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Thomas d'Aquin - CG.III.123.6 - Entre l'époux et l'épouse, il semble y avoir la plus grande amitié

6. Qui plus est. Plus grande est l'amitié, plus elle est ferme et durable. Or, entre l'époux et l'épouse, semble exister l'amitié la plus élevée (maxima amicitiae). Ils sont unis, en effet, non seulement dans (in) l'acte d'union charnelle, qui même parmi les animaux établit une certaine douce société, mais plus encore pour (ad) la communauté de la vie de la maisonnée (domesticae) toute entière. C'est en signe de cela que l'homme quitte même son père et sa mère à cause de son épouse, comme il est dit en Genèse, 2. Il convient donc que le mariage soit indissoluble.

(CG.III.123.6)

Amplius. Amicitia, quanto maior, tanto est firmior et diuturnior. Inter virum autem et uxorem maxima amicitia esse videtur: adunantur enim non solum in actu carnalis copulae, quae etiam inter bestias quandam suavem societatem facit, sed etiam ad totius domesticae conversationis consortium; unde, in signum huius, homo propter uxorem etiam patrem et matrem dimittit, ut dicitur Gen. 2:24. Conveniens igitur est quod matrimonium sit omnino indissolubile.  

 

 


   Très intéressant passage où saint Thomas pense pouvoir tirer de son observation (videtur : il semble que) que le mariage recèle la forme la plus élevée de l'amitié humaine. Et pour cela il souligne deux dimensions toutes les deux liées à notre conditionnement physique : l'union des corps et le partage entier des biens et des activités concrètes (communauté de vie). Or, puisque c'est l'élément de l'amour spirituel qui fait la véritable amitié, toutes ces dimensions sont donc assumées par un amour spirituel.
   Mais Thomas est viscéralement attaché à son choix de vie religieuse. C'est donc intéressant de voir en creux ce à quoi il renonce. Quand il écarte le mariage pourtant hautement légitime selon la nature, il offre non seulement la dimension de l'union affective et sensible mais plus encore la possibilité d'expérimenter un amour spirituel qui imbibe toutes les dimensions concrètes de la vie. En homme du Moyen-Âge, c'est toujours le sacrifice de la dimension de l'union physique qu'il soulignera toujours (il est très impressionné par ce que raconte saint Augustin à ce sujet : l'amour sensible est tellement puissant qu'il diminue vraiment trop l'exercice de la partie propre de l'homme : sa raison) ; mais, en creux, c'est ici d'un sacrifice encore supérieur dont il parle : la maxima amicitia. C'est beau de voir saint Thomas reconnaître le privilège de cette amitié. C'est beau de voir le trésor qu'il a offert réellement et celui que les époux chrétiens, eux, offrent intentionnellement ("Si quelqu’un vient à moi et ne hait (misei) pas (...) sa femme, ses enfants (...) et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple." Lc 14).

Voir II-II, q. 23, a. 1 : La charité et-elle une amitié ?

Mariage, Amitié, Union charnelle

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Thomas d'Aquin - CG.III.63.9-10 - La vie contemplative commence en cette vie et continue dans la future, au contraire de la vie active et politique

9. Ainsi est-il évident que par la vision divine les substances intellectuelles obtiennent le bonheur véritable, en lequel tous les désirs sont apaisés, et où tous les biens se trouvent avec la pleine suffisance (...) requise pour le bonheur. (...).

10. Dans la vie présente, rien n'est plus semblable à ce bonheur ultime et parfait que la vie de ceux qui contemplent la vérité, autant qu'il est possible en cette vie. Voilà pourquoi les philosophes, qui ne purent avoir une pleine connaissance de ce bonheur ultime, placèrent le bonheur ultime de l'homme dans la contemplation qui est possible en cette vie. C'est aussi pour cette raison que la vie contemplative est, de toutes les [formes de] vies, celle que la Sainte Ecriture recommande davantage, par ces mots du Seigneur dans Luc, 10,42 : Marie a choisi la meilleure part, c'est à dire la contemplation de la vérité, qui ne lui sera pas ôtée. La contemplation de la vérité a en effet son commencement en cette vie, et sa consommation dans la vie future, tandis que la vie active et politique ne s'étend pas au-delà des limites de la vie présente.

(CG.III.63.9-10)

9. Sic igitur patet quod per visionem divinam consequuntur intellectuales substantiae veram felicitatem, in qua omnino desideria quietantur, et in qua est plena sufficientia omnium bonorum, quae (...) ad felicitatem requiritur. (...).

10. Huius autem ultimae et perfectae felicitatis in hac vita nihil est adeo simile sicut vita contemplantium veritatem, secundum quod est possibile in hac vita. Et ideo philosophi, qui de illa felicitate ultima plenam notitiam habere non potuerunt, in contemplatione quae est possibilis in hac vita, ultimam felicitatem hominis posuerunt. Propter hoc etiam, inter alias vitas, in Scriptura divina magis contemplativa commendatur, dicente domino, Lucae 10:42: Maria optimam partem elegit, scilicet contemplationem veritatis, quae non auferetur ab ea. Incipit enim contemplatio veritatis in hac vita, sed in futura consummatur: activa vero et civilis vita huius vitae terminos non transcendit.  

 


Perfection, Contemplation, Charité, Fin, Désir, Amour de Dieu, Loi, Législation, Commandement, Loi divine, Vie contemplative, Marthe et Marie, Vie active, Politique

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Thomas d'Aquin - CG.III.c116.5 - La fin de toute législation, c’est donc que l’homme aime Dieu

De plus. Par le commandement de la loi promulguée, les législateurs meuvent ceux à qui la loi est donnée. Or, dans toutes les choses mues par un premier moteur, est mû plus parfaitement ce qui participe davantage à la motion du premier moteur, et à sa ressemblance. Or Dieu, qui donne la loi divine, fait toutes choses pour son amour. Donc celui qui tend vers lui de cette manière, c’est-à-dire en l’aimant, est le plus parfaitement mû vers lui. Or tout agent vise la perfection dans ce qu’il fait. La fin de toute législation, c’est donc que l’homme aime Dieu.

(CG.III.c116.5)

Adhuc. Legislatores imperio legis editae movent eos quibus lex datur. In omnibus autem quae moventur ab aliquo primo movente, tanto aliquid perfectius movetur quanto magis participat de motione primi moventis, et de similitudine ipsius. Deus autem, qui est legis divinae dator, omnia facit propter suum amorem. Qui igitur hoc modo tendit in ipsum, scilicet amando, perfectissime movetur in ipsum. Omne autem agens intendit perfectionem in eo quod agit. Hic igitur est finis totius legislationis, ut homo Deum amet.

 


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