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Thomas d'Aquin - I-II.q19a10 - La volonté humaine est conformée à la volonté de Dieu sous trois aspects - Y REVENIR - DIFFICILE A ASSIMILER DANS LE DETAIL

  • Materialiter (par efficience de l'inclination naturelle), formaliter (par la fin commune et universelle qu'est Dieu lui-même) et formaliter encore (par ??? charité)

Ne pas oublier qu'aliquid est un terme qui n'est pas anodin, le mot a une signification bien précise et importante. Il est l'un des transcendentaux. Voir notamment, au début du De Veritate.

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Dixièmement, [on se demande] s'il est nécessaire que la volonté humaine soit conforme à la volonté divine, pour qu'elle soit bonne.

Decimo, utrum necesse sit voluntatem humanam conformari divinae voluntati in volito, ad hoc quod sit bona.

[On appréhende d'abord par la raison ce vers quoi on tend ensuite, et on l'appréhende sous deux angles différents]

On a vu précédemment que la volonté est portée vers l'objet tel qu'il lui est présenté par la raison. Or la raison peut considérer un même être sous divers modes,

  • en sorte que sous une ratio, il soit bon,
  • et selon une autre ratio, il ne soit pas bon.

C'est pourquoi

  • une certaine (alicuius) volonté,
    • si elle veut qu'une chose soit,
      • selon qu'elle a raison de bien,
        • est bonne,
  • et une autre volonté,
    • si elle veut que cette même chose ne soit pas,
      • selon qu'elle a raison de mal,
        • cette volonté sera également bonne.

[ ]

Sicut ex praedictis patet, voluntas fertur in suum obiectum secundum quod a ratione proponitur. Contingit autem aliquid a ratione considerari diversimode,

  • ita quod sub una ratione est bonum,
  • et secundum aliam rationem non bonum.

Et ideo

  • voluntas alicuius,
    • si velit illud esse,
      • secundum quod habet rationem boni,
        • est bona,
  • et voluntas alterius,
    • si velit illud idem non esse,
      • secundum quod habet rationem mali,
        • erit voluntas etiam bona.

[Exemple : regard selon la justice (bien commun), regard selon la nature (bien particulier)]

  • Ainsi la volonté du juge est bonne lorsqu'il veut la mort d'un bandit
    • parce qu'elle est juste ;
  • et la volonté de l'épouse ou du fils de ce bandit lorsqu'ils ne veulent pas sa mort,
    • parce que cette mise à mort est un mal selon la nature, est également bonne.

Or, puisque la volonté suit la perception de la raison ou de l'intelligence,

  • selon que la ratio boni appréhendée sera commune,
  • selon cela la volonté est portée dans le bien commun,

comme on le voit dans l'exemple cité : le juge a la charge du bien commun, qui est la justice, et c'est pourquoi il veut la mort du bandit, laquelle à raison de bien en relation avec l'ordre social (statum communem) ;

la femme du bandit, quant à elle, a la considération du bien privé de la famille et c’est pourquoi elle ne veut pas que son mari soit mis à mort.

[ ]

  • Sicut iudex habet bonam voluntatem, dum vult occisionem latronis,
    • quia iusta est,
  • voluntas autem alterius, puta uxoris vel filii, qui non vult occidi ipsum,
    • inquantum est secundum naturam mala occisio, est etiam bona.

Cum autem voluntas sequatur apprehensionem rationis vel intellectus,

  • secundum quod ratio boni apprehensi fuerit communior,
  • secundum hoc et voluntas fertur in bonum communius.

Sicut patet in exemplo proposito, nam iudex habet curam boni communis, quod est iustitia, et ideo vult occisionem latronis, quae habet rationem boni secundum relationem ad statum communem; uxor autem latronis considerare habet bonum privatum familiae, et secundum hoc vult maritum latronem non occidi.

