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Jean-Pierre Torrell / James-Athanasius Weisheipl - La plupart des écrits de Thomas est due à sa charité fraternelle

 James Athanasius Weisheipl

Bien des écrits de Thomas, et peut-être la plupart, sont dûs (...) à sa charité fraternelle et à son zèle apostolique pour le bien des autres.  (Frère Thomas d'Aquin, James Athanasius Weisheipl, p. 95, 1/2/-3)

La plupart des écrits de Thomas ont été des réponses à des besoins ou à des demandes d'autrui. L'ensemble de son oeuvre devrait sans doute être vu comme un service apostolique répondant aux exigences intellectuelles de l'Eglise et des hommes cherchant la vérité. (id. p. 164 / 1)

Jean-Pierre Torrell

Malgré un lourd travail d’enseignant et d’auteur, Thomas ne s’est jamais dérobé à ces devoirs de charité intellectuelle et c’est là un des éléments de sa sainteté. Pour qui chercherait les moyens qu’il a pu mettre en œuvre pour y parvenir, le secret ne s’en trouve pas dans des austérités ou des dévotions particulières, extérieures à son existence d’intellectuel, mais bien dans le concret de son exercice. (Initiation, Jean-Pierre Torrell, 2015, p. 80)

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Thomas d'Aquin - I-II.q38a4ad1 - La science est cause de douleurs

  • La science en tant qu'elle nous corrige provoque de la peine

« Celui qui augmente sa science ajoute à sa douleur », c’est vrai à cause de la difficulté et des échecs (defectum) que l’on rencontre dans la recherche de la vérité ou bien parce que la science fait connaître à l’homme beaucoup de choses contraires à sa volonté. Ainsi, du côté des objets de connaissance, la science engendre la douleur, mais du côté de la contemplation de la vérité, elle engendre le plaisir. (Somme, I-II.q38a4ad1)

Qui addit scientiam, addit dolorem, vel propter difficultatem et defectum inveniendae veritatis, vel propter hoc, quod per scientiam homo cognoscit multa quae voluntati contrariantur. Et sic ex parte rerum cognitarum, scientia dolorem causat, ex parte autem contemplationis veritatis, delectationem.

La recherche nous conduit à des conclusions d'ordre pratique qui nous amène à imposer des changements dans notre vie, et cela est, au début, douloureux. Thomas aurait sans doute été d'accord pour dire qu'ensuite, c'est un plaisir continuel que de se voir sans cesse corrigé par la recherche de la vérité.

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a5ad3 - Le vrai de l'intellect pratique (conformité du contingent avec l'appétit droit)

Le vrai de l'intellect spéculatif (...).

Mais le vrai de l'intellect pratique se prend par conformité à l'appétit rendu droit.

  • [De sorte] qu'une telle conformité dans les [choses] nécessaires n'a pas lieu ici,
    • [une conformité à ces choses nécessaires] que la volonté humaine ne fait pas,
  • mais [elle a lieu] seulement dans les [choses] contingentes
    • qui peuvent être faites par nous [= que la volonté humaine peut faire]
      • ou qu'elles soient des actions intérieures (agibilia interiora)
      • ou qu'elles soient des choses fabricables extérieures (factibilia exteriora).

Et c'est pourquoi à propos des seules [choses] contingentes est posée une vertu de l'intellect pratique,

  • à propos des [choses] fabricables, l'art ; [dans le domaine du faire]
  • à propos des actions, la prudence. [dans le domaine éthique de l'agir]

(Somme, I-II.q57a5ad3)

Nam verum intellectus speculativi (...).

Verum autem intellectus practici accipitur per conformitatem ad appetitum rectum.

  • Quae quidem conformitas in necessariis locum non habet,
    • quae voluntate humana non fiunt,
  • sed solum in contingentibus
    • quae possunt a nobis fieri,
      • sive sint agibilia interiora, 
      • sive factibilia exteriora.

Et ideo circa sola contingentia ponitur virtus intellectus practici,

  • circa factibilia quidem, ars;
  • circa agibilia vero prudentia.

 


1. -- agibilia interiora : seule occurence de cette expresson chez TH., le mot interiora qualifie l'action de l'homme sur le plan éthique. Sur ce plan, la fin est le bien agir, et l'action n'est pas séparée de celui qui la pose (elle reste en ce sens intérieure) ; contrairement à l'oeuvre d'art, fin séparée de l'artiste qui la produit (l'oeuvre est alors manifestement extérieure). Le mot "intérieures" ne désigne pas ici l'intériorité spirituelle de l'homme. Voir I-II.q57a4 où cela est clairement dit.

