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Thomas d'Aquin - I-II.q57a4ad3 - EN COURS - La prudence dans les arts est une prudence au sens restreint

La prudence est bonne conseillère pour ces [choses] qui s'adressent

  • à la totalité de la conduite
  • et à la fin ultime de la vie humaine.

Mais dans les arts certains offre conseil dans ces [choses] àenvers les fins propres de ces arts.

De là vient que certains, en tant qu'ils sont bons conseillers dans les affaires de la guerre ou de la navigation, sont dits de prudents chefs ou de prudents navigateurs,

  • non pas cependant des prudents [purement et] simplement ; 
  • mais [sont dit prudents simpliciter] ceux-là seulement qui conseillent bien dans ces [choses] qui confèrent à [= concernent] toute la vie.

(Somme, I-II.q57a4ad3)

Prudentia est bene consiliativa de his quae pertinent

  • ad totam vitam hominis,
  • et ad ultimum finem vitae humanae.

Sed in artibus aliquibus est consilium de his quae pertinent ad fines proprios illarum artium.

Unde aliqui, inquantum sunt bene consiliativi in rebus bellicis vel nauticis, dicuntur prudentes duces vel gubernatores,

  • non autem prudentes simpliciter,
  • sed illi solum qui bene consiliantur de his quae conferunt ad totam vitam.

 


 

Art, Fin ultime, Prudence, Conférer (Confrontation, Collation, Vis Collativa), Conseil

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a4ad2 - EN COURS - La proximité de l'art avec la prudence sous un certain angle et avec l'habitus spéculatif sous un autre

[Du point de vue du siège, l'art est proche de la prudence]

La prudence s'accorde plus (magis convenit) avec l'art qu'avec les habitus spéculatifs quant

  • au sujet
  • et à la matière,

chacun d'eux en effet 

  • est dans la partie opinative de l'âme, [= le sujet]
  • et atteint les choses qui peuvent être autrement [qu'elles ne sont]. [= la matière]

[Du point de vue de la vertu, l'art est proche de l'habitus spéculatif]

Mais l'art s'accorde plus avec les habitus spéculatifs dans la raison de vertu [= en tant que vertu] qu'avec la prudence, comme cela est patent à partir ce qu'on a dit [dans le corps de l'article].

(Somme, I-II.q57a4ad2)

[ ]

Prudentia magis convenit cum arte quam habitus speculativi, quantum ad

  • subiectum
  • et materiam,

utrumque enim 

est in opinativa parte animae,

et circa contingens aliter se habere.

[ ]

Sed ars magis convenit cum habitibus speculativis in ratione virtutis, quam cum prudentia, ut ex dictis patet.

 


 1. -- La dernière phrase demande à être commentée.

Art, Âme, Prudence, Habitus spéculatif, Opinion, Opiniative, Partie de l'âme

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a4 - EN COURS - Différence entre l'agere et le facere ; l'agir et le faire ; l'art et la prudence

Où sont trouvées diverses raisons de vertus, là il faut distinguer les vertus. Mais il a été dit plus haut que

  • un certain habitus a raison de vertu à partir de cela seul qu'il fait la faculté pour des oeuvres bonnes ;
  • mais qu'un certain [autre a raison de vertu] à partir de cela que non seulement il fait la faculté 
    • pour des oeuvres bonnes,
    • mais aussi l'usage [bon].
  • Mais l'art fait seulement la faculté pour des oeuvres bonnes, parce que qu'il ne regarde pas l'appétit.
  • Mais la prudence ne fait pas seulement la faculté pour des oeuvres bonnes, mais aussi l'usage, qui regarde l'appétit, en tant qu'elle présuppose la rectitude de l'appétit.

La raison de cette différence, c'est que

  • l'art est la règle droite dans les choses qu'on peut fabriquer (factibilium),
  • tandis que la prudence est la droite règle dans les actions qu'on peut poser (agibilium).

Faire et agir diffère parce que (comme il est dit au chap. IX des Métaphysiques)

  • faire est un acte qui fait aller dans une matière extérieure,
    • comme édifier, tailler, etc.
  • mais agir est un acte qui demeure (permanens) dans l'agent même,
    • comme voir, vouloir, etc.

Ainsi donc,

  • sur ce mode la prudence se rapporte aux actes humains de ce genre
    • ([c'est à dire ces actes humains] que sont l'usage des puissances et des habitus),
  • comme l'art se rapporte aux fabrications extérieures ;

parce que chacune d'elles est la raison parfaite au regard de ces [choses] auxquelles elle est appliquée (comparatur, trad. difficile).

[A propos de la raison droite, analogie domaine pratique / domaine spéculatif]

Or

  • la perfection et rectitude de la raison dans les choses spéculatives
    • dépend des principes à partir desquels la raison syllogise [= atteint des conclusions par raisonnement] ;
  • comme il a été dit que la science
    • dépend de l'intellect
      • qu'est l'habitus des principes,
      • et le présuppose.

Mais dans les actes humains les fins se prennent comme les principes dans les choses spéculatives, comme il est dit dans l'Ethique [à Nicomaque].

Et c'est pourquoi pour la prudence, qui est la droite règle des actions qu'on peut poser, il est requis que l'homme soi bien disposé à propos des fins, ce qui se fait par un appétit rendu droit.

Et c'est pourquoi pour la prudence est requise la vertu morale, par laquelle l'appétit devient (fit) droit.

(...)

(Somme, I-II.q57a4)

Ubi invenitur diversa ratio virtutis, ibi oportet virtutes distingui. Dictum est autem supra quod

  • aliquis habitus habet rationem virtutis ex hoc solum quod facit facultatem boni operis, 
  • aliquis autem ex hoc quod facit non solum facultatem 
    • boni operis,
    • sed etiam usum.
  • Ars autem facit solum facultatem boni operis, quia non respicit appetitum.
  • Prudentia autem non solum facit boni operis facultatem, sed etiam usum, respicit enim appetitum, tanquam praesupponens rectitudinem appetitus.

Cuius differentiae ratio est, quia

  • ars est recta ratio factibilium;
  • prudentia vero est recta ratio agibilium.

Differt autem facere et agere quia, ut dicitur in IX Metaphys.,

  • factio est actus transiens in exteriorem materiam, sicut aedificare, secare, et huiusmodi;
  • agere autem est actus permanens in ipso agente, sicut videre, velle, et huiusmodi.

Sic igitur

  • hoc modo se habet prudentia ad huiusmodi actus humanos, 
    • qui sunt usus potentiarum et habituum,
  • sicut se habet ars ad exteriores factiones,

quia utraque est perfecta ratio respectu illorum ad quae comparatur.

[ ]

  • Perfectio autem et rectitudo rationis in speculativis,
    • dependet ex principiis, ex quibus ratio syllogizat,
  • sicut dictum est quod scientia
    • dependet ab intellectu,
      • qui est habitus principiorum,
      • et praesupponit ipsum.

In humanis autem actibus se habent fines sicut principia in speculativis, ut dicitur in VII Ethic.

Et ideo ad prudentiam, quae est recta ratio agibilium, requiritur quod homo sit bene dispositus circa fines, quod quidem est per appetitum rectum.

