Thomas d'Aquin - DeVer.q15a1ad4 - EN COURS - L'intellect n'a pas toujours besoin de la raison pour juger
------------------------.
(DeVer.q15a1ad4) |
--------------------------
|
- Dernière mise à jour le .
------------------------.
(DeVer.q15a1ad4) |
--------------------------
|
(DeVer.q16a2ad15) |
|
Et cela ressort clairement,
voilà pourquoi il n’est pas seulement la cause de soi‑même
et c’est pourquoi il est [doué] de libre arbitre, on peut quasiment dire de libre jugement pour agir ou ne pas agir. (DeVer.q24a1) |
Quod quidem patet
et ideo non est solum causa sui ipsius
et ideo est liberi arbitrii, ac si [Gaffiot : quasi] diceretur liberi iudicii de agendo vel non agendo. |
-----
1.
2. -- "[Les bêtes] ne sont pas la cause de leur arbitre, et n’ont pas la liberté de l’arbitre" : très intéressant, cela montre que les bêtes ont bien un arbitre, c'est à dire une capacité de juger, mais cet arbitrage n'est pas libre, leur jugement est naturel.
3. -- "L’homme jugeant par la puissance de la raison sur les choses à faire, peut juger depuis son arbitre, en tant qu’il connaît la raison de la fin et du moyen, ainsi que la relation et l’ordre entre l’un et l’autre": la "raison" est la saisie dans telle chose puis dans telle autre, etc., d'un élément commun qui lui permet d'abstraire ; on découvre ainsi ce qu'est une fin en général et on peut ensuite juger à propos de certaines choses qu'elles sont des fins. Même chose pour la ratio de moyen. A PRECISER : La ratio fait appel à l'analogie et à l'abstraction.
L'homme n'est pas dit libre de ses actions, mais libre de son élection, qui est juge des choses à faire dans le domaine de l'action. Et le nom même "libre arbitre" le montre. (DeVer.q24a1ad1) |
Homo non dicitur esse liber suarum actionum, sed liber suae electionis, quae est judicum de agendis. Et hoc ipsum nomen liberi arbitrii demonstrat.
|
A précisément parler, l'homme n'est pas libre de ses actions, mais du choix qui prélude à ses actions. Ce qui implique de penser qu'il n'y a pas d'acte humain sans choix.
Voir aussi DeVer.q24a2ad3
Le jugement auquel la liberté est attribuée,
car l’élection est elle‑même comme une certaine science de ce qui est déjà passé par le conseil (praeconsiliatis). (DeVer.q24a1ad17) |
Iudicium cui attribuitur libertas,
nam ipsa electio est quasi quaedam scientia de praeconsiliatis.
|
L'élection est le terme du conseil, comme la conclusion est le terme du raisonnement. A ce stade il n'y a pas de mouvement mais un repos.
(DeVer.q24a1ad20) |
|
1. -- in appetibilibus : dans les choses possiblement objets de désir, c'est le domaine de l'agir, de l'action en relation à un bien que nous recherchons.
2. -- Nous ne décidons pas si nous voulons être heureux, nous constatons que nous le voulons naturellement.
Puisque l’élection est un certain jugement
de cela, qui tombe sous notre jugement, il peut y avoir élection. [sous-entendu : et pas du reste] (DeVer.q24a1ad20) |
Cum electio sit quoddam iudicium
de hoc potest esse electio quod sub iudicio nostro cadit.
|
En effet, lorsque nous disons que l’homme est [doué] de libre arbitre,
(DeVer.q24a4) |
Cum enim dicimus esse hominem liberi arbitrii,
|
1. -- Le langage courant montre que nous préférons regarder le libre arbitre comme un pouvoir (donc comme une puissance en général) plutôt que comme cet acte de libre arbitre et cet autre acte de libre arbitre. Pour être libre, il faut "pratiquer" la liberté, c'est à dire poser concrètement tels actes de libre arbitre, c'est à dire tels actes de choix (desquels découlent telles actions). Pas de liberté seulement en puissance.
Passage dans lequel les mots
sont à distinués.
[L’acte de juger simple ne nécessite pas d'habitus] Juger,
[L’acte de juger librement ne change rien]
Car une chose est dîte se faire librement (libere) lorsqu’elle est au pouvoir (potestate) de celui qui fait. Or, qu’une chose soit en notre pouvoir, cela est en nous
Voilà pourquoi l’expression de libre arbitre ne désigne pas un habitus, mais
En effet, l’acte d’élection est produit ainsi, c’est‑à‑dire de l’une d’elles en relation (ordinem) à l’autre (...). De ce qui précède ressort aussi le motif pour lequel certains ont prétendu que le libre arbitre était un habitus. En effet, certains ont affirmé cela à cause de ce qui est ajouté par le libre arbitre à la volonté et à la raison, c’est‑à‑dire la relation (ordinem) de l’une à l’autre. Mais cela... (DeVer.q24a4) |
[ ] Iudicare,
[ ]
Nam secundum hoc aliquid libere fieri dicitur quod est in potestate facientis. Esse autem aliquid in potestate nostra inest nobis
Et ideo liberum arbitrium habitum non nominat, sed
Sic enim actus electionis progreditur, ab una scilicet earum per ordinem ad aliam (...). Patet etiam ex dictis, unde quidam moti sunt ad ponendum liberum arbitrium esse habitum. Quidam enim hoc posuerunt propter id quod superaddit liberum arbitrium super voluntatem et rationem, scilicet ordinem unius ad alteram. Sed hoc...
|
1. -- Bien comprendre cette ordre entre volonté et raison...
