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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a1ad1 - On ne dit pas que l'homme est libre de ses actions, mais libre de son élection

L'homme n'est pas dit libre de ses actions, mais libre de son élection, qui est juge des choses à faire dans le domaine de l'action. Et le nom même "libre arbitre" le montre.

(DeVer.q24a1ad1)

Homo non dicitur esse liber suarum actionum, sed liber suae electionis, quae est judicum de agendis. Et hoc ipsum nomen liberi arbitrii demonstrat.

 


A précisément parler, l'homme n'est pas libre de ses actions, mais du choix qui prélude à ses actions. Ce qui implique de penser qu'il n'y a pas d'acte humain sans choix.

Voir aussi DeVer.q24a2ad3

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a2ad3 - Les actions peuvent être empêchées, on n'est donc pas libre de son action

Les actions, étant exercées par le corps, peuvent être contraintes ou empêchées non seulement chez les bêtes, mais aussi chez les hommes, et c’est pourquoi on ne dit pas même de l’homme qu’il est libre de son action. 

(DeVer.q24a2ad3)

Actiones, cum per corpus exerceantur, cogi possunt vel prohiberi, non solum in brutis, sed in hominibus, unde nec ipse homo dicitur liber actionis suae.

 


Parce que nous sommes des êtres corporels appartenant au monde physique, les conséquences d'un choix peuvent ne pas s'appliquer. La liberté est avant tout interne et n'a pas besoin de voir les actions réellement efféctuées pour exister.

 Voir aussi DeVer.q24a1ad1.q24a1ad1

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a4 - EN COURS - Différence entre l'agere et le facere ; l'agir et le faire ; l'art et la prudence

Où sont trouvées diverses raisons de vertus, là il faut distinguer les vertus. Mais il a été dit plus haut que

  • un certain habitus a raison de vertu à partir de cela seul qu'il fait la faculté pour des oeuvres bonnes ;
  • mais qu'un certain [autre a raison de vertu] à partir de cela que non seulement il fait la faculté 
    • pour des oeuvres bonnes,
    • mais aussi l'usage [bon].
  • Mais l'art fait seulement la faculté pour des oeuvres bonnes, parce que qu'il ne regarde pas l'appétit.
  • Mais la prudence ne fait pas seulement la faculté pour des oeuvres bonnes, mais aussi l'usage, qui regarde l'appétit, en tant qu'elle présuppose la rectitude de l'appétit.

La raison de cette différence, c'est que

  • l'art est la règle droite dans les choses qu'on peut fabriquer (factibilium),
  • tandis que la prudence est la droite règle dans les actions qu'on peut poser (agibilium).

Faire et agir diffère parce que (comme il est dit au chap. IX des Métaphysiques)

  • faire est un acte qui fait aller dans une matière extérieure,
    • comme édifier, tailler, etc.
  • mais agir est un acte qui demeure (permanens) dans l'agent même,
    • comme voir, vouloir, etc.

Ainsi donc,

  • sur ce mode la prudence se rapporte aux actes humains de ce genre
    • ([c'est à dire ces actes humains] que sont l'usage des puissances et des habitus),
  • comme l'art se rapporte aux fabrications extérieures ;

parce que chacune d'elles est la raison parfaite au regard de ces [choses] auxquelles elle est appliquée (comparatur, trad. difficile).

[A propos de la raison droite, analogie domaine pratique / domaine spéculatif]

Or

  • la perfection et rectitude de la raison dans les choses spéculatives
    • dépend des principes à partir desquels la raison syllogise [= atteint des conclusions par raisonnement] ;
  • comme il a été dit que la science
    • dépend de l'intellect
      • qu'est l'habitus des principes,
      • et le présuppose.

Mais dans les actes humains les fins se prennent comme les principes dans les choses spéculatives, comme il est dit dans l'Ethique [à Nicomaque].

Et c'est pourquoi pour la prudence, qui est la droite règle des actions qu'on peut poser, il est requis que l'homme soi bien disposé à propos des fins, ce qui se fait par un appétit rendu droit.

Et c'est pourquoi pour la prudence est requise la vertu morale, par laquelle l'appétit devient (fit) droit.

(...)

