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Thomas d'Aquin - DeVer.q15a1 - EN COURS - Différence intellect / raison

  • En effet, "intellect" semble désigner une connaissance simple et absolue ;
    • car on dit que quelqu’un intellige parce que, à l'intérieur, il lit en quelque sorte la vérité dans l’essence même de la chose (rei).
  • Quant à "raison", il désigne une certaine discursion
    • par laquelle l’âme humaine atteint ou parvient à la connaissance d’une chose à partir d’une autre.
  • Intellectus enim simplicem et absolutam cognitionem designare videtur;
    • ex hoc enim aliquis intelligere dicitur quod intus in ipsa rei essentia veritatem quodammodo legit.
  • Ratio vero discursum quemdam designat,
    • quo ex uno in aliud cognoscendum anima humana pertingit vel pervenit. (...)

 

  • Mais tout mouvement procède de l’immobile, comme dit saint Augustin au huitième livre Sur la Genèse au sens littéral;
  • en outre, la fin du mouvement est le repos, comme il est dit en Physique V,

et ainsi, le mouvement se rapporte au repos 

  • et comme à un principe
  • et comme à un terme.

De même aussi la raison se rapporte à l’intelligence

  • comme le mouvement au repos,
  • et comme la génération à l’être,

comme cela est patent à partir de l'autorité de Boèce citée plus haut ; elle se rapporte à l’intelligence

  • comme à un principe
  • et comme à un terme.

°°° Comme à un principe, car l’esprit humain ne pourrait pas procéder discursivement d’une chose à l’autre si son processus discursif ne commençait par quelque simple réception d’une vérité, réception qui relève de l’intelligence des principes.

Semblablement, le processus discursif de la raison ne parviendrait pas à quelque chose de certain, si ce qui est trouvé par ce processus n’était confronté aux principes premiers auxquels réduit analytiquement la raison.

Si bien que l’intelligence se trouve être le principe de la raison quant à la voie d’invention, et son terme quant à la voie de jugement.

(DeVer.q15a1)

  • Motus autem omnis ab immobili procedit, ut dicit Augustinus, VIII super Genes. ad litteram;
  • motus etiam finis est quies, ut in V Physic. dicitur.

Et sic motus comparatur ad quietem

  • et ut ad principium
  • et ut ad terminum,

ita etiam et ratio comparatur ad intellectum

  • ut motus ad quietem,
  • et ut generatio ad esse;

ut patet ex auctoritate Boetii supra inducta. Comparatur ad intellectum

  • ut ad principium
  • et ut ad terminum.

Ut ad principium quidem, quia non posset mens humana ex uno in aliud discurrere, nisi eius discursus ab aliqua simplici acceptione veritatis inciperet, quae quidem acceptio est intellectus principiorum. Similiter etiam nec rationis discursus ad aliquid certum perveniret, nisi fieret examinatio eius quod per discursum invenitur, ad principia prima, in quae ratio resolvit.

Ut sic intellectus inveniatur rationis principium quantum ad viam inveniendi, terminus vero quantum ad viam iudicandi.

 

 

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Thomas d'Aquin - DeVer.q22a11ad7 - L'intellect n'abstrait que des réalités sensibles et matérielles

L’intellect n’abstrait de la matière que lorsqu’elle intellige les choses (res) sensibles et matérielles.

Mais lorsqu’elle intellige les choses (res) qui sont au dessus d’elle,

  • elle n’abstrait pas,
  • mais reçoit au contraire moins simplement que les réalités ne sont en elles mêmes ;

D'où, l'acte de la volonté qui est porté dans les choses mêmes telles qu'elles sont en elles-mêmes, reste plus simple et plus noble.

(DeVer.q22a11ad7)

Intellectus non abstrahit a materia nisi cum intelligit res sensibiles et materiales.

Cum vero intelligit res quae sunt supra ipsum,

  • non abstrahit,
  • immo recipit minus simpliciter quam sint res ipsae in seipsis;

unde remanet actus voluntatis qui fertur in ipsas res prout in seipsis sunt, simplicior et nobilior.

 


 1. -- Difficile à saisir sans lire la question complète.

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a10 - Les anges n'ont pas de raison

Parce qu'en fait [les anges] n'ont pas une raison mais un intellect, tout ce qu'ils estiment, ils le reçoivent sous un mode intelligible. (DeVer.q24a10) Quia vero rationem non habent, sed intellectum, quidquid aestimant, per modum intelligibilem accipiunt.


 

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a10ad2 - La volonté, lorsqu'elle aime, devient spirituellement une avec ce qu'elle aime

 

La nature spirituelle, quant à son être second, a été faite

  • indéterminée (indeterminata)
  • et capable de tout (omnium capax)

(comme il est dit dans le De Anima d'Aristote, que

  • l’âme est d'une certaine manière (quodammodo) toutes choses ;
  • et en adhérant à une chose, elle est rendue (efficitur) une avec elle ;

comme

  • l'intellect devient d’une certaine (quodammodo) façon l’intelligible lui‑même
    • lorsqu’il intellige,
  • et que la volonté devient l’appétible lui‑même
    • lorsqu’elle aime (amando).

(DeVer.q24a10ad2)

 

Natura spiritualis est facta quantum ad secundum esse suum

  • indeterminata,
  • et omnium capax ;

sicut dicitur in III de Anima [cap. 8 (431 b 21)], quod

  • anima est quodammodo omnia :
  • et per hoc quod alicui adhaeret, efficitur unum cum eo ;

sicut

  • intellectus fit quodammodo ipsum intelligibile
    • intelligendo,
  • et voluntas ipsum appetibile
    • amando.