2. --
Connaître immatériellement convient à l’intelligence par la nature même de cette puissance. Ainsi, le mode impliqué en cela que je dis « juger librement » (libere iudicare),
(DeVer.q24a4ad4) |
Cognoscere immaterialiter convenit intellectui ex ipsa natura potentiae. Modus igitur importatus in hoc quod dico libere iudicare,
|
Voir passage équivalent dans la Somme
Lorsque [les passions de l'âme] suivent la volonté, elles ne diminuent pas
car
Mais elles ajoutent plutôt à la bonté de l’acte, à deux points de vue. |
Secundum vero quod consequuntur ad voluntatem, sic non diminuunt
quia
Sed magis addunt ad bonitatem actus, duplici ratione. |
Premièrement, par mode de signe : car la passion même qui s’ensuit dans l’appétit inférieur est le signe que le mouvement de la volonté est intense. Il n’est pas possible, en effet, dans la nature passible, que la volonté se meuve fortement vers quelque chose sans qu’une passion s’ensuive dans la partie inférieure. C’est pourquoi saint Augustin dit au quatorzième livre de la Cité de Dieu: « Tant que nous portons l’infirmité de cette vie, nous ne vivrions pas selon la justice si nous n’éprouvions absolument aucune de ces passions. » Et peu après, il ajoute la cause en disant : « N’éprouver en effet aucune douleur, tant que nous sommes en ce séjour de misère, cela s’obtient, très chèrement, au prix de la cruauté de l’âme et de l’insensibilité du corps. » |
Primo per modum signi : quia passio ipsa consequens in inferiori appetitu est signum quod sit motus voluntatis intensus. Non enim potest esse in natura passibili quod voluntas ad aliquid fortiter moveatur, quin sequatur aliqua passio in parte inferiori. Unde dicit Augustinus, XIV de Civitate Dei [cap. 9] :dum huius vitae infirmitatem gerimus, si passiones nullas habeamus, non recte vivimus.Et post pauca subiungit causam, dicens : nam omnino non dolere dum sumus in hoc loco miseriae, non sine magna mercede contingit immanitatis in animo, et stuporis in corpore. |
Ensuite à la façon d’une aide : car lorsque la volonté élit quelque chose par le jugement de la raison, elle passe à l'action plus promptement et plus facilement si, avec cela, la passion est excitée dans la partie inférieure, l’appétitive inférieure étant proche du mouvement du corps. Aussi saint Augustin dit‑il au neuvième livre de la Cité de Dieu: « Or ce mouvement de miséricorde sert la raison quand la miséricorde se manifeste sans compromettre la justice. » Et c’est ce que le Philosophe dit au troisième livre de l’Éthique, citant le vers d’Homère : « éveille ta force et ton irritation » ; en effet, lorsqu’on est vertueux quant à la vertu de force, la passion de colère qui suit l’élection de la vertu contribue à la plus grande promptitude de l’acte ; mais si elle la précédait, elle perturberait le mode de la vertu. (DeVer.q26a7) |
Secundo per modum adiutorii : quia quando voluntas iudicio rationis aliquid eligit, promptius et facilius id agit, si cum hoc passio in inferiori parte excitetur ; eo quod appetitiva inferior est propinqua ad corporis motum. Unde dicit Augustinus, IX de Civitate Dei [cap. 5] :servit autem motus misericordiae rationi, quando ita praebetur misericordia, ut iustitia conservetur. Et hoc est quod philosophus dicit in libro III Ethicorum [cap. 11 (1116b 28)] inducens versum Homeri :virtutem et furorem erige; quia videlicet, cum aliquis est virtuosus virtute fortitudinis, passio irae electionem virtutis sequens facit ad maiorem promptitudinem actus ; si autem praecederet, virtutis mo‑ dum perturbaret.
|
Il y a des êtres
D’autres êtres agissent
ainsi la brebis fuit le loup à partir d'un certain jugement (quodam iudicio) qui estime que le loup lui est nuisible ;
(I.q59a3) |
Quaedam sunt
Quaedam vero agunt
ovis enim fugit lupum ex quodam iudicio, quo existimat eum sibi noxium;
|
-----
(suite et fin de l'article ici)
1. -- Notre la relative équivalence arbitre / jugement.
Voir passage équivalent dans De Veritate
Les passions peuvent avoir un double rapport avec le jugement de la raison. | Dicendum quod passiones animae dupliciter se possunt habere ad iudicium rationis. |
1. Parfois elles le précèdent. Dans ce cas, elles obscurcissent (obnubilent) le jugement, duquel dépend la bonté de l'acte moral, et, par suite, elles diminuent la bonté de cet acte ; il est plus digne de louange d'accomplir une oeuvre de charité par jugement de raison que par la seule passion de pitié (misericordiae). | Uno modo, antecedenter. Et sic, cum obnubilent iudicium rationis, ex quo dependet bonitas moralis actus, diminuunt actus bonitatem, laudabilius enim est quod ex iudicio rationis aliquis faciat opus caritatis, quam ex sola passione misericordiae. |
2. D'autres fois, les passions sont consécutives au jugement. Ce peut être d'une double manière : | Alio modo se habent consequenter. Et hoc dupliciter. |
|
|
|
|
Commentaires :