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Toute la raison de l’appétibilité du moyen, en tant que tel, est la fin.

D'où il est impossible que rechercher la fin relève d’une autre puissance que rechercher le moyen. Et cette différence entre

  • la fin,
    • qui est désirée (appetitur) dans l’absolu,
  • et le moyen,
    • qui est [désiré] dans l'ordre à autre [chose],

ne peut induire une distinction des puissances appétitives.

Car l’ordination de l’un à l’autre

  • n’est point par soi dans l’appétit,
  • mais par autre chose,

c’est‑à‑dire par la raison, à laquelle il appartient d’ordonner et de confronter ;

d'où elle ne peut être une différence spécifique constituant une espèce de l’appétit.

(DeVer.q24a6)

Tota autem ratio appetibilitatis eius quod est ad finem, in quantum huiusmodi, est finis. 

Unde non potest esse quod ad aliam potentiam pertineat appetere finem et id quod est ad finem. Nec haec differentia,

  • qua finis
    • appetitur absolute,
  • id autem quod est ad finem,
    • in ordine ad alterum,

potest appetitivarum potentiarum distinctionem inducere.

Nam ordinatio unius ad alterum inest appetitui

  • non per se,
  • sed per aliud,

scilicet per rationem, cuius est ordinare et conferre :

unde non potest esse differentia specifica constituens speciem appetitus.

 


 1.-- On ne désire un moyen que parcequ'on désire une fin. Il n'y a pas moyen de désirer un moyen pour lui-même, à moins d'entrer dans une erreur morale. Cela permettra ensuite à TH. de montrer que, puisqu'il traite des moyens, le libre arbitre est lié par eux à la fin. Or la fin est objet de la volonté, donc le libre arbitre est davantage du côté de la volonté. Lire la suite de l'article pour le raisonnement détaillé de TH.

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Alain Sériaux - Loi, ordre et cause finale

Ainsi la loi doit-elle être appréhendée dans la perspective de la cause finale, c’est-à-dire ce vers quoi tend chaque chose. La loi oriente, au sens fort d'indiquer la bonne direction vers cette fin sans pourtant la réaliser d'emblée. En ce sens, il est possible de dire qu'elle « ordonne » car ordonner suppose au fond d'orienter quelque chose vers une fin. Que ce travail d'orientation soit d'abord et avant tout l'œuvre de la raison, mieux : que cette orientation vers la fin soit inscrite dans la raison (« rationis or- dinatio ») de Dieu, des anges ou des hommes, c’est là une profonde vérité qu’avaient déjà sentie les plus grands penseurs de l’antiquité et que saint Thomas a su, mieux que quiconque, éclairer d’une lumière fulgurante dans son traité des lois.

(Alain Sériaux, Contribution à la théorie de la loi : comment traduire le concept thomiste d'ordinatio ?, Extrait des "Archives de Philosophie du Droit", t. 38, Paris : Sirey, 1993, p. 295)

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Thomas d'Aquin - !!!! COMM. A VéRIFIER !!! La concupiscence est -elle infinie ? - q30.a4

  • La concupiscence non naturelle est tout à fait infinie

Nous l'avons dit à l'Article précédent, il y a deux sortes de concupiscences : l'une est naturelle, et l'autre non.

Sicut dictum est, duplex est concupiscentia, una naturalis, et alia non naturalis. 

[La convoitise naturelle en acte]

La concupiscence naturelle ne peut être infinie en acte, car elle porte sur ce que la nature requiert. Or la nature tend toujours vers ce qui est fini et déterminé (certum). Aussi bien ne voit-on jamais l'homme convoiter (concupiscit) un mets infini, ou une boisson infinie.

 

 

Naturalis quidem igitur concupiscentia non potest esse infinita in actu. Est enim eius quod natura requirit, natura vero semper intendit in aliquid finitum et certum. Unde nunquam homo concupiscit infinitum cibum, vel infinitum potum.

 

 

[La convoitise naturelle en puissance]

Mais, de même que l'infini en puissance se trouve dans la nature de manière successive, ainsi arrive-t-il que cette concupiscencesoit infinie d'une manière successive : après avoir mangé, on veut un autre mets ou tout autre chose dont la nature a besoin ; car ces biens corporels, quand ils nous adviennent, ne demeurent pas toujours, mais disparaissent. Ce qui fait dire au Seigneur, s'adressant à la Samaritaine (Jn 4, 13): "Celui qui boira de cette eau aura encore soif."

 

Sed sicut in natura contingit esse infinitum in potentia per successionem, ita huiusmodi concupiscentiam contingit infinitam esse per successionem; ut scilicet, post adeptum cibum iterum alia vice desideret cibum, vel quodcumque aliud quod natura requirit, quia huiusmodi corporalia bona, cum adveniunt, non perpetuo manent, sed deficiunt. Unde dixit dominus Samaritanae, Ioan. IV, qui biberit ex hac aqua, sitiet iterum.

[La convoitise non naturelle est infinie, 1ère raison]

Quant à la concupiscence non naturelle, elle est tout à fait infinie. En effet, elle est conséquente de la raison, comme nous l'avons dit, et il appartient à la raison de procéder à l'infini. De sorte que celui qui convoite (concupiscit) les richesses, peut les convoiter (concupiscere) non pas jusqu'à telle limite déterminée, mais pour être riche de façon absolue (simpliciter) autant qu'il est en son pouvoir.

 

Sed concupiscentia non naturalis omnino est infinita. Sequitur enim rationem, ut dictum est, rationi autem competit in infinitum procedere. Unde qui concupiscit divitias, potest eas concupiscere, non ad aliquem certum terminum, sed simpliciter se divitem esse, quantumcumque potest.

[La convoitise non naturelle est infinie, 2ème raison]

On peut, d'après le Philosophe, assigner une autre raison pour laquelle une certaine concupiscence est finie, et telle autre infinie.

Potest et alia ratio assignari, secundum philosophum in I Polit., quare quaedam concupiscentia sit finita, et quaedam infinita.

La concupiscence de la fin est toujours infinie ; car la fin - la santé, par exemple - est convoitée (concupiscitur) pour elle-même ; ce qui fait qu'une santé meilleure est convoitée (concupiscitur) davantage, et ainsi à l'infini ; de même, puisque le blanc a pour propriété de dilater la pupille, plus il y a de blancheur, plus la dilatation est grande.  Semper enim concupiscentia finis est infinita, finis enim per se concupiscitur, ut sanitas; unde maior sanitas magis concupiscitur, et sic in infinitum; sicut, si album per se disgregat, magis album magis disgregat.

[La convoitise portant sur les moyens]

Au contraire, la concupiscence portant sur les moyens n'est pas infinie, mais quelque chose est désiré (appetitur : litt. "appété") dans la mesure où cela convient à la fin. Ainsi ceux qui mettent leur fin dans les richesses les convoitent (habent concupiscentiam) à l'infini ; mais ceux qui les désirent (appetunt) pour subvenir aux nécessités de la vie ne désirent (concupiscunt) que des richesses limitées, dit le Philosophe au même endroit. Et il en va de même pour la convoitise de tout le reste.

(Somme, Ia-IIae, q. 30, a. 4, c.)

 Concupiscentia vero eius quod est ad finem, non est infinita, sed secundum illam mensuram appetitur qua convenit fini. Unde qui finem ponunt in divitiis, habent concupiscentiam divitiarum in infinitum, qui autem divitias appetunt propter necessitatem vitae, concupiscunt divitias finitas, sufficientes ad necessitatem vitae, ut philosophus dicit ibidem. Et eadem est ratio de concupiscentia, quarumcumque aliarum rerum.

Lire l'AVERTISSEMENT à la trad. de q26.a2 pour comprendre la nécessité de bien distinguer désir et appétit.

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Thomas s'exprime selon deux niveaux de distinction. Le premier se fait selon trois plans : le plan physique, le plan sensible, le plan rationnel :

  • appétit naturel (concupiscence "tout court" --> issue de la convenance d'un bien de par la nature de tel vivant)
  • appétit sensible (concupiscence selon la connaissance sensible, à proprement parlé : cupidité --> issue de la convenance d'un bien par la connaissance )
  • appétit rationnel (concupiscence selon la connaissance rationnelle, à proprement parlé : désir --> idem)

Le second niveau de distinction se fait selon qu'il y a ou non appréhension (connaissance). Ici, appétit sensible et appétit rationnel, bien que distincts, sont placés ensemble, comme il a été traité dans l'article précédent, du fait qu'ils tiennent tous deux leur exercice de la connaissance du bien. 

En quoi le désir non naturel peut-il être infini ?

1ère raison : le désir non naturel est conséquent de la raison "et il appartient à la raison de procéder à l'infini" par le biais de l'universel, on peut poursuivre la richesse en général, la richesse en elle-même qui ne comporte en soi pas de limite, je peux toujours ajouter une pièce à ma richesse. Le désir devient infini parce qu'il a pour objet quelque chose qui contient en puissance une infinité d'éléments additionables. Bien noter que la dimension infinie provient de la puissance et non de l'acte. Ainsi quelqu'un qui a pour fin les richesses vit en partie dans l'imaginaire de la richesse infinie qu'il ne possédera jamais. Bien voir la vanité et la déconnexion du réel que cela implique.

2ème raison : la fin est désirée pour elle-même : rien ne la relativise, elle ne se finit donc jamais, elle est désirée de manière continue, infinie. Rien ne vient lui mettre un terme puisqu'elle est au bout de la "chaîne".