 


 1. -- Thomas montre d'autre part que cette union ne se fait pas de la même manière sur plan de l'intellect et sur plan de la volonté. Sur le plan volontaire lui-même, l'union peut être vue sous son aspect affectif et sous son aspect effectif.

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Thomas d'Aquin - DeVer.q24a7 - La volonté est ordonnée au bien en général, elle est donc laissée dans une certaine indifférence quant aux actions particulières

Dans l’agir, la nature rationnelle pourvue de libre arbitre est différente de toute autre nature.

  • En effet, une autre nature
    • est ordonnée à un certain (aliquod) bien particulier,
    • et ses actions sont déterminées relativement à ce bien,
  • au lieu que la nature raisonnable est simplement (simpliciter) ordonnée au bien.

Car,

  • de même que le vrai dans l’absolu (absolute) est l’objet de l'intellect (intellectus),
  • de même le bien dans l’absolu (absolute) [est l’objet de] la volonté ;

d’où vient que la volonté s’étend

  • au principe universel même des biens,
  • auquel nul autre appétit ne peut parvenir.

Et c’est pourquoi la créature rationnelle

  • n’a pas des actions déterminées (determinatas actiones),
  • mais se comporte avec une certaine indifférence (indifferentia) envers les actions matérielles

(DeVer.q24a7)

Differt autem in agendo natura rationalis praedita libero arbitrio ab omni alia natura.

  • Alia enim natura
    • ordinatur ad aliquod particulare bonum,
    • et actiones eius sunt determinatae respectu illius boni ;
  • natura vero rationalis ordinatur ad bonum simpliciter.

 

  • Sicut enim verum absolute obiectum est intellectus,
  • ita et bonum absolute voluntatis ;

et inde est quod

  • ad ipsum universale bonorum principium voluntas se extendit,
  • ad quod nullus alius appetitus pertingere potest.

Et propter hoc creatura rationalis

  • non habet determinatas actiones,
  • sed se habet sub quadam indifferentia respectu materialium actionum. 

 


1. -- "actions matérielles" : on doit pouvoir prendre ici le mot "matérielles" comme synonymes de "particulières".

2. -- "une certaine indifférence" : le mot "certaine" souligne que l'indifférence ne l'est que sous un certain aspectet n'est pas absolue.

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Thomas d'Aquin - I.59a1 - On ne peut aimer spirituellement qu'à travers l'aide de l'intellect qui permet de saisir la ratio boni et de juger ce qu'on aime pour l'aimer pour ce qu'il est - UN SOMMET

On ne peut comprendre immédiatement ce passage. Bien lire le commentaire.

[1. L'appétit naturel]

Certains [êtres] sont inclinés au bien par la seule disposition (habitudinem) de la nature, sans connaissance, comme les plantes et les corps inanimés.

Et une telle inclination au bien est appelée appétit naturel.

[2. L'appétit sensible]

Certains [êtres] sont inclinés au bien avec une certaine connaissance,

  • non qu’elles connaissent la ratio boni elle-même [= la raison de bien, la notion universelle de bien],
  • mais connaissent un certain bien particulier ;
    • comme le sens, qui connaît le doux, le blanc, etc.

L'inclination qui suit cette connaissance est dîte appétit sensitif.

[3. L'appétit intellectuel ; entendre "appétit volontaire"]

Certains autres [êtres] sont inclinés au bien avec une connaissance par laquelle ils connaissent la ratio boni elle-même, ce qui est le propre de l'intellect. [ --> rien d'autre que l'intellect ne peut saisir une ratio, par abstraction chez les hommes, par saisie directe chez les anges]

Et ceux-là sont inclinés vers le bien de la façon la plus parfaite (perfectissime) ;

  • car ils ne sont pas, comme (quasi) par un autre, seulement [inclinés] directement au bien,
    • comme il arrive aux êtres à qui manque la connaissance ; [= appétit naturel]
  • ni au bien de manière particulière seulement
    • comme les êtres doués de connaissance sensible ;
  • mais ils sont comme (quasi) inclinés vers le bien universel lui-même.
    • Et cette inclination est dite « volonté ».

C’est pourquoi, puisque les anges appréhendent par leur intelligence la raison universelle de bien, il est manifeste qu’il y a en eux une volonté.

(Somme, I.59a1)

[1.]

Quaedam enim inclinantur in bonum, per solam naturalem habitudinem, absque cognitione, sicut plantae et corpora inanimata.

Et talis inclinatio ad bonum vocatur appetitus naturalis.

[2.]

Quaedam vero ad bonum inclinantur cum aliqua cognitione;

  • non quidem sic quod cognoscant ipsam rationem boni,
  • sed cognoscunt aliquod bonum particulare;
    • sicut sensus, qui cognoscit dulce et album et aliquid huiusmodi.

Inclinatio autem hanc cognitionem sequens, dicitur appetitus sensitivus.

[3.]

Quaedam vero inclinantur ad bonum cum cognitione qua cognoscunt ipsam boni rationem; quod est proprium intellectus. 

Et haec perfectissime inclinantur in bonum;

  • non quidem quasi ab alio solummodo directa in bonum,
    • sicut ea quae cognitione carent; 
  • neque in bonum particulariter tantum,
    • sicut ea in quibus est sola sensitiva cognitio;
  • sed quasi inclinata in ipsum universale bonum.
    • Et haec inclinatio dicitur voluntas.

