Les larmes et les gémissements atténuent naturellement la tristesse. Et cela pour une double raison.
Premièrement,
parce que tout élément nocif enfermé à l'intérieur (interius) afflige davantage (parce que davantage est démultipliée (magis multiplicatur) l’attention (intentio) de l’âme à propos de lui ) ;
mais quand à l'extérieur (exteriora) il est dispersé, alors l’attention (intentio) de l’âme se trouve en quelque sorte désagrégée (disgregatur) à l'extérieur et ainsi la douleur intérieure est diminuée.
Et pour cela, quand des hommes qui sont dans la tristesse,
manifestent leur tristesse à l'extérieur
ou par des pleurs
ou par des gémissements
ou même par des paroles,
[alors] la tristesse est atténuée.
Deuxièmement...
(Somme, I-II.q38a2)
Lacrimae et gemitus naturaliter mitigant tristitiam. Et hoc duplici ratione.
Primo quidem,
quia omne nocivum interius clausum magis affligit, quia magis multiplicatur intentio animae circa ipsum,
sed quando ad exteriora diffunditur, tunc animae intentio ad exteriora quodammodo disgregatur, et sic interior dolor minuitur.
Et propter hoc, quando homines qui sunt in tristitiis,
exterius suam tristitiam manifestant
vel fletu
aut gemitu,
vel etiam verbo,
mitigatur tristitia.
Secundo,...
1. -- mitigant : on a hésité avec adoucir et apaiser. Nousa vons finalement gardé la traduction d'origine : "atténuée". Le terme mitigo, en effet, implique un mélange, quelque chose dont on diminue la réalité en mélengeant avec autre chose. La douleur reste, mais son intensité est alors moindre.
... un désordre dans la parole, et c'est le bavardage (multiloquium) : car si la raison ne pèse pas les mots, la conséquence est que l'homme se répand en mots superflus...
(DeMalo.q14a4)
Tertio sequitur inordinatio locutionis; et sic est multiloquium: quia dum ratio verba non ponderat, consequens est ut homo ad verba superflua dilabatur.