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Thomas d'Aquin - Celui qui aime n'a pas besoin de connaître en détail ce qu'il aime - I-II.q27a2ad2

Il faut davantage pour la perfection de la connaissance que pour celle de l'amour.

Quelque chose est requis pour la perfection de la connaissance qui n'est pas requis pour la perfection de l'amour.

En effet, la connaissance relève de la raison, dont [le rôle] est de distinguer ce qui ne fait qu'un dans la chose (rem), et de rapprocher (componere) les éléments divers en les comparant. C'est pourquoi il est requis pour une connaissance parfaite (ad perfectionem cognitionis) que l'homme connaisse dans le détail tout ce qui est dans une chose (re) : comme ses parties, ses puissances, ses propriétés.

Mais l'amour est, dans la puissance appétitive, ce qui regarde la chose (rem) selon qu'elle est en elle-même. De sorte qu'il suffit pour la perfection de l'amour (ad perfectionem amoris) que la chose soit aimée selon qu'elle est appréhendée en elle-même. Il arrive alors qu'une chose soit aimée plus qu'elle n'est connue : en cela que quelque chose peut être aimé parfaitement (perfecte amari) même si elle n'est pas parfaitement connue (perfecte cognoscatur).

C'est ce qu'on voit nettement pour les sciences que certains aiment, bien qu'ils n'en aient qu'une connaissance sommaire : ils savent, par exemple, que la rhétorique est la science qui permet à l'homme de persuader, et c'est cela qu'ils aiment en elle.

Et cela peut être dit de manière similaire à propos de l'amour de Dieu.

(Somme, I-II.q27a2ad2)

Aliquid requiritur ad perfectionem cognitionis, quod non requiritur ad perfectionem amoris.

Cognitio enim ad rationem pertinet, cuius est distinguere inter ea quae secundum rem sunt coniuncta, et componere quodammodo ea quae sunt diversa, unum alteri comparando. Et ideo ad perfectionem cognitionis requiritur quod homo cognoscat singillatim quidquid est in re, sicut partes et virtutes et proprietates.

Sed amor est in vi appetitiva, quae respicit rem secundum quod in se est. Unde ad perfectionem amoris sufficit quod res prout in se apprehenditur, ametur. Ob hoc ergo contingit quod aliquid plus amatur quam cognoscatur, quia potest perfecte amari, etiam si non perfecte cognoscatur.

Sicut maxime patet in scientiis, quas aliqui amant propter aliquam summariam cognitionem quam de eis habent, puta quod sciunt rhetoricam esse scientiam per quam homo potest persuadere, et hoc in rhetorica amant. Et similiter est dicendum circa amorem Dei..

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1. La traduction originale de la première phrase a été laissée pour montrer son approximation.

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Thomas d'Aquin - De Malo, q4a5ad4 - Les vertus cardinales sont respectivement dans la raison, la volonté, le concupiscible, l'irascible

La justice

  • ne regarde pas les passions,
  • mais les opérations,

comme il est dit dans l'Éthique V, 1.

C'est pourquoi la justice

  • n'est pas dans les appétits irascible et concupiscible,
  • mais dans la volonté.

Et ainsi les quatre vertus principales sont dans les quatre puissances qui peuvent être le siège d'une vertu :

  • la prudence dans la raison,
  • la justice dans la volonté,
  • la tempérance dans le concupiscible
  • et la force dans l'irascible.

(De Malo, q4a5ad4)

Iustitia autem

  • non est circa passiones,
  • sed circa operationes,

ut dicitur in V Ethic.;

unde iustitia

  • non est in irascibili et concupiscibili,
  • sed in voluntate.

Et sic quatuor virtutes principales sunt in quatuor potentiis quae sunt susceptivae virtutis:

  • prudentia quidem in ratione,
  • iustitia in voluntate,
  • temperantia in concupiscibili,
  • fortitudo in irascibili.

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Thomas d'Aquin - DeMalo.q15a4 - EN COURS - Quatre actes de la raison et deux de l'affect à l'égard des actes humains

L'intérêt ici est de distinguer les différents actes humains, au-delà du contexte de la luxure dans lequel Thomas l'évoque, notamment à propos de l'ordre de ces actes.

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Et c'est pourquoi lorsque, dans l'acte de luxure, toute l'intention de l'âme est entraînée par la véhémence du plaisir vers les forces inférieures, c'est-à-dire le concupiscible et le sens du toucher, il est nécessaire que les puissances supérieures, à savoir la raison et la volonté, en souffrent un dommage. Et ideo quando in actu luxuriae propter vehementiam delectationis tota intentio animae attrahitur ad inferiores vires, idest ad concupiscibilem et ad sensum tactus, necesse est quod superiores, scilicet ratio et voluntas, defectum patiantur.

Or il y a quatre actes de la raison pour diriger (dirigit) les actes humains :

[1. Le bien fin :]

  • le premier est une certaine intellection par laquelle quelqu'un juge droitement de la fin, qui est comme le principe dans les opérations, comme le dit le Philosophe dans les Physiques (II, 15) ;

et dans la mesure où cet acte est empêché, on compte comme fille de la luxure l'aveuglement de l'esprit, selon cette parole de Daniel (13, 56) : "La beauté t'a égaré, et le désir a perverti ton coeur."

 

[2. Le conseil/délibération à propos des moyens :]

  • Le second acte est le conseil [~délibération] sur ce qu'il faut faire,

que le désir supprime ; Térence dit en effet dans l'Eunuque (Act. I, 1, vers. 12) : "La chose n'admet en soi nulle conseil et nulle mesure, tu ne peux la régler par la réflexion", et il parle de l'amour sensuel (libidinoso) ; à ce point de vue, on a l'irréflexion.

 

[3. Le jugement auquel parvient le conseil : un moyen est choisi :]

  • Le troisième acte est le jugement sur les actions [qu'on doit poser] ;

et la luxure y met aussi obstacle. Il est dit en effet en Daniel (13, 9) : "Ils ont perverti leur esprit pour ne pas se souvenir des justes jugements" ; et à ce point de vue, on a la précipitation, lorsque l'homme est porté au consentement de façon précipitée (consensum praecipitanter), sans avoir attendu le jugement de la raison.

 

[4. Le moyen choisi doit être mis en oeuvre, commandement à l'exécution :]

  • Le quatrième acte est l'ordre d'agir (praeceptum de agendo),

qui est aussi empêché par la luxure en ce que l'homme ne persiste pas dans ce qu'il a décidé, comme Térence le dit aussi dans l'Eunuque (Act. I, 1, vers. 23) : "Ces paroles", selon lesquelles tu dis que tu vas te séparer de ton amie, "une fausse petite larme en restreindra la portée", et à ce point de vue, on a l'inconstance.

Sunt autem quatuor actus rationis, secundum quod dirigit humanos actus:

  • quorum primus est intellectus quidam, quo aliquis recte existimat de fine, qui est sicut principium in operativis, ut philosophus dicit in II Physic.;

et in quantum hoc impeditur, ponitur filia luxuriae caecitas mentis, secundum illud Daniel., XIII, 56: species decepit te, et concupiscentia subvertit cor tuum.

  • Secundus actus est consilium de agendis,

quod per concupiscentiam tollitur; dicit enim Terentius in eunucho: quae res in se neque consilium, neque modum habet ullum, eam consilio regere non potes; et loquitur in amore libidinoso; et quantum ad hoc ponitur inconsideratio.

  • Tertius actus est iudicium de agendis;

et hoc etiam impeditur per luxuriam: dicitur enim Daniel., XIII, 9, quod averterunt sensum suum (...) ut non recordarentur iudiciorum iustorum; et quantum ad hoc ponitur praecipitatio, dum scilicet homo inclinatur ad consensum praecipitanter, non expectato iudicio rationis.

  • Quartus actus est praeceptum de agendo,

quod etiam impeditur per luxuriam, in quantum homo non persistit in eo quod diiudicavit, sicut etiam Terentius dicit eunucho: haec verba, quae scilicet dicis, te recessurum ab amica, una falsa lacrymula restinguet; et quantum ad hoc ponitur inconstantia.