 

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Thomas d'Aquin - Dans la passion plaisir, un certain mouvement survit à la possession de la fin - I-II.q31a1ad2)

Dans l'animal on peut considérer un double mouvement :

  • l'un concerne l'intention de la fin et appartient à l'appétit ;
  • l'autre, regarde l'exécution et se rapporte à l'opération extérieure.

Donc, bien que chez celui qui a déjà obtenu le bien dans lequel il se délecte,

  • cesse le mouvement d'exécution par lequel il tend vers  la fin ;
  • le mouvement de la partie appétitive, lui, ne cesse pas pour autant.
  • Elle désirait (desiderabat) auparavant le bien qu'elle n'avait pas ;
  • elle s'en délecte maintenant qu'elle le possède.
  • Assurément la délectation est une sorte de repos de l'appétit, si l'on considère la présence du bien agréable qui le satisfait ;
  • cependant le changement intérieur (immutatio) de l'appétit sous l'action de l'appétible demeure, raison pour laquelle la délectation est un certain mouvement.

(Somme, Ia-IIae, q31.a1.ad2)

In animali duplex motus considerari potest,

  • unus secundum intentionem finis, qui pertinet ad appetitum,
  • alius secundum executionem, qui pertinet ad exteriorem operationem

licet ergo

  • in eo qui iam consecutus est bonum in quo delectatur, cesset motus executionis, quo tenditur ad finem;
  • non tamen cessat motus appetitivae partis, quae, sicut
  • prius desiderabat non habitum,
  • ita postea delectatur in habito.
  • Licet enim delectatio sit quies quaedam appetitus, considerata praesentia boni delectantis, quod appetitui satisfacit;
  • tamen adhuc remanet immutatio appetitus ab appetibili, ratione cuius delectatio motus quidam est.

Commentaire : 

1. La réponse se place sur plan de la partie animale, on parle donc ici du plaisir sensible sans dire si ce qu'on dit ici pour l'être à propos de la joie qui est un plaisir spirituel.

2. Deux mouvements, 

  • du côté de la fin : celui de l'appétit qui se produit à l'intérieur de l'animal, il y a en lui une "tension vers" (en fait, une double "tension vers", la naturelle, et celle amenée par la connaissance d'un bien concret - de la même manière il y a une double intention, celle inscrite dans la nature de l'animal et celle de l'objet à l'état de réalité intentionnelle amenée par la connaissance du dit objet) ;
  • du côté de l'exécution : il faut bien se mouvoir vers le chocolat pour qu'il devienne nôtre.

3. Lorsque le bien est possédé, la fin est atteinte, l'objet n'est plus intentionnel mais bien réel. L'appétit ne se nourrit plus de l'objet intentionnel mais de l'objet réel, c'est toujours l'objet, il est toujours là, sa possession amène l'appétit à une certaine perfection, mais une perfection qui dure dans le temps, tant qu'on qu'on savoure le chocolat. D'où la question suivante que posera Thomas pour préciser le rapport plaisir / temps.

4. Il est très intéressant de voir que dans le domaine passionnel la fin possédée réclame néanmoins de rester dans le temps, un écoulement, une succession... En sera-t-il de même dans le domaine de l'amour spirituel ?

5. Immutatio, même mot employé en q26.a2 : "Le premier changement intérieur de l’appétit par l'appétible est appelée amour, ce qui n’est rien d’autre que la complaisance dans l'appétible."

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Thomas d'Aquin - DePot.q1a5 - Toute volonté, en tant que volonté, veut naturellement et nécessairement une certaine fin

  • Cette même volonté voudra les nécessairement les moyens sans lesquels cette fin ne peut être atteinte

Il faut que n’importe quelle volonté ait une certaine fin

  • qu’elle veut naturellement,
  • et qu’elle ne puisse pas vouloir le contraire ;

ainsi l’homme naturellement et par nécessité veut le bonheur et il ne peut pas vouloir le malheur.

Cependant,

  • avec le fait que la volonté veut nécessairement sa fin naturelle,
  • elle veut aussi nécessairement les choses sans lesquelles elle ne peut pas atteindre sa fin,
    • si elle les connaît ;

et ce sont les choses qui sont proportionnées à la fin ; par exemple, si je veux la vie, je veux de la nourriture.

(DePot.q1a5)

Oportet enim quod quaelibet voluntas habeat aliquem finem

  • quem naturaliter velit,
  • et cuius contrarium velle non possit ;

sicut homo naturaliter et de necessitate vult beatitudinem, et miseriam velle non potest.

 

  • Cum hoc autem quod voluntas velit necessario finem suum naturalem,
  • vult etiam de necessitate ea sine quibus finem habere non potest,
    • si hoc cognoscat ;

et haec sunt quae sunt commensurata fini ; sicut si volo vitam, volo cibum.

 


 1. -- Voilà une manière de penser qui est totalement à l'opposé de ce qui est proposé par l'air ambiant depuis quelques siècles déjà chez les intellectuels mais maintenant aussi très répandue chez tous. Ce que dit Thomas est effrayant pour l'homme moderne, il pense que Thomas soutient que l'homme n'est pas libre, qu'il est totalement déterminé. Bien sûr rien n'est plus faux. Thomas souligne simplement ce qu'il constate exprimentalement, et ce avec quoi tout un chacun ne peut qu'être d'accord : il existe quantités de choses vis à vis desquelles nous ne sommes pas libres. A commencer par notre rapport au bonheur et notre rapport à une personne aimée.

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Thomas d'Aquin - DePot.q3a15 - Le propre de l'agent volontaire est d'intelliger la fin afin de se mouvoir vers cette fin

Est découvert [par nous] que la volonté et la nature agissent en vue d'une fin, mais de façons différentes.

[Le cas de la nature]

En effet, comme la nature ne connaît

  • ni la fin
  • ni la raison de la fin (rationem finis),
  • ni sa relation, [c'est à dire de la relation de] ce qui est vers la fin dans la fin, [??? = ni la relation des moyens vers la fin ???]
  • elle ne peut se fixer une fin ;
  • ni se mouvoir vers la fin,
  • ou l'ordonner,
  • ou la diriger,

ce qui appartient à l'agent [qui agit] par volonté, dont c'est le propre d'intelliger

  • et la fin
  • et tout ce qui a été dit [plus haut] [= la fin, la ratio finis, la relation moyens / fin].

[Le cas de l'agent volontaire]

C'est pourquoi un agent [qui agit] par volonté

  • agit en vue d'une fin,
  • parce qu'il s'est assignée une fin
  • et il se meut lui-même d'une certaine manière vers la fin,
  • en y ordonnant ses actions.

[Le cas de la nature]

Mais la nature tend à sa fin comme mue et dirigée par un autre, pourvu d'intellect et de volonté,

  • comme cela est patent pour la flèche, qui tend vers une cible déterminée par la direction [donnée] par l'archer
  • et ainsi les philosophes disent que l'oeuvre de la nature est l'oeuvre d'une intelligence.

[Le cas de Dieu qui agit ou naturellement ou volontairement]

Mais toujours ce qui dépend d'un autre est postérieur à ce qui est par soi.

C'est pourquoi il faut que celui qui ordonne en premier vers une fin, le fasse par volonté ;

et ainsi Dieu,

  • par volonté produit les créatures dans l'être, 
  • non par nature.

Et ce n'est pas le cas du Fils parce qu'il procède naturellement du Père ; sa génération a précédé la création : parce que le Fils ne procède pas

  • comme ordonné à une fin,
  • mais comme la fin de tout.

(DePot.q3a15)

Invenitur autem agere propter finem et voluntas et natura, sed aliter et aliter.

[ ]

Natura enim, cum non cognoscat

  • nec finem
  • nec rationem finis,
  • nec habitudinem eius, quod est ad finem in finem,
  • non potest sibi praestituere finem,
  • nec se in finem movere
  • aut ordinare
  • vel dirigere;

quod quidem competit agenti per voluntatem, cuius est intelligere

  • et finem
  • et omnia praedicta.

[ ]

Unde agens per voluntatem sic

  • agit propter finem,
  • quod praestituit sibi finem,
  • et seipsum quodammodo in finem movet,
  • suas actiones in ipsum ordinando.

[ ]

Natura vero tendit in finem sicut mota et directa ab alio intelligente et volente,

  • sicut patet in sagitta, quae tendit in signum determinatum propter directionem sagittantis;
  • et per hunc modum a philosophis dicitur, quod opus naturae est opus intelligentiae.

[ ]

Semper autem quod est per aliud, est posterius eo quod est per se.

Unde oportet quod primum ordinans in finem, hoc faciat per voluntatem; 

et ita Deus

  • per voluntatem creaturas in esse produxit,
  • non per naturam.

Nec est instantia de filio, quod naturaliter procedit a patre, cuius generatio creationem praecedit: quia filius non procedit

  • ut ad finem ordinatus,
  • sed ut omnium finis.

 

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0. -- Bien noter : 

  • "Le propre de l'agent [qui agit] par volonté est d'intelliger la fin."