Unde cum angeli per intellectum cognoscant ipsam universalem rationem boni, manifestum est quod in eis sit voluntas.

 

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Voir aussi ici.


1. -- Bien faire attention a chaque fois que TH. parle de ratio boni, le sujet est delicat. Car on n'aime en effet pas un universel, une notion, mais toujours tel bien existant. Toutefois on ne l'aime pas uniquement comme on aime particulièrement un être particulier ! - Cela demande un peu de finesse ici, mais c'est tès grisant intellectuellement à comprendre. - Sans la ratio boni je ne peux voir les divers plans de biens, le plan du bien naturel, le plan du bien sensible, le plan du bien spirituel. A chaque fois on touche le bien, ce qui me permet, bien que les plans soient différents, d'abstraire la notion commune de bien, ce qu'au Moyen-Âge on appelle ratio boni. Ayant la capacité de voir le bien partout où il se trouve, je peux les ordonner entre eux, je peux voir qu'un bien spirituel est supérieur à un bien sensible. Aimer spirituellement une personne n'est pas la même chose que l'aimer pour ses qualités sensibles, physiques, etc. Et cela se fait nécessairement avec le concours de l'intellect. La volonté, comme volonté, ne peut abstraire ; mais, dans l'expérience volontaire, c'est à dire dans l'expérience de mon appétit spirituel pour le bien spirituel, je fais appelle à mon intellect pour distinguer mon attraction au bien spirituel de mon attraction au bien sensible. En jugeant qu'un bien sensible et un bien spirituel sont tous les deux des biens, je vois par la même occasion ce qui les différencie l'un de l'autre. Grâce au commun saisi par la ratio boni, je distingue comme par soustraction ce qui reste : leur différence, qualités sensibles d'un côté, qualité spirituelle de l'autre. Et c'est alors en le connaissant et en le jugeant pour ce qu'il est, que j'aime spirituellement un bien en ce qu'il a de spirituel. - Ce qui n'exclue pas les autres plans, comme le souligne TH. au moment où il parle des passions qui peuvent/doivent être assumées, "emmenées", dans l'acte d'amour spirituel.

2. -- Quand Thomas parle d'inclination vers le bien universel lui-même, il faut bien notre le quasi. : "quasi inclinata in ipsum universale bonum". Il ne faut pas entendre que l'appétit volontaire se porte vers l'idée en soi du bien mais que dans tel bien elle discerne que c'est un bien. Elle est capable de juger que ce bien est un bien et un bien spirituel aimable spirituellement. Thomas n'est pas ici platonicien, il ne dit pas qu'il faut aimer la ratio boni.

3. -- A distinguer de la quête universelle du bonheur, voir par exemple ici.

4. -- A noter : ce qu'est le propre de l'intellect : appréhender la ratio d'une chose, ce qu'est une chose... "Ceci est un bien".

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Thomas d'Aquin - I.q59a1ad1 (extrait) - L'intellect connaît simplement, la raison par discursion, ainsi l'intellect surpasse la raison

  • Autrement la raison transcende [= surpasse] le sens,
  • et autrement l'intellect la raisona. (...)

Mais l'intellect et la raison diffèrent seulement par leur mode de connaissance ;

  • l'intellect connaît par simple intuition (simplici intuiti) ; [= ATTENTION à bien comprendre ce mot chez TH.]
  • la raison connaît par discursion d'une chose à l'autre (discurrendo de uno in aliud).

Ce qui n'empêche pas la raison de parvenir à connaître par la discursion, ce que l'intellect connaît sans la discursion, à savoir l'universel [--> par l'appréhension].

(Somme,I.q59a1ad1)

  • Aliter ratio transcendit sensum,
  • et aliter intellectus rationem. (...)

Sed intellectus et ratio differunt quantum ad modum cognoscendi,

  • quia scilicet intellectus cognoscit simplici intuitu,
  • ratio vero discurrendo de uno in aliud.

Sed tamen ratio per discursum pervenit ad cognoscendum illud, quod intellectus sine discursu cognoscit, scilicet universale. 


a. Au lieu de "Ce n'est pas de la même manière que la raison est supérieure au sens, et l'intelligence à la raison."

1. -- "simplici intuiti" : attention, le mot intuiti (participe parfait passif, masculin) désigne
- ou un acte dans lequel l'image d'une réalité est réfléchie par un miroir (Gaffiot)
- ou un acte de considération attentive (Gaffiot, Deferrari), possiblement accompagnée d'étonnement ou d'admiration (Cassel's) .
Ces deux dimensions sont à reprendre dans ce qui se passe dans l'appréhension, où l'intellect produit un concept universel abstrait à partir de l'image de la réalité laissée dans l'imagination. Il ne s'agit en aucun cas de comprendre ce mot comme nous comprenons l'intuition artistique aujourd'hui.

2. -- A l'appréhension suit le jugement. Ce qui a été appréhendé est ensuite jugé dans la réalité. On abstrait le concept arbre à partir des expérience de tel et tel arbre, puis, on retourne au réel (en vérifiant alors que l'abstraction s'est bien faite) en jugeant : "ceci est un arbre", "ceci est bien un arbre".

3. -- Le raisonnement se terminera lui aussi dans un jugement, mais de manière médiate, à travers la discursion.

