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Thomas d'Aquin - DeMalo.q15a4 - EN COURS - Quatre actes de la raison et deux de l'affect à l'égard des actes humains

L'intérêt ici est de distinguer les différents actes humains, au-delà du contexte de la luxure dans lequel Thomas l'évoque, notamment à propos de l'ordre de ces actes.

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Et c'est pourquoi lorsque, dans l'acte de luxure, toute l'intention de l'âme est entraînée par la véhémence du plaisir vers les forces inférieures, c'est-à-dire le concupiscible et le sens du toucher, il est nécessaire que les puissances supérieures, à savoir la raison et la volonté, en souffrent un dommage. Et ideo quando in actu luxuriae propter vehementiam delectationis tota intentio animae attrahitur ad inferiores vires, idest ad concupiscibilem et ad sensum tactus, necesse est quod superiores, scilicet ratio et voluntas, defectum patiantur.

Or il y a quatre actes de la raison pour diriger (dirigit) les actes humains :

[1. Le bien fin :]

  • le premier est une certaine intellection par laquelle quelqu'un juge droitement de la fin, qui est comme le principe dans les opérations, comme le dit le Philosophe dans les Physiques (II, 15) ;

et dans la mesure où cet acte est empêché, on compte comme fille de la luxure l'aveuglement de l'esprit, selon cette parole de Daniel (13, 56) : "La beauté t'a égaré, et le désir a perverti ton coeur."

 

[2. Le conseil/délibération à propos des moyens :]

  • Le second acte est le conseil [~délibération] sur ce qu'il faut faire,

que le désir supprime ; Térence dit en effet dans l'Eunuque (Act. I, 1, vers. 12) : "La chose n'admet en soi nulle conseil et nulle mesure, tu ne peux la régler par la réflexion", et il parle de l'amour sensuel (libidinoso) ; à ce point de vue, on a l'irréflexion.

 

[3. Le jugement auquel parvient le conseil : un moyen est choisi :]

  • Le troisième acte est le jugement sur les actions [qu'on doit poser] ;

et la luxure y met aussi obstacle. Il est dit en effet en Daniel (13, 9) : "Ils ont perverti leur esprit pour ne pas se souvenir des justes jugements" ; et à ce point de vue, on a la précipitation, lorsque l'homme est porté au consentement de façon précipitée (consensum praecipitanter), sans avoir attendu le jugement de la raison.

 

[4. Le moyen choisi doit être mis en oeuvre, commandement à l'exécution :]

  • Le quatrième acte est l'ordre d'agir (praeceptum de agendo),

qui est aussi empêché par la luxure en ce que l'homme ne persiste pas dans ce qu'il a décidé, comme Térence le dit aussi dans l'Eunuque (Act. I, 1, vers. 23) : "Ces paroles", selon lesquelles tu dis que tu vas te séparer de ton amie, "une fausse petite larme en restreindra la portée", et à ce point de vue, on a l'inconstance.

Sunt autem quatuor actus rationis, secundum quod dirigit humanos actus:

  • quorum primus est intellectus quidam, quo aliquis recte existimat de fine, qui est sicut principium in operativis, ut philosophus dicit in II Physic.;

et in quantum hoc impeditur, ponitur filia luxuriae caecitas mentis, secundum illud Daniel., XIII, 56: species decepit te, et concupiscentia subvertit cor tuum.

  • Secundus actus est consilium de agendis,

quod per concupiscentiam tollitur; dicit enim Terentius in eunucho: quae res in se neque consilium, neque modum habet ullum, eam consilio regere non potes; et loquitur in amore libidinoso; et quantum ad hoc ponitur inconsideratio.

  • Tertius actus est iudicium de agendis;

et hoc etiam impeditur per luxuriam: dicitur enim Daniel., XIII, 9, quod averterunt sensum suum (...) ut non recordarentur iudiciorum iustorum; et quantum ad hoc ponitur praecipitatio, dum scilicet homo inclinatur ad consensum praecipitanter, non expectato iudicio rationis.

  • Quartus actus est praeceptum de agendo,

quod etiam impeditur per luxuriam, in quantum homo non persistit in eo quod diiudicavit, sicut etiam Terentius dicit eunucho: haec verba, quae scilicet dicis, te recessurum ab amica, una falsa lacrymula restinguet; et quantum ad hoc ponitur inconstantia.

