Thomas d'Aquin - I.q5a5 - La ratio boni (la raison de bien)
- La raison de bien est ce qui existe dans un individu donné (mode) selon une forme (espèce) qui le "pousse" à tel acte comme à sa fin (ordre).
Article très difficile.
Lieu paralèlle important :
- DeVer.q21a6 où l'on rappelle l'origine augustinienne de la distincion mode, espèce, ordre
Voir aussi :
- I.85a4 (traduction délirante de 1931 dans Revue des jeunes)
- DeVer.q1a1
La raison de bien consiste-t-elle dans le mode, l’espèce et l’ordre ? | Utrum ratio boni consistat in modo, specie et ordine |
Chaque chose est dite bonne en tant qu'elle est parfaite, c'est ainsi qu'elle est appétible, comme on l’a dit plus haut. Et le parfait est dit ce qui ne manque de rien selon le mode de sa perfection.
pour que quelque chose (aliquid)a soit parfait et bon, il est nécessaire qu’il ait
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Unumquodque dicitur bonum, inquantum est perfectum, sic enim est appetibile, ut supra dictum est. Perfectum autem dicitur, cui nihil deest secundum modum suae perfectionis.
ad hoc quod aliquid sit perfectum et bonum, necesse est quod
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[LE MODE - (2) Le prérequis à l'existence concrète d'une chose selon une forme - Cause matérielle et cause efficiente] Or, ce qui est pré-exigé à la forme, c’est la détermination ou commensuration proportionnalité de ses principes,
et c’est ce qui est signifié par le mode ; d'où il est dit, [d’après S. Augustin] que la mesure pré-fixe [= prédétermine ??] ce que doit être le mode. |
[Modo] Praeexigitur autem ad formam determinatio sive commensuratio principiorum,
et hoc significatur per modum, unde dicitur quod mensura modum praefigit. |
[L'ESPECE - (1) La forme actuelle de la chose - On semble être ici au niveau de la logique avec la différence spécifique - Cause formelle] Et la forme elle-même est signifiée par l’espèce, car chaque chose est constituée dans l'espèce par la forme. Et c’est pourquoi il est dit que le nombre expose l’espèce. Car, d’après le Philosophe, les définitions qui expriment l’espèce sont comme les nombres. En effet, comme l’unité ajoutée ou soustraite au nombre en fait varier l’espèce, de même, dans les définitions, une différence ajoutée ou soustraite. |
[Specie] Ipsa autem forma significatur per speciem, quia per formam unumquodque in specie constituitur. Et propter hoc dicitur quod numerus speciem praebet, quia definitiones significantes speciem sunt sicut numeri, secundum Philosophum in VIII Metaphys.; sicut enim unitas addita vel subtracta variat speciem numeri, ita in definitionibus differentia apposita vel subtracta. |
[L'ORDRE - (3) L'acte-fin réclamé par ce qu'est une chose selon sa forme - Cause finale ] Enfin ce qui est consécutif à la forme, c’est l’inclination
car chaque chose, en tant qu'acte,
en ce qui lui convientb selon sa forme. Et cela relève du poids et de l'ordre. |
[Ordine] Ad formam autem consequitur inclinatio
quia unumquodque, inquantum est actu,
in id quod sibi convenit secundum suam formam. Et hoc pertinet ad pondus et ordinem. |
[Conclusion] D'où la raison de bien, selon qu'elle
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[Conclusion] Unde ratio boni, secundum quod
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Rappel du sous-titre qui résume tout le passage : La raison de bien est ce qui existe dans un individu donné (mode) selon une forme (espèce) qui le "pousse" à tel acte comme à sa fin (ordre). Les quatre causes sont ici utilisées.
a. -- TH. fait l'étymologie du mot aliquid, toujours dans DeVer.q1a1 :
C’est ce qu’exprime le nom « quelque chose », car il se dit [en latin] aliquid, comme si l’on disait aliud quid (quelque autre chose) ; donc, de même que l’ens [ce qui est] est appelé « un » en tant qu’il est indivis en soi, de même il est appelé « quelque chose » en tant qu’on le distingue des autres.
b. -- La référence à la convenance est importante et apparaît aussi dans DeVer.q1a1.
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Bien, Bonté, Prudence, Vertu intellectuelle, Vertu morale, Raison de bien, Ratio boni