[Le bien que Dieu appréhende et qu'il veut, il le veut sous la raison de bien commun]

Or, le bien de tout l'univers est ce qui est qu'appréhendé par Dieu, créateur et gouverneur de l'univers ;

d'où, tout ce qu'il veut,

  • il le veut sous la raison de bien commun,
    • qui est sa bonté,
      • qui est le bien de tout l'univers.

[Le bien que l'homme appréhende, il le veut ou sous une raison particulière ou sous une raison universelle]

De son côté, ce que la créature appréhende, selon sa nature, est un certain bien particulier proportionné à sa nature. 

Or, il arrive que telle chose (aliquid)

  • soit un bien selon une raison particulière,
  • et ne le soit pas sous la raison universelle, et inversement, comme cela a été dit.

Bonum autem totius universi est id quod est apprehensum a Deo, qui est universi factor et gubernator,

unde quidquid vult,

  • vult sub ratione boni communis,
    • quod est sua bonitas,
      • quae est bonum totius universi.

Apprehensio autem creaturae, secundum suam naturam, est alicuius boni particularis proportionati suae naturae.

Contingit autem aliquid 

  • esse bonum secundum rationem particularem,
  • quod non est bonum secundum rationem universalem, aut e converso, ut dictum est.

[Divers cas]

  1. Cela explique qu'
    • une certaine (aliqua) volonté particulière est bonne lorsqu'elle veut une certaine chose (aliquid) selon une raison particulière,
    • alors que Dieu ne la veut pas selon une raison universelle, et vice versa.

 

  1. De là vient aussi que diverses volontés de divers hommes peuvent,
    • même si elles s'opposent par leurs objets, 
    • être bonnes,

parce que sous diverses raisons particulières (rationibus particularibus) ils veulent ceci

    • être
    • ou ne pas être.

[Quand veut-on de la bonne manière ?] 

Or, n'est pas droite, la volonté d'un certain (alicuius) homme qui veut un certain (aliquod) bien particulier,

  • à moins qu'il ne se réfère au bien commun comme à la fin,
    • (avec ceci que l'appétit naturel de chaque partie est aussi ordonné au bien commun du tout).

Or, c'est de la fin [elle-même] qu'est prise la raison formelle de vouloir quelque chose qui est ordonné à une fin 

Donc, pour que quelqu’un (alquis), avec une volonté droite, 

  • veuille un certain bien particulier, 
    • il faut que ce bien particulier soit voulu matériellement,
  • mais que le bien commun divin
    • soit voulu formellement.

La volonté humaine est donc tenue de se conformer

  • à la volonté divine formellementdans ce qui est voulu,
    • car elle doit vouloir le bien divin et commun,
  • mais pas matériellement, pour la raison déjà dîte.

[ ]

  1. Et ideo contingit quod
    • aliqua voluntas est bona volens aliquid secundum rationem particularem consideratum,
    • quod tamen Deus non vult secundum rationem universalem, et e converso.

 

  1. Et inde est etiam quod possunt diversae voluntates diversorum hominum
    • circa opposita
    • esse bonae,

prout sub diversis rationibus particularibus volunt hoc

    • esse
    • vel non esse.

[ ]

Non est autem recta voluntas alicuius hominis volentis aliquod bonum particulare,

  • nisi referat illud in bonum commune sicut in finem,
  • cum etiam naturalis appetitus cuiuslibet partis ordinetur in bonum commune totius.

Ex fine autem sumitur quasi formalis ratio volendi illud quod ad finem ordinatur.

Unde ad hoc quod aliquis recta voluntate

  • velit aliquod particulare bonum, 
    • oportet quod illud particulare bonum sit volitum materialiter,
  • bonum autem commune divinum
    • sit volitum formaliter.

Voluntas igitur humana tenetur conformari

  • divinae voluntati in volito formaliter,
    • tenetur enim velle bonum divinum et commune,
  • sed non materialiter, ratione iam dicta.

[Même quand on veut matériellement, d'une certaine manière, on veut ce que Dieu veut -

Con-formation formelle selon la fin et con-formation matérielle selon l'efficience]

Cependant, quant à ces deux [aspects], de quelque manière (modo) [que ce soit] la volonté humaine est conformée à la volonté divine.

