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Thomas d'Aquin - II-II.q47a15 - La prudence n'est pas naturelle bien qu'elle s'appuie sur des principes connus naturellement

  • D'où la nécessité de "travailler" pour acquérir la prudence

[Rappel]

Comme il ressort de ce qu'on a avancé plus haut, la prudence inclut la connaissance

  • et des [principes] universels
  • et des opérables singuliers des circonstances singulières relatives à l'action,

l'homme prudent appliquant à celles-ci les principes universels.

A.

Sicut ex praemissis patet, prudentia includit cognitionem

  • et universalium
  • et singularium operabilium,

ad quae prudens universalia principia applicat.

 

[Du côté de la connaissance universelle : premiers principes et principes seconds]

Quant à la connaissance universelle donc, on a le même rapport

  • pour la prudence
  • et pour la science spéculative.

Parce que l'une et l'autre connaissent naturellement les premiers principes universels, selon ce qu'on a dit plus haut ;

(avec cette différence que les principes communs de la prudence sont plus connaturels à l'homme ; comme dit en effet le Philosophe : "La vie spéculative est au-dessus de la nature de l'homme"). 

Mais les principes universels postérieurs,

  • soit de la raison spéculative
  • soit de la raison pratique,
  • on ne les possède pas par nature 
  • mais on les découvre
    • par l'expérience,
    • ou par l'enseignement. 

 B.

Quantum igitur ad universalem cognitionem, eadem ratio est

  • de prudentia
  • et de scientia speculativa.

Quia utriusque prima principia universalia sunt naturaliter nota, ut ex supradictis patet,

nisi quod principia communia prudentiae sunt magis connaturalia homini; ut enim philosophus dicit, in X Ethic., vita quae est secundum speculationem est melior quam quae est secundum hominem.

Sed alia principia universalia posteriora,

  • sive sint rationis speculativae
  • sive practicae,
  • non habentur per naturam,
  • sed per inventionem secundum viam
    • experimenti,
    • vel per disciplinam.

 

[Du côté de la connaissance particulière]

Quant à la connaissance particulière de ce qui concerne l'opération, il faut de nouveau distinguer. Parce que l'opération a rapport

  • ou à la fin
  • ou à ce qui est en vue de la fin.

[Les fins]

Or les fins droites de la vie humaine sont déterminées. Il peut donc y avoir inclination naturelle à l'égard de ces fins ; ainsi a-t-on dit précédemment que certains, par disposition naturelle, possèdent certaines vertus les inclinant vers des fins droites, et donc possèdent par nature aussi un jugement droit relatif à ces fins.

[Les moyens]

Mais les choses qui sont en vue de la fin [= les moyens], dans le domaine des choses humaines, ne sont pas déterminées ; elles sont sujettes à toute sorte de variations selon

  • la diversité des personnes
  • et des affaires (negotiorum).

[Conclusion]

Aussi, parce que l'inclination de la nature se porte toujours vers du déterminé, une telle connaissance ne peut être innée (inesse) par nature chez l'homme ;

(toutefois, l'un peut être naturellement plus apte que l'autre à discerner ce genre d'actions, comme il arrive aussi pour les conclusions des sciences spéculatives).

Parce que la prudence n'a pas pour objet les fins mais les choses qui sont en vue de la fin [= les moyens], comme on l'a établi plus haut, elle n'est pas naturelle à l'homme.

 C.

Quantum autem ad particularem cognitionem eorum circa quae operatio consistit est iterum distinguendum. Quia operatio consistit circa aliquid

  • vel sicut circa finem;
  • vel sicut circa ea quae sunt ad finem.

[Les fins]

Fines autem recti humanae vitae sunt determinati. Et ideo potest esse naturalis inclinatio respectu horum finium, sicut supra dictum est quod quidam habent ex naturali dispositione quasdam virtutes quibus inclinantur ad rectos fines, et per consequens etiam habent naturaliter rectum iudicium de huiusmodi finibus.

[Les ]

Sed ea quae sunt ad finem in rebus humanis non sunt determinata, sed multipliciter diversificantur secundum

  • diversitatem personarum
  • et negotiorum.

D.

Unde quia inclinatio naturae semper est ad aliquid determinatum, talis cognitio non potest homini inesse naturaliter,

licet ex naturali dispositione unus sit aptior ad huiusmodi discernenda quam alius; sicut etiam accidit circa conclusiones speculativarum scientiarum.

Quia igitur prudentia non est circa fines, sed circa ea quae sunt ad finem, ut supra habitum est; ideo prudentia non est naturalis.


1. -- eadem ratio est : voir si l'on peut dire que l'expression indique un rapport analogique, a priori oui. La prudence est à l'égard des premiers principes du domaine pratique, ce que la science spéculative est aux premiers principes spéculatifs.

2. -- Bien noter cette particularité de la prudence : elle inclut connaissance de l'universel et connaissance du particulier ... A creuser.

 

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Nature, Universel, Particulier, Fin, Principes (premiers), Moyens, Prudence

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