Par contre, du côté des affects désordonnés, deux choses sont à considérer. °°°

  1. La première est l'appétit du plaisir, vers lequel la volonté se porte comme à une fin ;
    • et quant à cela, on a l'amour de soi, quand on appète (appetit) pour soi de façon in-ordonnée (inordinate) le plaisir,
    • et par opposition, la haine de Dieu, dans la mesure où il défend le plaisir que l'on convoite (concupitam).

 

  1. L'autre chose à considérer, c'est l'appétit des choses grâce auxquelles on obtient cette fin-là ;
    • et quant à cela, on a les affects au monde présent,
      • c'est-à-dire à tout ce par quoi on parvient à la fin visée (intentum), qui appartient à ce monde présent ;
    • et par opposition, on a le désespoir du monde futur, parce que quand on s'attache trop aux plaisirs charnels, on a davantage de mépris pour les spirituels.

 

(DeMalo.q15a4)

Ex parte vero inordinationis affectus duo sunt consideranda,

  1. quorum unum est appetitus delectationis, in quem fertur voluntas ut finem;
    • et quantum ad hoc ponitur amor sui, dum scilicet inordinate sibi appetit delectationem;
    • et per oppositum odium Dei, in quantum scilicet prohibet delectationem concupitam.

 

  1. Aliud vero est appetitus eorum per quae consequitur quis hunc finem;
    • et quantum ad hoc ponitur affectus praesentis saeculi,
      • id est omnium eorum per quae ad finem intentum pervenit, quae ad saeculum istud pertinent;
    • et per oppositum ponitur desperatio futuri saeculi, quia dum nimis affectat carnales delectationes magis despicit spirituales.

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1. Ordre concret des six actes mentionnés dans ce passage

  1. L'amour du bien (appétit du bien)
  2. Le jugement que ce bien est une bonne fin
  3. Le désir d'un moyen (en raison de la fin aimée recherchée)
  4. La délibération sur les moyens
  5. Le choix d'un moyen
  6. Le commandement

2. Ordre général à travers l'oeuvre

  1. L'amour du bien
  2. Le jugement que ce bien est une bonne fin
  3. Les actes concernant les moyens
    1. Le désir d'un moyen (en raison de la fin aimée recherchée)
    2. Le conseil / délibération sur les moyens
    3. Le jugement issu de la délibération
  4. Le commandement
  5. L'exécution
  6. La jouissance (plaisir/joie)

3. Correspondance des vices engendrés par la luxure avec les actes humains :  

Raison
1. une intellection par laquelle on juge droitement de la fin aveuglement de l'esprit (caecitas mentis)
2. délibération à propos des moyens irréflexion (inconsideratio)
3. jugement final à propos d'un moyen consécutif de la délibération précipitation
4. commandement inconstance (manque de persévérance dans ce qui a été préalablement jugé)
Volonté / Affect
1. amour du bien amour désordonné de soi (quand on appète pour soi de manière in-ordonnée)
2. amour des moyens deséspoir du monde futur (par opposition à l'affect aux moyens de ce monde au service d'un mauvais bien)

 

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a11 - On peut toujours être libéré de son obstination au mal et coopérer à cette libération

Qu'un homme, en l'état de voie [= en ce monde terrestre], ne peut être si obstiné dans le mal qu’il ne puisse coopérer à sa libération, la raison en est patente d'après ce qui a été dit : parce que,

  • et une passion [peut être] dissoute ou réprimée,
  • et l’habitus ne corrompt pas totalement l’âme,
  • et la raison n’adhère pas au faux avec une opiniâtreté telle qu’elle ne puisse en être détournée par une raison contraire. 

(DeVer.q24a11)

Quod aliquis homo in statu viae non possit esse ita obstinatus in malo quin ad suam liberationem cooperari possit, ratio patet ex dictis : quia

  • et passio solvitur et reprimitur,
  • et habitus non totaliter animam corrumpit,
  • et ratio non ita pertinaciter falso adhaeret quin per contrariam rationem possit abduci.

 


 1. -- Dans la dernière ligne, le mot raison ne signifie pas la même chose dans les deux cas.

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a2 - L'homme peut accepter les passions ou les repousser, ce qui montre son libre arbitre

L’homme n’est pas nécessairement mû

  • par les choses qui se présentent à lui,
  • ou par les passions qui surgissent du dedans (insurgentibus),

parce qu’il peut

  • les accepter
  • ou les repousser ;

voilà pourquoi l’homme est [doué] de libre arbitre, mais non la bête. 

(DeVer.q24a2)

Homo non necessario movetur

  • ab his quae sibi occurrunt,
  • vel a passionibus insurgentibus

quia potest ea

  • accipere
  • vel refugere ;

et ideo homo est liberi arbitrii, non autem bruta.

 


 1. -- insurgentibus : alt. : qui s'élève du dedans.

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Thomas d'Aquin - DeVer.q26a7 - Passions et jugement de la raison

  • Notamment : comment utiliser la passion pour améliorer l'action, la vertu

Voir passage équivalent dans la Somme

Lorsque [les passions de l'âme] suivent la volonté, elles ne diminuent pas

  • la qualité
  • ou la bonté de l’acte,

car

  • elles seront modérées selon le jugement de la raison,
  • à partir duquel s’ensuit la volonté.

Mais elles ajoutent plutôt à la bonté de l’acte, à deux points de vue.

Secundum vero quod consequuntur ad voluntatem, sic non diminuunt

  • laudem actus
  • vel bonitatem :

quia

  • erunt moderatae secundum iudicium rationis,
  • ex quo voluntas sequitur.

Sed magis addunt ad bonitatem actus, duplici ratione.

Premièrement, par mode de signe :

car la passion même qui s’ensuit dans l’appétit inférieur est le signe que le mouvement de la volonté est intense. Il n’est pas possible, en effet, dans la nature passible, que la volonté se meuve fortement vers quelque chose sans qu’une passion s’ensuive dans la partie inférieure. 

C’est pourquoi saint Augustin dit au quatorzième livre de la Cité de Dieu: « Tant que nous portons l’infirmité de cette vie, nous ne vivrions pas selon la justice si nous n’éprouvions absolument aucune de ces passions. » Et peu après, il ajoute la cause en disant : « N’éprouver en effet aucune douleur, tant que nous sommes en ce séjour de misère, cela s’obtient, très chèrement, au prix de la cruauté de l’âme et de l’insensibilité du corps. »

Primo per modum signi :

quia passio ipsa consequens in inferiori appetitu est signum quod sit motus voluntatis intensus. Non enim potest esse in natura passibili quod voluntas ad aliquid fortiter moveatur, quin sequatur aliqua passio in parte inferiori.

Unde dicit Augustinus, XIV de Civitate Dei [cap. 9] :dum huius vitae infirmitatem gerimus, si passiones nullas habeamus, non recte vivimus.Et post pauca subiungit causam, dicens : nam omnino non dolere dum sumus in hoc loco miseriae, non sine magna mercede contingit immanitatis in animo, et stuporis in corpore.

Ensuite à la façon d’une aide :

car lorsque la volonté élit quelque chose par le jugement de la raison, elle passe à l'action plus promptement et plus facilement si, avec cela, la passion est excitée dans la partie inférieure, l’appétitive inférieure étant proche du mouvement du corps.

Aussi saint Augustin dit‑il au neuvième livre de la Cité de Dieu: « Or ce mouvement de miséricorde sert la raison quand la miséricorde se manifeste sans compromettre la justice. »

Et c’est ce que le Philosophe dit au troisième livre de l’Éthique, citant le vers d’Homère : « éveille ta force et ton irritation » ; en effet, lorsqu’on est vertueux quant à la vertu de force, la passion de colère qui suit l’élection de la vertu contribue à la plus grande promptitude de l’acte ; mais si elle la précédait, elle perturberait le mode de la vertu

(DeVer.q26a7)

Secundo per modum adiutorii :

quia quando voluntas iudicio rationis aliquid eligit, promptius et facilius id agit, si cum hoc passio in inferiori parte excitetur ; eo quod appetitiva inferior est propinqua ad corporis motum.

Unde dicit Augustinus, IX de Civitate Dei [cap. 5] :servit autem motus misericordiae rationi, quando ita praebetur misericordia, ut iustitia conservetur. Et hoc est quod philosophus dicit in libro III Ethicorum [cap. 11 (1116b 28)] inducens versum Homeri :virtutem et furorem erige; quia videlicet, cum aliquis est virtuosus virtute fortitudinis, passio irae electionem virtutis sequens facit ad maiorem promptitudinem actus ; si autem praecederet, virtutis mo‑ dum perturbaret.