[Lorsque la volonté veut Dieu lui-même, la forme de la con-formité vient de la fin, comme dit plus haut :]

Parce que,

  • selon qu'elle est conformée à la volonté divine dans la ratio communi de ce qui est voulu,
    • elle lui est conformée dans la fin ultime [= cause finale].

[L'inclination naturelle, à laquelle on ne peut rien, porte notre volonté sans faire appel directement à la fin, elle est simplement mise en mouvement, et cette mise en mouvement est une efficience :]

  • En revanche, selon qu'elle n'est pas conformée à ce qui est voulu matériellement,
    • elle lui est conformée à cette dernière selon la raison de cause efficiente,  [= cause efficiente]
      • (parce que cette inclination propre qui suit
        • la nature
        • ou l’appréhension particulière de cette chose
      • est donnée par Dieu comme cause effective [= cause efficiente].)

C’est pourquoi on a l'habitude de dire qu'est conformée, quant à cela [= l'inclination naturelle], la volonté humaine à la volonté divine, parce qu'elle veut ce que Dieu veut qu’elle veuille. [= donc bien comprendre que ce niveau n'est pas directement celui de la liberté mais celui de l'inclination naturelle.]

[ ]

Sed tamen quantum ad utrumque, aliquo modo voluntas humana conformatur voluntati divinae.

[ ]

Quia

  • secundum quod conformatur voluntati divinae in communi ratione voliti,
    • conformatur ei in fine ultimo.

[ ] 

  • Secundum autem quod non conformatur ei in volito materialiter,
    • conformatur ei secundum rationem causae efficientis,
      • quia hanc propriam inclinationem consequentem
        • naturam,
        • vel apprehensionem particularem huius rei,
      • habet res a Deo sicut a causa effectiva.

 

Unde consuevit dici quod conformatur, quantum ad hoc, voluntas hominis voluntati divinae, quia vult hoc quod Deus vult eum velle.

[Il y a aussi la manière de vouloir, par la charité]

Il existe également un autre mode de conformité selon la raison de cause formelle, à savoir que l’homme veut quelque chose (aliquid) par charité, commeDieu le veut. 

Cette conformité est également ramenée (reducitur) à une conformité formelle qui est tirée de l’ordre vers la fin ultime, qui est l’objet propre de la charité.

Est et alius modus conformitatis secundum rationem causae formalis, ut scilicet homo velit aliquid ex caritate, sicut Deus vult.

Et ista etiam conformitas reducitur ad conformitatem formalem quae attenditur ex ordine ad ultimum finem, quod est proprium obiectum caritatis. 


1. -- Sur l'immédiateté du bien particulier, voir : DeVer.24a2, début.

2. -- "ex ordine ad ultimum finem", la traduction originale traduit "finem" par "but" !

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Thomas d'Aquin - I.59a1 - On ne peut aimer spirituellement qu'à travers l'aide de l'intellect qui permet de saisir la ratio boni et de juger ce qu'on aime pour l'aimer pour ce qu'il est - UN SOMMET

On ne peut comprendre immédiatement ce passage. Bien lire le commentaire.

[1. L'appétit naturel]

Certains [êtres] sont inclinés au bien par la seule disposition (habitudinem) de la nature, sans connaissance, comme les plantes et les corps inanimés.

Et une telle inclination au bien est appelée appétit naturel.

[2. L'appétit sensible]

Certains [êtres] sont inclinés au bien avec une certaine connaissance,

  • non qu’elles connaissent la ratio boni elle-même [= la raison de bien, la notion universelle de bien],
  • mais connaissent un certain bien particulier ;
    • comme le sens, qui connaît le doux, le blanc, etc.

L'inclination qui suit cette connaissance est dîte appétit sensitif.