Par contre, du côté des affects désordonnés, deux choses sont à considérer. °°°

  1. La première est l'appétit du plaisir, vers lequel la volonté se porte comme à une fin ;
    • et quant à cela, on a l'amour de soi, quand on appète (appetit) pour soi de façon in-ordonnée (inordinate) le plaisir,
    • et par opposition, la haine de Dieu, dans la mesure où il défend le plaisir que l'on convoite (concupitam).

 

  1. L'autre chose à considérer, c'est l'appétit des choses grâce auxquelles on obtient cette fin-là ;
    • et quant à cela, on a les affects au monde présent,
      • c'est-à-dire à tout ce par quoi on parvient à la fin visée (intentum), qui appartient à ce monde présent ;
    • et par opposition, on a le désespoir du monde futur, parce que quand on s'attache trop aux plaisirs charnels, on a davantage de mépris pour les spirituels.

 

(DeMalo.q15a4)

Ex parte vero inordinationis affectus duo sunt consideranda,

  1. quorum unum est appetitus delectationis, in quem fertur voluntas ut finem;
    • et quantum ad hoc ponitur amor sui, dum scilicet inordinate sibi appetit delectationem;
    • et per oppositum odium Dei, in quantum scilicet prohibet delectationem concupitam.

 

  1. Aliud vero est appetitus eorum per quae consequitur quis hunc finem;
    • et quantum ad hoc ponitur affectus praesentis saeculi,
      • id est omnium eorum per quae ad finem intentum pervenit, quae ad saeculum istud pertinent;
    • et per oppositum ponitur desperatio futuri saeculi, quia dum nimis affectat carnales delectationes magis despicit spirituales.

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1. Ordre concret des six actes mentionnés dans ce passage

  1. L'amour du bien (appétit du bien)
  2. Le jugement que ce bien est une bonne fin
  3. Le désir d'un moyen (en raison de la fin aimée recherchée)
  4. La délibération sur les moyens
  5. Le choix d'un moyen
  6. Le commandement

2. Ordre général à travers l'oeuvre

  1. L'amour du bien
  2. Le jugement que ce bien est une bonne fin
  3. Les actes concernant les moyens
    1. Le désir d'un moyen (en raison de la fin aimée recherchée)
    2. Le conseil / délibération sur les moyens
    3. Le jugement issu de la délibération
  4. Le commandement
  5. L'exécution
  6. La jouissance (plaisir/joie)

3. Correspondance des vices engendrés par la luxure avec les actes humains :  

Raison
1. une intellection par laquelle on juge droitement de la fin aveuglement de l'esprit (caecitas mentis)
2. délibération à propos des moyens irréflexion (inconsideratio)
3. jugement final à propos d'un moyen consécutif de la délibération précipitation
4. commandement inconstance (manque de persévérance dans ce qui a été préalablement jugé)
Volonté / Affect
1. amour du bien amour désordonné de soi (quand on appète pour soi de manière in-ordonnée)
2. amour des moyens deséspoir du monde futur (par opposition à l'affect aux moyens de ce monde au service d'un mauvais bien)

 

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Thomas d'Aquin - I-II.q24a1 - Lorsqu'elle est sous le commandement de la volonté les passions deviennent morales

  • Mais les passions en elles-mêmes ne sont pas morales

Les passions de l'âme peuvent être considérées de manière double :

  • d'une manière, selon elles-mêmes
  • d'une autre manière, selon qu'elles sont sous le commandement de la raison et de la volonté.

[Les passions en elle-mêmes]

Donc, si on les considère selon elles-mêmes, c'est-à-dire comme mouvements de l'appétit irrationnel, il n'y a en elles ni bien ni mal moral, car cela dépend de la raison, comme nous l'avons vu plus haut.

[Les passions sous le commandement de la raison et de la volonté]

Mais si elles sont considérées selon qu'elles sont sous le commandement (imperio) de la raison et de la volonté, ainsi il y a en elles bien ou mal moral.

  • En effet, l’appétit sensitif est plus proche de la raison elle-même et de la volonté que nos membres extérieurs, dont cependant les mouvements et les actes sont bons ou mauvais moralement (moraliter) selon qu’ils sont volontaires [voluntarii = adj. génitif].
  • Donc, bien plus encore, les passions elles-mêmes en tant qu'elles sont volontaires [voluntariae = adj. génitif], peuvent être dites bonnes ou mauvaises moralement (moraliter).

Et on les dit volontaires,

  • ou parce qu’elles sont commandées (imperantur) par la volonté,
  • ou parce que la volonté n’y fait pas obstacle (non prohibentur).

(I-II.q24a1)

Passiones animae dupliciter possunt considerari,

  • uno modo, secundum se;
  • alio modo, secundum quod subiacent imperio rationis et voluntatis.