 

 

 

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Thomas d'Aquin - DeVer.q26a7 - Un mouvement passionnel suit TOUJOURS un acte fort de volonté

Il n’est pas possible, en effet, dans la nature passible, que la volonté soit mûe fortement vers quelque chose sans qu’une passion s’ensuive dans la partie inférieure. (DeVer.q26a7)

Non enim potest esse in natura passibili quod voluntas ad aliquid fortiter moveatur, quin sequatur aliqua passio in parte inferiori.


moveatur : subjonctif passif, traduction originale : "que la volonté se meuve", ma traduction : "que la volonté soit mûe".

Influence de Duns Scot, Descartes, etc. sur le traducteur. Thomas n'est pas volontariste.

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Thomas d'Aquin - I-II.q22a3ad2 - ~ L'appétit sensible pâtit plus qu'il n'est actué alors que l'appétit intellectuel est plus actué qu'il ne pâtit

On dit que la magnitude [= l'ampleur] de la passion

  • ne dépend pas seulement de la puissance (ex virtute) de l'agent,
  • mais encore de la passibilité (ex passibilitate) de celui qui pâtit,

parce que les choses qui sont bien passibles (quae sunt bene passibilia) pâtissent beaucoup même de la part d'un agent faible.

  • Donc bien que l'objet de l'appétit intellectuel soit plus actif que l'objet de l'appétit sensitif, [ce qui devrait donc entraîner une plus grande passion dans celui qui pâtit]
  • pourtant l'appétit sensitif est plus passif.

(Somme, I-II.q22a3ad2)

Dicendum quod magnitudo passionis

  • non solum dependet ex virtute agentis,
  • sed etiam ex passibilitate patientis,

quia quae sunt bene passibilia, multum patiuntur etiam a parvis activis.

  • Licet ergo obiectum appetitus intellectivi sit magis activum quam obiectum appetitus sensitivi,
  • tamen appetitus sensitivus est magis passivus.

 


 1. -- "quia quae sunt bene passibilia...", comprendre  : "parce ques les choses disposées à pâtir pâtissent beaucoup même de la part d'une cause de moindre importance".

2. -- Puisque TH. dit que la passion est davantage dans la partie sensible que dans la partie intellectuelle, il reconnît par là même que la prtie intellectuelle possède un côté passif, sans doute a-t-il ici en tête l'intellect passif.

3. -- Ici TH. semble dire que puisque le monde de l'appétit sensible est lié à la matière il est davantage passible que la partie appétit intellectuel. Alors que la partie intellectuelle, du fait même qu'elle est intellectuelle, est davantage portée à l'acte. L'objet de de l'appétit intellectuel actue davantage l'appétit intellectuel qu'il ne le fait pâtir. Par exemple, lorsque Dieu se révèle à nous, il nous actue plus qu'il ne nous fait pâtir.

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Thomas d'Aquin - I-II.q23a1ad1 - Il doit nécessairement y avoir une puissance de l'irascible

  • ... sans quoi le bien difficile serait uniquement regardé comme un mal
  •  Le bien, en tant que délectable, meut le concupiscible.
  • Mais si le bien présente quelque difficulté à être atteint, il a par cela même quelque chose qui répugne à ce concupiscible.

Et c'est pourquoi il est nécessaire qu'il existe une autre puissance pour tendre à cela [= au bien en tant que difficile à atteindre]. 

Et il en va de même pour le mal.

Et cette puissance est l'irascible.

D'où vient la conséquence que les passions du concupiscible et de [celles] de l'irascible diffèrent par l'espèce.

(Somme, I-II.q23a1ad3) 

  • Bonum inquantum est delectabile, movet concupiscibilem.
  • Sed si bonum habeat quandam difficultatem ad adipiscendum, ex hoc ipso habet aliquid repugnans concupiscibili.

Et ideo necessarium fuit esse aliam potentiam quae in id tenderet.

Et eadem ratio est de malis.

Et haec potentia est irascibilis.

Unde ex consequenti passiones concupiscibilis et irascibilis specie differunt.

 


 

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Thomas d'Aquin - I-II.q24a1 - Lorsqu'elle est sous le commandement de la volonté les passions deviennent morales

  • Mais les passions en elles-mêmes ne sont pas morales

Les passions de l'âme peuvent être considérées de manière double :

  • d'une manière, selon elles-mêmes
  • d'une autre manière, selon qu'elles sont sous le commandement de la raison et de la volonté.

[Les passions en elle-mêmes]

Donc, si on les considère selon elles-mêmes, c'est-à-dire comme mouvements de l'appétit irrationnel, il n'y a en elles ni bien ni mal moral, car cela dépend de la raison, comme nous l'avons vu plus haut.

[Les passions sous le commandement de la raison et de la volonté]

Mais si elles sont considérées selon qu'elles sont sous le commandement (imperio) de la raison et de la volonté, ainsi il y a en elles bien ou mal moral.

  • En effet, l’appétit sensitif est plus proche de la raison elle-même et de la volonté que nos membres extérieurs, dont cependant les mouvements et les actes sont bons ou mauvais moralement (moraliter) selon qu’ils sont volontaires [voluntarii = adj. génitif].
  • Donc, bien plus encore, les passions elles-mêmes en tant qu'elles sont volontaires [voluntariae = adj. génitif], peuvent être dites bonnes ou mauvaises moralement (moraliter).

Et on les dit volontaires,

  • ou parce qu’elles sont commandées (imperantur) par la volonté,
  • ou parce que la volonté n’y fait pas obstacle (non prohibentur).

(I-II.q24a1)

Passiones animae dupliciter possunt considerari,

  • uno modo, secundum se;
  • alio modo, secundum quod subiacent imperio rationis et voluntatis.

Si igitur secundum se considerentur, prout scilicet sunt motus quidam irrationalis appetitus, sic non est in eis bonum vel malum morale, quod dependet a ratione, ut supra dictum est.

Si autem considerentur secundum quod subiacent imperio rationis et voluntatis, sic est in eis bonum et malum morale.

  • Propinquior enim est appetitus sensitivus ipsi rationi et voluntati, quam membra exteriora; quorum tamen motus et actus sunt boni vel mali moraliter, secundum quod sunt voluntarii.
  • Unde multo magis et ipsae passiones, secundum quod sunt voluntariae, possunt dici bonae vel malae moraliter.

Dicuntur autem voluntariae

  • vel ex eo quod a voluntate imperantur,
  • vel ex eo quod a voluntate non prohibentur.

 

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1. Les passions ne sont pas en elles-mêmes morales, comme un bras ou une jambe ne le sont également pas, mais, en tant qu'elle sont sous le commandement de la raison et de la volonté, etc....

2. Noter que la passion chez l'homme semble toujours avoir une dimension morale puisque, laissée à elle-même, elle fait sortir l'homme de la moralité en le ramenant à l'ordre sensible. Or l'ordre sensible, chez l'homme, devrait toutjours être ou commandé ou agréé par la volonté. Mais est-ce bien vrai  ? Comme certains mouvements de nos membres extérieurs sont indifférents (comme se gratter la barbe), de la même manière le mouvement d'une passion ne pourrait-il pas lui aussi être indifférent ? Il semble néanmoins qu'il faille toujours au moins assumer nos passions pour les garder sur un plan moral, ainsi nos passions ne devraient pas être laissées à elle-même dans l'indifférence.

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Thomas d'Aquin - I-II.q24a2 - Les passions sont bonnes si mesurées par la raison

 Les Péripatéticiens donnent le nom de passion à tous les mouvements de l'appétit sensitif. 
  • Ils les estiment bonnes quand elles sont modérées (moderatae) par la raison,
  • et mauvaises quand elles sont au-delà de la modération de la raison. (...) 

Les passions ne sont pas dîtes maladies (morbi) ou profonds troubles (perturbationes) de l'âme, si ce n'est quand elles manquent de la modération (moderatione) de la raison.

(Somme, I-II.q24a2)

Peripatetici vero omnes motus appetitus sensitivi passiones vocant.

  • Unde eas bonas aestimant, cum sunt a ratione moderatae;
  • malas autem, cum sunt praeter moderationem rationis. (...)