Et ideo ad prudentiam requiritur moralis virtus, per quam fit appetitus rectus.

 (...)


1. -- transiens : trans-ire, aller d'un point à un autre

2. -- "comme voir, vouloir, etc." : intéressant de voir combien l'agere pris au sens basic n'est pas nécessairement un acte moral, puisque "voir" est un exemple que TH. donne, alors que l'exempel suivant "vouloir" lui est bien du domaine moral.

 

Art, Actions, Prudence, Oeuvres d'art, Rectitude, Règle droite, Ratio recta

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a5ad3 - Le vrai de l'intellect pratique (conformité du contingent avec l'appétit droit)

Le vrai de l'intellect spéculatif (...).

Mais le vrai de l'intellect pratique se prend par conformité à l'appétit rendu droit.

  • [De sorte] qu'une telle conformité dans les [choses] nécessaires n'a pas lieu ici,
    • [une conformité à ces choses nécessaires] que la volonté humaine ne fait pas,
  • mais [elle a lieu] seulement dans les [choses] contingentes
    • qui peuvent être faites par nous [= que la volonté humaine peut faire]
      • ou qu'elles soient des actions intérieures (agibilia interiora)
      • ou qu'elles soient des choses fabricables extérieures (factibilia exteriora).

Et c'est pourquoi à propos des seules [choses] contingentes est posée une vertu de l'intellect pratique,

  • à propos des [choses] fabricables, l'art ; [dans le domaine du faire]
  • à propos des actions, la prudence. [dans le domaine éthique de l'agir]

(Somme, I-II.q57a5ad3)

Nam verum intellectus speculativi (...).

Verum autem intellectus practici accipitur per conformitatem ad appetitum rectum.

  • Quae quidem conformitas in necessariis locum non habet,
    • quae voluntate humana non fiunt,
  • sed solum in contingentibus
    • quae possunt a nobis fieri,
      • sive sint agibilia interiora, 
      • sive factibilia exteriora.

Et ideo circa sola contingentia ponitur virtus intellectus practici,

  • circa factibilia quidem, ars;
  • circa agibilia vero prudentia.

 


1. -- agibilia interiora : seule occurence de cette expresson chez TH., le mot interiora qualifie l'action de l'homme sur le plan éthique. Sur ce plan, la fin est le bien agir, et l'action n'est pas séparée de celui qui la pose (elle reste en ce sens intérieure) ; contrairement à l'oeuvre d'art, fin séparée de l'artiste qui la produit (l'oeuvre est alors manifestement extérieure). Le mot "intérieures" ne désigne pas ici l'intériorité spirituelle de l'homme. Voir I-II.q57a4 où cela est clairement dit.

2. -- appetitum rectum : rectum = participe passé passif, qui a été rectifié, rendu droit, "droitifié"

Vérité, Art, Actions, Nécessité, Vrai, Prudence, Opération, Oeuvres d'art, Intellect pratique, Intellect spéculatif, Contingence, Conformité

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a5ad2 - L'homme qui agit par lui-même sans le conseil d'un autre atteint vraiment le bien vivre

Quand un homme opère le bien

  • non selon sa propre raison,
  • mais d'après la motion du conseil d'un autre, 

son opération n'est pas encore en tout parfaite,

  • quant à la raison qui dirige,
  • et quant à l'appétit qui meut.

D'où, si le bien est opéré, [= le bien est réellement fait, mais reste en partie extérieur]

  • ce n'est pas le bien simplement ; [= il reste encore une division, il faut que la personne accomplisse le bien entièrement d'elle-même sans que le conseil d'un autre soit nécessaire]
  • [car c'est opérer le bien simplement] qui est le bien vivre. [=bien vivre, ce sera alors savoir par soi-même et uniquement par soi-même quel bien il faut accomplir, alors l'acte sera simple et parfait]

(Somme, I-II.q57a5ad2)

 

Cum homo bonum operatur

  • non secundum propriam rationem,
  • sed motus ex consilio alterius;

nondum est omnino perfecta operatio ipsius,

  • quantum ad rationem dirigentem,
  • et quantum ad appetitum moventem.

Unde si bonum operetur,

  • non tamen simpliciter bene;
  • quod est bene vivere.

 


1. -- Le mot "parfaite" n'est pas à entendre ici comme quelque chose qui épuise totalement la capacité de bien opérer. On souligne simplement que agir par soi-même atteint une perfection que celui qui agit par un autre n'atteint pas.

Perfection, Sagesse, Prudence, Opération, Bene vivere, Vivre bien, Bien agir, Agir

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Thomas d'Aquin - I-II.q57a5ad1 - EN COURS - Quel est le bien en art ? Quel est le bien en éthique ?

!!! Dernier commentaire intra texte à finaliser.

[Le bien de l'art]

Le bien de l'art n'est pas considéré

  • dans l'artisan, [= celui qui possède un art]
  • mais plutôt dans l'oeuvre d'art (artificiato),

puisque l'art est la droite règle (ratio recta) des [choses] qu'on peut fabriquer. En effet la fabrication, qui se réalise (transiens) dans une matière extérieure,

  • n'est pas la perfection de celui qui fait
  • mais de ce qui est fait,

comme le mouvement est l'acte du mobile ; 

en effet, l'art regarde les [choses] qu'on peut fabriquer.

[Le bien de la prudence]

Mais le bien de la prudence est

  • celui qui est atteint en celui qui agit
  • et dont la perfection est son agir même,

en effet, la prudence est la droite règle au sujet des actions posables, comme on l'a dit.

 

[L'artisan n'a pas besoin d'être bon moralement pour être un bon artiste]

  • C'est pourquoi, pour l'art, il n'est pas requis que l'ouvrier opère bien [= agisse bien], mais qu'il fasse une oeuvre bonne.
  • Il serait plutôt requis que l'oeuvre d'art elle-même opère bien, 
    • comme le couteau coupe bien 
    • ou à la scie scie bien, s'il leur appartenait en propre d'agir et non plutôt d'être "agis", du fait qu'ils n'ont pas la maîtrise  (dominium) de leurs actes.

 

[Son art n'apporte spécifiquement rien à l'artisan à propos de son bene vivere]

Voilà pourquoi

  • l'art n'est pas nécessaire à l'artisan lui-même pour bien vivre,
  • mais seulement pour faire une oeuvre bonne et pour la conserver [= intéressant, il faut maintenir la bonté de oeuvre par l'entretien ; // avec la vertu ??].

Mais la prudence est nécessaire à l'homme

  • pour bien vivre
  • et pas seulement pour devenir bon. [Dans l'agir, le bien n'est pas un produit, mais un acte de celui qui agit. L'artisan peut mourrir, l'oeuvre d'art bonne reste.]

(Somme, I-II.q57a5)

[Bonum artis]

Bonum artis consideratur

  • non in ipso artifice,
  • sed magis in ipso artificiato,

cum ars sit ratio recta factibilium, factio enim, in exteriorem materiam transiens,

  • non est perfectio facientis,
  • sed facti,

sicut motus est actus mobilis;

ars autem circa factibilia est.

[Prudentiae bonum]

Sed prudentiae bonum

  • attenditur in ipso agente,
  • cuius perfectio est ipsum agere,

est enim prudentia recta ratio agibilium, ut dictum est.

