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Thomas d'Aquin - De Pot. q10a2ad6 - Dieu aime sa bonté naturellement et par nécessité mais il produit les créatures gratuitement sans nécessité

 

La créature ne procède de la volonté divine

  • ni naturellement
  • ni de nécessité ;
  • car bien que Dieu aime sa bonté naturellement par sa volonté et de nécessité, et qu’un tel amour qui procède soit l’Esprit saint,
  • cependant il ne veut pas produire les créatures naturellement ou de nécessité mais gratuitement (sed gratis).

Car

  • les créatures ne sont pas la fin ultime de la volonté divine,
  • et sa bonté, qui est la fin ultime, ne dépend pas d’elles, puisque les créatures n’ajoutent rien à sa bonté ;

ainsi l’homme

  • veut le bonheur de nécessité,
  • non cependant ce qui est ordonné au bonheur.

(De Pot. q10a2ad6)

Creatura non procedit a voluntate divina

  • naturaliter
  • neque ex necessitate ;
  • licet enim Deus sua voluntate naturaliter et ex necessitate amet suam bonitatem, et talis amor procedens sit Spiritus sanctus ;
  • non tamen naturaliter aut ex necessitate vult creaturas produci, sed gratis.
  • Non enim creaturae sunt ultimus finis voluntatis divinae,
  • neque ab eis dependet bonitas Dei, qui est ultimus finis, cum ex creaturis divinae bonitati nihil accrescat ;

sicut etiam homo

  • ex necessitate vult felicitatem,
  • non tamen ea quae ad felicitatem ordinantur.

 

Nature, Volonté, Bonheur, Nécessité, Bonté, Gratuité, Surabondance, Esprit-Saint

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Thomas d'Aquin - DePot.q1a5 - Toute volonté, en tant que volonté, veut naturellement et nécessairement une certaine fin

  • Cette même volonté voudra les nécessairement les moyens sans lesquels cette fin ne peut être atteinte

Il faut que n’importe quelle volonté ait une certaine fin

  • qu’elle veut naturellement,
  • et qu’elle ne puisse pas vouloir le contraire ;

ainsi l’homme naturellement et par nécessité veut le bonheur et il ne peut pas vouloir le malheur.

Cependant,

  • avec le fait que la volonté veut nécessairement sa fin naturelle,
  • elle veut aussi nécessairement les choses sans lesquelles elle ne peut pas atteindre sa fin,
    • si elle les connaît ;

et ce sont les choses qui sont proportionnées à la fin ; par exemple, si je veux la vie, je veux de la nourriture.

(DePot.q1a5)

Oportet enim quod quaelibet voluntas habeat aliquem finem

  • quem naturaliter velit,
  • et cuius contrarium velle non possit ;

sicut homo naturaliter et de necessitate vult beatitudinem, et miseriam velle non potest.

 

  • Cum hoc autem quod voluntas velit necessario finem suum naturalem,
  • vult etiam de necessitate ea sine quibus finem habere non potest,
    • si hoc cognoscat ;

et haec sunt quae sunt commensurata fini ; sicut si volo vitam, volo cibum.

 


 1. -- Voilà une manière de penser qui est totalement à l'opposé de ce qui est proposé par l'air ambiant depuis quelques siècles déjà chez les intellectuels mais maintenant aussi très répandue chez tous. Ce que dit Thomas est effrayant pour l'homme moderne, il pense que Thomas soutient que l'homme n'est pas libre, qu'il est totalement déterminé. Bien sûr rien n'est plus faux. Thomas souligne simplement ce qu'il constate exprimentalement, et ce avec quoi tout un chacun ne peut qu'être d'accord : il existe quantités de choses vis à vis desquelles nous ne sommes pas libres. A commencer par notre rapport au bonheur et notre rapport à une personne aimée.