2. -- appetitum rectum : rectum = participe passé passif, qui a été rectifié, rendu droit, "droitifié"

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Thomas d'Aquin - I.q59a3ad1 - Chez l'ange, l'élection se fait sans la délibération du conseil, contrairement à l'homme

Comme l'estimation de l'homme dans les choses spéculatives differt en cela de l'estimation des anges,

  • ([c'est à dire] que l'un se passe de recherche,
  • [tandis que] l'autre passe par une recherche) ;

Il en est de même dans le domaine de l’opération [= l'action].

De sorte que, chez les anges, il y a élection ;

  • non cependant avec une recherche délibérative du conseil ;
  • mais par une directe (subitam) saisie de la vérité.

(Somme,I.q59a3ad1)

Sicut autem aestimatio hominis in speculativis differt ab aestimatione angeli in hoc,

  • quod una est absque inquisitione,
  • alia vero per inquisitionem;

ita et in operativis.

Unde in Angelis est electio;

  • non tamen cum inquisitiva deliberatione consilii,
  • sed per subitam acceptionem veritatis.

 


1. -- "sed per subitam acceptionem veritatis" : accipio peut autant se traduire activement que passivement (prendre, recevoir). La traduction originale fait pencher du côté de la dimension active ("la saisie immédiate de la vérité lui suffit"), ce qui n'est pas faux du fait de l'intellect agent, on peut aussi traduire du côté passif du fait de l'intellect patient et du fait la chose à connaître vient de l'extérieur ("une directe réception de la vérité"). Dans ce cas, comme Thomas évoque le fait de procéder à une recherche, on peut penser qu'il faut laisser le côté actif primer.

2. -- Comme dans le domaine de l'acquisition de la vérité qui se passe du raisonnement chez l'ange, ainsi dans le domaine pratique qui, chez, lui se passe de délibération.

3. -- On pourrait ajouter que puisque la délibération pour Thomas a pour objet le moyen en vue de la fin, la délibération est d'autant inutile chez l'ange ; car a-t-il besoin d'un moyen pour orienter son être à Dieu, ou l'est-il directement ?

 

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a2ad2 - En lui-même, l'acte spéculatif ne relève ni du conseil ni de la prudence

  • Où Thomas montre qu'il est tout sauf un intellectualiste de salon, c'est un homme fermement enraciné dans la réalité pratique de la vie

L'acte de la raison spéculative lui-même, (...) dans la mesure où il est mis en relation avec [son] objet, qui est le vrai nécessaire, ne tombe ni sous le conseil ni sous la prudence.

(Somme, II-II.q47a2ad2)

Ipse actus speculativae rationis, (...) prout comparatur ad obiectum, quod est verum necessarium, non cadit sub consilio nec sub prudentia.

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Thomas d'Aquin - Le zèle causé par l'amour intense du bien rend odieux tout ce qui empêche ce bien de se communiquer - I-II.q28a4ad2

  • ... on n'est pas envieux du bien que tous peuvent posséder (comme Dieu ou la vérité), mais on peut l'être de la manière excellente de le posséder

Le bien est aimé en tant qu'il peut se communiquer à celui qui aime. C'est pourquoi tout ce qui empêche la perfection de cette communication, devient odieux [= devient objet de haine]. Et ainsi le zèle est causé par l'amour du bien. Mais il arrive que, par défaut de bonté, certains biens de peu de valeur (parva) ne peuvent être possédés simultanément et intégralement par plusieurs. C'est de l'amour de tels biens qu'est causée le zèle envieux.

Il n'en va pas de même, à proprement parler, quand il s'agit de ces biens que plusieurs peuvent posséder intégralement (integre), nul n'est envieux d'autrui pour la connaissance de la vérité, que plusieurs peuvent acquérir intégralement ; mais on peut peut-être l'être de l'excellence de cette connaissance.

(Somme, I-II.q28a4ad2)

Bonum amatur inquantum est communicabile amanti. Unde omne illud quod perfectionem huius communicationis impedit, efficitur odiosum. Et sic ex amore boni zelus causatur. Ex defectu autem bonitatis contingit quod quaedam parva bona non possunt integre simul possideri a multis. Et ex amore talium causatur zelus invidiae.

Non autem proprie ex his quae integre possunt a multis possideri, nullus enim invidet alteri de cognitione veritatis, quae a multis integre cognosci potest; sed forte de excellentia circa cognitionem huius.

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1. Le bien spirituel n'est pas limité par l'aspect quantitatif qui limite le bien sensible. Mais il peut être limité par la manière dont on cherche à l'atteindre, aussi certains peuvent être envieux même des choses spirituelles.

En creux, TH. nous invite à ne pas se contenter de simplement aimer le bien spirituel, mais à l'aimer intensément.

Et s'il y a amour intense, il y aura aussi un zèle

  • à atteindre le bien spirituel de la meilleure manière possible
  • et à le défendre.
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