Non enim passiones dicuntur morbi vel perturbationes animae, nisi cum carent moderatione rationis.

 


1. -- Le mot perturbationes a un sens plus fort qu'un simpe trouble, il s'agit d'un bouleversement profond qui change radicalement la donne.

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Thomas d'Aquin - I-II.q24a4 - Les passions peuvent relever du genre moral

Ce que nous avons dit des actes, il semble qu'on pourrait le dire des passions, en cela que l'espèce des actes ou des passions peut être considérée de deux manières. (...)

Dicendum quod sicut de actibus dictum est, ita et de passionibus dicendum videtur, quod scilicet species actus vel passionis dupliciter considerari potest.

D'une premier manière, (...) Uno modo (...)

D'une autre manière elles relèvent du genre moral, c'est-à-dire qu'elles participent à quelque chose du volontaire et du jugement de la raison. Et selon cette manière, le bien et le mal moral peuvent peuvent concerner l'espèce de la passion, en cela que quelque chose de l'objet de la passion, de soi1

  • convient (conveniens) à la raison
  • ou dissone (dissonum) avec la raison ;

on le voit clairement pour la honte, qui est la crainte d'une chose laide, et pour l'envie, qui est la tristesse du bien d'autrui.

C'est en ce sens que le bien et le mal moral sont en relation avec l'espèce des actes extérieurs.

(I-II.q24a4)

Alio modo, secundum quod pertinent ad genus moris, prout scilicet participant aliquid de voluntario et de iudicio rationis. Et hoc modo bonum et malum morale possunt pertinere ad speciem passionis, secundum quod accipitur ut obiectum passionis aliquid de se

  • conveniens rationi,
  • vel dissonum a ratione,

sicut patet de verecundia, quae est timor turpis; et de invidia, quae est tristitia de bono alterius.

Sic enim pertinent ad speciem exterioris actus.

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1. de se : manquant dans les traductions françaises !!!

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Thomas d'Aquin - I-II.q26a2 - La passion amour est circulaire, de même que l'amour volontaire (spirituel)

AVERTISSEMENT important à propos de cette traduction :

- La traducteur initial a constamment traduit appetibile par objet du "désir" ou "désirable", ce qui est très dommageable pour la compréhension car alors on ne distingue plus entre appétit et désir. En effet, le bien exerçant son influence sur l'appétit donne un fruit qu'est l'amour, cet amour se manifeste alors comme désir. Ainsi, une bonne traduction de ce passage permet de comprendre, dans ce texte, l'unique usage du mot désir.

  • Bien + appétit --> amour-affectif --> amour-désir --> amour effectif.

Nous avons traduit dans un premier temps par "objet de l'appétit", puis nous nous sommes décidés à traduire simplement "appétible" car il est assez rapide de s'adapter à ce mot qui n'existe pas immédiatement dans la langue française. 

 

La passion est l’effet de la cause agente dans le patient. Respondeo dicendum quod passio est effectus agentis in patiente.

------- [Dans le monde physique] -------

Or un agent naturel produit (inducit) un double effet dans le patient : 

  • premièrement, il lui donne une forme ;
  • deuxièmement, il lui donne le mouvement consécutif à cette forme,

comme ce qui génère [= ce qui est à la source --> litt. : le générant : = le générateur] donne au corps

C’est ainsi que la cause génératrice donne au corps engendré

  • la pesanteur,
  • et le mouvement que celle-ci entraîne.

Cette pesanteur elle-même, principe du mouvement vers le lieu connaturel, peut être appelée d’une certaine manière (quodammodo) amour naturel.

Agens autem naturale duplicem effectum inducit in patiens,

  • nam primo quidem dat formam,
  • secundo autem dat motum consequentem formam;

sicut generans dat corpori

  • gravitatem,
  • et motum consequentem ipsam.

Et ipsa gravitas, quae est principium motus ad locum connaturalem propter gravitatem, potest quodammodo dici amor naturalis.

------- [Dans le monde des passions] -------

De la même façon, l’appétible (appetibile) donne à l’appétit,

  • d’abord une certaine adaptation (coaptationem) envers lui, qui consiste à se complaire (complacentia) dans l'appétible (appetibilis), [= amour affectif]
  • et d’où procède le mouvement vers cet appétible (appetibile). [= amour-désir ou amour-concupiscant]

Car « le mouvement de l’appétit est circulaire », comme il est dit dans le De Anima d'Aristote :

  • l'appétible (appetibile) meut l’appétit, en se formant en quelque sorte dans son intention, [= amour affectif, actuation de l'appétit]
  • et l’appétit tend vers l'appétible (appetibile) [= amour-désir]
  • pour que s'ensuive [de l'atteindre] réellement ; [= amour effectif]

ainsi le mouvement se finit là où il avait son principe.

  • Le premier changement intérieur de l’appétit (immutatio appetitus) par l'appétible (appetibili) est appelée amour, ce qui n’est rien d’autre que la complaisance dans l'appétible ;
  • de cette complaisance suit le mouvement vers l’appétible, qui est désir,
  • et enfin le repos, qui est joie.

Sic etiam ipsum appetibile dat appetitui,

  • primo quidem, quandam coaptationem ad ipsum, quae est complacentia appetibilis;
  • ex qua sequitur motus ad appetibile.

Nam appetitivus motus circulo agitur, ut dicitur in III de anima,

  • appetibile enim movet appetitum, faciens se quodammodo in eius intentione;
  • et appetitus tendit in appetibile
  • realiter consequendum,

ut sit ibi finis motus, ubi fuit principium.

  • Prima ergo immutatio appetitus ab appetibili vocatur amor, qui nihil est aliud quam complacentia appetibilis;
  • et ex hac complacentia sequitur motus in appetibile, qui est desiderium;
  • et ultimo quies, quae est gaudium.
Ainsi donc, puisque l’amour consiste dans une certaine modification de l’appétit sous l’influence de l'appétible, il est évident que c’est une passion ; au sens propre, selon qu’il se trouve dans le concupiscible ; dans un sens plus général, et par extension du mot (extenso nomine), en tant qu’il est dans la volonté. (Somme, I, q. 26, a. 2, c.) Sic ergo, cum amor consistat in quadam immutatione appetitus ab appetibili, manifestum est quod amor et passio, proprie quidem, secundum quod est in concupiscibili; communiter autem, et extenso nomine, secundum quod est in voluntate.

BEAUCOUP de vocabulaire à méditer, il faut revenir dessus souvent. Il semble que cet article écrit par Thomas soit le fruit d'une longue expérience/réflexion. C'est très concentré, il faut "hydrater" ce qui est écrit pour en voir toute l'ampleur.

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1. -- appetibile enim movet appetitum, faciens se quodammodo in eius intentione : faciens sea été traduit par s’imprimant dans d'autres traductions. On aurait pu aussi traduire littéralemnt : "en se faisant".

2. -- BIEN NOTER que le couple désir/joie au plan spirituel répond au couple concupiscence/plaisir au plan sensible.

3. -- L'amour-complaisance est l'amour affectif qui, tout en restant affectif, se mue en amour effectif... voir l'explication donnée ici.

4. -- Le mode circulaire du mouvement dans l'amour sensible se retrouve dans l'amour volontaire (voir derniers mots).

5. -- Bien voir le passage de l'intention à la possession réelle du bien extérieur.

6. -- La forme intentionnelle du bien "se fait" (faciens se), il y a une fabrication, il a une assimilation qui crée une forme, le bien se fait une présence intentionnelle dans l'âme de celui à qui est apportée la connaissance de ce bien.

7. -- Voir la succession des mots intentione et tendit. On frappe d'abord la capacité d'intentioner puis on tend. Le mot appétit lui-même ayant pour origine le fait de tendre.

8. -- Intéressante analogie implicite entre pesanteur et appétit. Il y a qqch en nous dont le poids nous emporte vers un certain lieu.

9. -- Le terme "appétit" est utilisé sur le plan de la volonté par extension (extenso nomine), son origine provient du plan du concupiscible (au sens neutre moralement) où il a son application première.

 

 

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Thomas d'Aquin - I-II.q29a6 - La colère est toujours causée par quelque chose de particulier

La colère toujours est causée à partir de quelque chose de particulier, parce qu'elle [est causée] à partir de quelque acte qui nous a blessé ; et les actes sont [des choses] particulières.

