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Thomas d'Aquin - I.q79a12 - Induction de la syndérèse - [!!! HAUTE VOLÉE !!! ---> Y REVENIR]

  • Elle est un habitus naturel qui nous pousse au bien par la saisie de premiers principes pratiques

L'article est construit d'une manière très minutieuse.

On comprend pourquoi, le propos est ici d'une importance capitale : il s'agit de défendre le donné naturel dans lequel nous découvrons inductivement certains appuis premiers à partir desquels nous pouvons ou penser ou bien agir.

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La syndérèse est-elle une puissance intellectuelle ? Utrum synderesis sit aliqua potentia intellectivae partis.
[Ce qu'on va montrer]

La syndérèse

  • n’est pas une puissance,
  • mais un habitus,

bien que

  • certains posèrent la syndérèse comme étant une certaine puissance supérieure à la raison,
  • et d’autres dirent que c’était la raison elle-même,
    • non comme raison
    • mais comme nature.

Synderesis

  • non est potentia,
  • sed habitus,

licet quidam 

  • posuerint synderesim esse quandam potentiam ratione altiorem;
  • quidam vero dixerint eam esse ipsam rationem,
    • non ut est ratio,
    • sed ut est natura.
[Ce qui se passe dans le domaine spéculatif]

Pour [saisir] l'évidence envers cela, il faut considérer, comme on l’a dit plus haut,

  • que le raisonnement humain,
    • étant un certain mouvement,
    • d'un intellect qui progresse à partir de certaines [choses]
      •  c'est à dire de choses naturellement connues sans recherche de la raison,
      • comme d’un principe immobile,
  • et qu'encore à l'intellect il se termine,
    • lorsque nous jugeons par des principes par soi naturellement connus,
    • de ce que nous découvrons en raisonnant.

[ (1) On part de quelque chose de simple qui n'est pas un raisonnement, (2)puis nous continuons avec le raisonnement, (3)puis nous terminons par quelque chose de simple : le terme du raisonnement]

Ad huius autem evidentiam, considerandum est quod, sicut supra dictum est,

  • ratiocinatio hominis,
    • cum sit quidam motus,
    • ab intellectu progreditur aliquorum,
      • scilicet naturaliter notorum absque investigatione rationis,
    • sicut a quodam principio immobili,
  • et ad intellectum etiam terminatur,
    • inquantum iudicamus per principia per se naturaliter nota,
    • de his quae ratiocinando invenimus.
[On pose le rapport d'analogie]

Mais c'est un fait établi que, 

  • comme la raison spéculative raisonne sur le spéculatif,
  • ainsi la raison pratique raisonne sur l'opérable [= les actions que l'on peut poser].

Constat autem quod,

  • sicut ratio speculativa ratiocinatur de speculativis,
  • ita ratio practica ratiocinatur de operabilibus.
[On se sert de l'analogie]

[A. Premièrement]

[D'une part,] il faut donc que naturellement nous soit donnés,

  • (comme les premiers principes pour le spéculable),
  • ainsi aussi les premiers principes pour l'opérable.

[B. Deuxièmement]

  • Mais d'autre part les premiers principes spéculatifs qui nous sont naturellement donnés
    • ne relèvent pas d'une puissance spéciale,
    • mais d'un habitus spécial qui est dit "l’intelligence des principes".

[C. Conclusion]

D'où aussi,

  • les premiers principes dans le domaine de l'opérable qui nous sont naturellement donnés
    • ne relèvent pas d’une puissance spéciale,
    • mais d’un habitus naturel spécial, que nous nommons syndérèse.

A.

Oportet igitur naturaliter nobis esse indita,

  • sicut principia speculabilium,
  • ita et principia operabilium.

B.

  • Prima autem principia speculabilium nobis naturaliter indita,
    • non pertinent ad aliquam specialem potentiam;
    • sed ad quendam specialem habitum, qui dicitur intellectus principiorum, ut patet in VI Ethic.

C.

Unde et

  • principia operabilium nobis naturaliter indita,
    • non pertinent ad specialem potentiam;
    • sed ad specialem habitum naturalem, quem dicimus synderesim.
[On précise l'étendue de la conclusion]

D'où la syndérèse est dite

  • inciter au bien,
  • et murmurer contre le mal, 

en tant que

  • nous procédons, à l’aide de premiers principes [pratiques] en vue de découvrir,
  • et que nous jugeons ce qui a été découvert.

Il est donc clair que la syndérèse n’est pas une puissance, mais un habitus naturel.

(Somme, II-II.q79a12)

 

Unde et synderesis dicitur

  • instigare ad bonum,
  • et murmurare de malo,

inquantum

  • per prima principia procedimus ad inveniendum,
  • et iudicamus inventa.

Patet ergo quod synderesis non est potentia, sed habitus naturalis.

