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Thomas d'Aquin - Quatre effets immédiats de la passion amour - I-II.q28a5ad1

On peut attribuer à l'amour quatre effets immédiats (proximi), à savoir la liquéfaction, la jouissance, la langueur et la ferveur. Amori attribui possunt quatuor effectus proximi, scilicet liquefactio, fruitio, languor et fervor. 

1) Parmi lesquelles la première est la liquéfaction, qui s'oppose à la congélation. Car ces choses qui sont congelées sont resserrées en elles-mêmes, de sorte qu'elles ne peuvent pâtir l'entrée intérieure (subintrationem) facile d'une autre [chose]. Or c'est à l'amour de relever d'un appétit co-apté à une certaine réception du bien aimé [l'amour est une sorte d'adaptateur qui met en relation l'appétit et le bien], selon que ce qui est aimé est dans celui qui aime comme il a déjà été dit plus haut.

C'est pourquoi la congélation ou l'endurcissement du cœur est une disposition qui répugne à l'amour. Mais la liquéfaction relève d'une sorte de ramollissement du cœur, par lequel le cœur se présente apte (habile) à laisser ce qui est aimé entrer en lui (in ipsum subintret)[le latin répète deux fois l'intériorité : "in" puis "sub-in"].

Inter quae primum est liquefactio, quae opponitur congelationi. Ea enim quae sunt congelata, in seipsis constricta sunt, ut non possint de facili subintrationem alterius pati. Ad amorem autem pertinet quod appetitus coaptetur ad quandam receptionem boni amati, prout amatum est in amante, sicut iam supra dictum est.

Unde cordis congelatio vel duritia est dispositio repugnans amori. Sed liquefactio importat quandam mollificationem cordis, qua exhibet se cor habile ut amatum in ipsum subintret.

2) Si donc ce qui est aimé est présent et possédé, il y a plaisir ou fruition.

Si ergo amatum fuerit praesens et habitum, causatur delectatio sive fruitio. 

Si toutefois il était absent, cela a pour conséquence deux passions, à savoir

  • 3) la tristesse [provenant] de l'absence, qui est signifiée par la langueur (d'où Cicéron mentionne la tristesse surtout comme maladie) ;
  • 4) et un désir intense d'obtenir le bien-aimé, qui est signifié par la ferveur.

Si autem fuerit absens, consequuntur duae passiones,

  • scilicet tristitia de absentia, quae significatur per languorem (unde et Tullius, in III de Tusculanis quaest., maxime tristitiam aegritudinem nominat);
  • et intensum desiderium de consecutione amati, quod significatur per fervorem.

Et ce sont bien là les effets de l'amour considéré formellement, selon le rapport de la puissance appétitive à l'objet. Mais dans la passion amour, certains effets se produisent en proportion de [ces quatre premiers effets], selon [qu'il survient] une modification organique. (Somme, I-II.q28a5ad1)

 Et isti quidem sunt effectus amoris formaliter accepti, secundum habitudinem appetitivae virtutis ad obiectum. Sed in passione amoris, consequuntur aliqui effectus his proportionati, secundum immutationem organi.

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1. Qu'est ce que la co-aptitude ? Deux réalités sont aptes l'une envers l'autre : le bien vis à vis de l'appétit, et l'appétit vis à vis de du bien.

2. Qu'est ce que des effets proximi ?

3. Les quatre effets : 

La liquéfaction : Celui qui aime attendri son coeur de manière à se disposer à laisser son intérieur envahi par ce qu'il aime.

La plaisir ou fruition : Ce qui est aimé est entré, il est donc présent en soi et possédé dans celui qui aime (on notera que la possession se comprend ici comme une réception, le sujet n'est pas d'abord celui qui est actif).

La langueur : Tant que le bien aimé n'est pas entré ou entièrement entré (càd entièrement reçu/possédé), se produit une blessure, une blessure d'amour, une tristesse spécifique appelée langueur.

La ferveur : plus l'amour est grand, plus l'intensité du désir est grande et quand elle est grande jusqu'à dépasser une mesure ordinaire, on l'appelle ferveur --> cf. l'église d'Ephèse dans l'Apocalypse.

