Thomas d'Aquin - II-II.q47a4 - La prudence est d'abord une vertu intellectuelle mais elle est aussi une vertu morale
La prudence ne doit pas en rester à la connaissance des moyens mais elle doit les mettre en oeuvre
ARTICLE DIFFICILE - BIEN L'ASSIMILER - ET Y REVENIR
La prudence est-elle une vertu ?
Comme il a été dit lorsqu'on traitait des vertus en général, "la vertu rend bon celui qui la possède, et bonne l'oeuvre qu'il accomplit". Or, le bien peut se dire en deux sens :
d'une manière, matériellement, pour [désigner] ce qui est bon ;
d'une autre manière, formellement, selon la raison de bien (rationem boni).
Et le bien, en tant que [regardé sous] ce mode, est objet de la puissance appétitive.
[A. Habitus qui rectifient l'acte rationnel de la connaissance]
Et c'est pourquoi, s'il y a des habitus qui font droite la considération de la raison sans égard à la rectitude de l'appétit, [ces habitus] ont moins la raison de vertu en tant qu'ils n'ordonnent au bien que matériellement,
c'est-à-dire ce qui est bon,
non [considéré] sous la raison de bien,
Sicut supra dictum est cum de virtutibus in communi ageretur, virtus est quae bonum facit habentem et opus eius bonum reddit. Bonum autem potest dici dupliciter,
uno modo, materialiter, pro eo quod est bonum;
alio modo, formaliter, secundum rationem boni.
Bonum autem, inquantum huiusmodi, est obiectum appetitivae virtutis.
A.
Et ideo si qui habitus sunt qui faciant rectam considerationem rationis non habito respectu ad rectitudinem appetitus, minus habent de ratione virtutis, tanquam ordinantes ad bonum materialiter,
idest ad id quod est bonum
non sub ratione boni,
[B. Habitus qui regardent la rectitude de l'appétit]
tandis que les habitus qui regardent la rectitude de l'appétit vérifient davantage la raison de vertu, car ils regardent le bien
non seulement matériellement
mais encore formellement,
c'est-à-dire ce qui est bon sous la raison de bien.
B.
plus autem habent de ratione virtutis habitus illi qui respiciunt rectitudinem appetitus, quia respiciunt bonum
non solum materialiter,
sed etiam formaliter,
idest id quod est bonum sub ratione boni.
[C. L'habitus de prudence]
Or, il revient à la prudence, nous l'avons dit,
d'appliquer la raison droite à l'oeuvre, [= exécution dans une action = dernier des trois actes de la prudence]
ce qui ne se fait pas sans un appétit droit. [= ce qui ne peut se faire qu'en ordonnant les biens selon leur bonté]
C'est pourquoi la prudence
n'a pas seulement la raison de vertu que possèdent les autres vertus intellectuelles,
mais elle a en outre la raison de vertu que possèdent les vertus morales, au nombre desquelles elle figure aussi.
(Somme, II-II.q47a4)
C.
Ad prudentiam autem pertinet, sicut dictum est,
applicatio rectae rationis ad opus,
quod non fit sine appetitu recto.
Et ideo prudentia
non solum habet rationem virtutis quam habent aliae virtutes intellectuales;
sed etiam habet rationem virtutis quam habent virtutes morales, quibus etiam connumeratur.