1. -- "il se meut lui-même d'une certaine manière vers la fin" : bien noter le quodamodo, pour Thomas c'est bien en dernier lieu la fin qui meut. Si l'agent volontaire est autre que Dieu lui-même, cet agent est, en dernioer lieu, mû par la fin (même si dans l'ordre des moyens cet agent peut se donner à lui-même telle ou telle fin intermédiaire). Pour ce qui concerne Dieu, il est naturellement sa propre fin, donc il se veut naturellement, il n'a pas besoin de se fixer sa fin. Pour l'action que Dieu porte en dehors de lui-même, par contre, il peut se proposer des fins, et c'est ainsi qu'il se meut de son propre chef vers une fin qu'il s'est à lui-même donnée, c'est le cas de la création.

2. -- Attention, ce n'est pas parce que le Fils procède naturellement du Père, que le Père ne veut pas le Fils librement. Comme le dit ailleurs Thomas ce qui est contraire à la liberté, ce n'est pas la nécessité, mais la contrainte.

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Thomas d'Aquin - DePot.q3a15ad14 - Dieu agit agit non par appétit de la fin, mais par amour de la fin - SUBLIME

  • La communication de la bonté n'est pas la fin ultime, 
  • mais la bonté divine elle-même, c'est à partir de l'amour de [cette bonté] que Dieu veut la communiquer ; 

car

  • il n'agit pas à cause de sa bonté comme s'il avait l'appétit (appetens) de ce qu'il n'a pas,
  • mais comme voulant communiquer ce qu'il a ; parce qu'il agit
    • non par appétit de la fin (ex appetitu finis),
    • mais par amour de la fin (ex amore finis).

(DePot.q3a15ad14)

  • Communicatio bonitatis non est ultimus finis,
  • sed ipsa divina bonitas, ex cuius amore est quod Deus eam communicare vult;
  • non enim agit propter suam bonitatem quasi appetens quod non habet,
  • sed quasi volens communicare quod habet: quia agit
    • non ex appetitu finis,
    • sed ex amore finis.

 

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L'appétit et l'amour concerne tous les deux un bien. Mais l'appétit, dans son exercice, tend vers un bien qui n'est pas encore présent (ou totalement présent) tandis que l'amour jouit du bien présent.

Le conditionnement de notre existence humaine nous permet d'atteindre quelque chose de l'amour de l'autre mais reste dans un certain appétit dans la mesure où il est possible d'ajouter quelque chose à la perfection de cet amour. C'est pourquoi, pour nous, l'amour est à la fois une tension et un repos, un désir et une joie. Ajoutons qu'il nous est toutefois possible d'atteindre une certaine perfection dans l'amour par le moyen de l'intention. (J'ai l'heureuse surprise de découvrir quelques jours après avoir écrit cela que Thomas le dit exactement ainsi, voir ici.)

Dans le cas de ce passage, Thomas souligne que Dieu n'agit pas par désir, ce qui supposerait qu'il lui manque quelque chose, mais par amour - comme à partir d'un sommet sur lequel il est déjà et non vers un sommet qu'il souhaite atteindre. Celui qui, en quelque manière, a atteint quelque chose du bonheur n'est plus en quête mais agit à partir de lui, en surabondance.

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Thomas d'Aquin - DeVer.q15a1 - EN COURS

Cependant la perfection d'une nature spirituelle consiste dans la connaissance de la vérité.

+ mettre la suite

(DeVer.q15a1)

Perfectio autem spiritualis naturae in cognitione veritatis consistit. 

 

 

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Thomas d'Aquin - DeVer.q21a6 - EN COURS - La ratio boni (La raison de bien)

DIFFICILE, UN TEMPS EST NECESSAIRE AVANT D'ASSIMILER - IL EST NECESSAIRE DE POSSEDER UN CERTAIN NIVEAU DE METAPHYSIQUE ET DE CRITIQUE/LOGIQUE POUR SAISIR, puisqu'on fait appel ici à un grand nombre de notions : forme, substance, acte, fin, qualité, relation, mode, espèce, ordre, bien, être (esse), etc.

Le bien de la créature consiste‑t‑il en (1) un mode, (2) une espèce et (3) un ordre, comme dit saint Augustin ? Utrum bonum creaturae consistat in modo, specie et ordine, sicut Augustinus dicit [cf.De nat. boni,cap. 3].
La raison de bien consiste dans les trois choses en question, selon ce que dit saint Augustin. Ratio boni in tribus praedictis consistit, secundum quod Augustinus dicit.

[Un nom implique deux relations possibles]

Et pour l'évidence de cela, il faut savoir qu'un nom donné (aliquod nomen) peut impliquer une relation de deux manières. [respectum : on traduit par relation et non par rapport qui convient aussi]

[a. La relation elle-même]

D'une première manière, en sorte que le nom soit donné pour signifier la relation elle‑même,

  • comme le nom de père, ou de fils, ou la paternité elle‑même.

[b. Ce qui suit la relation : une qualité]

En revanche, on dit de certains noms qu’ils impliquent une relation, parce qu’ils signifient une réalité d’un certain genre, qu’accompagne la relation, quoique le nom ne soit pas donné pour signifier la relation elle‑même ;

  • par exemple, le nom de science est donné pour signifier une certaine qualité, que suit une certaine relation, mais non pour signifier la relation elle‑même.

[Commentaire : dans la connaissance est établie une relation entre ce qui est connu et celui qui connaît, cette relation produit la science qui est une qualité qui perfectionne l'âme de celui qui connaît.]

[c. Ce que fait comprendre l'analogie nom / bien]

Et c’est de cette façon que la raison de bien implique une relation :

  • non parce que le nom même de bien signifie la seule relation elle‑même,
  • mais parce qu'il signifie [aussi la relation de] ce qui suit la relation, avec la relation elle‑même.

[Commentaire : ]

Or (3) la relation impliquée dans le nom de bien est la relation de cause de perfection, en ce sens qu’une chose (aliquid) est de nature à perfectionner

  • (2) non seulement selon la nature de l’espèce, [forme, ce qu'est une chose]
  • (1) mais aussi selon l’être (esse) qu’elle a dans la chose réelle (rebus) [le mode, la manière d'exister, l'existence  concrète] ;

de fait, c’est de cette manière que la fin perfectionne les moyens.

Mais

  • puisque les créatures ne sont pas leur être (esse) [ce qu'est une chose n'est pas identique à l'exister de cette chose],
  • il est nécessaire qu’elles aient un être reçu (esse receptum) ;

et par conséquent, leur être est

  • fini
  • et terminé [= déterminé] par la mesure de ce en quoi il est reçu.

 

Ad huius autem evidentiam sciendum est, quod aliquod nomen potest respectum importare dupliciter.

[1.]

Uno modo sic quod nomen imponatur ad significandum ipsum respectum,

  • sicut hoc nomen pater, vel filius, aut paternitas ipsa.

[2.]

Quaedam vero nomina dicuntur importare respectum, quia significant rem alicuius generis, quam comitatur respectus, quamvis nomen non sit impositum ad ipsum respectum significandum ;

  • sicut hoc nomen scientia est impositum ad significandum qualitatem quamdam, quam sequitur quidam respectus, non autem ad significandum respectum ipsum.

 

 

[c.]

Et per hunc modum ratio boni respectum implicat :

  • non quia ipsum nomen boni significet ipsum respectum solum,
  • sed quia significat id ad quod sequitur respectus, cum respectu ipso.

 

Respectus autem importatus in nomine boni, est habitudo perfectivi, secundum quod aliquid natum est perficere

  • non solum secundum rationem speciei,
  • sed etiam secundum esse quod habet in rebus ;

hoc enim modo finis perficit ea quae sunt ad finem.

Cum autem

  • creaturae non sint suum esse,
  • oportet quod habeant esse receptum ;

et per hoc earum esse est

  • finitum
  • et terminatum secundum mensuram eius in quo recipitur.

Ainsi donc, parmi les trois choses qu’énumère saint Augustin,

  • (3) la dernière, à savoir l’ordre,
    • est la relation qu’implique le nom de bien,
  • (2 et 1) et les deux autres, à savoir l’espèce et le mode,
    • causent cette relation.

En effet,

  • (2) l’espèce relève de la raison même (ipsam rationem) de l’espèce [trad. orig. = nature même de l'e.],
  • (1) qui, parce qu’elle a l’être en quelque chose [d'individuel] (aliquo),
    • est reçue avec un certain mode déterminé,
    • puisque tout ce qui est en quelque chose y est suivant le mode d’être de ce qui reçoit.

Ainsi donc,

  • chaque bien,
  • (3) en tant qu’il est cause de perfection

selon

  • (2) la raison de l’espèce [trad. orig. : la nature de l'espèce]
  • (1) et l’être (esse) en même temps,

a

  • (1) un mode,
  • (2) une espèce
  • (3) et un ordre.
  • (2) Une espèce quant à la nature même de l’espèce ;
  • (1) un mode quant à l’être (esse) ;
  • (3) un ordre quant à la relation même de cause de perfection.

Sic igitur inter ista tria quae Augustinus ponit,

  • ultimum, scilicet ordo,
    • est respectus quem nomen boni importat ;
  • sed alia duo, scilicet species, et modus,
    • causant illum respectum.

Species enim pertinet ad ipsam rationem speciei,

  • quae quidem secundum quod in aliquo esse habet,
  • recipitur per aliquem modum determinatum,
  • cum omne quod est in aliquo, sit in eo per modum recipientis.

Ita igitur

  • unumquodque bonum,
  • in quantum est perfectivum

secundum

  • rationem speciei
  • et esse simul,

habet

  • modum,
  • speciem
  • et ordinem.
  • Speciem quidem quantum ad ipsam rationem speciei;
  • modum quantum ad esse;
  • ordinem quantum ad ipsam habitudinem perfectivi.