Nature, Volonté, Bonheur, Nécessité, Fin, Malheur, Moyens, Vie, Proportion, Nourriture

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Thomas d'Aquin - DePot.q1a5a13 - Dieu, bien qu'immuable, a le libre arbitre

  • ... l'arbitrage étant un jugement électif supposant une multiplicité

Bien que Dieu soit immuable, il n'est pas déterminé à une seule chose entre celles qui sont à faire [= qu'il est possible de faire], et c'est pourquoi il a le libre arbitre. 

(DePot.q1a5ad13)

Licet Deus sit immutabilis, tamen eius voluntas non est determinata ad unum in his quae facienda sunt : et ideo habet liberum arbitrium.

 

 

Libre arbitre, Détermination, Dieu, Immuabilité, Détermination ad unum

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Thomas d'Aquin - DePot.q1a5 - Il est entièrement au pouvoir de la volonté que l'intelligence meuve

  • L'intellect ne meut que dans la mesure où il propose à la volonté son [objet] appétible ;
  • en sorte que tout le mouvoir de l'intellect est dans la volonté.

(DePot.q1a5)

  • Intellectus non movet nisi in quantum proponit voluntati suum appetibile ;
  • unde totum movere intellectum est in voluntate.

 

Volonté, Mouvement, Appétit, Intelligence, Désirable (le)

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Thomas d'Aquin - DePot.q3a15ad14 - Dieu agit agit non par appétit de la fin, mais par amour de la fin - SUBLIME

  • La communication de la bonté n'est pas la fin ultime, 
  • mais la bonté divine elle-même, c'est à partir de l'amour de [cette bonté] que Dieu veut la communiquer ; 

car

  • il n'agit pas à cause de sa bonté comme s'il avait l'appétit (appetens) de ce qu'il n'a pas,
  • mais comme voulant communiquer ce qu'il a ; parce qu'il agit
    • non par appétit de la fin (ex appetitu finis),
    • mais par amour de la fin (ex amore finis).

(DePot.q3a15ad14)

  • Communicatio bonitatis non est ultimus finis,
  • sed ipsa divina bonitas, ex cuius amore est quod Deus eam communicare vult;
  • non enim agit propter suam bonitatem quasi appetens quod non habet,
  • sed quasi volens communicare quod habet: quia agit
    • non ex appetitu finis,
    • sed ex amore finis.

 

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L'appétit et l'amour concerne tous les deux un bien. Mais l'appétit, dans son exercice, tend vers un bien qui n'est pas encore présent (ou totalement présent) tandis que l'amour jouit du bien présent.

Le conditionnement de notre existence humaine nous permet d'atteindre quelque chose de l'amour de l'autre mais reste dans un certain appétit dans la mesure où il est possible d'ajouter quelque chose à la perfection de cet amour. C'est pourquoi, pour nous, l'amour est à la fois une tension et un repos, un désir et une joie. Ajoutons qu'il nous est toutefois possible d'atteindre une certaine perfection dans l'amour par le moyen de l'intention. (J'ai l'heureuse surprise de découvrir quelques jours après avoir écrit cela que Thomas le dit exactement ainsi, voir ici.)

Dans le cas de ce passage, Thomas souligne que Dieu n'agit pas par désir, ce qui supposerait qu'il lui manque quelque chose, mais par amour - comme à partir d'un sommet sur lequel il est déjà et non vers un sommet qu'il souhaite atteindre. Celui qui, en quelque manière, a atteint quelque chose du bonheur n'est plus en quête mais agit à partir de lui, en surabondance.

Amour, Fin, Désir (appétit sensible), Bonté, Communication, Gratuité, Surabondance

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Thomas d'Aquin - DePot.q3a15 - Le propre de l'agent volontaire est d'intelliger la fin afin de se mouvoir vers cette fin

Est découvert [par nous] que la volonté et la nature agissent en vue d'une fin, mais de façons différentes.

[Le cas de la nature]

En effet, comme la nature ne connaît

  • ni la fin
  • ni la raison de la fin (rationem finis),
  • ni sa relation, [c'est à dire de la relation de] ce qui est vers la fin dans la fin, [??? = ni la relation des moyens vers la fin ???]
  • elle ne peut se fixer une fin ;
  • ni se mouvoir vers la fin,
  • ou l'ordonner,
  • ou la diriger,

ce qui appartient à l'agent [qui agit] par volonté, dont c'est le propre d'intelliger

  • et la fin
  • et tout ce qui a été dit [plus haut] [= la fin, la ratio finis, la relation moyens / fin].

