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Thomas d'Aquin - II-II.q47a1 - La prudence c'est voir au loin les incertitudes et confronter les possibles en vue de l'action à poser

Comme dit Isidore : "Le prudent est ainsi appelé comme voyant loin (porro videns) ;

  • il est perspicace en effet
  • et voit les cas incertains."

Or, la vision n'est pas une puissance appétitive mais une puissance cognitive. D'où Il est manifeste que la prudence relève directement d'une puissance cognitive.

  • Non toutefois d'une puissance [cognitive] sensitive :
    • parce que par elle en effet sont connues seulement les choses présentes et offertes aux sens.
  • Tandis que connaître le futur à partir du présent et du passé, ce qui est le fait de la prudence, est propre à la raison ;
    • parce que cette action est posée par une certaine collation [= confrontation].

D'où il reste que la prudence est proprement dans la raison.

(Somme, II-II.q47a1)

Sicut Isidorus dicit, in libro Etymol., prudens dicitur quasi porro videns,

  • perspicax enim est,
  • et incertorum videt casus.

Visio autem non est virtutis appetitivae, sed cognoscitivae. Unde manifestum est quod prudentia directe pertinet ad vim cognoscitivam.

  • Non autem ad vim sensitivam,
  • quia per eam cognoscuntur solum ea quae praesto sunt et sensibus offeruntur.
  • Cognoscere autem futura ex praesentibus vel praeteritis, quod pertinet ad prudentiam, proprie rationis est, quia hoc per quandam collationem agitur.

Unde relinquitur quod prudentia proprie sit in ratione.

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 1. Bien noter la référence à la collation, utiliser par ailleurs par TH. pour parler de l'oeuvre du libre arbitre.

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a1ad2 - La prudence regarde les moyens (les "ce en vue de la fin")

  • L'amour se sert de la raison en la mouvant au discernement

Le prudent considère

  • ce qui est loin en tant qu'ordonné
    • à une aide
    • ou à un empechement
  • envers ce qui est présentement amené dans l'action.

D'où il est patent que

  • ce qui est considérée par la prudence
  • est ordonné à une autre [chose] comme à sa fin.

Or, pour les [choses] qui sont en vue d'une fin [= les moyens]

  • il y a le conseil dans la raison,
  • et l'élection dans l'appétit.

De ces deux [actes],

  • le conseil relève plus proprement de la prudence :
    • le Philosophe dit en effet que le prudent "délibère bien".
  • Mais parce que l'élection présuppose le conseil
    • elle est en effet "l'appétit de ce qui a été préalablement délibéré (praeconsiliati)", selon Aristote,

l'acte d'élire peut encore (etiam) être attribué de façon logique (!!) conséquemment à la prudence, en ce sens que par le conseil elle dirige l'élection.

(Somme, II-II.q47a1ad2)

Prudens considerat

  • ea quae sunt procul inquantum ordinantur
    • ad adiuvandum
    • vel impediendum
  • ea quae sunt praesentialiter agenda.

Unde patet quod

  • ea quae considerat prudentia
  • ordinantur ad alia sicut ad finem.

Eorum autem quae sunt ad finem est

  • consilium in ratione
  • et electio in appetitu.

Quorum duorum

  • consilium magis proprie pertinet ad prudentiam,
    • dicit enim philosophus, in VI Ethic., quod prudens est bene consiliativus.
  • Sed quia electio praesupponit consilium,
    • est enim appetitus praeconsiliati, ut dicitur in III Ethic.;

ideo etiam eligere potest attribui prudentiae consequenter, inquantum scilicet electionem per consilium dirigit.

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1.

La prudence s'enquiert des choses futures en vue des actions présentes à poser. Donc d'un côté un relatif et de l'autre une fin. La prudence s'occupe d'une chose médiate, les moyens.

Or, dans l'activité humaine, lorsqu'on en arrive à l'étape des moyens, deux actes entrent en jeu : le conseil (quel moyen ?) et l'élection (le moyen retenu). C'est un moment dans lequel l'appétit volontaire sous-traite à la raison la phase qui va permettre de retirer à la personne sa liberté face à la diversité des moyens : après le conseil on n'est plus libre d'opter pour tel ou tel moyen (d'où dé-libération). Au moment où il y a choix, la phase libre arbitre est derrière soi. Ce qui est intéressant puisqu'on voit d'habitude la liberté dans le choix alors qu'elle est plutôt dans le conseil [REFLECHIR ENCORE LA-DESSUS]. Quand il n'y a plus qu'un moyen, on le considère comme un bien, donc est davantage objet de l'appétit. Mais, dit TH., comme la raison a dû apporter son aide lors de la phase de conseil et que cet acte est maintenu dans la phase du choix, on peut aussi attribuer à la raison l'acte du choix. Ainsi l'acte d'élection est posé dans un acte appétitif soutenu par un acte de la raison.

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