 

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Thomas d'Aquin - DeVer.q22a4 - Il y a trois sortes d'inclinations : deux non libres, une qui fonde la liberté

En effet,

  • plus une nature est proche de Dieu,
  • plus la similitude de la dignité divine est trouvée expressive en elle.

Or il revient à la dignité divine de mouvoir, incliner et diriger toutes choses, Dieu lui-même n’étant mû, incliné ou dirigé par rien d’autre. Par conséquent,

  • plus quelque nature est voisine de Dieu,
  • moins elle est inclinée par autre chose,
  • et plus elle est de nature à s’incliner elle-même.

Ainsi, la nature insensible qui (...)

La nature sensitive, étant (...)

[En quoi la nature rationnelle peut-elle s'incliner elle-même]

Mais la nature rationnelle (qui est supérieurement voisine de Dieu),

  1. n’a pas seulement (non solum) l’inclination vers quelque chose,
    • comme les réalités inanimées,
  2. ni seulement le moteur de cette inclination qui lui est pour ainsi dire (quasi) déterminée d’ailleurs,
    • comme la nature sensible,
  3. mais outre cela elle a en son pouvoir l’inclination elle‑même,
    • de sorte qu’il n’est pas nécessaire pour elle d’être inclinée vers l’appétible appréhendé,
    • mais elle peut
      • être inclinée
      • ou non inclinée.

Et ainsi, cette inclination ne lui est pas déterminée

  • par autre chose,
  • mais par elle‑même.

Et cela lui convient parce qu’elle n’use pas d’un organe corporel ; et ainsi,

  • s’éloignant de la nature sujette à être mue, [natura (ablatif d'origine) ; mobilis (génitif) mobile, capable d'être mû ]
  • elle accède à la nature de moteur et d’agent.

Et qu’une chose se détermine à soi‑même une inclination vers la fin, ne peut se produire que si

  • elle connaît la fin
  • et la relation de la fin aux moyens :

ce qui est le propre de la raison seulement.

Voilà pourquoi un tel appétit, que nul autre ne détermine de nécessité, suit l’appréhension de la raison ;

d'où, l’appétit rationnel, que l’on appelle volonté, est une puissance autre que l’appétit sensitif.

(DeVer.q22a4)

 

  • Quanto enim aliqua natura est Deo propinquior,
  • tanto expressior in ea divinae dignitatis similitudo invenitur.

Hoc autem ad divinam dignitatem pertinet ut omnia moveat et inclinet et dirigat, ipse a nullo alio motus vel inclinatus aut directus. Unde,

  • quanto aliqua natura est Deo vicinior,
  • tanto minus ab alio inclinatur
  • et magis nata est seipsam inclinare.

Natura igitur insensibilis, (...)

Natura vero sensitiva ut (...)

[Natura rationalis]

Sed natura rationalis, quae est Deo vicinissima,

  1. non solum habet inclinationem in aliquid
    • sicut habent inanimata,
  2. nec solum movens hanc inclinationem quasi aliunde ei determinatam,
    • sicut natura sensibilis ;
  3. sed ultra hoc habet in potestate ipsam inclinationem,
    • ut non sit ei necessarium inclinari ad appetibile apprehensum,
    • sed possit
      • inclinari
      • vel non inclinari.

 

Et sic ipsa inclinatio non determinatur ei

  • ab alio,
  • sed a seipsa.

Et hoc quidem competit ei in quantum non utitur organo corporali : et sic

  • recedens a natura mobilis,
  • accedit ad naturam moventis et agentis.

Quod autem aliquid determinet sibi inclinationem in finem, non potest contingere nisi cognoscat

  • finem,
  • et habitudinem finis in ea quae sunt ad finem :

quod est tantum rationis.

Et ideo talis appetitus non determinatus ex aliquo alio de necessitate, sequitur apprehensionem rationis ; unde appetitus rationalis, qui voluntas dicitur, est alia potentia ab appetitu sensibili.

 

 


1. -- Liberté et inclination à l'égard de l'amour, voir II-II.q19a4.

2. -- Très important de bien faire attention aux termes "non seulement", "nécessaire" et "nécessité". Cela rend le fait que les trois niveaux d'inclination cohabitent. Nous sommes inclinés parce que nous sommes des objets physiques, parceque nous sommes des êtres sensibles (connaissance et appétit sensibles), mais au-delà (ultra) de ces deux niveaux nous accédons à une nature capable de se déterminer par elle-même et non plus par "un autre". Mais attention, cela ne signifie pas que nous édictons ex nihilo les règles selon lesquelles notre appétit va tendre vers telle ou telle chose : TH. dit bien que si nous accédons à ce niveau c'est en raison du fait que nous connaissons la fin et les moyens qui peuvent y mener ; alors nous pouvons agir par nous-mêmes grâce à cette connaissance. Rappelons que pour TH. on ne délibère pas à propos de la fin, on la découvre seulement. Il s'agit d'une adhésion libre et non d'une choix arbitrairede notre propre fin. C'est pourquoi TH. dit "un appétit que nul autre ne détermine de nécessité", c'est à dire qu'il y a une détermination mais elle n'est pas nécessaire, il faut y adhérer.

3. -- Il serait intéressant d'étudier si TH. n'est pas légèrement plus volontariste au début de sa carrière comme ici dans le DeVer.

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a1ad20 - Nous ne jugeons ni ne choisissons la fin ultime mais nous l'approuvons et la voulons

 

  • De même que nous ne jugeons pas des premiers principes en les examinant,
    • mais que nous y assentons (assentimus) naturellement et examinons toutes les autres choses d’après eux ;
  • ainsi, dans le domaine de l’appétit, nous ne jugeons pas de la fin ultime par un jugement de discussion ou d’examen,
    • mais nous l’approuvons naturellement (naturaliter approbamus),
    • et c’est pourquoi il n’y a pas sur elle élection, mais volonté.

(DeVer.q24a1ad20)

  • Sicut de primis principiis non iudicamus ea examinantes,
    • sed naturaliter ei assentimus, et secundum ea omnia alia examinamus;
  • ita et in appetibilibus, de fine ultimo non iudicamus iudicio discussionis vel examinationis,
    • sed naturaliter approbamus,
    • propter quod de eo non est electio, sed voluntas.

1. -- in appetibilibus : dans les choses possiblement objets de désir, c'est le domaine de l'agir, de l'action en relation à un bien que nous recherchons.

2. -- Nous ne décidons pas si nous voulons être heureux, nous constatons que nous le voulons naturellement.

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a6 - Toute la raison de l’appétibilité du moyen, en tant que tel, est la fin

Toute la raison de l’appétibilité du moyen, en tant que tel, est la fin.

D'où il est impossible que rechercher la fin relève d’une autre puissance que rechercher le moyen. Et cette différence entre

  • la fin,
    • qui est désirée (appetitur) dans l’absolu,
  • et le moyen,
    • qui est [désiré] dans l'ordre à autre [chose],

ne peut induire une distinction des puissances appétitives.

Car l’ordination de l’un à l’autre

  • n’est point par soi dans l’appétit,
  • mais par autre chose,

c’est‑à‑dire par la raison, à laquelle il appartient d’ordonner et de confronter ;

d'où elle ne peut être une différence spécifique constituant une espèce de l’appétit.

(DeVer.q24a6)

Tota autem ratio appetibilitatis eius quod est ad finem, in quantum huiusmodi, est finis. 

Unde non potest esse quod ad aliam potentiam pertineat appetere finem et id quod est ad finem. Nec haec differentia,

  • qua finis
    • appetitur absolute,
  • id autem quod est ad finem,
    • in ordine ad alterum,

potest appetitivarum potentiarum distinctionem inducere.

Nam ordinatio unius ad alterum inest appetitui

  • non per se,
  • sed per aliud,

scilicet per rationem, cuius est ordinare et conferre :

unde non potest esse differentia specifica constituens speciem appetitus.

 


 1.-- On ne désire un moyen que parcequ'on désire une fin. Il n'y a pas moyen de désirer un moyen pour lui-même, à moins d'entrer dans une erreur morale. Cela permettra ensuite à TH. de montrer que, puisqu'il traite des moyens, le libre arbitre est lié par eux à la fin. Or la fin est objet de la volonté, donc le libre arbitre est davantage du côté de la volonté. Lire la suite de l'article pour le raisonnement détaillé de TH.

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a9ad1 - La volonté parvient AUSSI à la fin lorsqu'elle la désire intensément, bien qu'elle ne la possède pas encore parfaitement

L'affect [volontaire] (affectus) parvient à la fin,

  • non seulement quand elle possède parfaitement la fin,
  • mais aussi, d’une certaine façon (quodammodo), quand elle la désire intensément (intense desiderat) ;

et par cette façon (hunc modum), d'une certaine manière (aliquo modo), quelqu'un (aliquis) peut être confirmé dans le bien en l’état de voie. 

(DeVer.q24a9ad1)

Affectus pervenit ad finem,

  • non solum quando finem perfecte possidet,
  • sed etiam quodammodo quando ipsum intense desiderat ;

et per hunc modum aliquo modo in statu viae aliquis potest confirmari in bono.

