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Thomas d'Aquin - I-II.q30a1ad2 - Qu'est-ce que le désir à proprement parler ?

Le désir (desiderium) peut davantage relever (magis pertinere), à proprement parler, non seulement de l'appétit inférieur mais aussi du supérieur. En effet, il n'implique pas, comme la concupiscence (concupiscentia), une certaine multiplicité associée dans le fait de convoiter (aliquam consociationem cupiendo) mais un mouvement simple vers la chose désirée (desideratam).

(Somme, I-II.q30a1ad2)

Desiderium magis pertinere potest, proprie loquendo, non solum ad inferiorem appetitum, sed etiam ad superiorem. Non enim importat aliquam consociationem in cupiendo, sicut concupiscentia; sed simplicem motum in rem desideratam.

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Très intéressant car la notion d'association autour du désir sensible explique le préfixe "con" de concupiscence. C'est une expérience sensible au cours de laquelle un faisceau d'éléments distincts trouvés dans un certain bien sensible suscite en nous une attraction sensible. Il y a donc quelque chose d'aveugle dans le désir sensible (concupiscence) qu'on ne fait en partie que constater, les raisons pour lesquelles nous sommes attirés sensiblement par une réalité sensible ne sont pas toujours très claires. Alors que dans le désir (lorsque le terme est proprement employé, c'est à dire comme appétit spirituel), l'attraction est exercée par un objet simple. L'objet étant d'autant plus facile à discerner qu'il est simple, il en découle un désir plus simple, plus pur (pas au sens moral), plus limpide. Ce n'est pas seulement à cause de ce qu'est la chose spirituelle désirée, mais parce qu'une chose, en tant qu'elle est spirituelle, est simple. La concupiscence hérite de la complexité des éléments matériels dont est fait le corps. C'est une des causes pour lesquelles la concupiscence s'exerce souvent dans un certain chaos. Une autre cause se trouve lorsque le désir sensible persévère malgré le jugement de la raison. 

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Thomas d'Aquin - I.q82a2ad1 - La volonté veut toujours quelque chose comme un bien mais n'est pas déterminée à vouloir tel bien.

  • Vouloir nécessairement le bien n'est pas vouloir nécessairement tel bien

La volonté ne peut tendre à rien sinon sous la raison de bien (ratio boni).

Mais parce que le bien est multiple, à cause de cela, elle n'est pas de nécessité déterminée à un seul [de ces biens].

(Somme, I.q82a2ad1)

Voluntas in nihil potest tendere nisi sub ratione boni.

Sed quia bonum est multiplex, propter hoc non ex necessitate determinatur ad unum.

 


 1. -- Rien ne peut être voulu s'il n'est pas voulu sous l'apparence de bien, sous la notion de bien. Ce qui ne signifie pas que ce qui est voulu soit un bien, mais seulement qu'il est voulu comme un bien.

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Thomas d'Aquin - I.q82a2ad3 - La puissance collative (la capacité de confronter) appartient la raison, non à la puissance sensitive et cela fonde le libre arbitre

La puissance sensitive

  • n’est pas une puissance collative à propos d'une diversité [de choses] (vis collativa diversorum), comme [l'est] la raison,
  • mais elle appréhende simplement une [seule chose].

Et

  • c'est pourquoi selon cette unique [chose] déterminée elle meut l'appétit sensitif.
  • Mais la raison est confrontation de plusieurs [choses] ; c’est pourquoi,
    • à partir de cette pluralité (ex pluribus), elle peut mettre en mouvement l’appétit intellectif, à savoir la volonté,
    • et non à partir d'une seule [chose] par nécessité (non ex uno ex necessitate).

(Somme, I.q82a2ad3)

Vis sensitiva

  • non est vis collativa diversorum, sicut ratio,
  • sed simpliciter aliquid unum apprehendit.

Et 

  • ideo secundum illud unum determinate movet appetitum sensitivum.
  • Sed ratio est collativa plurium, et ideo 
    • ex pluribus moveri potest appetitus intellectivus, scilicet voluntas,
    • et non ex uno ex necessitate.

 

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1. -- Pas de mouvement volontaire sans la capacité à confronter de la raison, donc pas d'acte libre.

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  • Vis (nominatif)
  • sensitiva (pluriel neutre - nominatif, accusatif, vocatif)
  • non est
  • vis (genitif)
  • collativa (vocatif ou ablatif)
  • diversorum (accusatif - Participe parfait passif - Masculin)

 

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Thomas d'Aquin - I.q83a1 - Le libre jugement provient de la confrontation de la raison

  • Ex collatione

L’homme agit à partir d'un jugement1, car, par la puissance cognitive, il juge

  • s’il faut fuir quelque chose
  • ou le poursuivre.

Mais parce que ce jugement

  • ne pro­vient pas d’un instinct naturel (naturali instinctu) portant sur un opérable particulier (in particulari operabili) [= une action particulière],
  • mais provient de quelque confrontation (ex collatione quadam -ablatif) de la raison,

il agit alors à partir d'un libre jugement (agit libero iudicio), pouvant se porter sur des objets divers (in diversa).

(Somme, I.q83a1) 

Homo agit iudicio, quia per vim cognoscitivam iudicat aliquid esse

  • fugiendum
  • vel prosequendum.

Sed quia iudicium istud

  • non est ex naturali instinctu in particulari operabili,
  • sed ex collatione quadam rationis,

ideo agit libero iudicio, potens in diversa ferri.

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1. agit libero iudicio : ablatif, il peut exprimer ici  le point de départ ou/et le moyen.

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