 

 

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1. -- "sicut principia speculabilium, ita et principia operabilium" --> principia, adjectif (nom. ou acc.) ou nom (nom. et acc.) neutre pluriel --> ici il faudrait traduire  "les premiers [au sens de principes] sur lesquels on peut spéculer", c'est d'ailleurs ainsi que la traduction d'origine continue, mais pourquoi n'avoir pas traduit ainsi dès le départ ?

2. -- operabilium : petite curiosité --> litt. : oeuvrable --> ce qui a donné "ouvrable" comme dans "un jour ouvrable", i.e. un jour pendant lequel on peut oeuvrer.

3. -- Il y a donc un nom pour désigner la saisie des premiers principes dans le domaine pratique (syndérèse) mais pas dans le domaine spéculatif.

4. -- Contrairement à son habitude Thomas dit qu'il va mettre en évidence, il n'utilise par le mot manifeste. Pourquoi ? Ce qui est manifeste n'a pas besoin d'être mise en évidence. Cela recoupe les termes delon et phaneron chez Aristote.

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a2ad2 - En lui-même, l'acte spéculatif ne relève ni du conseil ni de la prudence

  • Où Thomas montre qu'il est tout sauf un intellectualiste de salon, c'est un homme fermement enraciné dans la réalité pratique de la vie

L'acte de la raison spéculative lui-même, (...) dans la mesure où il est mis en relation avec [son] objet, qui est le vrai nécessaire, ne tombe ni sous le conseil ni sous la prudence.

(Somme, II-II.q47a2ad2)

Ipse actus speculativae rationis, (...) prout comparatur ad obiectum, quod est verum necessarium, non cadit sub consilio nec sub prudentia.

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a2ad3 - La prudence n'est pas spéculative ...

  • ... car elle regarde ce dont le chemin n'est pas déterminé d'avance
  • Toute application de la raison droite à quelque chose qu'on peut fabriquer relève de l'art. 
  • Mais de la prudence ne relève rien si ce n'est l'application de la raison droite aux [choses] dont il y a conseil.

Et les [choses] de ce genre sont dans les [choses] pour lesquelles ne sont pas des voies atteignant à la fin de manière déterminée ; comme il est dit dans l'Ethique à Nicomaque.

Donc, puisque la raison spéculative produit certains effets, comme le syllogisme, la proposition, etc., où l'on procède selon des voies fixes et déterminées,

  • la raison d'art est sauve par rapport à cela,
  • mais non pas la raison de prudence.

Et c'est pourquoi on peut trouver

  • quelque art spéculatif,
  • mais pas de prudence [spéculative].

(Somme, II-II.q47a2ad3)

  • Omnis applicatio rationis rectae ad aliquid factibile pertinet ad artem.
  • Sed ad prudentiam non pertinet nisi applicatio rationis rectae ad ea de quibus est consilium.

Et huiusmodi sunt in quibus non sunt viae determinatae perveniendi ad finem; ut dicitur in III Ethic.

Quia igitur ratio speculativa quaedam facit, puta syllogismum, propositionem et alia huiusmodi, in quibus proceditur secundum certas et determinatas vias;

  • inde est quod respectu horum potest salvari ratio artis,
  • non autem ratio prudentiae.

Et ideo invenitur

  • aliqua ars speculativa,
  • non autem aliqua prudentia.

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a6 - A REVOIR - La prudence s'appuie sur la syndérèse afin de trouver les bons moyens

  • Mais la prudence n'est pas la syndérèse

[A. Syllogisme]

  1. La fin des vertus morales est le bien humain.
  2. Or, le bien de l'âme humaine est d'être selon la raison, comme le montre Denys.
  3. Aussi est-il nécessaire que les fins des vertus morales préexistent dans la raison.

A.

  1. Finis virtutum moralium est bonum humanum.
  2. Bonum autem humanae animae est secundum rationem esse; ut patet per Dionysium, IV cap. de Div. Nom.
  3. Unde necesse est quod fines moralium virtutum praeexistant in ratione.

[B. Rappel de I.q79a12 : Analogie raison spéculative / raison pratique sur les 1er principes - Syndérèse]

[1. Premier niveau d'analogie - plan des principes premiers]

  • Mais tout comme il y a dans la raison spéculative
    • certaines [choses] naturellement connues [= des premiers principes], relevant de l'intelligence
    • et certaines choses amenées à la connaissance (innotescunt) par le moyen de celles-là, à savoir les conclusions, relevant de la science [les conclusions des raisonnements sont établies grâce aux premiers principes] ;
  • de même dans la raison pratique préexistent 
    • certaines [choses] au titre de principes premiers naturellement connus,
  • et telles sont les fins des vertus morales
    • car la fin est dans les choses opérables [= les actions] comme le principe dans la spéculation, comme nous l'avons montré ;

[2. Deuxième niveau d'analogie - plan des conclusions - 
c'est à dire des connaissances obtenues grâce à des raisonnements posés à partir des principes premiers]

  • et certaines [choses] sont dans la raison pratique comme des conclusions ;
  • et telles sont [ces choses] qui sont relatives à la fin [= les moyens], auxquelles nous parvenons à partir des fins elles-mêmes. 