 


  1. La fin étant entendue ici comme fin spirituelle, il est réjouissant de pouvoir lui lier le mot intensément alors qu'il est de nos jours plus guère utilisé que dans le marketing pour qualifié le goût des aliments ou dans l'industrie des loisirs à propos des expériences qu'elle est sensée proposer. Ici, avec Thomas, l'intensité est d'abord dans le désir spirituel de la fin (en dernier lieu, la vision béatifique), désir si intense que les fruits sont déjà comme donnés par avance. Le terme "intensité" est un terme technique largement utilisé au Moyen-Âge.
  2. La dimension affective chez Thomas est à mettre en parallèle avec la dimension effective. Le moment "affect", c'est le moment passif de quelque chose qui touche une personne dans son appétit, qu'il soit sensible ou spirituel. Le moment "effectif" est le moment où la personne atteint réellement ce qui l'a touché. Voir union affective / union effective.
  3. Bien rapprocher le mot intensément du mot intention.
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Thomas d'Aquin - I-II.q85a4 - La ratio boni (La raison de bien) révélée à travers quatre biens

Contexte : nous nous intéressons à la ratio boni dont TH. se sert ici à propos du péché. Il va terminer en distinguant quatre sortes de bien et en montrant que chacun d'eux répond à ce qui caractérise n'importe quel bien, c'est à dire ce qui caractérise la ratio boni.

Comme cela a été dit dans la première partie,

  • (1) le mode, [cause matérielle et efficiente]
  • (2) l'espèce [cause formelle]
  • (3) et l'ordre [cause finale]

sont conséquents

  • à tout bien créé, en tant que tel,
  • et aussi à tout être (ens).

(2) Car

  • tout être
  • et tout bien

sont considérés par une certaine forme dont est tirée l'espèce.

(1) D'autre part, la forme de chaque chose (rei), de quelque qualité qu'elle soit,

  • ou substantielle
  • ou accidentelle,

est selon une certaine mesure (aliquam mesuram),

d'où est indiqué dans Metaph. VIII, que les formes des choses (rerum) sont comme les nombres. En sorte qu'une forme a un certain mode en relation à une mesure.

(3) Enfin, par sa forme, chaque chose est ordonnée à autre chose.

Sicut in primo dictum est,

  • modus,
  • species
  • et ordo

consequuntur

  • unumquodque bonum creatum inquantum huiusmodi,
  • et etiam unumquodque ens.

Omne enim

  • esse
  • et bonum

consideratur per aliquam formam, secundum quam sumitur species.

Forma autem uniuscuiusque rei, qualiscumque sit,

  • sive substantialis
  • sive accidentalis,

est secundum aliquam mensuram,

unde et in VIII Metaphys. dicitur quod formae rerum sunt sicut numeri. Et ex hoc habet modum quendam, qui mensuram respicit.

Ex forma vero sua unumquodque ordinatur ad aliud.

 Ainsi,

  • selon divers degrés de biens
  • sont divers degrés
    • de mode, 
    • d'espèce
    • et d'ordre.

[a. le bien substance]

Il y a donc un bien qui relève de la substance [trad. orig. : le fond (!!)] même de la nature, qui a son mode, espèce, ordre ;

  • celui-là n'est ni privé ni diminué par le péché.

[b. le bien inclination]

Il y a encore un certain bien, celui de l'inclination de la nature, et ce bien a aussi son mode, espèce, ordre,

  • et celui-là est diminué par le péché, comme nous l'avons dit, mais non totalement supprimé.

[c. le bien vertu]

Il y a encore un certain bien, celui de la vertu et de la grâce, qui a aussi son mode, son espèce et son ordre;

  • et celui-là est totalement supprimé par le péché mortel.

[d. le bien acte]

Il y a encore un certain bien qui est l'acte ordonné lui-même, qui a aussi son mode, son espèce, son ordre ;

  • et cette privation est essentiellement le péché lui-même.

[Conclusion]

De sorte qu'on voit de manière patente comment le péché

  • et est une privation de mode, d'espèce et d'ordre,
  • et prive ou diminue le mode, l'espèce et l'ordre [eux-mêmes].

 Sic igitur

  • secundum diversos gradus bonorum,
  • sunt diversi gradus
    • modi,
    • speciei
    • et ordinis.

[a.]

Est ergo quoddam bonum pertinens ad ipsam substantiam naturae, quod habet suum modum, speciem et ordinem,

  • et illud nec privatur nec diminuitur per peccatum.

[b.]

Est etiam quoddam bonum naturalis inclinationis, et hoc etiam habet suum modum, speciem et ordinem,

  • et hoc diminuitur per peccatum, ut dictum est, sed non totaliter tollitur.

[c.]

Est etiam quoddam bonum virtutis et gratiae, quod etiam habet suum modum, speciem et ordinem,

  • et hoc totaliter tollitur per peccatum mortale.

[d.]

Est etiam quoddam bonum quod est ipse actus ordinatus, quod etiam habet suum modum, speciem et ordinem,

  • et huius privatio est essentialiter ipsum peccatum.

[Conclusion]

Et sic patet qualiter peccatum

  • et est privatio modi, speciei et ordinis;
  • et privat vel diminuit modum, speciem et ordinem.

 1. -- Analogie avec la mesure : si une chose mesure tant, et si on modifie cette chose en gangeant ses mesures, alors elle n'est plus la même chose. Quelque chose qui est mesurée d'une certaine manière fait que cette chose est unique et ce qu'elle est. Voir la référence au numérique dans le Commentaire du De Trinitate de Boèce lorsqu'est traitée l'individuation qui se fait, chez TH., par la matière, avec donc l'aspect de la quantité.

2. -- Bien noter que TH. corrige l'ordre donné par Augustin : de mode, espèce, ordre, on passe a espèce, mode, ordre. 

3. -- Dans l'ordre de l'être, espèce, mode, ordre, donneront la substance, l'individu, l'acte ; ou encore l'être selon la forme, tel être concret, l'être en acte.

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Les quatre biens évoqués par TH. :

[a.] -- Le bien-substance n'est pas touché par le péché, un homme reste un homme qu'il soit pécheur ou non.

[b.] -- L'inclination naturelle n'est pas touchée en elle-même puisqu'elle dépend de ce qu'est une chose (le bien substance) mais elle peut être diminuée dans son exercice réel, comme recouverte.

[c.] -- La vertu morale est acquise, elle peut donc se perdre totalement. La grâce est donnée à la nature, elle peut donc se perdre également.

[d.] -- Le bien moral doit aller jusqu'à l'accomplissement, l'application concrète, d'un acte et celui-ci peut très bien ne pas l'être ou remplacé par un autre qui ne convient pas (et ce d'autant plus que la vertu et la grâce auront été perdues).

Dans ces différents biens, que sont le mode, l'espèce, l'ordre ?

[a.] -- Le mode du bien substance c'est l'existence concrète d'un être (ex. : tel homme, Jean, l'individu) ; l'espèce d'un bien-substance, c'est ce qu'il est (ex. : un homme) ; l'ordre d'un bien substance, c'est qu'il existe en acte.

[b.] -- Le mode de l'inclination naturelle c'est son existence concrète et unique dans tel être individué ; l'espèce, ce qu'est cette inclination (ex. : l'inclination de la volonté au bien) ; l'ordre, l'accomplissement de cette inclination (ex. : l'inclination en acte de la volonté au bien, l'ami qui veut le bien de son ami et qui agit pour que cela arrive).

[c.] -- Idem que b. mais pour ce qui est acquis, ajouté à la nature.

[d.] -- Tel acte ; ce qu'est cet acte ; jusqu'à quel point cet acte pousse jusqu'à sa perfection (ex. l'action héroïque ; cf. la différence entre une oeuvre accomplie par un artisan ordinaire et celle accomplie par un maître artisan).

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Thomas d'Aquin - I-II.q91a2 - °°° Loi naturelle et appétit naturel

En nous, toute opération de la raison et de la volonté dérivent de ce qui est selon notre nature, comme cela a été dit plus haut ;

  • toute acte de raisonnement dérive des principes connus naturellement,
  • et tout appétit portant sur les moyens qui sont en vue d'une fin, dérive de l’appétit naturel pour cette fin ultime.

Ainsi il est nécessaire que l’orientation première de nos actes vers la fin se fasse par la loi naturelle.

(I-II.q90a2ad2)

Omnis operatio, rationis et voluntatis derivatur in nobis ab eo quod est secundum naturam, ut supra habitum est, nam

  • omnis ratiocinatio derivatur a principiis naturaliter notis,
  • et omnis appetitus eorum quae sunt ad finem, derivatur a naturali appetitu ultimi finis.

Et sic etiam oportet quod prima directio actuum nostrorum ad finem, fiat per legem naturalem.

 


 

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Thomas d'Aquin - I.q62a9 - L'in-fini répugne à l'intention, l'intention est à l'égard de la fin

Dans chaque mouvement, l'intention du moteur est de porter dans quelque chose de déterminé, vers quoi il a l'intention de conduire (per-ducere) le mobile. En effet, l'intention est de la fin [= tient son être de la fin - ablatif d'origine], et l'indéfini (infinitum) lui répugne.

Somme, I.q62a9)

In unoquoque motu motoris intentio fertur in aliquid determinatum, ad quod mobile perducere intendit : intentio enim est de fine, cui repugnat infinitum.