[ ] 

Et ideo ad artem 

  • non requiritur quod artifex bene operetur, sed quod bonum opus faciat.
  • Requireretur autem magis quod ipsum artificiatum bene operaretur,
    • sicut quod cultellus bene incideret,
    • vel serra bene secaret;

si proprie horum esset agere, et non magis agi, quia non habent dominium sui actus.

[ ]

Et ideo

  • ars non est necessaria ad bene vivendum ipsi artificis;
  • sed solum ad faciendum artificiatum bonum, et ad conservandum ipsum.

Prudentia autem est necessaria homini

  • ad bene vivendum,
  • non solum ad hoc quod fiat bonus. 

 


1. -- " la fabrication, qui se réalise dans une matière extérieure, n'est pas la perfection du fabricant mais de l'objet fabriqué" : on peut néanmoins dire qu'en perfectionnant l'oeuvre, l'artiste se perfectionne lui-même.

2. -- Son art n'apporte spécifiquement rien à l'artisan/artiste à propos de son bene vivere, c'est à dire dans les actions qu'il pose dans le domaine moral et non dans son domaine propre d'artisan/artiste. Cependant si, en tant qu'artiste, l'artiste travaille mal et produit de mauvaises oeuvres, cela atténuera son bonheur d'homme moral puisqu'il ne parvient pas à s'accomplir en tant qu'artisan/artiste. TH. distingue bien les différents domaines dans l'analyse mais, concrètement, c'est un homme tout un qui existe, c'est le même homme qui est à la fois moral et artiste, et donc ce qui touche un plan a une influence sur l'autre. Bien distinguer l'analyse qui saucissone et la réalité qui est une.

Art, Prudence, Bene vivere, Vivre bien, Bien agir, Agir, Ethique, Agere vs Facere, Règle droite, Ratio recta

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Thomas d'Aquin - I-II.q47a5 - La prudence est la vertu la plus nécessaire à la vie humaine.

  • Il faut une sous-traitance spécifique pour s'occuper des moyens, c'est la vertu de prudence qui s'en charge

La prudence est la vertu la plus nécessaire à la vie humaine. Bien vivre (bene vivere) consiste en effet à bien opérer (operari) [= agir]. Cependant pour que quelque chose soit bien opéré (bene operetur),

  • il est non seulement requis qu'on fasse quelque chose,
  • mais aussi qu'on le fasse d'une certaine manière (quomodo)

c'est à dire que

  • les [actions] soient posées selon une élection droite,
  • et non seulement à partir d'une impulsion ou d'une passion.

Mais, comme l'élection porte sur les moyens, la rectitude de l'élection requiert deux [choses], à savoir :

  • la fin due,
  • et ce qui est convenablement (convenienter) ordonnée à (ad) la fin due. [= plan des moyens]

[A la fin due]

  1. Mais à la fin due,
    • l'homme est convenablement disposé par la vertu [= ?? La témpérance] qui perfectionne la partie appétitive de l'âme, dont l'objet est
      • le bien
      • et la fin. 
  2. Mais à (ad) ce qui est convenablement ordonné à (in) la fin due,  [= plan des moyens]
    • il faut qu'on y soit directement disposé par un habitus de la raison, car
      • délibérer
      • et élire, 
        • qui sont les opérations relatives aux moyens,
    • sont des actes de la raison.

Et c'est pourquoi il est nécessaire que soit dans la raison une vertu intellectuelle, par laquelle est perfectionnée la raison, de sorte qu'elle se rapporte convenablement aux moyens.

Et cette vertu est la prudence. Aussi la prudence est-elle une vertu nécessaire pour bien vivre..

(Somme, I-II.q47a5)

Prudentia est virtus maxime necessaria ad vitam humanam. Bene enim vivere consistit in bene operari. Ad hoc autem quod aliquis bene operetur,

  • non solum requiritur quid faciat,
  • sed etiam quomodo faciat;

ut scilicet

  • secundum electionem rectam operetur,
  • non solum ex impetu aut passione.

Cum autem electio sit eorum quae sunt ad finem, rectitudo electionis duo requirit, scilicet

  • debitum finem;
  • et id quod convenienter ordinatur ad debitum finem.

[Ad debitum finem]

  1. Ad debitum autem finem homo convenienter disponitur per virtutem quae perficit partem animae appetitivam, cuius obiectum est
    • bonum
    • et finis.
  2. Ad id autem quod convenienter in finem debitum ordinatur,
    • oportet quod homo directe disponatur per habitum rationis, quia
      • consiliari
      • et eligere,
        • quae sunt eorum quae sunt ad finem,
    • sunt actus rationis.

Et ideo necesse est in ratione esse aliquam virtutem intellectualem, per quam perficiatur ratio ad hoc quod convenienter se habeat ad ea quae sunt ad finem.

Et haec virtus est prudentia. Unde prudentia est virtus necessaria ad bene vivendum. 

 

   

1. -- Il est intéressant de voir que TH. ajoute "et non seulement à partir d'une impulsion ou d'une passion", il aurait pu dire "et non à partir de". Il reste fidèle au fait que l'impulsion naturelle et la passion ne sont pas par elles-mêmes mauvaises, seulement neutres. Livrées à elles-mêmes, elles ne peuvent agir droitement, d'où la nécessité d'une vertu.

2. -- debitum finem : une fin issue d'une loi, cf. par ex. I-II.q91a2 :

Et d'où en cette créature est participée la raison éternelle, par laquelle elle possède une inclination naturelle à l'acte dû et à la fin due.

Unde et in ipsa participatur ratio aeterna, per quam habet naturalem inclinationem ad debitum actum et finem.

3. -- debitum finem : la traduction de 1933 dit : "la fin conforme au devoir", elle a été heureusement corrigée dans les années 80, c'est celle que nous avons retenue. Bien sûr, TH. est bien loin d'une morale du devoir !

4. -- convenienter : voir la notion de convenance chez TH.

Convenance, Prudence, Bene vivere, Vivre bien, Bien agir, Fin due (debitum finis)

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Thomas d'Aquin - II-II.q48a1 - EN COURS - Un tout (ici, la vertu) compte trois sortes de parties

Il y a trois sortes de parties, c'est à dire,

  1. intégrantes, ainsi le mur, le toit, les fondations sont parties d'une maison ;
  2. subjectives, ainsi le boeuf et le lion sont parties du genre animal ;
  3. et potentielles, ainsi la faculté nutritive et la faculté sensitive sont parties de l'âme.

On peut donc attribuer des parties à une vertu de trois manières. 

  1. Tout d'abord, à la manière des parties intégrantes : en ce cas, on appellera parties d'une vertu les éléments concourant nécessairement à l'acte parfait de cette vertu.
    • Et en ce sens on peut retenir, de toutes les qualités énumérées, huit parties de la prudence (...).
  2. On appelle parties subjectives d'une vertu ses diverses espèces.
    • Ainsi entendues, les parties de la prudence, à les prendre au sens propre, sont la prudence par laquelle chacun se gouverne soi-même, et la prudence par laquelle on gouverne la multitude, l'une et l'autre différant spécifiquement, on l'a dit. (...)
  3. On appelle parties potentielles d'une vertu les vertus annexes ordonnées à des actes ou matières secondaires, signifiant par ce nom qu'elles ne possèdent pas toute la puissance de la vertu principale.  (...)