Si igitur secundum se considerentur, prout scilicet sunt motus quidam irrationalis appetitus, sic non est in eis bonum vel malum morale, quod dependet a ratione, ut supra dictum est.

Si autem considerentur secundum quod subiacent imperio rationis et voluntatis, sic est in eis bonum et malum morale.

  • Propinquior enim est appetitus sensitivus ipsi rationi et voluntati, quam membra exteriora; quorum tamen motus et actus sunt boni vel mali moraliter, secundum quod sunt voluntarii.
  • Unde multo magis et ipsae passiones, secundum quod sunt voluntariae, possunt dici bonae vel malae moraliter.

Dicuntur autem voluntariae

  • vel ex eo quod a voluntate imperantur,
  • vel ex eo quod a voluntate non prohibentur.

 

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1. Les passions ne sont pas en elles-mêmes morales, comme un bras ou une jambe ne le sont également pas, mais, en tant qu'elle sont sous le commandement de la raison et de la volonté, etc....

2. Noter que la passion chez l'homme semble toujours avoir une dimension morale puisque, laissée à elle-même, elle fait sortir l'homme de la moralité en le ramenant à l'ordre sensible. Or l'ordre sensible, chez l'homme, devrait toutjours être ou commandé ou agréé par la volonté. Mais est-ce bien vrai  ? Comme certains mouvements de nos membres extérieurs sont indifférents (comme se gratter la barbe), de la même manière le mouvement d'une passion ne pourrait-il pas lui aussi être indifférent ? Il semble néanmoins qu'il faille toujours au moins assumer nos passions pour les garder sur un plan moral, ainsi nos passions ne devraient pas être laissées à elle-même dans l'indifférence.

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a16 - Commander, c'est l'application d'une connaissance à l'appétit et à l'opération ...

  • ... et c'est l'acte principal de la prudence

(...)

La prudence ne consiste pas

  • dans la seule raison,
  • mais aussi dans l'appétit,

parce que, nous l'avons dit, son acte principal

  • est de commander,
  • ce qui revient à appliquer une connaissance à l'appétit et à l'opération.

(...)

(Somme, II-II.q47a16)

(...)

Sed prudentia non consistit

  • in sola cognitione,
  • sed etiam in appetitu,

quia ut dictum est, principalis eius actus

  • est praecipere,
  • quod est applicare cognitionem habitam ad appetendum et operandum.

(...)

 

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a16ad3 - On n'oublie la prudence qu'indirectement

La prudence consiste principalement

  • non dans la connaissance des [principes] universels
  • mais dans leur application aux actes, on vient de le dire.

Et c'est pourquoi l'oubli de la connaissance universelle

  • ne corrompt pas ce qu'il y a de principal dans la prudence,
  • mais lui porte quelque empêchement, on vient de le dire.

(Somme, II-II.q47a16ad3)

Prudentia principaliter consistit

  • non in cognitione universalium,
  • sed in applicatione ad opera, ut dictum est.

Et ideo oblivio universalis cognitionis

  • non corrumpit id quod est principale in prudentia,
  • sed aliquid impedimentum ei affert, ut dictum est.

 


1.

Objection :les premiers principes pratiques s'imposent à nous, comment pourraient-ils s'oublier ?

Essai de réponse : Ce ne sont pas les premiers principes que nous oublions mais la science acquise à partir d'eux. Aussi bien le traducteur qui s'est permis d'ajouter le terme "principes" semble conduire à une incompréhension. Dans le corps de l'article, TH. parle explicitement de l'oubli d'un art ou d'une science, ce qui amène à penser qu'il aurait mieux valu ajouter, s'il fallait ajouter, le terme "conclusions" plutôt que le terme "principes". -- Pour ce qui concerne la prudence, on aurait ici l'oubli de la pratique du conseil. Si l'habitus de conseil est perdu, la prudence sera empêchée dans son acte principal de commandement et d'application.

Voir : 

L’élection est elle‑même comme une certaine science de ce qui est déjà passé par le conseil (praeconsiliatis)(DeVer.q24a1ad17)

 

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a8 - Le commandement est le plus grand de trois actes de la raison dans la prudence

  • L'agir n'est plus l'agir s'il n'y a pas passage dans le concret par lequel on touche à la fin

La prudence est la droite règle dans le domaine de l'agir, on l'a dit plus haut.

D'où il faut que l'acte principal de la prudence soit l'acte principal de la raison préposée à l'action. Celle-ci émet trois actes.