Et c'est pour cela que le Philosophe dit que "la colère est à propos d'une [chose] singulière, tandis que la haine peut exister à propos de quelque chose en général". [Thomas se plaçant ici uniquement au plan passionnel.]

(Somme, I-II.q29a6)

Ira semper causatur ex aliquo particulari, quia ex aliquo actu laedentis; actus autem particularium sunt.

Et propter hoc philosophus dicit quod ira semper est ad aliquid singulare; odium vero potest esse ad aliquid in genere.

 

 

 

 

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Thomas d'Aquin - I-II.q30a1ad1 - Le corps lui-même peut se mettre entièrement au service des réalités spirituelles - SUBLIME

 

  • L'appétit de la sagesse
  • ou des autres biens spirituels

est appelé parfois concupiscence (concupiscentia),

  • soit à cause d'une certaine ressemblance (similitudinem) entre appétit supérieur et appétit inférieur ;
  • soit à cause de l'intensité (intensionem) de l'appétit supérieur qui rejaillit sur l'inférieur ;

de sorte que

  • celui-ci tend à sa manière (suo modo tendat) vers le bien spirituel à la suite de l'appétit supérieur,
  • et le corps (corpus) lui-même se met entièrement au service des [biens] spirituels. Comme il est écrit dans le Psaume (84, 3) : "Mon coeur et ma chair ont exulté dans le Dieu vivant." 

(I-II.q30a1ad1)

Appetitus sapientiae,

  • vel aliorum spiritualium bonorum,
  • interdum concupiscentia nominatur,
  • vel propter similitudinem quandam,
  • vel propter intensionem appetitus superioris partis, ex quo fit redundantia in inferiorem appetitum,

ut simul

  • etiam ipse inferior appetitus suo modo tendat in spirituale bonum consequens appetitum superiorem,
  • et etiam ipsum corpus spiritualibus deserviat; sicut in Psalmo LXXXIII, dicitur, cor meum et caro mea exultaverunt in Deum vivum. 

1. -- Gaffiot : dēservĭō, īre, intr., servir avec zèle, se dévouer à, se consacrer à : alicui Cic. Fam. 16, 18, 1, servir qqn avec dévouement ; vigiliæ deserviunt amicis Cic. Sulla 26, mes veilles sont entièrement consacrées au service de mes amis ; corpori Cic. Leg. 1, 39, être l’esclave de son corps || [fig.] être destiné à, consacré à : nec unius oculis flumina, fontes, maria deserviunt Plin. Min. Pan. 50, 1, les fleuves, les fontaines, les mers ne sont pas faits pour les yeux d’un seul.

2. -- De la part de Thomas, cette vision du corps est extraordinairement positive, comparée à la vue manichéenne souvent invoquée dans la distinction corps/esprit. Pour Thomas, la création a été faite entièrement bonne, et il s'agit de retrouver l'entièreté de l'orientation au bien de tous les éléments qui composent cette création. Comme les éléctrons d'un objet métallique peuvent être tous "orientés" de manière à le rendre mlagnétique, comme l'intégralité des tournesols dans un champs sont orientés vers le Soleil... "Un Bien pour les gouverner tous", pour paraphraser Tolkien... Comme le mat du chapiteau donne tout son sens aux parties du chapiteau. Une fois entré dans cette perspective, il est difficile d'entendre les opinions selon lesquelles l'homme est fondamentalement mauvais, etc... 

3. -- Voir toutes les conséquences dans l'unité de l'humanité du Christ. Et voir comment dans le vrai Dieu et vrai homme tout cela était tenu en un même être.

4. -- Comme dans d'autres passages (DeVer.q24a9ad1 ; DeVer.q26a7 ; I-II.q24a3 I-II.q24a3ad1), on sent toute la vie de Thomas tendue vers le spirituel. On sent qu'il a expérimenté ce qu'il écrit là. Dans son travail intelletcuel notamment, lorsqu'il réduisait son temps de sommeil, l'intensité du désir de sagesse faisait en quelque sorte se mouvoir le corps de Thomas. Un peut comme un "lève-toi et march"... La simplicité du désir spirituel qui inonde jusqu'à la complexité du corps. Thomas est très ferme sur ce point, le spirituel emmène avec lui le corps, la personne humaine est une, on ne peut laisser aller son esprit sans que le corps ne le suive. Notons bien que dans ce passage, ce n'est pas le corps qui de lui-même apporte à l'esprit mais bien l'inverse. Le corps peut être réjoui à cause de l'appétit des biens spirituels comme par capilarité. Autant de points que l'on peut vérifier nous-mêmes par l'expérience.

5. -- Il peut aussi en aller dans l'autre sens, une oeuvre d'art peut, par les sens, dégager un objet spirituel et réveiller ainsi un appétit spirituel. C'est ce que Thomas, à la suite d'Augustin, affirme à propos des chants cf. II-II.q91a2)

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Thomas d'Aquin - I-II.q30a1ad2 - Qu'est-ce que le désir à proprement parler ?

Le désir (desiderium) peut davantage relever (magis pertinere), à proprement parler, non seulement de l'appétit inférieur mais aussi du supérieur. En effet, il n'implique pas, comme la concupiscence (concupiscentia), une certaine multiplicité associée dans le fait de convoiter (aliquam consociationem cupiendo) mais un mouvement simple vers la chose désirée (desideratam).

(Somme, I-II.q30a1ad2)

Desiderium magis pertinere potest, proprie loquendo, non solum ad inferiorem appetitum, sed etiam ad superiorem. Non enim importat aliquam consociationem in cupiendo, sicut concupiscentia; sed simplicem motum in rem desideratam.

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Très intéressant car la notion d'association autour du désir sensible explique le préfixe "con" de concupiscence. C'est une expérience sensible au cours de laquelle un faisceau d'éléments distincts trouvés dans un certain bien sensible suscite en nous une attraction sensible. Il y a donc quelque chose d'aveugle dans le désir sensible (concupiscence) qu'on ne fait en partie que constater, les raisons pour lesquelles nous sommes attirés sensiblement par une réalité sensible ne sont pas toujours très claires. Alors que dans le désir (lorsque le terme est proprement employé, c'est à dire comme appétit spirituel), l'attraction est exercée par un objet simple. L'objet étant d'autant plus facile à discerner qu'il est simple, il en découle un désir plus simple, plus pur (pas au sens moral), plus limpide. Ce n'est pas seulement à cause de ce qu'est la chose spirituelle désirée, mais parce qu'une chose, en tant qu'elle est spirituelle, est simple. La concupiscence hérite de la complexité des éléments matériels dont est fait le corps. C'est une des causes pour lesquelles la concupiscence s'exerce souvent dans un certain chaos. Une autre cause se trouve lorsque le désir sensible persévère malgré le jugement de la raison. 

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Thomas d'Aquin - I-II.q46a1 °°° La passion amour est la racine première de toutes les passions

Donc, de la première manière, la colère n'est pas une passion générale, mais est condivisée avec les autres passions, nous l'avons dit plus haut

De manière similaire elle ne l'est pas non plus de la seconde manière, car elle n'est pas cause des autres passions mais de cette manière l'amour qui peut être dite passion générale, comme cela est patent chez S. Augustin. L'amour est la racine première de toutes les passions, comme on l'a dit plus haut.

(I-II.q46a1)

Primo ergo modo, ira non est passio generalis, sed condivisa aliis passionibus, ut supra dictum est.

Similiter autem nec secundo modo. Non est enim causa aliarum passionum, sed per hunc modum potest dici generalis passio amor, ut patet per Augustinum, in XIV libro de Civ. Dei; amor enim est prima radix omnium passionum, ut supra dictum est.

 


 

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Thomas d'Aquin - I.q59a4ad2 - Ce que sont l'amour et la joie au plan spirituel (et non au plan du sensible, commun avec les animaux)

L'amour et la joie,

  • selon qu'elles sont des passions, sont dans le concupiscible ;
  • mais selon qu'ils nomment un acte simple de la volonté, il sont alors dans la partie intellective [= spirituelle] ;

ainsi

  • aimer, c'est vouloir le bien à quelqu'un,
  • et être en joie, c'est le repos de la volonté en un certain bien possédé.