Quant à la prudence, elle concerne l'acte principal, qui est de commander.

(Somme, II-II.q48a1)

 Triplex est pars, scilicet 

  1. integralis, ut paries, tectum et fundamentum sunt partes domus; 
  2. subiectiva, sicut bos et leo sunt partes animalis;
  3. et potentialis, sicut nutritivum et sensitivum sunt partes animae.

Tribus ergo modis possunt assignari partes alicui virtuti.

  1. Uno modo, ad similitudinem partium integralium, ut scilicet illa dicantur esse partes virtutis alicuius quae necesse est concurrere ad perfectum actum virtutis illius.
    • Et sic ex omnibus enumeratis possunt accipi octo partes prudentiae (...).
  2. Partes autem subiectivae virtutis dicuntur species eius diversae.
    • Et hoc modo partes prudentiae, secundum quod proprie sumuntur, sunt prudentia per quam aliquis regit seipsum, et prudentia per quam aliquis regit multitudinem, quae differunt specie, ut dictum est, et iterum prudentia quae est multitudinis regitiva dividitur in diversas species secundum diversas species multitudinis. (...).
  3. Partes autem potentiales alicuius virtutis dicuntur virtutes adiunctae quae ordinantur ad aliquos secundarios actus vel materias, quasi non habentes totam potentiam principalis virtutis. (...)

 Prudentia vero est circa principalem actum, qui est praecipere.

 


1.

Commandement, Imperium, Prudence, Tout, Partie, Partie intégrantes, Partie subjective, Partie potentielle

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a16ad3 - On n'oublie la prudence qu'indirectement

La prudence consiste principalement

  • non dans la connaissance des [principes] universels
  • mais dans leur application aux actes, on vient de le dire.

Et c'est pourquoi l'oubli de la connaissance universelle

  • ne corrompt pas ce qu'il y a de principal dans la prudence,
  • mais lui porte quelque empêchement, on vient de le dire.

(Somme, II-II.q47a16ad3)

Prudentia principaliter consistit

  • non in cognitione universalium,
  • sed in applicatione ad opera, ut dictum est.

Et ideo oblivio universalis cognitionis

  • non corrumpit id quod est principale in prudentia,
  • sed aliquid impedimentum ei affert, ut dictum est.

 


1.

Objection : les premiers principes pratiques s'imposent à nous, comment pourraient-ils s'oublier ?

Essai de réponse : Ce ne sont pas les premiers principes que nous oublions mais la science acquise à partir d'eux. Aussi bien le traducteur qui s'est permis d'ajouter le terme "principes" semble conduire à une incompréhension. Dans le corps de l'article, TH. parle explicitement de l'oubli d'un art ou d'une science, ce qui amène à penser qu'il aurait mieux valu ajouter, s'il fallait ajouter, le terme "conclusions" plutôt que le terme "principes". -- Pour ce qui concerne la prudence, on aurait ici l'oubli de la pratique du conseil. Si l'habitus de conseil est perdu, la prudence sera empêchée dans son acte principal de commandement et d'application.

Voir : 

L’élection est elle‑même comme une certaine science de ce qui est déjà passé par le conseil (praeconsiliatis)(DeVer.q24a1ad17)

 

Raison, Connaissance, Appétit, Commandement, Imperium, Prudence, Opération, Application (exécution, mise en oeuvre), Corruption

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a16 - Commander, c'est l'application d'une connaissance à l'appétit et à l'opération ...

  • ... et c'est l'acte principal de la prudence

(...)

La prudence ne consiste pas

  • dans la seule raison,
  • mais aussi dans l'appétit,

parce que, nous l'avons dit, son acte principal

  • est de commander,
  • ce qui revient à appliquer une connaissance à l'appétit et à l'opération.

(...)

(Somme, II-II.q47a16)

(...)

Sed prudentia non consistit

  • in sola cognitione,
  • sed etiam in appetitu,

quia ut dictum est, principalis eius actus

  • est praecipere,
  • quod est applicare cognitionem habitam ad appetendum et operandum.

(...)

 

Raison, Connaissance, Appétit, Commandement, Imperium, Prudence, Opération, Application (exécution, mise en oeuvre)

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a15 - La prudence n'est pas naturelle bien qu'elle s'appuie sur des principes connus naturellement

  • D'où la nécessité de "travailler" pour acquérir la prudence

[Rappel]

Comme il ressort de ce qu'on a avancé plus haut, la prudence inclut la connaissance

  • et des [principes] universels
  • et des opérables singuliers des circonstances singulières relatives à l'action,

l'homme prudent appliquant à celles-ci les principes universels.

A.

Sicut ex praemissis patet, prudentia includit cognitionem

  • et universalium
  • et singularium operabilium,

ad quae prudens universalia principia applicat.

 

[Du côté de la connaissance universelle : premiers principes et principes seconds]

Quant à la connaissance universelle donc, on a le même rapport

  • pour la prudence
  • et pour la science spéculative.

Parce que l'une et l'autre connaissent naturellement les premiers principes universels, selon ce qu'on a dit plus haut ;

(avec cette différence que les principes communs de la prudence sont plus connaturels à l'homme ; comme dit en effet le Philosophe : "La vie spéculative est au-dessus de la nature de l'homme"). 

Mais les principes universels postérieurs,

  • soit de la raison spéculative
  • soit de la raison pratique,
  • on ne les possède pas par nature 
  • mais on les découvre
    • par l'expérience,
    • ou par l'enseignement. 

 B.

Quantum igitur ad universalem cognitionem, eadem ratio est

  • de prudentia
  • et de scientia speculativa.

Quia utriusque prima principia universalia sunt naturaliter nota, ut ex supradictis patet,

nisi quod principia communia prudentiae sunt magis connaturalia homini; ut enim philosophus dicit, in X Ethic., vita quae est secundum speculationem est melior quam quae est secundum hominem.

Sed alia principia universalia posteriora,

  • sive sint rationis speculativae
  • sive practicae,
  • non habentur per naturam,
  • sed per inventionem secundum viam
    • experimenti,
    • vel per disciplinam.

 

[Du côté de la connaissance particulière]

Quant à la connaissance particulière de ce qui concerne l'opération, il faut de nouveau distinguer. Parce que l'opération a rapport

  • ou à la fin
  • ou à ce qui est en vue de la fin.

[Les fins]

Or les fins droites de la vie humaine sont déterminées. Il peut donc y avoir inclination naturelle à l'égard de ces fins ; ainsi a-t-on dit précédemment que certains, par disposition naturelle, possèdent certaines vertus les inclinant vers des fins droites, et donc possèdent par nature aussi un jugement droit relatif à ces fins.

[Les moyens]

Mais les choses qui sont en vue de la fin [= les moyens], dans le domaine des choses humaines, ne sont pas déterminées ; elles sont sujettes à toute sorte de variations selon

  • la diversité des personnes
  • et des affaires (negotiorum).