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Thomas d'Aquin - I.q59a1ad3 - Vouloir est un certain mouvement (intelliger aussi)

La volonté est appelée moteur mû selon que vouloir est un certain mouvement, de même qu'intelliger1, rien n'interdit qu'un mouvement de ce genre existe dans l’ange, car un tel mouvement est l’acte d'un [être] parfait, comme il est dit dans le De Anima.

(Somme,I.q59a1ad3)

Voluntas dicitur movens motum, secundum quod velle est motus quidam, et intelligere; cuiusmodi motum nihil prohibet in angelis esse, quia talis motus est actus perfecti, ut dicitur in III de Anima.

 


Il faudrait expliciter ici. Dieu est un être parfait, y a-t-il donc un certain mouvement en lui ? TH. ne parle ici que des êtres parfaits en dehors de Dieu.

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Thomas d'Aquin - I.q59a3 - Partout où est un intellect, est un libre arbitre

Seul celui qui possède un intellect peut agir par un jugement libre, car

  • il connaît la raison universelle de bien,
  • à partir de laquelle il peut juger si ceci ou cela est bon.

C’est pourquoi, en tout [être] où il y a un intellect est un libre arbitre.

(Somme, I.q59a3)

 

Sed solum id quod habet intellectum, potest agere iudicio libero, inquantum

  • cognoscit universalem rationem boni,
  • ex qua potest iudicare hoc vel illud esse bonum.

Unde ubicumque est intellectus, est liberum arbitrium.  

 


(début de l'article ici)

 

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Thomas d'Aquin - I.q60a2 - (1) Différence connaissance / amour : l’acte de l'appétit volontaire met en rapport celui qui désire avec la chose-même - (2) Le bien ultime est désiré et choisi par soi, le moyen à cause du bien-fin-ultime

S'il y a dans l'ange la dilection élective [= amour de choix] Utrum in angelis sit dilectio elective

[Chez les anges]

Chez les anges existe

  • une certaine dilection naturelle
  • et une certaine dilection élective ;

et la dilection naturelle, en eux, est principe de [la dilection] élective,

  • parce que, toujours, ce qui relève du premier a raison de principe (ratio principii) ; 
    • de sorte que, puisque la nature est première en chaque [être], il faut que ce qui relève de la nature soit principe en ces [êtres].

[Chez les hommes]

Et cela apparaît chez les hommes

  • et quant à son intellect
  • et quant à sa volonté.
  • L’intellect, en effet, connaît les principes naturellement, et, à partir de cette connaissance est causée en l'homme la science des conclusions,
    • lesquelles ne sont pas connues naturellement par l'homme,
      • mais [seulement] par la recherche ou par l’enseignement (doctrinam).
  • Pareillement (similiter) dans la volonté, la fin se prend sur ce mode, comme le principe pour l'intellect, comme il est dit dans Physiques, II.

C’est pourquoi la volonté tend naturellement vers sa fin ultime, car tout homme veut naturellement la béatitude. De cette volonté naturelle dérivent tous les autres volontés ; car tout ce que veut l’homme, il le veut en vue de la fin.

  • La dilection du bien que l’homme veut naturellement comme fin, est une dilection naturelle.
  • La dilection qui en est dérivée, qui est un bien aimé (diligitur) en vue de la fin, est une dilection élective.

In angelis est

  • quaedam dilectio naturalis
  • et quaedam electiva.

Et naturalis dilectio in eis est principium electivae,

  • quia semper id quod pertinet ad prius, habet rationem principii;
    • unde, cum natura sit primum quod est in unoquoque, oportet quod id quod ad naturam pertinet, sit principium in quolibet.

Et hoc apparet in homine

  • et quantum ad intellectum,
  • et quantum ad voluntatem.
  • Intellectus enim cognoscit principia naturaliter, et ex hac cognitione causatur in homine scientia conclusionum,
    • quae non cognoscuntur naturaliter ab homine, sed per inventionem vel doctrinam.
  • Similiter in voluntate finis hoc modo se habet, sicut principium in intellectu, ut dicitur in II physic..

Unde voluntas naturaliter tendit in suum finem ultimum, omnis enim homo naturaliter vult beatitudinem. Et ex hac naturali voluntate causantur omnes aliae voluntates, cum quidquid homo vult, velit propter finem.

  • Dilectio igitur boni quod homo naturaliter vult sicut finem, est dilectio naturalis,
  • dilectio autem ab hac derivata, quae est boni quod diligitur propter finem, est dilectio electiva.

Cela, cependant, se prend différemment de la partie de l'intellect, et [de la partie de] la volonté.

  • Parce que, comme il a été dit plus haut, la connaissance de l'intellect se fait selon que les choses connues (res cognitae) sont dans celui qui connaît.
    • Or, du fait de l’imperfection de la nature intellectuelle dans l'homme,
      • que, de manière non immédiate, son intellect a naturellement [connaissance] de tous les intelligibles,
      • mais quelques-uns [seulement], à partir desquels il est mû vers certains autres.
  • Mais l’acte de la puissance (virtutis) appétitive est [= se réalise], au contraire (e converso), selon l'ordre de l'appétit vers la chose (res).
    • Or, certaines de ces [choses]
      • sont bonnes en elles-mêmes (secundum se bona)
      • et donc appétibles [= désirables] en elles-mêmes (secundum se appetibilia) ;
    • et il y a certaines [choses]
      • dont la ratio boni [= ~ la bonté] tient à leur ordre à autre chose,
      • et qui sont appétibles à cause de cette autre chose.