[3. L'appétit intellectuel ; entendre "appétit volontaire"]

Certains autres [êtres] sont inclinés au bien avec une connaissance par laquelle ils connaissent la ratio boni elle-même, ce qui est le propre de l'intellect. [ --> rien d'autre que l'intellect ne peut saisir une ratio, par abstraction chez les hommes, par saisie directe chez les anges]

Et ceux-là sont inclinés vers le bien de la façon la plus parfaite (perfectissime) ;

  • car ils ne sont pas, comme (quasi) par un autre, seulement [inclinés] directement au bien,
    • comme il arrive aux êtres à qui manque la connaissance ; [= appétit naturel]
  • ni au bien de manière particulière seulement
    • comme les êtres doués de connaissance sensible ;
  • mais ils sont comme (quasi) inclinés vers le bien universel lui-même.
    • Et cette inclination est dite « volonté ».

C’est pourquoi, puisque les anges appréhendent par leur intelligence la raison universelle de bien, il est manifeste qu’il y a en eux une volonté.

(Somme, I.59a1)

[1.]

Quaedam enim inclinantur in bonum, per solam naturalem habitudinem, absque cognitione, sicut plantae et corpora inanimata.

Et talis inclinatio ad bonum vocatur appetitus naturalis.

[2.]

Quaedam vero ad bonum inclinantur cum aliqua cognitione;

  • non quidem sic quod cognoscant ipsam rationem boni,
  • sed cognoscunt aliquod bonum particulare;
    • sicut sensus, qui cognoscit dulce et album et aliquid huiusmodi.

Inclinatio autem hanc cognitionem sequens, dicitur appetitus sensitivus.

[3.]

Quaedam vero inclinantur ad bonum cum cognitione qua cognoscunt ipsam boni rationem; quod est proprium intellectus. 

Et haec perfectissime inclinantur in bonum;

  • non quidem quasi ab alio solummodo directa in bonum,
    • sicut ea quae cognitione carent; 
  • neque in bonum particulariter tantum,
    • sicut ea in quibus est sola sensitiva cognitio;
  • sed quasi inclinata in ipsum universale bonum.
    • Et haec inclinatio dicitur voluntas.

Unde cum angeli per intellectum cognoscant ipsam universalem rationem boni, manifestum est quod in eis sit voluntas.

 

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Voir aussi ici.


1. -- Bien faire attention a chaque fois que TH. parle de ratio boni, le sujet est delicat. Car on n'aime en effet pas un universel, une notion, mais toujours tel bien existant. Toutefois on ne l'aime pas uniquement comme on aime particulièrement un être particulier ! - Cela demande un peu de finesse ici, mais c'est tès grisant intellectuellement à comprendre. - Sans la ratio boni je ne peux voir les divers plans de biens, le plan du bien naturel, le plan du bien sensible, le plan du bien spirituel. A chaque fois on touche le bien, ce qui me permet, bien que les plans soient différents, d'abstraire la notion commune de bien, ce qu'au Moyen-Âge on appelle ratio boni. Ayant la capacité de voir le bien partout où il se trouve, je peux les ordonner entre eux, je peux voir qu'un bien spirituel est supérieur à un bien sensible. Aimer spirituellement une personne n'est pas la même chose que l'aimer pour ses qualités sensibles, physiques, etc. Et cela se fait nécessairement avec le concours de l'intellect. La volonté, comme volonté, ne peut abstraire ; mais, dans l'expérience volontaire, c'est à dire dans l'expérience de mon appétit spirituel pour le bien spirituel, je fais appelle à mon intellect pour distinguer mon attraction au bien spirituel de mon attraction au bien sensible. En jugeant qu'un bien sensible et un bien spirituel sont tous les deux des biens, je vois par la même occasion ce qui les différencie l'un de l'autre. Grâce au commun saisi par la ratio boni, je distingue comme par soustraction ce qui reste : leur différence, qualités sensibles d'un côté, qualité spirituelle de l'autre. Et c'est alors en le connaissant et en le jugeant pour ce qu'il est, que j'aime spirituellement un bien en ce qu'il a de spirituel. - Ce qui n'exclue pas les autres plans, comme le souligne TH. au moment où il parle des passions qui peuvent/doivent être assumées, "emmenées", dans l'acte d'amour spirituel.