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Thomas d'Aquin - I-II.q29a6 - La colère est toujours causée par quelque chose de particulier

La colère toujours est causée à partir de quelque chose de particulier, parce qu'elle [est causée] à partir de quelque acte qui nous a blessé ; et les actes sont [des choses] particulières.

Et c'est pour cela que le Philosophe dit que "la colère est à propos d'une [chose] singulière, tandis que la haine peut exister à propos de quelque chose en général". [Thomas se plaçant ici uniquement au plan passionnel.]

(Somme, I-II.q29a6)

Ira semper causatur ex aliquo particulari, quia ex aliquo actu laedentis; actus autem particularium sunt.

Et propter hoc philosophus dicit quod ira semper est ad aliquid singulare; odium vero potest esse ad aliquid in genere.

 

 

 

 

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Thomas d'Aquin - Le bien aimé [intensément] peut excéder les possibilités du corps et le blesser - I-II.q28a5

  • ... mais en tant que bien, un bien ne peut blesser, puisqu'un bien n'est bien que s'il convient à celui pour qui il est un bien

Nous l'avons dit, l'amour signifie une certaine co-aptation de la puissance affective à un certain bien. 

[A. Réponse du côté de la forme]

[a. Quand il y a co-aptation à un vrai bien]

  • Or rien de ce qui a été co-apté à quelque chose qui lui convient ne s'en trouve blessé,
  • mais bien plutôt, si cela est possible, 
    • il progresse,
    • et s'améliore.

[b. Quand il y a co-aptation à un bien qui ne con-vient pas]

Au contraire, ce qui veut s'adapter à ce qui ne lui convient pas en est blessé et détérioré.

  • Donc, l'amour du bien qui convient perfectionne et améliore celui qui aime ;
  • l'amour du bien qui ne convient pas blesse et détériore. 
  • C'est pour cela que l'homme est perfectionné et rendu meilleur surtout par l'amour de Dieu,
  • tandis qu'il est blessé et détérioré par l'amour du péché, selon ces mots d'Osée (9, 10) : "Ils sont devenus abominables comme l'objet de leur amour." 

Cela doit s'entendre de l'amour au point de vue de ce qu'il y a de formel en lui, c'est-à-dire de l'appétit.

[B. Réponse du côté de la matière]

[a. Néanmoins, l'amour peut blesser à cause du lien âme/corps]

Quant à l'aspect matériel de la passion amour, à savoir une certaine modification corporelle,

  • il arrive que l'amour blesse, à cause d'un certain excès,
  • comme cela arrive
    • dans l'activité sensorielle,
    • et en tout acte d'une puissance de l'âme qui s'exerce avec modification de l'organe corporel.

Sicut supra dictum est, amor significat coaptationem quandam appetitivae virtutis ad aliquod bonum.

A.

  • Nihil autem quod coaptatur ad aliquid quod est sibi conveniens, ex hoc ipso laeditur,
  • sed magis, si sit possibile,
    • proficit
    • et melioratur.

B.

Quod vero coaptatur ad aliquid quod non est sibi conveniens, ex hoc ipso laeditur et deterioratur.

  • Amor ergo boni convenientis est perfectivus et meliorativus amantis,
  • amor autem boni quod non est conveniens amanti, est laesivus et deteriorativus amantis.
  • Unde maxime homo perficitur et melioratur per amorem Dei,
  • laeditur autem et deterioratur per amorem peccati, secundum illud Osee IX, facti sunt abominabiles, sicut ea quae dilexerunt.

Et hoc quidem dictum sit de amore, quantum ad id quod est formale in ipso, quod est scilicet ex parte appetitus.

C.

Quantum vero ad id quod est materiale in passione amoris, quod est immutatio aliqua corporalis,

  • accidit quod amor sit laesivus propter excessum immutationis,
  • sicut accidit
    • in sensu,
    • et in omni actu virtutis animae qui exercetur per aliquam immutationem organi corporalis.

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1. Le bien en tant que bien, lorsqu'il convient à un être, le rend meilleur. Un ami me rend meilleur, et je rends meilleur l'ami.

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