[Peu importe qui désire, c'est naturellement qu'on désire la fin et électivement qu'on désire les moyens]

D'où, ce n'est pas du fait de l'imperfection de celui qui appète  

  • que quelqu'un (aliquid) appète naturellement [une réalité] comme fin, 
  • et que quelqu'un (aliquid) appète par élection [une réalité] comme ordonnée à la fin.

Hoc tamen differenter se habet ex parte intellectus, et voluntatis.

  • Quia, sicut supra dictum est, cognitio intellectus fit secundum quod res cognitae sunt in cognoscente.
    • Est autem ex imperfectione intellectualis naturae in homine,
      • quod non statim eius intellectus naturaliter habet omnia intelligibilia,
      • sed quaedam, a quibus in alia quodammodo movetur.
  • Sed actus appetitivae virtutis est, e converso, secundum ordinem appetentis ad res.
    • Quarum quaedam
      • sunt secundum se bona,
      • et ideo secundum se appetibilia,
    • quaedam vero 
      • habent rationem bonitatis ex ordine ad aliud,
      • et sunt appetibilia propter aliud.

[ ]

Unde non est ex imperfectione appetentis, quod

  • aliquid appetat naturaliter ut finem,
  • et aliquid per electionem, ut ordinatur in finem.

[Retour au cas de l'ange, ce qui se passe au plan de la connaissance ne se retrouve pas au plan de l'amour]

Donc, puisque la nature de l’ange est parfaite,

  1. on trouve en lui
    • seulement la connaissance naturelle,
    • non la connaissance ratiocinante (ratiocinativa) [= raisonnante].
  1. Mais on trouve en lui la dilection
    • et naturelle
    • et élective.

[Tout cela a été dit au plan simplement naturel, qui est d'ailleurs insuffisant]

Mais ces [choses] ont été dites en laissant de côté celles qui sont au-dessus de la nature (supra naturam), car la nature de celles-ci n'est pas un principe suffisant. De cela, il sera dit plus bas.

(Somme, I.q60a2)

[ ]

Quia igitur natura intellectualis in angelis perfecta est,

  1. invenitur in eis
    • sola cognitio naturalis,
    • non autem ratiocinativa,
  1. sed invenitur in eis dilectio
    • et naturalis
    • et electiva.

[ ]

Haec autem dicta sunt, praetermissis his quae supra naturam sunt, horum enim natura non est principium sufficiens. De his autem infra dicetur.

 

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0. --  Dilection = amour spirituel impliquant un choix conscient, à la différence de l'amour instinctif et de l'amour passionnel et même de l'amour spirituel dans son tout premier moment, avant que l'intention de se porter vers l'objet aimé n'entre en jeu. Ici, Thomas ne parle que de dilection, ce qui signifie qu'il parle d'un amour du bonheur et d'un amour des moyens dans lesquels réside déjà un choix conscient, un certain jugement. On n'est pas au moment tout à fait premier de la naissance de ces amours.

1. --  Dans l'étude des passions Thomas parlera de l'amour naturel distingué de l'amour sensitif et de la dilection. Ici, il parle de dilection naturelle. Il serait intéressant de bien distinguer amour naturel et dilection naturelle. Le mot nature n'est pas utilisé exactement dans le même sens... A creuser. La dilection naturelle serait l'amour conscient qu'on est amené à élire suite à l'amour naturel du bonheur. Choisir ce qui pourtant s'impose. Il est assez amusant de relever chez Thomas l'expression "dilection élective" puisque l'élection fait déjà partie de ce qu'est la dilection. Il y a une double élection qui se fait en cascade : la dilection simple dans laquelle on aime d'un amour choisi la fin (qualifiée de naturelle par TH.) puis la dilection de ce qui, propement, est objet d'élection : le moyen. C'est très subtil, mais pas étonnant de la part de Thomas qui expérimente ce dont il parle, cette expérience qui révèle la complexité de la vie humaine lorsqu'on l'analyse (elle est bien plus simple lorsqu'on la vit, comme la voiture apparaît complexe quand elle est entièrement démontée, mais simple quand elle roule). On se demande comme ce manuel pour débutants qu'est la Somme peut être compris par les dits débutants !

2. -- Le principe est à l'intellect ce que la fin est à la volonté.

  • En s'appuyant sur un principe, l'intellect parvient à des conclusions par le raisonnement, ces conclusions n'étant pas évidentes au point de départ.
  • En s'appuyant sur la fin (la dilection du bonheur), la volonté parvient par délibération à vouloir des biens intermédiaires, des moyens en vue de la fin, qui n'étaient pas évidents dans la dilection naturelle initiale du bonheur.

La conclusion issue du raisonnement est analogue au choix issu de la délibération.

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A. -- On notera ce que nous prenons comme une grossière erreur de traduction :
 
Unde non est ex imperfectione appetentis, quod aliquid appetat naturaliter ut finem, et aliquid per electionem, ut ordinatur in finem.
qui a été rendu par : 
 
Ce n’est donc pas du fait de son imperfection que le sujet désirant veut ceci naturellement comme sa fin, et cela électivement, en l’ordonnant à sa fin. 
 
"et aliquid" est traduit par "et ceci", ce qui ne répond pas des deux choses désirées : le bien ultime comme fin, et les moyens ordonnés à cette fin.
 
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Thomas d'Aquin - I.q79a10 - Distinction intelligence et intellect

Ce nom "intelligence" signifie proprement l'acte même de l'intellect qui est intelliger. (...) Ainsi donc l'intelligence de l'intellect n'est pas distinguée

  • comme une puissance à l'égard d'une puissance ;
  • mais comme l'acte d'une puissance.