 


1. -- Où l'on voit que la fin n'est pas un mot pris au hasard. La fin c'est ce qui est fini, c'est à dire précisément ce qui manque à ce qui est mis en mouvement. Il y a mouvement parce qu'on vise quelque chose qui manque, et ce qui est visée est cet état dans lequel n'existe pas ce manque, quelque chose à quoi il ne manque rien dans son ordre. Donc, intéressant de voir que ce qui est mis en mouvement n'est pas motivé par quelque chose qui serait lui-même en manque mais bien par quelque chose qui est en quelque sorte fini, qui possède quelque chose qui manque à celui qui est mis en mouvement. Le vide ne va pas vers le vide. La puissance ne va pas vers la puissance.

2. -- Infinitum : il faudrait traduire in-fini, non dans le sens infini mais dans le sens de ce qui n'est pas fini, terminé, de ce qui est en défaut de quelque chose.

3. -- "l'intention est de la fin", expression similaire fréquemment utilisée par Thomas à propos du libre arbitre : "l'homme est de libre arbitre (est liberi arbitrii)".

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Thomas d'Aquin - I.q62a9ad1 - Au terme, plus de mouvement, le changement est accompli, la fin atteinte - Ainsi la différence entre la charité d'ici-bas et la charité parfaite

 

On a laissé le texte entier de cette réponse au 3ème argument, et donc aussi son aspect théologique (le mérite, l'ange, l'état de voyageur, la charité). 

Deux choses à notre ici : le préambule général sur le progrès, et son application à propos de la charité.

[On se demande] si les anges bienheureux dans la béatitude peuvent progresser ?  Utrum angeli beati in beatitudine proficere possint

[Préambule]

Le mérite est à l'égard de celui qui est mû vers la fin. Or la créature rationnelle est mûe vers la fin, 

  • non seulement en [recevant] passivement, 
  • mais aussi en opérant [activement]. 
  • Et si une certaine fin est sous la puissance (virtuti)de la créature rationnelle,
    • cette opération est dîte acquisition de cette fin ;
    • comme l'homme en méditant acquiert la science [la science est le fruit du raisonnement],
  • mais si la fin n'est pas en son pouvoir (potestate),
    • mais reçue par un autre,
      • l'opération sera méritoire de la fin

De plus, à ce qui est [parvenu] au terme ultime (ultimo termino), ne convient plus de mouvoir, mais le changement est [= est accompli].

[Progrès dans la charité et charité parfaite]

D'où

  • la charité imparfaite, qui est celle de la voie, c'est mériter,
  • tandis que la charité parfaite n'est pas mériter, mais est dans le pouvoir fruir de la récompense [= mais cueille le fruit de la récompense].

Et comme dans les habitus acquis, l'opération qui précède l'habitus est acquisition de l'habitus, mais [l'opération] qui est issu d'un habitus déjà acquis, est une opération déjà parfaite [la] déléctation [qui l'accompagne].

Et de manière similaire l'acte de la charité parfaite n'a pas la raison de mérite mais relève plutôt de la perfection de la récompense.

(Somme, I.q62a9ad1)

Mereri est eius quod movetur ad finem. Movetur autem ad finem creatura rationalis,

  • non solum patiendo,
  • sed etiam operando.

Et si quidem finis ille subsit virtuti rationalis creaturae, operatio illa dicetur acquisitiva illius finis, sicut homo meditando acquirit scientiam,

si vero finis non sit in potestate eius, sed ab alio expectetur, operatio erit meritoria finis.

Ei autem quod est in ultimo termino, non convenit moveri, sed mutatum esse.

Unde

  • caritatis imperfectae, quae est viae, est mereri,
  • caritatis autem perfectae non est mereri, sed potius praemio frui.

Sicut et in habitibus acquisitis, operatio praecedens habitum est acquisitiva habitus, quae vero est ex habitu iam acquisito, est operatio iam perfecta cum delectatione.

Et similiter actus caritatis perfectae non habet rationem meriti, sed magis est de perfectione praemii.

N.B. : Traduction un peu difficile par endroit, sans doute très perfectible, la dernière phrase par ex.

1. -- Noter que le vocabulaire propre au domaine passionnel et le vocabulaire propre au domaine spirituel sont quelque fois utilisés l'un pour l'autre par Thomas. délectation désigne proprement le plaisir sensible mais est ici utilisé pour désigner la joie, plaisir spirituel.

 

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Thomas d'Aquin - I.q82a1 - EN COURS - Quelque chose de nécessaire peut être voulu ou comme moyen relatif à une fin ou selon sa propre nature

  • nécessité de la fin vs nécessité de contrainte, vs nécessité naturelle

La nécessité de la fin ne répugne pas à la volonté quand on ne peut parvenir à la fin sinon d'une seule manière ; par exemple si on a la volonté de traverser la mer, il est nécessaire pour la volonté qu’elle veuille le bateau.

Pareillement la nécessité naturelle ne répugne pas à la volonté. Bien au contraire, il doit en être ainsi :

  • de même que l’intellect adhère1(inhaereat) par nécessité aux premiers principes,
  • ainsi la volonté adhère (inhaereat) par nécessité à la fin dernière, qu’est la béatitude.
  • De fait, la fin est dans le domaine des actions (operativis)
  • comme le principe dans le domaine des [actes] spéculatifs,

comme il est  dit le en Physique, II.

Il faut donc que ce qui convient naturellement et immuablement (immobiliter) à quelque chose, soit fondement et principe de tous les autres, parce que

  • la nature de la chose (rei) est première en chacune de [ces choses],
  • et tout mouvement procède à partir d'un principe immobile.

(Somme, I.q82a1)

Necessitas autem finis non repugnat voluntati, quando ad finem non potest perveniri nisi uno modo, sicut ex voluntate transeundi mare, fit necessitas in voluntate ut velit navem.

Similiter etiam nec necessitas naturalis repugnat voluntati. Quinimmo necesse est quod,

  • sicut intellectus ex necessitate inhaeret primis principiis,
  • ita voluntas ex necessitate inhaereat ultimo fini, qui est beatitudo ;
  • finis enim se habet in operativis
  • sicut principium in speculativis,

ut dicitur in II Physic.

Oportet enim quod illud quod naturaliter alicui convenit et immobiliter, sit fundamentum et principium omnium aliorum, quia

  • natura rei est primum in unoquoque,
  • et omnis motus procedit ab aliquo immobili.

 

QUESTION ENTIERE

"Nécessité" se dit de plusieurs manière. Le nécessaire est "ce qui ne peut pas ne pas être".

  1. D'une première manière, cela peut convenir à quelque chose à partir d’un principe intrinsèque ;
    • soit d’un principe matériel, comme lorsque l’on dit que tout composé de contraires doit nécessairement se corrompre ;
    • soit d’un principe formel, comme lorsque l’on dit nécessaire que les trois angles d’un triangle soient égaux à deux droits. Et cela est la nécessité naturelle et absolue.
  2. Il peut ensuite convenir à un être de ne pouvoir pas ne pas être en raison d’un principe extrinsèque, cause finale ou efficiente.
    • (a) [Du côté de la nécessité à partir de] la fin, cela arrive quand un être ne peut atteindre sa fin, ou l’atteindre convenablement sans ce principe ; par exemple, la nourriture est nécessaire à la vie, le cheval au voyage. Cela s’appelle nécessité de la fin, ou parfois encore l’utilité.
    • (b)Tandis que [du côté de la nécessité] à partir de l'agent, la nécessité se rencontre quand un être se trouve contraint par un agent de telle sorte qu’il ne puisse pas faire le contraire. C’est la nécessité de contrainte.
    • (b) Cette dernière nécessité répugne tout à fait à la volonté. Car nous appelons violent ce qui est contraire à l’inclination naturelle d’une chose (rei). Or, le mouvement volontaire est une certaine inclination vers quelque chose (aliquid). Par suite, comme on appelle naturel ce qui est conforme à l’inclination de la nature, ainsi appelle-t-on volontaire ce qui est conforme à l’inclination de la volonté. Or, il est impossible qu’un acte soit à la fois violent et naturel ; il est donc également impossible qu’un acte soit absolument contraint ou violent, et en même temps volontaire.
    • (a) Mais la nécessité venue de la fin ne répugne pas à la volonté, lorsqu’elle ne peut atteindre cette fin que par un seul moyen ; ainsi lorsqu’on a la volonté de traverser la mer, il est nécessaire à la volonté qu’elle veuille prendre le bateau.
      • De même pour la nécessité de nature. Il faut même dire qu’il doit en être ainsi ; de même que l’intelligence adhère nécessairement aux premiers principes, de même la volonté adhère nécessairement à la fin dernière, qui est le bonheur. Car la fin a le même rôle dans l’ordre pratique que le principe dans l’ordre spéculatifs. Il faut en effet que ce qui convient naturellement et immuablement à quelque chose soit le fondement et le principe de tout ce qui en dérive ; car la nature est le premier principe en tout être, et tout mouvement procède de quelque chose d’immuable.

Necessitas dicitur multipliciter. Necesse est enim quod non potest non esse.