[Conclusion]

Aussi, parce que l'inclination de la nature se porte toujours vers du déterminé, une telle connaissance ne peut être innée (inesse) par nature chez l'homme ;

(toutefois, l'un peut être naturellement plus apte que l'autre à discerner ce genre d'actions, comme il arrive aussi pour les conclusions des sciences spéculatives).

Parce que la prudence n'a pas pour objet les fins mais les choses qui sont en vue de la fin [= les moyens], comme on l'a établi plus haut, elle n'est pas naturelle à l'homme.

 C.

Quantum autem ad particularem cognitionem eorum circa quae operatio consistit est iterum distinguendum. Quia operatio consistit circa aliquid

  • vel sicut circa finem;
  • vel sicut circa ea quae sunt ad finem.

[Les fins]

Fines autem recti humanae vitae sunt determinati. Et ideo potest esse naturalis inclinatio respectu horum finium, sicut supra dictum est quod quidam habent ex naturali dispositione quasdam virtutes quibus inclinantur ad rectos fines, et per consequens etiam habent naturaliter rectum iudicium de huiusmodi finibus.

[Les ]

Sed ea quae sunt ad finem in rebus humanis non sunt determinata, sed multipliciter diversificantur secundum

  • diversitatem personarum
  • et negotiorum.

D.

Unde quia inclinatio naturae semper est ad aliquid determinatum, talis cognitio non potest homini inesse naturaliter,

licet ex naturali dispositione unus sit aptior ad huiusmodi discernenda quam alius; sicut etiam accidit circa conclusiones speculativarum scientiarum.

Quia igitur prudentia non est circa fines, sed circa ea quae sunt ad finem, ut supra habitum est; ideo prudentia non est naturalis.


1. -- eadem ratio est : voir si l'on peut dire que l'expression indique un rapport analogique, a priori oui. La prudence est à l'égard des premiers principes du domaine pratique, ce que la science spéculative est aux premiers principes spéculatifs.

2. -- Bien noter cette particularité de la prudence : elle inclut connaissance de l'universel et connaissance du particulier ... A creuser.

 

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Nature, Universel, Particulier, Fin, Principes (premiers), Moyens, Prudence

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a8 - Le commandement est le plus grand de trois actes de la raison dans la prudence

  • L'agir n'est plus l'agir s'il n'y a pas passage dans le concret par lequel on touche à la fin

La prudence est la droite règle dans le domaine de l'agir, on l'a dit plus haut.

D'où il faut que l'acte principal de la prudence soit l'acte principal de la raison préposée à l'action. Celle-ci émet trois actes.

  1. Le premier est le conseil : il se rattache à l'invention (inventionem)[= découvrir], car délibérer c'est chercher, comme il a été établi antérieurement.
  2. Le deuxième acte est le jugement à propos de ce qu'on a trouvé (inventis), ce que fait la raison spéculative.
  3. Mais la raison pratique,
      • qui est ordonnée à l'oeuvre,
      • va plus loin
    • et son troisième acte est de commander, 
      • cet acte-là consiste dans l'application à l'oeuvre de ce qui résulte
        • du conseil
        • et du jugement.

Et parce que cet acte est plus proche de la fin de la raison pratique, il est l'acte principal de la raison pratique et par conséquent de la prudence. Et le signe en est que (...)

Prudentia est recta ratio agibilium, ut supra dictum est.

Unde oportet quod ille sit praecipuus actus prudentiae qui est praecipuus actus rationis agibilium. Cuius quidem sunt tres actus.

  1. Quorum primus est consiliari, quod pertinet ad inventionem, nam consiliari est quaerere, ut supra habitum est.
  2. Secundus actus est iudicare de inventis, et hic sistit speculativa ratio.
  3. Sed practica ratio,
      • quae ordinatur ad opus,
      • procedit ulterius
    • et est tertius actus eius praecipere,
      • qui quidem actus consistit in applicatione
        • consiliatorum
        • et iudicatorum ad operandum.

Et quia iste actus est propinquior fini rationis practicae, inde est quod iste est principalis actus rationis practicae, et per consequens prudentiae.  Et huius signum est quod  (...)


1.

  • par le conseil, on cherche en délibérant
  • on juge du résultat de la phase de conseil
  • on commande l'application concrète des moyens découverts et retenus (jugés bons)

 

 

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Délibération, Fin, Commandement, Imperium, Prudence, Conseil, Raison spéculative

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a6 - A REVOIR - La prudence s'appuie sur la syndérèse afin de trouver les bons moyens

  • Mais la prudence n'est pas la syndérèse

[A. Syllogisme]

  1. La fin des vertus morales est le bien humain.
  2. Or, le bien de l'âme humaine est d'être selon la raison, comme le montre Denys.
  3. Aussi est-il nécessaire que les fins des vertus morales préexistent dans la raison.

A.

  1. Finis virtutum moralium est bonum humanum.
  2. Bonum autem humanae animae est secundum rationem esse; ut patet per Dionysium, IV cap. de Div. Nom.
  3. Unde necesse est quod fines moralium virtutum praeexistant in ratione.

[B. Rappel de I.q79a12 : Analogie raison spéculative / raison pratique sur les 1er principes - Syndérèse]

[1. Premier niveau d'analogie - plan des principes premiers]

  • Mais tout comme il y a dans la raison spéculative
    • certaines [choses] naturellement connues [= des premiers principes], relevant de l'intelligence
    • et certaines choses amenées à la connaissance (innotescunt) par le moyen de celles-là, à savoir les conclusions, relevant de la science [les conclusions des raisonnements sont établies grâce aux premiers principes] ;
  • de même dans la raison pratique préexistent 
    • certaines [choses] au titre de principes premiers naturellement connus,
  • et telles sont les fins des vertus morales
    • car la fin est dans les choses opérables [= les actions] comme le principe dans la spéculation, comme nous l'avons montré ;

[2. Deuxième niveau d'analogie - plan des conclusions - 
c'est à dire des connaissances obtenues grâce à des raisonnements posés à partir des principes premiers]

  • et certaines [choses] sont dans la raison pratique comme des conclusions ;
  • et telles sont [ces choses] qui sont relatives à la fin [= les moyens], auxquelles nous parvenons à partir des fins elles-mêmes. 

B.

  • Sicut autem in ratione speculativa sunt
    • quaedam ut naturaliter nota, quorum est intellectus;
    • et quaedam quae per illa innotescunt, scilicet conclusiones, quarum est scientia,
  • ita in ratione practica praeexistunt
    • quaedam ut principia naturaliter nota,
  • et huiusmodi sunt fines virtutum moralium,
    • quia finis se habet in operabilibus sicut principium in speculativis, ut supra habitum est;
  • et quaedam sunt in ratione practica ut conclusiones,
  • et huiusmodi sunt ea quae sunt ad finem, in quae pervenimus ex ipsis finibus

[C. ]

La prudence concerne ces connaissances-là [= les moyens], puisqu'elle applique les principes universels aux conclusions particulières en matière d'action.

C'est pourquoi il ne rélève pas de la prudence de déterminer à l'avance (praestituere)  leur fin aux vertus morales, mais seulement d'ordonner (disponere) ce qui est en vue de la fin [= les moyens].

(Somme, II-II.q47a6)

C.

Et horum est prudentia, applicans universalia principia ad particulares conclusiones operabilium. 