2. -- Quand Thomas parle d'inclination vers le bien universel lui-même, il faut bien notre le quasi. : "quasi inclinata in ipsum universale bonum". Il ne faut pas entendre que l'appétit volontaire se porte vers l'idée en soi du bien mais que dans tel bien elle discerne que c'est un bien. Elle est capable de juger que ce bien est un bien et un bien spirituel aimable spirituellement. Thomas n'est pas ici platonicien, il ne dit pas qu'il faut aimer la ratio boni.

3. -- A distinguer de la quête universelle du bonheur, voir par exemple ici.

4. -- A noter : ce qu'est le propre de l'intellect : appréhender la ratio d'une chose, ce qu'est une chose... "Ceci est un bien".

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Thomas d'Aquin - I.q105a4 - Dieu seul meut la volonté ET par ce qu'il est en lui-même (objet) ET par l'inclination qu'il suscite en nous (sujet).

Art. 4 : Est questionné si Dieu peut mouvoir la volonté : Quarto, utrum possit movere voluntatem.

De même que l’intellect, comme cela a été dit, est mu

  1. par son objet,
  2. et par celui qui lui donne la faculté de connaître,

ainsi la volonté est mue

  1. par son objet qui est le bien,
  2. et par celui qui crée la faculté de vouloir.

Sicut intellectus, ut dictum est, movetur

  • ab obiecto,
  • et ab eo qui dedit virtutem intelligendi;

ita voluntas movetur

  • ab obiecto, quod est bonum,
  • et ab eo qui creat virtutem volendi.
[1. Du côté de l'objet]  

Or la volonté peut être mue, à titre d’objet,

  • par un bien quelconque ;

mais elle ne peut l’être d’une manière suffisante et efficace

  • sinon par Dieu.

En effet, quelque chose ne peut suffisamment mouvoir un certain mobile si la vertu active du moteur 

  • ne dépasse pas,
  • ou au moins n’égale pas

la vertu passive du mobile.

Or la vertu passive de la volonté s’étend au bien dans son universalité ; car

  • son objet est le bien universel (bonum universale) 
  • comme l’objet de l’intelligence est l’être universel (ens universale).

Mais tout bien créé

  • est un certain bien particulier ;

Dieu seul

  • est le bien universel.

C’est pourquoi lui seul 

  • comble (implet) la volonté
  • et la meut suffisamment comme objet. 

Potest autem voluntas moveri sicut ab obiecto,

  • a quocumque bono;

non tamen sufficienter et efficaciter

  • nisi a Deo.

Non enim sufficienter aliquid potest movere aliquod mobile, nisi virtus activa moventis

  • excedat,
  • vel saltem adaequet

virtutem passivam mobilis.

Virtus autem passiva voluntatis se extendit ad bonum in universali,

  • est enim eius obiectum bonum universale,
  • sicut et intellectus obiectum est ens universale.

Quodlibet autem bonum creatum

  • est quoddam particulare bonum,

solus autem Deus

  • est bonum universale.

Unde ipse solus

  • implet voluntatem,
  • et sufficienter eam movet ut obiectum.
[2. Du côté de l'inclination = du côté du sujet]  

De manière similaire, la faculté (virtus) volontaire est causée par Dieu seul. Vouloir, en effet,

  • n’est rien d'autre qu’une certaine inclination vers l’objet de la volonté,
  • c’est-à-dire vers le bien universel.

Or incliner un être vers le bien universel appartient au premier moteur, car c’est à lui que correspond la fin ultime. Ainsi, dans les choses humaines, il appartient à celui qui préside d’orienter (dirigere) la multitude vers le bien commun. 

Similiter autem et virtus volendi a solo Deo causatur. Velle enim

  • nihil aliud est quam inclinatio quaedam in obiectum voluntatis,
  • quod est bonum universale.