(Somme, I-II.q57a4)

Ubi invenitur diversa ratio virtutis, ibi oportet virtutes distingui. Dictum est autem supra quod

  • aliquis habitus habet rationem virtutis ex hoc solum quod facit facultatem boni operis, 
  • aliquis autem ex hoc quod facit non solum facultatem 
    • boni operis,
    • sed etiam usum.
  • Ars autem facit solum facultatem boni operis, quia non respicit appetitum.
  • Prudentia autem non solum facit boni operis facultatem, sed etiam usum, respicit enim appetitum, tanquam praesupponens rectitudinem appetitus.

Cuius differentiae ratio est, quia

  • ars est recta ratio factibilium;
  • prudentia vero est recta ratio agibilium.

Differt autem facere et agere quia, ut dicitur in IX Metaphys.,

  • factio est actus transiens in exteriorem materiam, sicut aedificare, secare, et huiusmodi;
  • agere autem est actus permanens in ipso agente, sicut videre, velle, et huiusmodi.

Sic igitur

  • hoc modo se habet prudentia ad huiusmodi actus humanos, 
    • qui sunt usus potentiarum et habituum,
  • sicut se habet ars ad exteriores factiones,

quia utraque est perfecta ratio respectu illorum ad quae comparatur.

[ ]

  • Perfectio autem et rectitudo rationis in speculativis,
    • dependet ex principiis, ex quibus ratio syllogizat,
  • sicut dictum est quod scientia
    • dependet ab intellectu,
      • qui est habitus principiorum,
      • et praesupponit ipsum.

In humanis autem actibus se habent fines sicut principia in speculativis, ut dicitur in VII Ethic.

Et ideo ad prudentiam, quae est recta ratio agibilium, requiritur quod homo sit bene dispositus circa fines, quod quidem est per appetitum rectum.

Et ideo ad prudentiam requiritur moralis virtus, per quam fit appetitus rectus.

 (...)


1. -- transiens : trans-ire, aller d'un point à un autre

2. -- "comme voir, vouloir, etc." : intéressant de voir combien l'agere pris au sens basic n'est pas nécessairement un acte moral, puisque "voir" est un exemple que TH. donne, alors que l'exempel suivant "vouloir" lui est bien du domaine moral.

 

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a5ad3 - Le vrai de l'intellect pratique (conformité du contingent avec l'appétit droit)

Le vrai de l'intellect spéculatif (...).

Mais le vrai de l'intellect pratique se prend par conformité à l'appétit rendu droit.

  • [De sorte] qu'une telle conformité dans les [choses] nécessaires n'a pas lieu ici,
    • [une conformité à ces choses nécessaires] que la volonté humaine ne fait pas,
  • mais [elle a lieu] seulement dans les [choses] contingentes
    • qui peuvent être faites par nous [= que la volonté humaine peut faire]
      • ou qu'elles soient des actions intérieures (agibilia interiora)
      • ou qu'elles soient des choses fabricables extérieures (factibilia exteriora).

Et c'est pourquoi à propos des seules [choses] contingentes est posée une vertu de l'intellect pratique,

  • à propos des [choses] fabricables, l'art ; [dans le domaine du faire]
  • à propos des actions, la prudence. [dans le domaine éthique de l'agir]

(Somme, I-II.q57a5ad3)

Nam verum intellectus speculativi (...).

Verum autem intellectus practici accipitur per conformitatem ad appetitum rectum.

  • Quae quidem conformitas in necessariis locum non habet,
    • quae voluntate humana non fiunt,
  • sed solum in contingentibus
    • quae possunt a nobis fieri,
      • sive sint agibilia interiora, 
      • sive factibilia exteriora.

Et ideo circa sola contingentia ponitur virtus intellectus practici,

  • circa factibilia quidem, ars;
  • circa agibilia vero prudentia.

 


1. -- agibilia interiora : seule occurence de cette expresson chez TH., le mot interiora qualifie l'action de l'homme sur le plan éthique. Sur ce plan, la fin est le bien agir, et l'action n'est pas séparée de celui qui la pose (elle reste en ce sens intérieure) ; contrairement à l'oeuvre d'art, fin séparée de l'artiste qui la produit (l'oeuvre est alors manifestement extérieure). Le mot "intérieures" ne désigne pas ici l'intériorité spirituelle de l'homme. Voir I-II.q57a4 où cela est clairement dit.

2. -- appetitum rectum : rectum = participe passé passif, qui a été rectifié, rendu droit, "droitifié"

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