Et ideo ad prudentiam non pertinet praestituere finem virtutibus moralibus, sed solum disponere de his quae sunt ad finem. 

 


  1. -- La prudence est donc un analogue du raisonnement spéculatif qui a pour terme une conclusion, ici une conclusion dans l'ordre spéculatif de la connaissance, là dans l'ordre des moyens pratiques à mettre en oeuvre auxquels on conclue (telle action possible se révèle comme un moyen pour parvenir à la fin - fin sur laquelle on ne délibère/raisonne pas).
  2. -- TH. semble ne pas tellement aimer nommer la syndérèse. Ici, c'est pourtant bien elle qu'on rappelle pour préciser le rôle propre de  la prudence. Il la nomme seulement dans la réponse à la 1ère obj. Sans doute préfère-t-il aller à la réalité de la syndérèse et ne pas utiliser un mot qui risque de voiler ce qu'elle est. Ce qui n'a pas de nom du côté de la raison spéculative n'est pas nommé du côté de la raison pratique, on force l'intelligence à saisir.
  3. -- Disponere : Pourquoi TH. n'utilise-t-il pas ici le verbe ordinare ?
  4. -- Sicut autem in ratione speculativa sunt quaedam ut naturaliter nota : pour compléter la traduction de cet art. 6, voir déjà les mêmes expressions ici I.q79a12 : " iudicamus per principia per se naturaliter nota".
  5. -- Le mot praeexistunt est intéressant, cela aurait-il changé quelque chose à la vision de Kant s'il avait lu ces passages ?

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Moyens, Prudence, Raison pratique, Raison spéculative, Syndérèse

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a4 - La prudence est d'abord une vertu intellectuelle mais elle est aussi une vertu morale

  • La prudence ne doit pas en rester à la connaissance des moyens mais elle doit les mettre en oeuvre

 

ARTICLE DIFFICILE - BIEN L'ASSIMILER - ET Y REVENIR

 

La prudence est-elle une vertu ?  

Comme il a été dit lorsqu'on traitait des vertus en général, "la vertu rend bon celui qui la possède, et bonne l'oeuvre qu'il accomplit". Or, le bien peut se dire en deux sens :

  • d'une manière, matériellement, pour [désigner] ce qui est bon ;
  • d'une autre manière, formellement, selon la raison de bien (rationem boni).
    • Et le bien, en tant que [regardé sous] ce mode, est objet de la puissance appétitive.

[A. Habitus qui rectifient l'acte rationnel de la connaissance]

Et c'est pourquoi, s'il y a des habitus qui font droite la considération de la raison sans égard à la rectitude de l'appétit, [ces habitus] ont moins la raison de vertu en tant qu'ils n'ordonnent au bien que matériellement, 

  • c'est-à-dire ce qui est bon,
  • non [considéré] sous la raison de bien,

Sicut supra dictum est cum de virtutibus in communi ageretur, virtus est quae bonum facit habentem et opus eius bonum reddit. Bonum autem potest dici dupliciter,

  • uno modo, materialiter, pro eo quod est bonum;
  • alio modo, formaliter, secundum rationem boni.
    • Bonum autem, inquantum huiusmodi, est obiectum appetitivae virtutis.

A.

Et ideo si qui habitus sunt qui faciant rectam considerationem rationis non habito respectu ad rectitudinem appetitus, minus habent de ratione virtutis, tanquam ordinantes ad bonum materialiter,

  • idest ad id quod est bonum
  • non sub ratione boni,
 

[B. Habitus qui regardent la rectitude de l'appétit]

tandis que les habitus qui regardent la rectitude de l'appétit vérifient davantage la raison de vertu, car ils regardent le bien

  • non seulement matériellement
  • mais encore formellement,
    • c'est-à-dire ce qui est bon sous la raison de bien.

B.

plus autem habent de ratione virtutis habitus illi qui respiciunt rectitudinem appetitus, quia respiciunt bonum

  • non solum materialiter,
  • sed etiam formaliter,
    • idest id quod est bonum sub ratione boni

[C. L'habitus de prudence]

Or, il revient à la prudence, nous l'avons dit,

  • d'appliquer la raison droite à l'oeuvre, [= exécution dans une action = dernier des trois actes de la prudence]
  • ce qui ne se fait pas sans un appétit droit. [= ce qui ne peut se faire qu'en ordonnant les biens selon leur bonté]

C'est pourquoi la prudence

  • n'a pas seulement la raison de vertu que possèdent les autres vertus intellectuelles,
  • mais elle a en outre la raison de vertu que possèdent les vertus morales, au nombre desquelles elle figure aussi.

(Somme, II-II.q47a4)

C.

Ad prudentiam autem pertinet, sicut dictum est,

  • applicatio rectae rationis ad opus,
  • quod non fit sine appetitu recto.

Et ideo prudentia

  • non solum habet rationem virtutis quam habent aliae virtutes intellectuales;
  • sed etiam habet rationem virtutis quam habent virtutes morales, quibus etiam connumeratur.

 

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Bien, Bonté, Prudence, Vertu intellectuelle, Vertu morale, Raison de bien, Ratio boni, Formaliter, Materialiter

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a5 - En quoi la prudence se distingue-t-elle des autres vertus ?

  • Elle peut être distinguée d'une triple manière.

 

[La prudence distinguée des autres vertus intellectuelles]

La prudence étant dans la raison, nous l'avons dit, elle se diversifie (diversificatur) des autres vertus intellectuelles selon la diversité matérielle des objets.

  • Car la sagesse, la science et l'intelligence
    • sont à propos des [choses] nécessaires ;
  • l'art et la prudence,
    • [sont] à propos des [choses] contingentes ;

mais

  • l'art [est] à propos des [choses] fabriquables,
    • c'est-à-dire constituées dans une matière extérieure, comme une maison, un couteau, etc.,
  • tandis que la prudence est à propos des [choses] agibles,
    • lesquelles ont leur existence dans l'opérateur lui-même, nous l'avons montré.

[La prudence distinguée des autres vertus morales]

Mais par rapport aux vertus morales, la prudence est distinguée (distingitur) selon la raison formelle qui [fait] la distinction des puissances :

  • c'est à dire la [puissance] intellectuelle [d'une part], en quoi est la prudence ; [raison]
  • et la [puissance] appétitive [d'autre part], en quoi est la vertu morale. [appétit]

D'où il est manifeste que la prudence est une vertu spéciale, distinguée de toutes les autres vertus.

(Somme, II-II.q47a5)

A.

Sic igitur dicendum est quod cum prudentia sit in ratione, ut dictum est, diversificatur quidem ab aliis virtutibus intellectualibus secundum materialem diversitatem obiectorum.

  • Nam sapientia, scientia et intellectus
    • sunt circa necessaria;
  • ars autem et prudentia
    • circa contingentia;

sed

  • ars circa factibilia, quae scilicet in exteriori materia constituuntur, sicut domus, cultellus et huiusmodi;
  • prudentia autem est circa agibilia, quae scilicet in ipso operante consistunt, ut supra habitum est.

B.

Sed a virtutibus moralibus distinguitur prudentia secundum formalem rationem potentiarum distinctivam,

  • scilicet intellectivi, in quo est prudentia;
  • et appetitivi, in quo est virtus moralis.