Inclinare autem in bonum universale est primi moventis cui proportionatur ultimus finis, sicut in rebus humanis dirigere ad bonum commune est eius qui praeest multitudini. 

D'où,

  • des deux manières, il est propre à Dieu de mouvoir la volonté,
  • mais surtout au second point de vue [selon lequel Dieu] incline intérieurement la volonté.
Unde utroque modo proprium est Dei movere voluntatem, sed maxime secundo modo, interius eam inclinando.

1. -- Par bien universel Thomas veut dire le bien envers qui tous les autres biens sont relativisés ou encore le bien qui est entièrement un bien, un bien à qui ne manque rien de la bonté. Nous ne sommes pas en logique, Thomas ne fait pas de Dieu un concept : le bien en général, la notion (ratio) de bien. Evidemment Dieu n'est pas une abstraction, il est LE bien et le plus réel qui soit, le plus PARTICULIER qui soit. Thomas met certes en regard "particulare bonum" et "bonum universale" mais on peut entendre le mot particulier en plusieurs sens...

2. -- A PRECISER : Le mot interius est éclairant : Dieu en lui-même, de par sa bonté entière et première, de manière pour ains dire extérieure, attire à lui ; mais plus encore Dieu agit en nous, intérieurement, pour nous mettre sur une pente, une inclination, qui nous amène à "glisser" vers lui. Il faudrait voir exactement en quoi "Dieu seul" cause notre capacité volontaire. Quand ma volonté est mûe par le morceau de chocolat, en quoi est-de Dieu seul qui, en fait, la meut. On voit bien dans la premier mode comment Dieu seul peut combler (implet) la volonté... mais dans le deuxième mode... ? Un début de réponse : l'inclination est sensée être si forte en nous, que tout bien réel, effectivement exerce sur nous une attraction mais que cette capacité en nous d'être attiré ne se repose en dernier lieu qu'en Dieu seul. Chaque bien particulier met en oeuvre notre inclination, mais le seul qui nous attire fondamentalement, totalement, si nous sommes suffisammant éveillés, appauvris, c'est Dieu seul. Comme si à travers toutes les inclinations aux biens particuliers, c'est fondamentalement LE bien vers lequel nous inclinons.

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Thomas d'Aquin - I.q82a2ad2 - La volonté n'est pas totalement soumise à vouloir un bien particulier...

  • ...alors qu'elle ne peut vouloir autrement (comme volonté) que sous la ratio boni

Ce qui meut cause de nécessité le mouvement dans le mobile, quand le pouvoir de ce qui meut excède le mobile, de telle sorte que toute sa possibilité de mouvement est soumise à ce qui meut.

Avec le fait que la possibilité de la volonté regarde le bien universel et parfait, toute sa possibilité ne peut être soumise en tout à quelque bien particulier.

C’est pourquoi elle n’est pas de nécessité mise en mouvement par lui.

(Somme, I.q82a2ad2)

Movens tunc ex necessitate causat motum in mobili, quando potestas moventis excedit mobile, ita quod tota eius possibilitas moventi subdatur.

Cum autem possibilitas voluntatis sit respectu boni universalis et perfecti, non subiicitur eius possibilitas tota alicui particulari bono.

Et ideo non ex necessitate movetur ab illo.


1. -- C'est la raison de bien (ratio boni) qui est nommée ici bien universel et parfait. En tant que ratio elle ne peut pas être incomplète, d'où le mot parfait ici. 

2. -- La volonté n'est pas soumise en tout à tel bien particulier mais seulement dans la mesure où la volonté veut toujours sous la raison de bien, c'est à dire que la volonté ne veut que ce qui lui apparaît comme bien. Si un bien particulier lui apparaît comme un bien, alors elle veut ce bien particulier, mais à travers la ratio boni, et donc elle n'est pas liée en tout au bien particulier. L'animal juge d'un jugement naturel (qui lui vient d'un autre comme dit Thomas, c'est à dire de son créateur), alors que l'homme a la capacité de juger de lui-même si telle chose est un bien.

3. -- Sur la ratio boni, voir ici.

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