(Somme,I.q59a4ad2)

Amor et gaudium,

  • secundum quod sunt passiones, sunt in concupiscibili,
  • sed secundum quod nominant simplicem voluntatis actum, sic sunt in intellectiva parte;

prout

  • amare est velle bonum alicui,
  • et gaudere est quiescere voluntatem in aliquo bono habito.

 


1. -- Dans le traité des passions, la joie sera plus précisément vue comme le plaisir spirituel ; tandis que la plaisir proprement dit sera plutôt réeservé au plan sensible. Thomas, même s'il est habituellement d'une grande précision quant à l'utilisation des termes, montre qu'il est possible d'utiliser le vocabulaire du monde sensible sur le plan spirituel et vis versa. Thomas expliquera par exemple que le mot concupiscible, par extension, peut être utilisé au niveau spirituel.

2. -- "amare est velle bonum alicui" : attention à ne pas traduire "vouloir du bien", ici on ne cherche pas à "se faire du bien" l'un envers lautre, on veut bien plus profondément que l'autre atteigne le bien, son bien, on fait tout pour que l'autre puisse l'atteindre, quitte à ce que ce bien soit envers lui le don de nous-même dans l'amitié, la charité (sans que cela s'y restreigne). Dans une réflexion voisine, on encouragera à ne pas traduire benevolentia par bienveillance, mais par un mot qu'il aurait fallu reproduire en français par quelque chose comme "bienvoulance", il s'agit de vouloir le bien pour l'autre. Avec le terme bienveillance, on est loin du compte.

 

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Thomas d'Aquin - Imagination et passions

Mais contre cela, il y a ce que dit Damascène, lorsqu'il décrit les passions animales : "La passion est un mouvement de l'appétit sensible se portant sur le bien ou sur le mal présent dans l'imagination. Et encore : La passion est un mouvement de l'âme irrationnelle à l'appréhension du bien et du mal". (Somme, I-II, q. 22, a. 3, s.c.)

Sed contra est quod dicit Damascenus, in II libro, describens animales passiones, passio est motus appetitivae virtutis sensibilis in imaginatione boni vel mali. Et aliter, passio est motus irrationalis animae per suspicionem boni vel mali.

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Thomas d'Aquin - L'amour unit plus que la connaissance - I-II.q28a1ad3

La connaissance est perfectionnée (perficitur) par ce qui est connu uni à celui qui connaît selon sa similitude. Mais l'amour fait que la chose aimée elle-même (ipsa res) est unie en quelque manière à celui qui aime. D'où l'amour est plus unifiant que la connaissance. (Somme, I-II.q28a1ad3)

Cognitio perficitur per hoc quod cognitum unitur cognoscenti secundum suam similitudinem. Sed amor facit quod ipsa res quae amatur, amanti aliquo modo uniatur, ut dictum est. Unde amor est magis unitivus quam cognitio.

Commentaire : La connaissance s’achève (perficitur) lorsque la réalité connue est unie à celui qui la connaît par similitude ; alors que l’amour s’achève lorsque la réalité aimée elle-même est unie à celui qui l’aime (28/1/3). L’amour unit plus que la connaissance.

Distinction

  • union substantielle (avec soi-même) /
  • union affective (assimilée à l’union substantielle en tant qu’on considère la personne aimée comme un autre soi-même) /
  • union effective ou réelle (vie en commun, conversation, activités communes).

L’amour n’est pas seulement intentionnel, il donne naissance à un mouvement (le désir) qui tend à rejoindre la réalité aimée (on aime pas le chocolat seulement intentionnellement), l’amour est alors perfectionné lorsque l’aimé et l’aimant son unis réellement.

[A MEDITER POUR PRECISER :] Remarque à propos de la connaissance par similitude. Thomas répond ici d'abord à une objection concernant la connaissance sensible. Lorsque l'animal connaît une réalité, il reçoit par ses sens une similitude du réel, cette réception est une union. L'animal connaissant est uni à la similitude de la chose, pas à la chose elle-même. 

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Thomas d'Aquin - L'homme peut tendre à Dieu plus en subissant son attraction que par le jugement de sa raison - I-II.q26a3ad4

Certains ont posé, jusque dans la volonté même, que le nom d'amour est plus divin que le nom de dilection,

  • parce que l'amour implique une certaine passion, d'autant plus qu'il l'est dans l'appétit sensitif ;
  • tandis que la dilection présuppose le jugement de la raison.

Mais l'homme peut tendre à Dieu

  • plus par amour, passivement attiré (attractus) d'une certaine manière par Dieu lui-même,
  • que sa propre raison ne peut l'y conduire, ce qui relève de la raison de dilection, comme cela a été dit.

Et à cause de cela, l'amour est plus divin que la dilection. 

(Somme, I-II.q26a3ad4)

Aliqui posuerunt, etiam in ipsa voluntate, nomen amoris esse divinius nomine dilectionis,

  • quia amor importat quandam passionem, praecipue secundum quod est in appetitu sensitivo;
  • dilectio autem praesupponit iudicium rationis.

 

  • Magis autem homo in Deum tendere potest per amorem, passive quodammodo ab ipso Deo attractus,
  • quam ad hoc eum propria ratio ducere possit, quod pertinet ad rationem dilectionis, ut dictum est.

Et propter hoc, divinius est amor quam dilectio.

Ce passage est de première importance pour montrer tout ce qui oppose Duns Scot à Thomas !

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Thomas d'Aquin - La passion amour dans le Commentaire des sentences

(Passage livré ici in extenso plus pour analyse que par volonté de citer.)

 

L’amour se trouve-t-il seulement dans le concupiscible ?

Utrum amor sit tantum in concupiscibili

Tout ce qui découle d’une fin doit d’une certaine manière avoir été déterminé à cette fin, autrement cela ne parviendrait pas à cette fin plutôt qu’à une autre. Or, cette détermination doit provenir de l’intention de la fin, et non seulement de la nature qui tend vers cette fin, car alors tout serait hasard, comme l’ont affirmé certains philosophes.

[11100]Respondeo dicendum, quod omne quod sequitur aliquem finem, oportet quod fuerit aliquo modo determinatum ad illum finem: alias non magis in hunc finem quam in alium perveniret. Illa autem determinatio oportet quod proveniat ex intentione finis, non solum ex natura tendente in finem: quia sic omnia essent casu, ut quidam philosophi posuerunt.

Or, avoir l’intention d’une fin est impossible à moins que la fin ne soit connue sous la raison de fin, ainsi que la proportion de ce qui est ordonné à la fin vers la fin même. Or, celui qui connaît la fin et ce qui est ordonné à la fin ne dirige pas seulement lui-même vers la fin, mais aussi d’autres choses, comme l’archer lance la flèche vers la cible. Ainsi donc, quelque chose tend de deux manières vers la fin. Intendere autem finem impossibile est, nisi cognoscatur finis sub ratione finis, et proportio eorum quae sunt ad finem in finem ipsum. Cognoscens autem finem et ea quae sunt ad finem, non solum seipsum in finem dirigit, sed etiam alia, sicut sagittator emittit sagittam ad signum. Sic ergo dupliciter aliquid tendit in finem.
  • Premièrement, en tant que dirigé vers la fin par lui-même, ce qui n’existe que chez celui qui connaît la fin et la raison de fin.
  • D’une autre manière, en tant que dirigé par un autre, et, de cette manière, toutes choses tendent selon leur nature vers leurs fins propres et naturelles, dirigées par la sagesse qui crée la nature.
  • Uno modo directum in finem a seipso, quod est tantum in cognoscente finem et rationem finis.
  • Alio modo directum ab alio; et hoc modo omnia secundum suam naturam tendunt in fines proprios et naturales, directa a sapientia instituente naturam.

De sorte que nous trouvons deux appétits :

  • l’appétit naturel, qui n’est rien d’autre que l’inclination d’une chose à sa fin naturelle, qui vient de la direction de celui qui crée la nature;
  • et l’appétit volontaire, qui est l’inclination de celui qui connaît la fin et l’ordre à cette fin.

Et secundum hoc invenimus duos appetitus:

  • scilicet appetitum naturalem, qui nihil aliud est quam inclinatio rei in finem suum naturalem qui est ex directione instituentis naturam,
  • et iterum appetitum voluntarium, qui est inclinatio cognoscentis finem, et ordinem in finem illum;
Entre ces deux appétits, il existe un qui est intermédiaire : il vient de la connaissance de la fin sans que la raison de fin ne soit connue, ni proportion à la fin elle-même de ce qui est ordonné à la fin : c’est l’appétit sensible. et inter hos duos appetitus est unus medius, qui procedit ex cognitione finis sine hoc quod cognoscatur ratio finis et proportio ejus quod est ad finem, in finem ipsum; et iste est appetitus sensitivus.

