Thomas d'Aquin - Concupiscence selon la nature et concupiscence selon la connaissance - Ia-IIae.q30a3
La concupiscence, avons-nous dit, est l'appétit du bien délectable. Or une chose peut être délectable à un double titre.
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Concupiscentia est appetitus boni delectabilis. Dupliciter autem aliquid est delectabile.
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Les premières de ces convoitises, celles qui sont naturelles, sont communes aux hommes et aux animaux ; aux uns et aux autres certaines choses conviennent et sont délectables au point de vue naturel. Et tous les hommes en sont d'accord. Aussi le Philosophe appelle-t-il ces convoitises communes et nécessaires. |
Primae ergo concupiscentiae, naturales, communes sunt et hominibus et aliis animalibus, quia utrisque est aliquid conveniens et delectabile secundum naturam. Et in his etiam omnes homines conveniunt, unde et philosophus, in III Ethic., vocat eas communes et necessarias. |
Quant aux autres convoitises, elles sont propres à l'homme, à qui il appartient de se représenter que telle chose lui est bonne et lui convient, en dehors de ce que la nature requiert. C'est pourquoi le même Philosophe dit que les premières convoitises sont "irrationnelles", et les secondes "accompagnées de raison". Et parce que tous raisonnent de façon diverses, ces dernières sont appelées par Aristote: "propres et surajoutées", par rapport aux convoitises naturelles. (Somme, Ia-IIae.q30a3) |
Sed secundae concupiscentiae sunt propriae hominum, quorum proprium est excogitare aliquid ut bonum et conveniens, praeter id quod natura requirit. Unde et in I Rhetoric., philosophus dicit primas concupiscentias esse irrationales, secundas vero cum ratione. Et quia diversi diversimode ratiocinantur, ideo etiam secundae dicuntur, in III Ethic., propriae et appositae, scilicet supra naturales. |
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1. Le terme naturel est utilisé ici par Thomas pour désigner ce qui est intimement lié à cette chose sans faire appel à quelque chose d'extérieur à cette chose. Cela ne signifie pas qu'on se cantonne ici au plan matériel, il y a par exemple un appétit naturel au vrai.
2. Thomas laisse entendre ici que, chez l'homme, dès qu'il y a connaissance sensible, la raison s'attache à cette connaissance. L'homme ne peut connaître sensiblement sans connaître en même temps selon la raison. Si ce bougeoire m'est connu par les sens, il m'est alors aussi connu selon la raison. Je ne peux isoler dans le sensible mon appétit pour le chocolat car, du fait que je possède la raison, ma raison participera à cet appétit. Il n'est pas nécessaire que le bien désiré soit un bien spirituel pour que je le désire selon la raison.
La distinction de l'appétit naturel de l'appétit non naturel se voit clairement sur le plan de la nourriture : nous désirons nécesairement nous nourrir (appétit naturel), mais nous ne désirons pas nécessairement que cette nourriture soit telle nourriture (appétit non naturel -- de fait, certaines personnes n'aiment pas le chocolat).
3. Lorsqu'on dépasse l'appétit naturel dans l'appétit sensible nous accédons à un premier niveau d'altérité par la connaissance d'une chose extérieure alors que le plan naturel d'une chose ressort uniquement de sa "programmation" interne.
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