(Somme, I.q79a10)

 

Hoc nomen intelligentia proprie significat ipsum actum intellectus qui est intelligere. (...) Sic ergo intelligentia ab intellectu non distinguitur

  • sicut potentia a potentia;
  • sed sicut actus a potentia.

 

 

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Thomas d'Aquin - I.q82a3 - Version complète : De l'intellect ou de la volonté, quelle est la plus grande ? - SOMMET - Y REVENIR

L'éminence d’une chose à l'égard d'une autre peut être considérée doublement, 

  • d'une manière : absolument (simpliciter),
  • d'une autre manière : selon un rapport (secundum quid).
  • Une chose est considérée telle absolument,
    • quand elle est telle selon elle-même,
  • et elle est telle selon un rapport,
    • quand elle est telle au regard d'une autre.

[Simpliciter -- l'objet est plus élevé donc la puissance est plus élevée]

Si l’intellect et la volonté sont considérées selon elles-mêmes, ainsi l’intellect est trouvée plus éminente.

Et cela apparaît à partir de la comparaison des objets entre eux.

L'objet de l'intellect, en effet, est plus simple et plus absolu que l'objet de la volonté.

  • C'est un fait que l’objet de l’intellect est la raison même de bien appétible [= la notion même de bien vers lequel on peut être porté] (ipsa ratio boni appetibilis) ; 
  • et le bien appétible, dont la ratio [= la notion] est dans l’intellect, est l’objet de la volonté.

Et plus quelque chose est plus simple et plus abstrait, plus il est selon soi noble et élevé. Et c’est pourquoi l’objet de l’intellect est plus élevé que l'objet de la volonté.

Avec donc [le fait que] la ratio propre d’une puissance est ordonnée [= dépend de son ordre] à l’objet, il s’ensuit que selon soi et absolument (simpliciter), l'intellect est plus élevée et plus noble que la volonté.

[Secundum quid]

Relativement (secundum quid) cependant, et par comparaison à un autre, la volonté est trouvée parfois plus élevée que l'intellect ; c'est à dire à partir du [fait] que l'objet de la volonté est trouvé dans une chose (altiori re) plus elevée que l'objet de l'intellect. 

Comme si je disais que l’ouïe est sous un certain rapport plus noble que la vue, parce que la chose qui produit le son est d’une plus grande perfection qu’une autre chose qui serait colorée, bien que la couleur soit plus noble et plus simple que le son.

C'est un fait qui a déjà été dit plus haut,

  • l'action de l'intellect consiste en cela que la ratio d'une chose intelligée est dans celui qui intellige ;
  • l’acte de la volonté, de son côté, est perfectionné en cela que la volonté est inclinée vers la chose-même (ipsam rem) telle qu'elle est en soi.

Et c'est pourquoi le Philosophe dit en Métaphysique VI

  • que le bien et le mal, qui sont objets de la volonté, sont dans les choses (rebus),
  • [et que] le vrai et le faux, qui sont objets de l’intellect, sont dans l’esprit.
  • Quand alors la chose (res) en laquelle est le bien est une chose plus noble que l’âme même (en laquelle est la raison (ratio) ayant été intelligée),
    • par comparaison à une telle chose (rem), la volonté est plus élevée que l'intellect.
  • Quand, d'un autre côté, la chose (res) en laquelle est le bien est une chose inférieure à l’âme,
    • à ce moment-là, par comparaison à une telle chose (rem)l’intellect est plus élevé que la volonté. 

D'où

  • il est meilleur d’aimer Dieu que de connaître [Dieu] ;
  • et au contraire il est meilleur de connaître les choses corporelles que de [les] aimer.

Toutefois, absolument (simpliciter) [parlant], l’intellect est plus noble que la volonté.

(Somme, I.q82a3)

Eminentia alicuius ad alterum potest attendi dupliciter,

  • uno modo, simpliciter;
  • alio modo, secundum quid.
  • Consideratur autem aliquid tale simpliciter,
    • prout est secundum seipsum tale,
  • secundum quid autem,
    • prout dicitur tale secundum respectum ad alterum.

[ ]

Si ergo intellectus et voluntas considerentur secundum se, sic intellectus eminentior invenitur.

Et hoc apparet ex comparatione obiectorum ad invicem.

Obiectum enim intellectus est simplicius et magis absolutum quam obiectum voluntatis,

  • nam obiectum intellectus est ipsa ratio boni appetibilis;
  • bonum autem appetibile, cuius ratio est in intellectu, est obiectum voluntatis.

Quanto autem aliquid est simplicius et abstractius, tanto secundum se est nobilius et altius. Et ideo obiectum intellectus est altius quam obiectum voluntatis.

Cum ergo propria ratio potentiae sit secundum ordinem ad obiectum, sequitur quod secundum se et simpliciter intellectus sit altior et nobilior voluntate.

[ ]

Secundum quid autem, et per comparationem ad alterum, voluntas invenitur interdum altior intellectu; ex eo scilicet quod obiectum voluntatis in altiori re invenitur quam obiectum intellectus.

Sicut si dicerem auditum esse secundum quid nobiliorem visu, inquantum res aliqua cuius est sonus, nobilior est aliqua re cuius est color, quamvis color sit nobilior et simplicior sono.

Ut enim supra dictum est,

  • actio intellectus consistit in hoc quod ratio rei intellectae est in intelligente;
  • actus vero voluntatis perficitur in hoc quod voluntas inclinatur ad ipsam rem prout in se est.