Unde manifestum est prudentiam esse specialem virtutem ab omnibus aliis virtutibus distinctam.

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1. -- in ipso operante : [operante (participe) = celui qui opère, qui pose une action qui est elle-même l'oeuvre, la fin]

2. -- Elle peut être distinguée d'une triple manière, la prudence relève 

    1. du domaine pratique et non spéculatif, (art. 2)
    2. dans le domaine pratique elle relève de l'action et non de l'art, (art. 4.2)
    3. dans le domaine de l'action, elle est une vertu intellectuelle (elle raisonne à partir du futur pour l'action présente à travers le conseil et l'élection, etc.) et non une vertu qui traite directement de l'appétit (ce que seront la tempérance et la force).

Prudence

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a3 - La prudence doit connaître et les principes universels et les singuliers

  • Encore un court passage dans lequel l'agile Thomas montre autant de souplesse que de précision.

Il revient à la prudence, non seulement de considérer selon la raison, mais encore de s'appliquer à l'oeuvre, ce qui est la fin de la raison pratique. (...) Et c'est pourquoi il est nécessaire que le prudent 

  • et connaisse les principes universels de la raison
  • et connaisse les singuliers, objets des opérations.

(Somme, II-II.q47a3)

Ad prudentiam pertinet non solum consideratio rationis, sed etiam applicatio ad opus, quae est finis practicae rationis. (...) Et ideo necesse est quod prudens

  • et cognoscat universalia principia rationis,
  • et cognoscat singularia, circa quae sunt operationes.

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 1. Où l'on rappelle à l'occasion que l'action concrète est la fin de la raison pratique.

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Prudence, Raison pratique, Principes universels, Singulier

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a2ad2 - En lui-même, l'acte spéculatif ne relève ni du conseil ni de la prudence

  • Où Thomas montre qu'il est tout sauf un intellectualiste de salon, c'est un homme fermement enraciné dans la réalité pratique de la vie

L'acte de la raison spéculative lui-même, (...) dans la mesure où il est mis en relation avec [son] objet, qui est le vrai nécessaire, ne tombe ni sous le conseil ni sous la prudence.

(Somme, II-II.q47a2ad2)

Ipse actus speculativae rationis, (...) prout comparatur ad obiectum, quod est verum necessarium, non cadit sub consilio nec sub prudentia.

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Vérité, Nécessité, Prudence, Conseil, Raison spéculative

  • Dernière mise à jour le .

Thomas d'Aquin - II-II.q47a2ad3 - La prudence n'est pas spéculative ...

  • ... car elle regarde ce dont le chemin n'est pas déterminé d'avance
  • Toute application de la raison droite à quelque chose qu'on peut fabriquer relève de l'art. 
  • Mais de la prudence ne relève rien si ce n'est l'application de la raison droite aux [choses] dont il y a conseil.

Et les [choses] de ce genre sont dans les [choses] pour lesquelles ne sont pas des voies atteignant à la fin de manière déterminée ; comme il est dit dans l'Ethique à Nicomaque.

Donc, puisque la raison spéculative produit certains effets, comme le syllogisme, la proposition, etc., où l'on procède selon des voies fixes et déterminées,

  • la raison d'art est sauve par rapport à cela,
  • mais non pas la raison de prudence.

Et c'est pourquoi on peut trouver

  • quelque art spéculatif,
  • mais pas de prudence [spéculative].

(Somme, II-II.q47a2ad3)

  • Omnis applicatio rationis rectae ad aliquid factibile pertinet ad artem.
  • Sed ad prudentiam non pertinet nisi applicatio rationis rectae ad ea de quibus est consilium.

Et huiusmodi sunt in quibus non sunt viae determinatae perveniendi ad finem; ut dicitur in III Ethic.

Quia igitur ratio speculativa quaedam facit, puta syllogismum, propositionem et alia huiusmodi, in quibus proceditur secundum certas et determinatas vias;

  • inde est quod respectu horum potest salvari ratio artis,
  • non autem ratio prudentiae.

Et ideo invenitur

  • aliqua ars speculativa,
  • non autem aliqua prudentia.

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Art, Déterminisme, Détermination, Prudence, Détermination ad unum, Raison pratique, Raison spéculative

  • Dernière mise à jour le .

Thomas d'Aquin - II-II.q47a2ad1 - La prudence est la sagesse spécialisée dans le bien humain

... D'où il est manifeste que la prudence est sagesse

  • dans les choses humaines,
  • mais non pas sagesse absolument,

car elle ne porte pas sur la cause la plus élevée absolument ; 

en effet

  • la prudence porte sur le bien humain,
  • et l'homme n'est pas ce qu'il y a de meilleur entre toutes [les choses] qui sont.

Aussi est-il dit expressément (signanter) que la prudence est "sagesse pour l'homme", et non pas sagesse absolument.

(Somme, II-II.q47a2ad1)

Unde manifestum est quod prudentia est sapientia

  • in rebus humanis,
  • non autem sapientia simpliciter,

quia non est circa causam altissimam simpliciter;

  • est enim circa bonum humanum,
  • homo autem non est optimum eorum quae sunt.

Et ideo signanter dicitur quod prudentia est sapientia viro, non autem sapientia simpliciter.

 -----

1. "prudentia est sapientia viro" : mieux vaut ne pas traduire littéralement ! viro est le datif de vir qui signifie l'homme mâle. Dans la perspective de Thomas, c'est peut-être l'une de ses rares faiblesses, la femme est plus ou moins empétrée dans ses passions et ne peut réellement faire oeuvre de sagesse.

Il faudrait détailler ici pour être plus juste. 

Il serait intéressant de savoir si TH. a entendu parler d'Hildegarde Von Bingen (1098-1179), ou s'il l'a laissé volontairement de côté.

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Sagesse, Prudence, Sagesse absolue, Sagesse relative

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a1ad3 - En éthique, ne pas passer à la mise en oeuvre concrète est ce qu'il y a de pire, car on manque la fin

  • Où Thomas montre qu'il est tout sauf un intellectualiste de salon, c'est un homme fermement enraciné dans la réalité pratique de la vie

Ce passage est éblouissant de réalisme.

-----

Une prudence digne d'éloge ne consiste pas

  • dans la simple considération, 
  • mais dans l'application à l'oeuvre, ce qui est la fin de la raison pratique.

Et c'est pourquoi si en cela il y a défaut, c'est au plus haut point contraire à la prudence, 

parce que,

  • de même que la fin est ce qu'il y a de plus puissant (potissimus) dans quel que domaine que ce soit,
  • ainsi le défaut qui concerne la fin est le pire.

D'où la remarque complémentaire du Philosophe au même endroit, selon laquelle la prudence "n'est pas seulement avec la raison", comme [dans] l'art ; elle comporte en effet, comme on l'a dit, l'application à l'oeuvre, ce qui se fait par la volonté.

(Somme, II-II.q47a1ad3)

Laus prudentiae non consistit

  • in sola consideratione,
  • sed in applicatione ad opus, quod est finis practicae rationis.

Et ideo si in hoc defectus accidat, maxime est contrarium prudentiae, quia

  • sicut finis est potissimus in unoquoque,
  • ita et defectus qui est circa finem est pessimus.