  1. Quod quidem convenit alicui, uno modo ex principio intrinseco,
    • sive materiali, sicut cum dicimus quod omne compositum ex contrariis necesse est corrumpi;
    • sive formali, sicut cum dicimus quod necesse est triangulum habere tres angulos aequales duobus rectis. Et haec est necessitas naturalis et absoluta.
  2. Alio modo convenit alicui quod non possit non esse, ex aliquo extrinseco, vel fine vel agente.
    • Fine quidem, sicut cum aliquis non potest sine hoc consequi, aut bene consequi finem aliquem, ut cibus dicitur necessarius ad vitam, et equus ad iter. Et haec vocatur necessitas finis; quae interdum etiam utilitas dicitur.
    • Ex agente autem hoc alicui convenit, sicut cum aliquis cogitur ab aliquo agente, ita quod non possit contrarium agere. Et haec vocatur necessitas coactionis.
    • Haec igitur coactionis necessitas omnino repugnat voluntati. Nam hoc dicimus esse violentum, quod est contra inclinationem rei. Ipse autem motus voluntatis est inclinatio quaedam in aliquid. Et ideo sicut dicitur aliquid naturale quia est secundum inclinationem naturae, ita dicitur aliquid voluntarium quia est secundum inclinationem voluntatis. Sicut ergo impossibile est quod aliquid simul sit violentum et naturale; ita impossibile est quod aliquid simpliciter sit coactum sive violentum, et voluntarium.
    • Necessitas autem finis non repugnat voluntati, quando ad finem non potest perveniri nisi uno modo, sicut ex voluntate transeundi mare, fit necessitas in voluntate ut velit navem.
      • Similiter etiam nec necessitas naturalis repugnat voluntati. Quinimmo necesse est quod, sicut intellectus ex necessitate inhaeret primis principiis, ita voluntas ex necessitate inhaereat ultimo fini, qui est beatitudo, finis enim se habet in operativis sicut principium in speculativis, ut dicitur in II Physic. Oportet enim quod illud quod naturaliter alicui convenit et immobiliter, sit fundamentum et principium omnium aliorum, quia natura rei est primum in unoquoque, et omnis motus procedit ab aliquo immobili.

1. inhaereat : adhère de manière inhérente. Thomas aurait-il pu utiliser le verbe adhærĕō, adhérer, se tenir attaché... ??

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a15 - La prudence n'est pas naturelle bien qu'elle s'appuie sur des principes connus naturellement

  • D'où la nécessité de "travailler" pour acquérir la prudence

[Rappel]

Comme il ressort de ce qu'on a avancé plus haut, la prudence inclut la connaissance

  • et des [principes] universels
  • et des opérables singuliers des circonstances singulières relatives à l'action,

l'homme prudent appliquant à celles-ci les principes universels.

A.

Sicut ex praemissis patet, prudentia includit cognitionem

  • et universalium
  • et singularium operabilium,

ad quae prudens universalia principia applicat.

 

[Du côté de la connaissance universelle : premiers principes et principes seconds]

Quant à la connaissance universelle donc, on a le même rapport

  • pour la prudence
  • et pour la science spéculative.

Parce que l'une et l'autre connaissent naturellement les premiers principes universels, selon ce qu'on a dit plus haut ;

(avec cette différence que les principes communs de la prudence sont plus connaturels à l'homme ; comme dit en effet le Philosophe : "La vie spéculative est au-dessus de la nature de l'homme"). 

Mais les principes universels postérieurs,

  • soit de la raison spéculative
  • soit de la raison pratique,
  • on ne les possède pas par nature 
  • mais on les découvre
    • par l'expérience,
    • ou par l'enseignement. 

 B.

Quantum igitur ad universalem cognitionem, eadem ratio est

  • de prudentia
  • et de scientia speculativa.

Quia utriusque prima principia universalia sunt naturaliter nota, ut ex supradictis patet,

nisi quod principia communia prudentiae sunt magis connaturalia homini; ut enim philosophus dicit, in X Ethic., vita quae est secundum speculationem est melior quam quae est secundum hominem.

Sed alia principia universalia posteriora,

  • sive sint rationis speculativae
  • sive practicae,
  • non habentur per naturam,
  • sed per inventionem secundum viam
    • experimenti,
    • vel per disciplinam.

 

[Du côté de la connaissance particulière]

Quant à la connaissance particulière de ce qui concerne l'opération, il faut de nouveau distinguer. Parce que l'opération a rapport

  • ou à la fin
  • ou à ce qui est en vue de la fin.

[Les fins]

Or les fins droites de la vie humaine sont déterminées. Il peut donc y avoir inclination naturelle à l'égard de ces fins ; ainsi a-t-on dit précédemment que certains, par disposition naturelle, possèdent certaines vertus les inclinant vers des fins droites, et donc possèdent par nature aussi un jugement droit relatif à ces fins.

[Les moyens]

Mais les choses qui sont en vue de la fin [= les moyens], dans le domaine des choses humaines, ne sont pas déterminées ; elles sont sujettes à toute sorte de variations selon

  • la diversité des personnes
  • et des affaires (negotiorum).

[Conclusion]

Aussi, parce que l'inclination de la nature se porte toujours vers du déterminé, une telle connaissance ne peut être innée (inesse) par nature chez l'homme ;

(toutefois, l'un peut être naturellement plus apte que l'autre à discerner ce genre d'actions, comme il arrive aussi pour les conclusions des sciences spéculatives).

Parce que la prudence n'a pas pour objet les fins mais les choses qui sont en vue de la fin [= les moyens], comme on l'a établi plus haut, elle n'est pas naturelle à l'homme.

 C.

Quantum autem ad particularem cognitionem eorum circa quae operatio consistit est iterum distinguendum. Quia operatio consistit circa aliquid

  • vel sicut circa finem;
  • vel sicut circa ea quae sunt ad finem.

[Les fins]

Fines autem recti humanae vitae sunt determinati. Et ideo potest esse naturalis inclinatio respectu horum finium, sicut supra dictum est quod quidam habent ex naturali dispositione quasdam virtutes quibus inclinantur ad rectos fines, et per consequens etiam habent naturaliter rectum iudicium de huiusmodi finibus.

[Les ]

Sed ea quae sunt ad finem in rebus humanis non sunt determinata, sed multipliciter diversificantur secundum

  • diversitatem personarum
  • et negotiorum.

D.

Unde quia inclinatio naturae semper est ad aliquid determinatum, talis cognitio non potest homini inesse naturaliter,

licet ex naturali dispositione unus sit aptior ad huiusmodi discernenda quam alius; sicut etiam accidit circa conclusiones speculativarum scientiarum.

Quia igitur prudentia non est circa fines, sed circa ea quae sunt ad finem, ut supra habitum est; ideo prudentia non est naturalis.


1. -- eadem ratio est : voir si l'on peut dire que l'expression indique un rapport analogique, a priori oui. La prudence est à l'égard des premiers principes du domaine pratique, ce que la science spéculative est aux premiers principes spéculatifs.

2. -- Bien noter cette particularité de la prudence : elle inclut connaissance de l'universel et connaissance du particulier... A creuser.

 

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a1ad3 - En éthique, ne pas passer à la mise en oeuvre concrète est ce qu'il y a de pire, car on manque la fin

  • Où Thomas montre qu'il est tout sauf un intellectualiste de salon, c'est un homme fermement enraciné dans la réalité pratique de la vie

Ce passage est éblouissant de réalisme.

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Une prudence digne d'éloge ne consiste pas

  • dans la simple considération, 
  • mais dans l'application à l'oeuvre, ce qui est la fin de la raison pratique.

Et c'est pourquoi si en cela il y a défaut, c'est au plus haut point contraire à la prudence, 

parce que,

  • de même que la fin est ce qu'il y a de plus puissant (potissimus) dans quel que domaine que ce soit,
  • ainsi le défaut qui concerne la fin est le pire.

D'où la remarque complémentaire du Philosophe au même endroit, selon laquelle la prudence "n'est pas seulement avec la raison", comme [dans] l'art ; elle comporte en effet, comme on l'a dit, l'application à l'oeuvre, ce qui se fait par la volonté.

(Somme, II-II.q47a1ad3)

Laus prudentiae non consistit

  • in sola consideratione,
  • sed in applicatione ad opus, quod est finis practicae rationis.

Et ideo si in hoc defectus accidat, maxime est contrarium prudentiae, quia

  • sicut finis est potissimus in unoquoque,
  • ita et defectus qui est circa finem est pessimus.

Unde ibidem philosophus subdit quod prudentia non est solum cum ratione, sicut ars, habet enim, ut dictum est, applicationem ad opus, quod fit per voluntatem.

 -----

 1. Limpide. La recherche du bonheur ne peut être simplement théorique, elle passe par la mise en oeuvre pratique. Sans quoi l'erreur serait ici maximale.

2. Bien noter la référence à l'art, domaine loin d'être étranger à la réflexion de TH.

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a8 - Le commandement est le plus grand de trois actes de la raison dans la prudence

  • L'agir n'est plus l'agir s'il n'y a pas passage dans le concret par lequel on touche à la fin

La prudence est la droite règle dans le domaine de l'agir, on l'a dit plus haut.

D'où il faut que l'acte principal de la prudence soit l'acte principal de la raison préposée à l'action. Celle-ci émet trois actes.

  1. Le premier est le conseil : il se rattache à l'invention (inventionem)[= découvrir], car délibérer c'est chercher, comme il a été établi antérieurement.
  2. Le deuxième acte est le jugement à propos de ce qu'on a trouvé (inventis), ce que fait la raison spéculative.
  3. Mais la raison pratique,
      • qui est ordonnée à l'oeuvre,
      • va plus loin
    • et son troisième acte est de commander, 
      • cet acte-là consiste dans l'application à l'oeuvre de ce qui résulte
        • du conseil
        • et du jugement.

Et parce que cet acte est plus proche de la fin de la raison pratique, il est l'acte principal de la raison pratique et par conséquent de la prudence. Et le signe en est que (...)

Prudentia est recta ratio agibilium, ut supra dictum est.