  1. Le premier est le conseil : il se rattache à l'invention (inventionem)[= découvrir], car délibérer c'est chercher, comme il a été établi antérieurement.
  2. Le deuxième acte est le jugement à propos de ce qu'on a trouvé (inventis), ce que fait la raison spéculative.
  3. Mais la raison pratique,
      • qui est ordonnée à l'oeuvre,
      • va plus loin
    • et son troisième acte est de commander, 
      • cet acte-là consiste dans l'application à l'oeuvre de ce qui résulte
        • du conseil
        • et du jugement.

Et parce que cet acte est plus proche de la fin de la raison pratique, il est l'acte principal de la raison pratique et par conséquent de la prudence. Et le signe en est que (...)

Prudentia est recta ratio agibilium, ut supra dictum est.

Unde oportet quod ille sit praecipuus actus prudentiae qui est praecipuus actus rationis agibilium. Cuius quidem sunt tres actus.

  1. Quorum primus est consiliari, quod pertinet ad inventionem, nam consiliari est quaerere, ut supra habitum est.
  2. Secundus actus est iudicare de inventis, et hic sistit speculativa ratio.
  3. Sed practica ratio,
      • quae ordinatur ad opus,
      • procedit ulterius
    • et est tertius actus eius praecipere,
      • qui quidem actus consistit in applicatione
        • consiliatorum
        • et iudicatorum ad operandum.

Et quia iste actus est propinquior fini rationis practicae, inde est quod iste est principalis actus rationis practicae, et per consequens prudentiae.  Et huius signum est quod  (...)


1.

  • par le conseil, on cherche en délibérant
  • on juge du résultat de la phase de conseil
  • on commande l'application concrète des moyens découverts et retenus (jugés bons)

 

 

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Thomas d'Aquin - II-II.q48a1 - EN COURS - Un tout (ici, la vertu) compte trois sortes de parties

Il y a trois sortes de parties, c'est à dire,

  1. intégrantes, ainsi le mur, le toit, les fondations sont parties d'une maison ;
  2. subjectives, ainsi le boeuf et le lion sont parties du genre animal ;
  3. et potentielles, ainsi la faculté nutritive et la faculté sensitive sont parties de l'âme.

On peut donc attribuer des parties à une vertu de trois manières. 

  1. Tout d'abord, à la manière des parties intégrantes : en ce cas, on appellera parties d'une vertu les éléments concourant nécessairement à l'acte parfait de cette vertu.
    • Et en ce sens on peut retenir, de toutes les qualités énumérées, huit parties de la prudence (...).
  2. On appelle parties subjectives d'une vertu ses diverses espèces.
    • Ainsi entendues, les parties de la prudence, à les prendre au sens propre, sont la prudence par laquelle chacun se gouverne soi-même, et la prudence par laquelle on gouverne la multitude, l'une et l'autre différant spécifiquement, on l'a dit. (...)
  3. On appelle parties potentielles d'une vertu les vertus annexes ordonnées à des actes ou matières secondaires, signifiant par ce nom qu'elles ne possèdent pas toute la puissance de la vertu principale.  (...)

Quant à la prudence, elle concerne l'acte principal, qui est de commander.

(Somme, II-II.q48a1)

 Triplex est pars, scilicet 

  1. integralis, ut paries, tectum et fundamentum sunt partes domus; 
  2. subiectiva, sicut bos et leo sunt partes animalis;
  3. et potentialis, sicut nutritivum et sensitivum sunt partes animae.

Tribus ergo modis possunt assignari partes alicui virtuti.

  1. Uno modo, ad similitudinem partium integralium, ut scilicet illa dicantur esse partes virtutis alicuius quae necesse est concurrere ad perfectum actum virtutis illius.
    • Et sic ex omnibus enumeratis possunt accipi octo partes prudentiae (...).
  2. Partes autem subiectivae virtutis dicuntur species eius diversae.
    • Et hoc modo partes prudentiae, secundum quod proprie sumuntur, sunt prudentia per quam aliquis regit seipsum, et prudentia per quam aliquis regit multitudinem, quae differunt specie, ut dictum est, et iterum prudentia quae est multitudinis regitiva dividitur in diversas species secundum diversas species multitudinis. (...).
  3. Partes autem potentiales alicuius virtutis dicuntur virtutes adiunctae quae ordinantur ad aliquos secundarios actus vel materias, quasi non habentes totam potentiam principalis virtutis. (...)

 Prudentia vero est circa principalem actum, qui est praecipere.

 


1.

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