Ces deux appétits se trouvent seulement dans la nature vivante et connaissante. Or, tout ce qui est propre à la nature du vivant doit se ramener à une puissance de l’âme chez ceux qui ont une âme; aussi est-il nécessaire qu’existe une puissance de l’âme à qui il appartient de désirer, par opposition à celle à laquelle il appartient de connaître, de la même manière que les substances séparées se divisent en intellect et volonté, comme le disent les philosophes.

Et hujusmodi duo appetitus inveniuntur tantum in natura vivente et cognoscente. Omne autem quod est proprium naturae viventis, oportet quod ad aliquam potentiam animae reducatur in habentibus animam; et ideo oportet unam potentiam animae esse cujus sit appetere, condivisam contra eam cujus est cognoscere, sicut etiam substantiae separatae dividuntur in intellectum et voluntatem, ut dicunt philosophi.

Ainsi donc, il ressort que l’appétit naturel et l’appétit volontaire diffèrent en ceci que l’inclination de l’appétit naturel vient d’un principe extrinsèque : c’est pourquoi il n’a pas de liberté, car est libre ce qui est cause de soi.

Mais l’inclination de l’appétit volontaire se trouve à l’intérieur de celui-là même qui veut : la volonté possède donc la liberté.

Sic ergo patet quod in hoc differt appetitus naturalis et voluntarius, quod inclinatio naturalis appetitus est ex principio extrinseco; et ideo non habet libertatem, quia liberum est quod est sui causa:

inclinatio autem voluntarii appetitus est in ipso volente; et ideo habet voluntas libertatem.

Mais l’inclination de l’appétit sensible vient en partie de celui qui désire, pour autant qu’il découle de la perception de ce qui est désirable. Aussi Augustin dit-il que « les animaux sont mus par ce qui est vu », en partie par l’objet, dans la mesure où la connaissance de l’ordre à la fin leur fait défaut.

C’est pourquoi il faut que ce qui leur convient leur soit assuré par un autre qui connaît la fin. Or, tout ce qui vient de Dieu reçoit une certaine nature par laquelle il est ordonné à sa fin ultime. Il faut donc que, dans toutes les créatures qui ont une fin, se trouve aussi dans la volonté elle-même un appétit naturel par rapport à la fin ultime. C’est ainsi que l’homme veut par appétit naturel la béatitude et ce qui concerne la nature de la volonté.

Sed inclinatio appetitus sensitivi partim est ab appetente, inquantum sequitur apprehensionem appetibilis; unde dicit Augustinus, quod animalia moventur visis: partim ab objecto, inquantum deest cognitio ordinis in finem: et ideo oportet quod ab alio cognoscente finem, expedientia eis provideantur.

Et propter hoc non omnino habent libertatem, sed participant aliquid libertatis. Omne autem quod est a Deo, accipit aliquam naturam qua in finem suum ultimum ordinetur. Unde oportet in omnibus creaturis habentibus aliquem finem inveniri appetitum naturalem etiam in ipsa voluntate respectu ultimi finis; unde naturali appetitu vult homo beatitudinem, et ea quae ad naturam voluntatis spectant.

Il faut donc dire qu’un appétit naturel est inhérent à toutes les puissances de l’âme et à toutes les parties du corps par rapport à leur propre bien  Sic ergo dicendum est, quod naturalis appetitus inest omnibus potentiis animae et partibus corporis respectu proprii boni; 

mais l’appétit animal, qui porte sur un bien déterminé, pour lequel l’inclination de la nature ne suffit pas, relève d’une puissance déterminée,

  • soit de la volonté,
  • soit du concupiscible.

De là vient

  • que toutes les autres puissances de l’âme sont entraînées par leurs objets au-delà de la volonté, car toutes les autres [puissances] possèdent un si grand appétit naturel à l'égard de leur objet,
  • mais la volonté possède au-delà de l’inclination naturelle,  une autre [puissance], dont celui qui veut est lui-même la cause.1

sed appetitus animalis, qui est boni determinati, ad quod non sufficit naturae inclinatio, est alicujus determinatae potentiae,

  • vel voluntatis
  • vel concupiscibilis.

Et inde est quod

  • omnes aliae vires animae coguntur a suis objectis praetervoluntatem: quia omnes aliae habent appetitum naturalem tantum respectu sui objecti;
  • voluntas autem habet praeter inclinationem naturalem, aliam, cujus est ipse volens causa.

Cela est dit de manière similaire de l’amour, qui est l'achèvement du mouvement appétitif, car

  • un amour naturel existe dans toutes les puissances ET dans toutes les choses ;
  • mais l’amour animal, pour dire ainsi, est dans une certaine puissance déterminée,
    • soit dans la volonté, selon quoi est exprimé l'achèvement de l’appétit de la partie intellectuelle,
    • soit dans le concupiscible, selon quoi est exprimé une détermination de l’appétit sensible.2

Et similiter dicendum est de amore, qui est terminatio appetitivi motus: quia

  • amor naturalis est in omnibus potentiis et omnibus rebus;
  • amor autem animalis, ut ita dicam, est in aliqua potentia determinata,
    • vel voluntate, secundum quod dicit terminationem appetitus intellectivae partis;
    • vel in concupiscibili, secundum quod dicit determinationem sensitivi appetitus.

(Super Sent., lib. 3 d. 27 q. 1 a. 2 co.)

 

Tout cela est très subtile, il faut bien décanter ce qui est dit.

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1. Passage très intéressant dans lequel Thomas montre qu'il y a chez l'être dotée de volonté un jeu entre

  • la détermination naturelle à être entraîné par son objet (car l'appétit sensible ou volontaire sont avant cela des appétits naturels bien qu'ils ne soient pas seulement cela),
  • et la détermination que le sujet se donne à lui-même par sa volonté tout en reconnaissant que la puissance volontaire, comme toute puissance de l'âme, possède une inclination naturelle.

Les deux cohabitent dans l'être volontaire, il s'agira de voir ensuite comment ordonner.

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2. Thomas force ici le langage (il le précise : ''ut ita dicam") pour dire que l'amour animal (distingué ici de l'amour naturel qui est en lui-même pure détermination - la pierre lachée tombe naturellement sans qu'on puisse y faire quoi que ce soit si elle n'es pas empêchée) est relatif en plus de sa détermination naturelle à une certaine puissance déterminée : 

  • soit que la puissance elle-même se détermine (la volonté termine l'acte appétitif volontaire)
  • soit que l'objet détermine la puissance (l'objet détermine l'acte appétitif sensitif).

Le plan sensible s'ajoute au plan naturel (chez l'animal), comme le plan "intellectuel" s'ajoute aux plans sensible et naturel (chez l'homme).

 

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Thomas d'Aquin - La perfection morale requiert que l'homme soit aussi mû au bien par l'appétit sensible

Donc, de même qu'il est meilleur que l'homme veuille le bien et le réalise extérieurement, ainsi la perfection du bien moral requiert que l'homme ne soit pas mû au bien par sa volonté seulement, mais aussi par son appétit sensible, selon cette parole du Psaume (84, 3) -  Mon coeur et ma chair ont exulté dans le Dieu vivant", le "coeur" étant ici l'appétit intellectuel, et la "chair" l'appétit sensible. (Somme, I-II, q. 24, a. 3, c.)

Sicut igitur melius est quod homo et velit bonum, et faciat exteriori actu; ita etiam ad perfectionem boni moralis pertinet quod homo ad bonum moveatur non solum secundum voluntatem, sed etiam secundum appetitum sensitivum; secundum illud quod in Psalmo LXXXIII, dicitur, cor meum et caro mea exultaverunt in Deum vivum, ut cor accipiamus pro appetitu intellectivo, carnem autem pro appetitu sensitivo.

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Thomas d'Aquin - La peur provoque une dépression de l'âme

La crainte ajoute à la fuite (...) une certaine dépression de l'âme à cause d'un mal difficile [à repousser].

(Somme, Ia-IIae, q. 25, a. 1, c.)