Unde oportet quod ille sit praecipuus actus prudentiae qui est praecipuus actus rationis agibilium. Cuius quidem sunt tres actus.

  1. Quorum primus est consiliari, quod pertinet ad inventionem, nam consiliari est quaerere, ut supra habitum est.
  2. Secundus actus est iudicare de inventis, et hic sistit speculativa ratio.
  3. Sed practica ratio,
      • quae ordinatur ad opus,
      • procedit ulterius
    • et est tertius actus eius praecipere,
      • qui quidem actus consistit in applicatione
        • consiliatorum
        • et iudicatorum ad operandum.

Et quia iste actus est propinquior fini rationis practicae, inde est quod iste est principalis actus rationis practicae, et per consequens prudentiae.  Et huius signum est quod  (...)


1.

  • par le conseil, on cherche en délibérant
  • on juge du résultat de la phase de conseil
  • on commande l'application concrète des moyens découverts et retenus (jugés bons)

 

 

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Thomas d'Aquin - L'aptitude à connaître la fin fait l'action volontaire - I-II.q6a1

  • Volontaire et inclination propre ne sont pas contradictoires

Trouve-t-on du volontaire dans les actes humains ?

Il faut qu'il y ait du volontaire dans les actes humains.

Pour amener cela à l'évidence, il faut considérer que

  • le principe de certains actes est dans l'agent ou dans ce qui est mû.
  • Et il y a des mouvements et des actes dont le principe est extérieur.

En effet, 

  • si une pierre se meut vers le haut, le principe de ce mouvement est à l'extérieur de la pierre,
  • si au contraire elle se meut vers le bas, le principe de ce mouvement est à l'intérieur de la pierre elle-même. 

Parmi ces choses qui sont mûes par un principe intrinsèque,

  • certains se meuvent eux-mêmes,
  • certains non.

En effet, tout ce qui agit ou est mû agit ou est mû en raison d'une fin, comme on l'a établi précédemment ; seront donc mus de manière parfaite, par un principe intrinsèque, les êtres où l'on trouve un principe intrinsèque tel que,

  • non seulement ils soient mus,
  • mais qu'ils soient mus vers une fin.

Or, pour que quelque chose se fasse en vue d'une fin (propter finem),il faut qu'il y ait une certaine connaissance de la fin (cognitio finis aliqualis).

  • Donc tout ce qui agit ou est mû de l'intérieur, en ayant connaissance de la fin (notitiam finis), possède en soi le principe de son acte,
    • non seulement pour agir,
    • mais pour agir en vue d'une fin (propter finem).
  • Mais ce qui n'a aucune connaissance de la fin (notitiam finis), eût-il en soi le principe de son acte ou de son mouvement, n'a pas en soi le principe d'agir ou d'être mû en vue d'une fin (propter finem), mais ce principe est dans un autre qui l'imprime (imprimitur) en lui. Aussi ne dit-on pas que de tels êtres se meuvent eux-mêmes, mais qu'ils sont mus par d'autres.

En revanche, ceux qui ont la connaissance de la fin (notitiam finis) sont dits se mouvoir eux-mêmes, précisément parce qu'ils ont en eux,

  • non seulement de quoi agir,
  • mais de quoi agir en vue d'une fin.

Ainsi, parce que l'une et l'autre [de ces conditions] viennent d'un principe intrinsèque

  • qu'ils agissent,
  • et qu'ils agissent pour une fin,

les actes et les mouvements de ces êtres sont dits volontaires, c'est ce qu'en effet implique cette appellation de "volontaires", que le mouvement et l'action proviennent de sa propre inclination.

C'est pourquoi, dans la définition d'Aristote, de S. Grégoire de Nysse et de S. Jean Damascène on appelle volontaire, non seulement "ce qui procède d'un principe intérieur", mais en y ajoutant "de science". Aussi, puisque l'homme excelle à connaître la fin de son oeuvre et à se mouvoir lui-même, c'est dans ses actes que l'on trouve le plus haut degré de volontaire.

(Somme. I-II.q6a1)

Utrum in humanis actibus inveniatur voluntarium

Oportet in actibus humanis voluntarium esse.

Ad cuius evidentiam, considerandum est quod

  • quorundam actuum seu motuum principium est in agente, seu in eo quod movetur; 
  • quorundam autem motuum vel actuum principium est extra.
  • Cum enim lapis movetur sursum, principium huius motionis est extra lapidem,
  • sed cum movetur deorsum, principium huius motionis est in ipso lapide.

Eorum autem quae a principio intrinseco moventur,

  • quaedam movent seipsa,
  • quaedam autem non.

Cum enim omne agens seu motum agat seu moveatur propter finem, ut supra habitum est; illa perfecte moventur a principio intrinseco, in quibus est aliquod intrinsecum principium

  • non solum ut moveantur,
  • sed ut moveantur in finem.

Ad hoc autem quod fiat aliquid propter finem, requiritur cognitio finis aliqualis.

  • Quodcumque igitur sic agit vel movetur a principio intrinseco, quod habet aliquam notitiam finis, habet in seipso principium sui actus
    • non solum ut agat,
    • sed etiam ut agat propter finem.
  • Quod autem nullam notitiam finis habet, etsi in eo sit principium actionis vel motus; non tamen eius quod est agere vel moveri propter finem est principium in ipso, sed in alio, a quo ei imprimitur principium suae motionis in finem. Unde huiusmodi non dicuntur movere seipsa, sed ab aliis moveri.

Quae vero habent notitiam finis dicuntur seipsa movere, quia in eis est principium

  • non solum ut agant,
  • sed etiam ut agant propter finem.

Et ideo, cum utrumque sit ab intrinseco principio, scilicet

  • quod agunt,
  • et quod propter finem agunt,

horum motus et actus dicuntur voluntarii, hoc enim importat nomen voluntarii, quod motus et actus sit a propria inclinatione.

Et inde est quod voluntarium dicitur esse, secundum definitionem Aristotelis et Gregorii Nysseni et Damasceni, non solum cuius principium est intra, sed cum additione scientiae. Unde, cum homo maxime cognoscat finem sui operis et moveat seipsum, in eius actibus maxime voluntarium invenitur.

----- 

1. Bien noter que comme la passion désir, la volonté relève d'une inclination, la différence spécifique résidant dans le fait qu'on connaît ce pour quoi on agit et non en premier lieu parce que la volonté serait libre. On agit volontairement parce qu'on connaît ce pour quoi on agit. La question de la liberté et du libre arbitre est une autre question. Nous sommes dans la continuité de ce qui a été dit à propos du bonheur humain, l'homme n'est pas libre de vouloir être heureux. Ici on cherche simplement à savoir ce qu'est le volontaire et s'il se trouve dans l'homme.

2. Le fait de se mouvoir par soi-même est une action.

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Thomas d'Aquin - Les actions humaines sont celles qui sont posées par une volonté délibérée à cause d'une fin - I-II.q1a1

  • ... les autres sont seulement des actions de l'homme

Convient-il à l’homme d'agir à cause d'une fin ?

Des actions posées par l'homme, celles-là seules sont proprement dites "humaines" celles qui sont propres à l'homme en tant qu'homme.

Et l'homme diffère des autres créatures, [celles qui sont] irrationnelles, en cela qu'il est seigneur (dominus) de ses actes. D'où il suit que sont appelées proprement humaines les seules actions dont l'homme est seigneur (dominus).

C'est cependant par sa raison et sa volonté que l'homme est le seigneur de ses actes, d'où il suit que le libre arbitre est dit "une faculté de la volonté et de la raison".

  • Sont donc dites proprement humaines ces actions qui procèdent d'une volonté délibérée.
  • S'il est cependant d'autres actions qui conviennent à l'homme, elles peuvent être seulement dites (dici quidem) des actions de l'homme, mais non pas des actions  proprement humaines, puisqu'elles ne sont pas de l'homme en tant qu'il est homme.

Or, il est manifeste que toute action qui procéde d'une puissance quelconque est causée selon la raison (rationem) de son objet [= la nature de son objet]. Or l'objet de la volonté c'est la fin et le bien.

Il est donc nécessaire que toutes les actions humaines soient à cause d'une fin.

(Somme. I-II.q1a1)

Utrum hominis sit agere propter finem ?

Actionum quae ab homine aguntur, illae solae proprie dicuntur humanae, quae sunt propriae hominis inquantum est homo.

Differt autem homo ab aliis irrationalibus creaturis in hoc, quod est suorum actuum dominus. Unde illae solae actiones vocantur proprie humanae, quarum homo est dominus.

Est autem homo dominus suorum actuum per rationem et voluntatem, unde et liberum arbitrium esse dicitur facultas voluntatis et rationis.

  • Illae ergo actiones proprie humanae dicuntur, quae ex voluntate deliberata procedunt.
  • Si quae autem aliae actiones homini conveniant, possunt dici quidem hominis actiones; sed non proprie humanae, cum non sint hominis inquantum est homo.

Manifestum est autem quod omnes actiones quae procedunt ab aliqua potentia, causantur ab ea secundum rationem sui obiecti. Obiectum autem voluntatis est finis et bonum.

Unde oportet quod omnes actiones humanae propter finem sint.

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1. Dominus : il serait plus aisé pour la compréhension de traduire "maître", mais le mot seigneur a plus d'ampleur et invite moins à une compréhension stoïcienne de "maîtrise de soi". Le seigneur respecte ce sur quoi il a autorité (voir l'expression "être grand seigneur").

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