dit, [d’après S. Augustin] que la mesure pré-fixe [= prédétermine ??] ce que doit être le mode.
[Modo]
Praeexigitur autem ad formam determinatio sive commensuratio principiorum,
seu materialium,
seu efficientium ipsam,
et hoc significatur per modum, unde dicitur quod mensura modum praefigit.
[L'ESPECE - (1) La forme actuelle de la chose - On semble être ici au niveau de la logique avec la différence spécifique - Cause formelle]
Et la forme elle-même est signifiée par l’espèce, car chaque chose est constituée dans l'espèce par la forme. Et c’est pourquoi il est dit que le nombre expose l’espèce.
Car, d’après le Philosophe, les définitions qui expriment l’espèce sont comme les nombres. En effet, comme l’unité ajoutée ou soustraite au nombre en fait varier l’espèce, de même, dans les définitions, une différence ajoutée ou soustraite.
[Specie]
Ipsa autem forma significatur per speciem, quia per formam unumquodque in specie constituitur. Et propter hoc dicitur quod numerus speciem praebet, quia definitiones significantes speciem sunt sicut numeri,
secundum Philosophum in VIII Metaphys.; sicut enim unitas addita vel subtracta variat speciem numeri, ita in definitionibus differentia apposita vel subtracta.
[L'ORDRE - (3) L'acte-fin réclamé par ce qu'est une chose selon sa forme - Cause finale ]
Enfin ce qui est consécutif à la forme, c’est l’inclination
à la fin,
à l’action
ou à quelque chose de semblable ;
car chaque chose, en tant qu'acte,
agit,
et tend,
en ce qui lui convientb selon sa forme. Et cela relève du poids et de l'ordre.
[Ordine]
Ad formam autem consequitur inclinatio
ad finem,
aut ad actionem,
aut ad aliquid huiusmodi,
quia unumquodque, inquantum est actu,
agit,
et tendit
in id quod sibi convenit secundum suam formam. Et hoc pertinet ad pondus et ordinem.
[Conclusion]
D'où la raison de bien, selon qu'elle
consiste dans la perfection,
consiste dans
le mode,
l'espèce,
et l'ordre.
[Conclusion]
Unde ratio boni, secundum quod
consistit in perfectione,
consistit etiam in
modo,
specie,
et ordine.
Rappel du sous-titre qui résume tout le passage : La raison de bien est ce qui existe dans un individu donné (mode) selon une forme (espèce) qui le "pousse" à tel acte comme à sa fin (ordre). Les quatre causes sont ici utilisées.
a. -- TH. fait l'étymologie du mot aliquid, toujours dans DeVer.q1a1 :
C’est ce qu’exprime le nom « quelque chose », car il se dit [en latin] aliquid, comme si l’on disait aliud quid (quelque autre chose) ; donc, de même que l’ens [ce qui est] est appelé « un » en tant qu’il est indivis en soi, de même il est appelé « quelque chose » en tant qu’on le distingue des autres.
b. -- La référence à la convenance est importante et apparaît aussi dans DeVer.q1a1.
La prudence ne doit pas en rester à la connaissance des moyens mais elle doit les mettre en oeuvre
ARTICLE DIFFICILE - BIEN L'ASSIMILER - ET Y REVENIR
La prudence est-elle une vertu ?
Comme il a été dit lorsqu'on traitait des vertus en général, "la vertu rend bon celui qui la possède, et bonne l'oeuvre qu'il accomplit". Or, le bien peut se dire en deux sens :
d'une manière, matériellement, pour [désigner] ce qui est bon ;
d'une autre manière, formellement, selon la raison de bien (rationem boni).
Et le bien, en tant que [regardé sous] ce mode, est objet de la puissance appétitive.
[A. Habitus qui rectifient l'acte rationnel de la connaissance]
Et c'est pourquoi, s'il y a des habitus qui font droite la considération de la raison sans égard à la rectitude de l'appétit, [ces habitus] ont moins la raison de vertu en tant qu'ils n'ordonnent au bien que matériellement,
c'est-à-dire ce qui est bon,
non [considéré] sous la raison de bien,
Sicut supra dictum est cum de virtutibus in communi ageretur, virtus est quae bonum facit habentem et opus eius bonum reddit. Bonum autem potest dici dupliciter,
uno modo, materialiter, pro eo quod est bonum;
alio modo, formaliter, secundum rationem boni.
Bonum autem, inquantum huiusmodi, est obiectum appetitivae virtutis.
A.
Et ideo si qui habitus sunt qui faciant rectam considerationem rationis non habito respectu ad rectitudinem appetitus, minus habent de ratione virtutis,tanquam ordinantes ad bonum materialiter,
idest ad id quod est bonum
non sub ratione boni,
[B. Habitus qui regardent la rectitude de l'appétit]
tandis que les habitus qui regardent la rectitude de l'appétit vérifient davantage la raison de vertu, car ils regardent le bien
non seulement matériellement
mais encore formellement,
c'est-à-dire ce qui est bon sous la raison de bien.
B.
plus autem habent de ratione virtutis habitus illi qui respiciunt rectitudinem appetitus, quia respiciunt bonum
non solum materialiter,
sed etiam formaliter,
idest id quod est bonum sub ratione boni.
[C. L'habitus de prudence]
Or, il revient à la prudence, nous l'avons dit,
d'appliquer la raison droite à l'oeuvre, [= exécution dans une action = dernier des trois actes de la prudence]
ce qui ne se fait pas sans un appétit droit. [= ce qui ne peut se faire qu'en ordonnant les biens selon leur bonté]
C'est pourquoi la prudence
n'a pas seulement la raison de vertu que possèdent les autres vertus intellectuelles,
mais elle a en outre la raison de vertu que possèdent les vertus morales, au nombre desquelles elle figure aussi.
(Somme, II-II.q47a4)
C.
Ad prudentiam autem pertinet, sicut dictum est,
applicatio rectae rationis ad opus,
quod non fit sine appetitu recto.
Et ideo prudentia
non solum habet rationem virtutis quam habent aliae virtutes intellectuales;
sed etiam habet rationem virtutis quam habent virtutes morales, quibus etiam connumeratur.