Et ideo philosophus dicit, in VI Metaphys.,

  • quod bonum et malum, quae sunt obiecta voluntatis, sunt in rebus;
  • verum et falsum, quae sunt obiecta intellectus, sunt in mente.

  • ... Quando igitur res in qua est bonum, est nobilior ipsa anima, in qua est ratio intellecta,
    • per comparationem ad talem rem, voluntas est altior intellectu.
  • Quando vero res in qua est bonum, est infra animam,
    • tunc etiam per comparationem ad talem rem, intellectus est altior voluntate.

Unde

  • melior est amor Dei quam cognitio,
  • e contrario autem melior est cognitio rerum corporalium quam amor.

Simpliciter tamen intellectus est nobilior quam voluntas.


1. -- Résumons :

  • l'objet de l'intellect : la raison de bien, la ratio boni, la notion de bien ;
  • l'objet de la volonté : le bien réel capable de nous mobilisé, de nous attiré, mais seulement si ce bien concret est appréhendé et jugé à travers la ratio boni qui est dans l'intellect.

Voilà pourquoi Thomas dit que l'objet de l'intelligence est plus simple, c'est que l'intellect n'a pas besoin de la volonté pour se porter vers son objet, c'est à dire la vérité des choses, celle-ci n'étant atteinte qu'à travers une appréhension qui permet ensuite le jugement : ce bien-ci est un bien. Alors que la volonté est dépendante de l'intellect. Ce qui ne signifie pas que sa dépendance la rende inférieure en tout, mais seulement quant à certains objets comme va le dire Thomas. Passionnant et extrêmement réaliste. Thomas, ici comme ailleurs, est d'une très grande finesse d'analyse.

A travers notre volonté, c'est à dire notre capacité d'aimer, nous n'aimons pas le bien en général, le bien universel, la notion ou l'idée de bien, mais nous aimons tel bien, telle personne, un Dieu bien réel.

De son côté, la connaissance de n'importe quelle vérité nous ennoblie mais l'amour de n'importe quel bien ne nous ennoblie pas nécessairement.

2. -- "la ratio propre d’une puissance est ordonnée à l’objet", cela signifie que la compréhension qu'on peut avoir d'une puissance est directement relative à son objet, on ne comprend ce qu'est une puissance que relativement à son objet. De même que la puissance d'un rateau ne se comprend pas s'il n'y a rien à ratisser car c'est seulement en découvrant les feuillles mortes ratissables que la puissance du rateau devient intelligible.

3. -- "in qua est ratio intellecta" : Intéressant de voir que dans le cas d'une chose plus noble que l'âme, Thomas prend soin de préciser que l'âme est l'âme en tant qu'elle a intelligé la raison de bien qui a servi à juger de la chose qui lui est supérieure. Et donc l'intellect lui-même participe dans le processus qui permet à l'âme de connaître qu'une réalité est plus digne d'être aimée que d'être connue. L'intellect collabore ici à son propre "retrait" au profit de la volonté.

---

Sur cette question, voir p. 553, la note intéressante de FX Putallaz dans L'âme humaine, Le Cerf, 2018.

Voir aussi l'explication de Thomas dans De Veritate, q. 22, a. 11., plus détaillée bien qu'abordée à travers un vocabulaire et un angle un peu différents.

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Thomas d'Aquin - I.q82a3 - Version courte : De l'intellect ou de la volonté, quelle est la plus grande ?

  • Cela dépend de l'objet
  • Alors, quand la chose (res) en laquelle est le bien est une chose plus noble que l’âme même (en laquelle est la raison (ratio) ayant été intelligée),
    • par comparaison à une telle chose (rem), la volonté est plus élevée que l'intellect.
  • Quand, d'un autre côté, la chose (res) en laquelle est le bien est une chose inférieure à l’âme,
    • à ce moment-là, par comparaison à une telle chose (rem)l’intellect est plus élevé que la volonté. 

(Somme, I.q82a3)

  • ... Quando igitur res in qua est bonum, est nobilior ipsa anima, in qua est ratio intellecta,
    • per comparationem ad talem rem, voluntas est altior intellectu.
  • Quando vero res in qua est bonum, est infra animam,
    • tunc etiam per comparationem ad talem rem, intellectus est altior voluntate.

 


1. -- Intéressant de voir que dans le cas d'une chose plus noble que l'âme, Thomas prend soin de préciser que l'âme est l'âme en tant qu'elle a intelligé la raison de bien qui a servi à juger de la chose qui lui est supérieure. Et donc l'intellect lui-même participe dans le processus qui permet à l'âme de connaître qu'une réalité est plus digne d'être aimée que d'être connue. L'intellect collabore ici à son propre "retrait" au profit de la volonté.

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Sur cette question, voir p. 553, la note lumineuse et déterminante de FX Putallaz dans L'âme humaine, Le Cerf, 2018.

Et l'explication plus détaillée de Thomas dans De Veritate, q. 22, a. 11.

--> Voir l'analyse de la question complète ici.

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Thomas d'Aquin - I.q83a4 - Analogie intelligence / raison / conclusion -- volonté / libre arbitre / moyens

 

Si le libre arbitre est une puissance appétitive, est-elle la même puissance que la volonté, ou une autre ?

 

 

Si est appetitiva, utrum sit eadem potentia cum voluntate, vel alia.

 

Les puissances appétitives être proportionnées aux puissances cognitives, comme on l'a dit plus haut.