B.

  • Sicut autem in ratione speculativa sunt
    • quaedam ut naturaliter nota, quorum est intellectus;
    • et quaedam quae per illa innotescunt, scilicet conclusiones, quarum est scientia,
  • ita in ratione practica praeexistunt
    • quaedam ut principia naturaliter nota,
  • et huiusmodi sunt fines virtutum moralium,
    • quia finis se habet in operabilibus sicut principium in speculativis, ut supra habitum est;
  • et quaedam sunt in ratione practica ut conclusiones,
  • et huiusmodi sunt ea quae sunt ad finem, in quae pervenimus ex ipsis finibus

[C. ]

La prudence concerne ces connaissances-là [= les moyens], puisqu'elle applique les principes universels aux conclusions particulières en matière d'action.

C'est pourquoi il ne rélève pas de la prudence de déterminer à l'avance (praestituere)  leur fin aux vertus morales, mais seulement d'ordonner (disponere) ce qui est en vue de la fin [= les moyens].

(Somme, II-II.q47a6)

C.

Et horum est prudentia, applicans universalia principia ad particulares conclusiones operabilium. 

Et ideo ad prudentiam non pertinet praestituere finem virtutibus moralibus, sed solum disponere de his quae sunt ad finem. 

 


  1. -- La prudence est donc un analogue du raisonnement spéculatif qui a pour terme une conclusion, ici une conclusion dans l'ordre spéculatif de la connaissance, là dans l'ordre des moyens pratiques à mettre en oeuvre auxquels on conclue (telle action possible se révèle comme un moyen pour parvenir à la fin - fin sur laquelle on ne délibère/raisonne pas).
  2. -- TH. semble ne pas tellement aimer nommer la syndérèse. Ici, c'est pourtant bien elle qu'on rappelle pour préciser le rôle propre de  la prudence. Il la nomme seulement dans la réponse à la 1ère obj. Sans doute préfère-t-il aller à la réalité de la syndérèse et ne pas utiliser un mot qui risque de voiler ce qu'elle est. Ce qui n'a pas de nom du côté de la raison spéculative n'est pas nommé du côté de la raison pratique, on force l'intelligence à saisir.
  3. -- Disponere : Pourquoi TH. n'utilise-t-il pas ici le verbe ordinare ?
  4. -- Sicut autem in ratione speculativa sunt quaedam ut naturaliter nota : pour compléter la traduction de cet art. 6, voir déjà les mêmes expressions ici I.q79a12 : " iudicamus per principia per se naturaliter nota".
  5. -- Le mot praeexistunt est intéressant, cela aurait-il changé quelque chose à la vision de Kant s'il avait lu ces passages ?

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a8 - Le commandement est le plus grand de trois actes de la raison dans la prudence

  • L'agir n'est plus l'agir s'il n'y a pas passage dans le concret par lequel on touche à la fin

La prudence est la droite règle dans le domaine de l'agir, on l'a dit plus haut.

D'où il faut que l'acte principal de la prudence soit l'acte principal de la raison préposée à l'action. Celle-ci émet trois actes.

  1. Le premier est le conseil : il se rattache à l'invention (inventionem)[= découvrir], car délibérer c'est chercher, comme il a été établi antérieurement.
  2. Le deuxième acte est le jugement à propos de ce qu'on a trouvé (inventis), ce que fait la raison spéculative.
  3. Mais la raison pratique,
      • qui est ordonnée à l'oeuvre,
      • va plus loin
    • et son troisième acte est de commander, 
      • cet acte-là consiste dans l'application à l'oeuvre de ce qui résulte
        • du conseil
        • et du jugement.

Et parce que cet acte est plus proche de la fin de la raison pratique, il est l'acte principal de la raison pratique et par conséquent de la prudence. Et le signe en est que (...)

Prudentia est recta ratio agibilium, ut supra dictum est.

Unde oportet quod ille sit praecipuus actus prudentiae qui est praecipuus actus rationis agibilium. Cuius quidem sunt tres actus.

  1. Quorum primus est consiliari, quod pertinet ad inventionem, nam consiliari est quaerere, ut supra habitum est.
  2. Secundus actus est iudicare de inventis, et hic sistit speculativa ratio.
  3. Sed practica ratio,
      • quae ordinatur ad opus,
      • procedit ulterius
    • et est tertius actus eius praecipere,
      • qui quidem actus consistit in applicatione
        • consiliatorum
        • et iudicatorum ad operandum.

Et quia iste actus est propinquior fini rationis practicae, inde est quod iste est principalis actus rationis practicae, et per consequens prudentiae.  Et huius signum est quod  (...)


1.

  • par le conseil, on cherche en délibérant
  • on juge du résultat de la phase de conseil
  • on commande l'application concrète des moyens découverts et retenus (jugés bons)

 

 

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