Timor addit supra fugam (...), quandam depressionem animi, propter difficultatem mali.

 

Chez Thomas le mal suscite en nous une passion de haine (ne pas aimer), nous n'aimons pas le mal. En conséquence nous fuyons le mal (la fuite étant une autre passion). Si le mal ne peut être évité, nous le subissons et en ressentons douleur ou tristesse.

Qu'en est-il de la peur ? La peur se greffe sur la fuite du mal lorsque cette fuite se révèle difficile et qu'elle pourrait ne pas aboutir de sorte que le mal finisse par nous atteindre. L'effet de la peur, ici, est de ralentir la fuite, voire même de la rendre impossible tant le mal nous paraît grand, indiscernable, difficile à éviter. 

Au contraire, elle peut aussi nous amener à être happé dans la fuite, dans un mouvement irrépressible.

C'est ainsi que Thomas utilise le mot dépression qui signifie en latin un mouvement de pression du haut vers le bas, le fait de rabaisser quelqu'un et, plus généralement, tout mouvement d'abaissement. On  retrouve aujourd'hui encore cet usage lorsqu'on parle de la dépression d'un terrain pour désigner un endroit enfoncé. De même en météorologie.

L'image fonctionne alors ainsi : ou bien nous restons piégés dans cet enfoncement, ou bien nous dévalons la pente d'autant plus vite que la pente est raide.

Nous sommes sans doute ici face à l'un des premiers usages du mot pour qualifier la vie sensible de l'âme, lorsqu'elle est prise par un mouvement de descente face à un mal.

Autre part, Thomas parle d'angoisse, évoquant alors le sentiment de rétrécissement.

 

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Thomas d'Aquin - Les passions de l'irascible ont leur principe dans celles du concupiscible et se terminent en elles

Les passions de l'irascible sont intermédiaires (mediae) entre les passions du concupiscible qui portent sur mouvement vers le bien ou vers le mal, et celles qui portent sur un repos dans le bien ou dans le mal. On voit donc que les passions de l'irascible ont leur principe dans celles du concupiscible et se terminent en elles. (Somme, Ia-IIae, q. 25, a. 1, c.)

Passiones irascibilis mediae sunt inter passiones concupiscibilis quae important motum in bonum vel in malum; et inter passiones concupiscibilis quae important quietem in bono vel in malo. Et sic patet quod passiones irascibilis et principium habent a passionibus concupiscibilis, et in passiones concupiscibilis terminantur.

 

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Thomas d'Aquin - Les passions de l'irascible s'exercent au sein des passions du concupiscible

  • Elles y naissent et s'y terminent

L'irascible a été donné aux animaux pour vaincre les obstacles qui empêchent le concupiscible de tendre vers son objet, parce que le bien est difficile à atteindre, ou le mal difficile à vaincre. C'est pourquoi toutes les passions de l'irascible se terminent dans celles du concupiscible. C'est en ce sens que les passions de l'irascible sont suivies par la joie ou la tristesse, qui sont dans le concupiscible.  (Somme, I-II, q. 23, a. 1, r.1.)

Dicendum quod, sicut in primo dictum est, ad hoc vis irascibilis data est animalibus, ut tollantur impedimenta quibus concupiscibilis in suum obiectum tendere prohibetur, vel propter difficultatem boni adipiscendi, vel propter difficultatem mali superandi. Et ideo passiones irascibilis omnes terminantur ad passiones concupiscibilis. Et secundum hoc, etiam passiones quae sunt in irascibili, consequitur gaudium et tristitia, quae sunt in concupiscibili.

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Thomas d'Aquin - On peut utiliser la passion par choix pour aller plus vite ! - I-II.q24a3ad1

  • Notamment : comment utiliser la passion pour améliorer l'action, la vertu

Voir passage équivalent dans De Veritate

Les passions peuvent avoir un double rapport avec le jugement de la raison. Dicendum quod passiones animae dupliciter se possunt habere ad iudicium rationis. 
1. Parfois elles le précèdent. Dans ce cas, elles obscurcissent (obnubilent) le jugement, duquel dépend la bonté de l'acte moral, et, par suite, elles diminuent la bonté de cet acte ; il est plus digne de louange d'accomplir une oeuvre de charité par jugement de raison que par la seule passion de pitié (misericordiae). Uno modo, antecedenter. Et sic, cum obnubilent iudicium rationis, ex quo dependet bonitas moralis actus, diminuunt actus bonitatem, laudabilius enim est quod ex iudicio rationis aliquis faciat opus caritatis, quam ex sola passione misericordiae.
2. D'autres fois, les passions sont consécutives au jugement. Ce peut être d'une double manière : Alio modo se habent consequenter. Et hoc dupliciter.
  • a) Par manière de rejaillissement (redundantiae) lorsque, la partie supérieure de l'âme est mue intensément vers une chose, la partie inférieure suit aussi son mouvement. Et ainsi la passion qui existe consécutivement [au jugement] dans l'appétit sensitif est un signe de l'intensité de la volonté. Et ainsi elle indique une bonté morale plus grande.
  • Uno modo, per modum redundantiae, quia scilicet, cum superior pars animae intense movetur in aliquid, sequitur motum eius etiam pars inferior. Et sic passio existens consequenter in appetitu sensitivo, est signum intensionis voluntatis. Et sic indicat bonitatem moralem maiorem. 
  • b) Par manière de choix : quand l'homme, par un jugement rationnel, choisit d'être affecté de telle passion afin d'agir plus vite (promptius), avec la coopération de l'appétit sensible. La passion ajoute alors à la bonté de l'acte.
Somme, I-II.q24a3ad1)
  • Alio modo, per modum electionis, quando scilicet homo ex iudicio rationis eligit affici aliqua passione, ut promptius operetur, cooperante appetitu sensitivo. Et sic passio animae addit ad bonitatem actionis.

 

Commentaires : 

  1. Redundantiae traduit par rejaillissement pourrait être aussi traduit par "surabondance", "excès" ou "débordement".
  2. A vérifier mais, a priori, grave erreur de traduction ("l'âme se portant intensément vers une chose") : pars animae intense movetur in aliquid: ici l'âme est mûe et non se meut, movetur est au présent passif, non actif, l'objet prime sur la possibilité volontariste de la raison. Ici, l'âme répond à une attraction. On n'est pas chez Duns Scot ! Même problème ici.
  3. La dernière partie est extraordinaire, le choix de se servir de la passion comme d'une monture pour aller plus vite. Quelle liberté ! On imagine très bien Thomas utilisant son amour passionné de la vérité pour donner plus d'allant à sa recherche concrète malgré la fatigue et autres obstacles.
  4. Promptius : ne veut pas dire immmédiatement "plus vite" mais davantage "plus facilement", en cela que la passion peut de nouveau rendre nos facultés spirituelles prêtes à être utilisées. Mais la traduction reste bonne, la passion habilement utilisée peut maintenir nos facultés éveillées, plus en acte. On est prêt à dégainer, on peut maintenir l'activité spirituelle plus longtemps. De même que Thomas reconnaîtra dans l'autre sens que la fatigue des faultés sensibles adjointes à l'activité contemplative ne permet pas de maintenir la contemplation indéfiniment.
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Thomas d'Aquin - Par volonté divine la gloire de l'âme du Christ a été retenue de rejaillir sur son corps - III.q4a1ad2

Selon l'état naturel qui existe entre l'âme et le corps, c'est de la gloire de l'âme que déborde la gloire sur le corps.

Mais cet état naturel chez le Christ était soumis à la volonté divine elle-même d'où tenait le fait que la béatitude restait dans l'âme et n'a pas été reconduite vers le corps, 

mais la chair a pâti ce qui convenaient à une nature passible, dit le Damascène : "La volonté divine permettait à la chair de pâtir et d'agir conformément à ses propriétés naturelles."

(Somme, III.q14a1ad2)

Secundum naturalem habitudinem quae est inter animam et corpus, ex gloria animae redundat gloria ad corpus,

sed haec naturalis habitudo in Christo subiacebat voluntati divinitatis ipsius, ex qua factum est ut beatitudo remaneret in anima et non derivaretur ad corpus,

sed caro pateretur quae conveniunt naturae passibili; secundum illud quod dicit Damascenus, quod beneplacito divinae voluntatis permittebatur carni pati et operari quae propria.

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