Unde ibidem philosophus subdit quod prudentia non est solum cum ratione, sicut ars, habet enim, ut dictum est, applicationem ad opus, quod fit per voluntatem.

 -----

 1. Limpide. La recherche du bonheur ne peut être simplement théorique, elle passe par la mise en oeuvre pratique. Sans quoi l'erreur serait ici maximale.

2. Bien noter la référence à l'art, domaine loin d'être étranger à la réflexion de TH.

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Réalisme, Art, Fin, Prudence, Raison pratique, Application (exécution, mise en oeuvre), Erreur

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a1ad2 - La prudence regarde les moyens (les "ce en vue de la fin")

  • L'amour se sert de la raison en la mouvant au discernement

Le prudent considère

  • ce qui est loin en tant qu'ordonné
    • à une aide
    • ou à un empechement
  • envers ce qui est présentement amené dans l'action.

D'où il est patent que

  • ce qui est considérée par la prudence
  • est ordonné à une autre [chose] comme à sa fin.

Or, pour les [choses] qui sont en vue d'une fin [= les moyens]

  • il y a le conseil dans la raison,
  • et l'élection dans l'appétit.

De ces deux [actes],

  • le conseil relève plus proprement de la prudence :
    • le Philosophe dit en effet que le prudent "délibère bien".
  • Mais parce que l'élection présuppose le conseil
    • elle est en effet "l'appétit de ce qui a été préalablement délibéré (praeconsiliati)", selon Aristote,

l'acte d'élire peut encore (etiam) être attribué de façon logique (!!) conséquemment à la prudence, en ce sens que par le conseil elle dirige l'élection.

(Somme, II-II.q47a1ad2)

Prudens considerat

  • ea quae sunt procul inquantum ordinantur
    • ad adiuvandum
    • vel impediendum
  • ea quae sunt praesentialiter agenda.

Unde patet quod

  • ea quae considerat prudentia
  • ordinantur ad alia sicut ad finem.

Eorum autem quae sunt ad finem est

  • consilium in ratione
  • et electio in appetitu.

Quorum duorum

  • consilium magis proprie pertinet ad prudentiam,
    • dicit enim philosophus, in VI Ethic., quod prudens est bene consiliativus.
  • Sed quia electio praesupponit consilium,
    • est enim appetitus praeconsiliati, ut dicitur in III Ethic.;

ideo etiam eligere potest attribui prudentiae consequenter, inquantum scilicet electionem per consilium dirigit.

 -----

1.

La prudence s'enquiert des choses futures en vue des actions présentes à poser. Donc d'un côté un relatif et de l'autre une fin. La prudence s'occupe d'une chose médiate, les moyens.

Or, dans l'activité humaine, lorsqu'on en arrive à l'étape des moyens, deux actes entrent en jeu : le conseil (quel moyen ?) et l'élection (le moyen retenu). C'est un moment dans lequel l'appétit volontaire sous-traite à la raison la phase qui va permettre de retirer à la personne sa liberté face à la diversité des moyens : après le conseil on n'est plus libre d'opter pour tel ou tel moyen (d'où dé-libération). Au moment où il y a choix, la phase libre arbitre est derrière soi. Ce qui est intéressant puisqu'on voit d'habitude la liberté dans le choix alors qu'elle est plutôt dans le conseil [REFLECHIR ENCORE LA-DESSUS]. Quand il n'y a plus qu'un moyen, on le considère comme un bien, donc est davantage objet de l'appétit. Mais, dit TH., comme la raison a dû apporter son aide lors de la phase de conseil et que cet acte est maintenu dans la phase du choix, on peut aussi attribuer à la raison l'acte du choix. Ainsi l'acte d'élection est posé dans un acte appétitif soutenu par un acte de la raison.

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Raison, Choix (Election), Appétit, Prudence, Futur, Présent, Conseil

  • Dernière mise à jour le .

Thomas d'Aquin - II-II.q47a1ad1 - Quel lien entre amour et prudence ?

  • L'amour se sert de la raison en la mouvant au discernement

La volonté meut toutes les puissances à leurs actes. Or, le premier acte de la  puissance appétitive est l'amour, comme on l'a dit plus haut. Ainsi donc la prudence est dite amour,

  • non pas essentiellement,
  • mais en tant que l'amour meut à l'acte la prudence. 

Aussi S. Augustin ajoute-t-il à la suite que "la prudence est un amour discernant bien (bene discernens)

  • ce qui l'aide à tendre vers Dieu
  • de ce qui peut l'en empêcher".

Et l'amour est dit discerner, en tant qu'il meut la raison au discernement.

(Somme, II-II.q47a1ad1)

Voluntas movet omnes potentias ad suos actus. Primus autem actus appetitivae virtutis est amor, ut supra dictum est. Sic igitur prudentia dicitur esse amor

  • non quidem essentialiter,
  • sed inquantum amor movet ad actum prudentiae.

Unde et postea subdit Augustinus quod prudentia est amor bene discernens ea

  • quibus adiuvetur ad tendendum in Deum
  • ab his quibus impediri potest.

Dicitur autem amor discernere, inquantum movet rationem ad discernendum.

 -----

1. En dernier lieu, bien noter la relation entre la prudence et la tension amoureuse vers Dieu.

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Amour, Raison, Appétit, Prudence, Discernement

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Thomas d'Aquin - II-II.q47a1 - La prudence c'est voir au loin les incertitudes et confronter les possibles en vue de l'action à poser

Comme dit Isidore : "Le prudent est ainsi appelé comme voyant loin (porro videns) ;

  • il est perspicace en effet
  • et voit les cas incertains."

Or, la vision n'est pas une puissance appétitive mais une puissance cognitive. D'où Il est manifeste que la prudence relève directement d'une puissance cognitive.

  • Non toutefois d'une puissance [cognitive] sensitive :
    • parce que par elle en effet sont connues seulement les choses présentes et offertes aux sens.
  • Tandis que connaître le futur à partir du présent et du passé, ce qui est le fait de la prudence, est propre à la raison ;
    • parce que cette action est posée par une certaine collation [= confrontation].

D'où il reste que la prudence est proprement dans la raison.

(Somme, II-II.q47a1)

Sicut Isidorus dicit, in libro Etymol., prudens dicitur quasi porro videns,

  • perspicax enim est,
  • et incertorum videt casus.

Visio autem non est virtutis appetitivae, sed cognoscitivae. Unde manifestum est quod prudentia directe pertinet ad vim cognoscitivam.

  • Non autem ad vim sensitivam,
  • quia per eam cognoscuntur solum ea quae praesto sunt et sensibus offeruntur.
  • Cognoscere autem futura ex praesentibus vel praeteritis, quod pertinet ad prudentiam, proprie rationis est, quia hoc per quandam collationem agitur.

Unde relinquitur quod prudentia proprie sit in ratione.

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 1. Bien noter la référence à la collation, utiliser par ailleurs par TH. pour parler de l'oeuvre du libre arbitre.

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Raison, Connaissance, Appétit, Prudence, Conférer (Confrontation, Collation, Vis Collativa), Futur, Présent, Passé, Incertitude, Perspicacité

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