  • De même que de la partie appréhension intellectuelle se prennent l'intellect et la raison, 
  • ainsi de la partie appétit intellectif se prennent la volonté et le libre arbitre,
    • qui n’est rien d’autre que la puissance élective (vis electiva).

Et cela est patent à partir du rapport entre objets et actes [de ces puissances].

Potentias appetitivas oportet esse proportionatas potentiis apprehensivis, ut supra dictum est.

  • Sicut autem ex parte apprehensionis intellectivae se habent intellectus et ratio,
  • ita ex parte appetitus intellectivi se habent voluntas et liberum arbitrium,
    • quod nihil aliud est quam vis electiva.

Et hoc patet ex habitudine obiectorum et actuum.

[Du côté de l'appréhension intellective]  
  • Intelliger (intelligere) implique une simple saisie de quelque réalité (alicuius rei).
    • d'où être intelligé est proprement dit des principes,
      • [principes qui] sont connus par eux-mêmes sans confrontation.
  • Raisonner (Ratiocinari), c’est passer d’une connaissance à une autre,
    • d'où, proprement, c'est sur les conlusions que nous raisonnons,
      • [conclusions] qui deviennent connues à partir des principes.
  • Nam intelligere importat simplicem acceptionem alicuius rei,
    • unde intelligi dicuntur proprie principia,
      • quae sine collatione per seipsa cognoscuntur.
  • Ratiocinari autem proprie est devenire ex uno in cognitionem alterius, 
    • unde proprie de conclusionibus ratiocinamur,
      • quae ex principiis innotescunt.
[Du côté de l'appétit intellectif, (= spirituel)]  

Il en va de même dans l’appétit :

  • vouloir (velle) implique un simple appétit (simplicem appetitum) de quelque réalité,
    • d'où, la volonté est dîte [volonté] de la fin, laquelle est par elle-même objet de l'appétit.
  • Elire, c’est appéter [= désirer] une chose pour en obtenir une autre, 
    • d'où [élire] est proprement à propos de ce qui est en vue de la fin [= les moyens].

Similiter ex parte appetitus,

  • velle importat simplicem appetitum alicuius rei,
    • unde voluntas dicitur esse de fine, qui propter se appetitur.
  • Eligere autem est appetere aliquid propter alterum consequendum,
    • unde proprie est eorum quae sunt ad finem.
[Les premiers principes sont aux conclusions ce que la fin est aux moyens]  

Mais, 

  • de même qu''il y a un rapport dans l’ordre de la connaissance du principe à la conclusion,
    • [conclusion] à laquelle nous donnons notre assentiment à cause des principes,
  • ainsi, dans l’ordre appétitif il y a un rapport de la fin aux moyens,
    • [moyens] qui sont appétés [= désirés] à cause de la fin.

D'où est manifeste que

  • de même qu'il y a un rapport de l'intellect à la raison,
  • ainsi il y a un rapport de la volonté à la puissance élective, ce qui est la même chose que le libre arbitre.

Mais a été montré (ostensum) plus haut 

  • qu'intelliger et raisonner est une même puissance (potentiae),
  • comme reposer et mouvoir est une même capacité (virtutis),

D'où aussi vouloir et élire est une même puissance.

Et à cause de cela volonté et libre arbitre ne sont pas deux puissances, mais une [seule].

(Somme, I.q83a4)

  • Sicut autem se habet in cognitivis principium ad conclusionem,
    • cui propter principia assentimus ;
  • ita in appetitivis se habet finis ad ea quae sunt ad finem,
    • quae propter finem appetuntur.

Unde manifestum est quod sicut se habet intellectus ad rationem, ita se habet voluntas ad vim electivam, idest ad liberum arbitrium.

Ostensum est autem supra

  • quod eiusdem potentiae est intelligere et ratiocinari,
  • sicut eiusdem virtutis est quiescere et moveri.

Unde etiam eiusdem potentiae est velle et eligere.

Et propter hoc voluntas et liberum arbitrium non sunt duae potentiae, sed una.


1. --

L'analogie est donc la suivante : 

  • comme les premiers principes s'imposent dans l'ordre de la connaissance,
  • ainsi s'imposent la connaissance simple de la fin dans l'ordre de l'agir ;

puis

  • comme le raisonnement, à partir des premiers principes, amène à la connaissance d'autres choses,
  • ainsi l'élection, à partir de la connaissance de la fin, amène à la connaissance des moyens.

Voici les rapports de proportions à souligner :

(1) premiers principes, (2) raisonnement, (3) conclusion ;

(1) fins, (2) élection (qui implique la recherche par le conseil), (3) moyens.

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Thomas d'Aquin - Une même chose peut être considérée comme vrai et comme bien

Le bien et le vrai sont convertibles dans la réalité (secundum rem), et c'est pourquoi le bien peut être appréhendé intelligé par l'intelligence intellect sous la raison de vrai, et le vrai est désiré (appetitur) sous la raison de bien par la volonté. Cette distinction des raisons suffit à distinguer les deux puissances.1 (Somme,I, q. 59, a. 2, r. 3)

Bonum et verum convertuntur secundum rem, inde est quod et bonum ab intellectu intelligitur sub ratione veri, et verum a voluntate appetitur sub ratione boni. Sed tamen diversitas rationum ad diversificandum potentias sufficit, ut dictum est.

1. Traduction corrigée.

secundum rem, litt. : "selon la chose" ; implicitement : "selon qu'ils sont dans la chose concrète réelle".

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