[Le cas de l'agent volontaire]

C'est pourquoi un agent [qui agit] par volonté

  • agit en vue d'une fin,
  • parce qu'il s'est assignée une fin
  • et il se meut lui-même d'une certaine manière vers la fin,
  • en y ordonnant ses actions.

[Le cas de la nature]

Mais la nature tend à sa fin comme mue et dirigée par un autre, pourvu d'intellect et de volonté,

  • comme cela est patent pour la flèche, qui tend vers une cible déterminée par la direction [donnée] par l'archer
  • et ainsi les philosophes disent que l'oeuvre de la nature est l'oeuvre d'une intelligence.

[Le cas de Dieu qui agit ou naturellement ou volontairement]

Mais toujours ce qui dépend d'un autre est postérieur à ce qui est par soi.

C'est pourquoi il faut que celui qui ordonne en premier vers une fin, le fasse par volonté ;

et ainsi Dieu,

  • par volonté produit les créatures dans l'être, 
  • non par nature.

Et ce n'est pas le cas du Fils parce qu'il procède naturellement du Père ; sa génération a précédé la création : parce que le Fils ne procède pas

  • comme ordonné à une fin,
  • mais comme la fin de tout.

(DePot.q3a15)

Invenitur autem agere propter finem et voluntas et natura, sed aliter et aliter.

[ ]

Natura enim, cum non cognoscat

  • nec finem
  • nec rationem finis,
  • nec habitudinem eius, quod est ad finem in finem,
  • non potest sibi praestituere finem,
  • nec se in finem movere
  • aut ordinare
  • vel dirigere;

quod quidem competit agenti per voluntatem, cuius est intelligere

  • et finem
  • et omnia praedicta.

[ ]

Unde agens per voluntatem sic

  • agit propter finem,
  • quod praestituit sibi finem,
  • et seipsum quodammodo in finem movet,
  • suas actiones in ipsum ordinando.

[ ]

Natura vero tendit in finem sicut mota et directa ab alio intelligente et volente,

  • sicut patet in sagitta, quae tendit in signum determinatum propter directionem sagittantis;
  • et per hunc modum a philosophis dicitur, quod opus naturae est opus intelligentiae.

[ ]

Semper autem quod est per aliud, est posterius eo quod est per se.

Unde oportet quod primum ordinans in finem, hoc faciat per voluntatem; 

et ita Deus

  • per voluntatem creaturas in esse produxit,
  • non per naturam.

Nec est instantia de filio, quod naturaliter procedit a patre, cuius generatio creationem praecedit: quia filius non procedit

  • ut ad finem ordinatus,
  • sed ut omnium finis.

 

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0. -- Bien noter : 

  • "Le propre de l'agent [qui agit] par volonté est d'intelliger la fin."

1. -- "il se meut lui-même d'une certaine manière vers la fin" : bien noter le quodamodo, pour Thomas c'est bien en dernier lieu la fin qui meut. Si l'agent volontaire est autre que Dieu lui-même, cet agent est, en dernioer lieu, mû par la fin (même si dans l'ordre des moyens cet agent peut se donner à lui-même telle ou telle fin intermédiaire). Pour ce qui concerne Dieu, il est naturellement sa propre fin, donc il se veut naturellement, il n'a pas besoin de se fixer sa fin. Pour l'action que Dieu porte en dehors de lui-même, par contre, il peut se proposer des fins, et c'est ainsi qu'il se meut de son propre chef vers une fin qu'il s'est à lui-même donnée, c'est le cas de la création.

2. -- Attention, ce n'est pas parce que le Fils procède naturellement du Père, que le Père ne veut pas le Fils librement. Comme le dit ailleurs Thomas ce qui est contraire à la liberté, ce n'est pas la nécessité, mais la contrainte.

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